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31/05/2011 | FRANCE | N°10/10297

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre a, 31 mai 2011, 10/10297


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 31 MAI 2011

B.R.

N° 2011/













Rôle N° 10/10297







S.C.E.A DOMAINE HAUTE GREE





C/



S.A.R.L. PEPINIERES VEAUVY

Comp.d'assurances GROUPAMA SUD

SARL PEPINIERES DU VALOIS

SARL TOULEMONDE FRERES





















Grosse délivrée

le :

à :la SCP BLANC-CHERFILS

la SC

P MAYNARD - SIMONI la SCP LIBERAS - BUVAT - MICHOTEY

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE-LES-BAINS en date du 18 Mai 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 07/610.





APPELANTE



S.C.E.A DOMAINE HAUTE GREE prise ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 31 MAI 2011

B.R.

N° 2011/

Rôle N° 10/10297

S.C.E.A DOMAINE HAUTE GREE

C/

S.A.R.L. PEPINIERES VEAUVY

Comp.d'assurances GROUPAMA SUD

SARL PEPINIERES DU VALOIS

SARL TOULEMONDE FRERES

Grosse délivrée

le :

à :la SCP BLANC-CHERFILS

la SCP MAYNARD - SIMONI la SCP LIBERAS - BUVAT - MICHOTEY

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE-LES-BAINS en date du 18 Mai 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 07/610.

APPELANTE

S.C.E.A DOMAINE HAUTE GREE prise en la personne de son Dirigeant en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis, . - [Localité 1]

représentée par la SCP BLANC CHERFILS, avoués à la Cour,

assistée par Me Jean pierre VOLFIN, avocat au barreau de TARASCON

INTIMEES

S.A.R.L. PEPINIERES VEAUVY prise en la personne de son gérant en exercice domiciliée en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]

représentée par la SCP MAYNARD - SIMONI, avoués à la Cour,

assistée par Me Jean-Louis BARTHELEMY, avocat au barreau de VALENCE

Compagnie d'assurances GROUPAMA SUD prise en la personne de son dirigeant en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 4]

représentée par la SCP LIBERAS BUVAT MICHOTEY, avoués à la Cour,

assistée par Me Dominique BAYETTI, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE PROVENCE

S.A.R.L. PEPINIERES DU VALOIS prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis, [Adresse 3]

représentée par la SCP LIBERAS BUVAT MICHOTEY, avoués à la Cour

S.A.R.L. TOULEMONDE FRERES prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 5]

représentée par la SCP LIBERAS BUVAT MICHOTEY, avoués à la Cour

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 03 Mai 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, M.LAMBREY, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Gérard LAMBREY, Président

Monsieur Jean VEYRE, Conseiller

Monsieur Bernard ROUSSEAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Mai 2011.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Mai 2011,

Signé par Monsieur Gérard LAMBREY, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu le jugement du 18 mai 2010 du Tribunal de Grande Instance de Digne-les-Bains,

Vu la déclaration d'appel formée le 2 juin 2010 par la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree,

Vu les conclusions régulièrement déposées le 1er décembre 2010 par Groupama Sud,

Vu les conclusions régulièrement déposées le 28 janvier 2011 par la Société Pépinières Veauvy,

Vu les conclusions régulièrement déposées le 30 mars 2011 par la Société Pépinières du Valois et la Société Toulemonde Frères,

Vu les conclusions régulièrement déposées le 15 avril 2011 par l'appelante,

MOTIFS DE LA DECISION :

La Société Pépinières Veauvy a livré 22'350 plants de pommiers à la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree. Ces plants de pommiers ont été fournis par la Société Pépinières du Valois, les Pépinières des Costières, les Pépinières Roch et Valla, Cros Viguier et par la Société Pépinières Veauvy elle-même.

La S.C.E.A. Domaine de Haute Gree se plaignant de difficultés relatives à la reprise desdits plants de pommiers, a obtenu par ordonnance de référé du 30 juillet 1998 la désignation de M. [P] en qualité d'expert, lequel a été remplacé à sa demande par M. [W], par décision du 21 mars 2000. Ce dernier déposait son rapport le 5 juillet 2006.

Une nouvelle expertise n'apparaît pas justifiée dans la mesure où aucune constatation utile ne peut plus être faite, le sinistre remontant à près de 13 ans, l'expert [W] ayant procédé à toutes les recherches utiles qui lui étaient possibles d'effectuer, notamment en procédant à des excavations dans les sols complantés pour en constater les caractéristiques, et ayant examiné tous les documents qui pouvaient être réunis. Au vu de son rapport, qui contrairement aux affirmations de l'appelante, reprend les constatations relatives aux opérations de comptage effectuées par son prédécesseur M. [P], mais aussi au vu des pièces produites par les parties, et des rapports établis par les experts mandatés par celles-ci, la Cour possède les éléments suffisants pour statuer sur les demandes qui lui sont soumises.

La S.C.E.A. Domaine de Haute Gree entend se prévaloir des constatations et conclusions de l'expert [P] qui a établi un document intitulé « Genèse technique commentée ». Ce document comporte un tableau qui fait ressortir les résultats des comptages des plants morts et des pousses médiocres, effectués par M. [P], au cours des mois qui ont suivi le sinistre, en faisant apparaître une répartition notamment entre les origines des plants, leurs variétés, leurs dates d'arrachage en pépinières, leur date de livraison à la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree ainsi que le mode de greffage.

Ce tableau récapitulatif qui se fondait sur des constatations après sinistre a été repris pour l'essentiel dans le rapport de M. [W].

Il ressort de l'examen de ce tableau que les plants provenant de la Société Pépinières du Valois, présentent un taux anormalement élevé de plants morts et de pousses médiocres, variant de 42 à 63 %. Ces plants se caractérisent par rapport aux autres plants, par les éléments suivants:

- le nombre de jours entre l'arrachage chez le pépiniériste et la livraison à la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree atteint 78 à 107 jours selon les livraisons,

- le porte-greffe est le type M. 106,

- le greffage a été effectué sur table, alors que pour les autres plants il a été réalisé par écusson.

Sur les causes du sinistre :

Dans ses conclusions la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree entend se référer aux conclusions de l'expert [P], pour lequel la cause d'absences ou de mauvaises reprises des plants, est directement liée à la durée excessive de conservation des plants par les établissements Veauvy.

Cependant pour apprécier l'imputabilité de cette durée de conservation, il y a lieu de se reporter aux conditions de commande des plants de pommiers par la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree, et de livraison par la Société Pépinières Veauvy.

Par courrier du 25 mars 1997 la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree confirmait une commande de plants pour novembre 1997, à savoir 13'050 arbres de type Mondial Gala sur porte-greffe M. 106, et 7850 arbres de même type sur porte-greffe M9 EMLA ou à défaut de type PAJAM 2.

Il ressort d'un courrier en date du 26 novembre 1997 adressé par la Société Pépinières Veauvy à la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree, que le 7 novembre 1997 cette dernière a apporté une modification à sa commande et a sollicité une livraison pour fin novembre- décembre. La Société Pépinières Veauvy précisait que les plants Mondial Gala sur porte-greffe M. 106, étaient greffés sur table, et qu'elle tenait l'ensemble des plants à la disposition de sa cliente.

Il apparaît que par la suite, la livraison de ces plants a été différée au mois de février 1998 à la demande de la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree afin que les sols devant les recevoir soient prêts, ce qui a contraint la Société Pépinières Veauvy à procéder à la mise en jauge desdits plants en l'attente de leur livraison.

Il apparaît ainsi que la durée de la mise en jauge est due au retard pris par la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree dans la préparation de ses sols, et n'est pas imputable à la Société Pépinières Veauvy, l'arrachage des plants ayant été normalement effectué le 19 novembre 1997, pour une livraison prévue fin novembre- décembre.

L'expert [W] décrit en page 32 de son rapport, la jauge dans laquelle la Société Pépinières Veauvy a placé les plants litigieux, ainsi que les modalités de mise en jauge. Il indique qu'il n'a pu mettre en évidence aucune preuve de la déficience de la mise en jauge par la Société Pépinières Veauvy.

Certes la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree invoque une étude réalisée entre 2006 et 2008 par la station d'expérimentation arboricole La Pugère , ainsi qu'une note du 29 novembre 2006 du Ministère de l'Agriculture, selon lesquelles la conservation des plants en jauge serait à éviter sauf pour des délais très courts, voire inférieurs à une semaine, mais il y a lieu de relever que ces préconisations interviennent plus de 9 ans après les faits de l'espèce.

L'expert [W] qui a procédé à ses opérations d'expertise entre mars 2000 et juillet 2006, explique que le mode de stockage en jauge était utilisé depuis plusieurs dizaines d'années, sans remise en cause jusqu'alors. Il indique que la majorité des plants produits en France passaient en jauge avant toute plantation, pour des durées pouvant aller de 1 à 5 mois. Il indique que la tendance à remplacer la jauge par la chambre froide s'explique par le souci de rationalisation, tendant à mieux maîtriser les paramètres de conservation et à permettre de stocker les plants sur une période plus longue.

Au vu des pratiques, alors en vigueur à l'époque des livraisons litigieuses, la mise en jauge par la Société Pépinières Veauvy, de décembre 1997 à début février 1998, ne peut lui être imputé à faute, et ce d'autant moins que la mise en jauge en question n'apparaît pas avoir été la cause du sinistre.

L'expert relève en effet que les plants provenant de la pépinière de la Société Toulemonde Frères ont également subi une durée de jauge importante, mais n'ont pas été sinistrés. De même des plants issus de la même commande et livrés à d'autres producteurs ([F], [V] et [G]) n'ont révélé aucun dommage, malgré une durée de jauge supérieure à celle subie par la livraison fournie à la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree.

Il convient de relever que les livraisons des plants litigieux à la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree ont commencé le 5 février 1998, pour se poursuivre le 13 février, puis le 16 février et enfin le 10 mars 1998. Lors des premières livraisons aucune réserve n'a été émise. Ce n'est que le 16 février que le gérant de la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree aurait téléphoné à la Société Pépinières Veauvy pour signaler des déssèchements apicaux de plants.

Toutefois ce n'est que bien après ces livraisons que la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree a fait établir un procès-verbal de constat d'huissier, le 5 juin 1998, faisant apparaître que certains arbres présentaient une zone apicale desséchée sur 9 cm, un spécimen présentant une zone apicale sèche et morte sur une longueur d'environ 30 cm.

L'absence de réserves dûment exprimées et de constatations objectives de déssèchements lors de la livraison, conduit à penser que ce déssèchement a fait suite à la replantation par la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree.

En fait il apparaît que l'altération des arbres replantés sur le domaine de la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree, résulte de la conjonction de différents facteurs ayant conduit à un manque d'hydratation de ces plants.

L'expert [W] explique que les sols en cause étaient de qualité médiocre, classés en « lande » au cadastre, étant, avant la plantation de pommiers, en nature de terre, de bois et terre, et d'amandiers selon les parcelles. Par ailleurs il ressort de l'étude réalisée par la Société du Canal de Provence, que la parcelle A et partie de la parcelle B replantées, étaient classées en catégorie D2, caractérisée par une épaisseur du sol « faible à moyenne » entre 30 et 60 cm, une réserve en eau « assez faible », une fertilité potentielle « moyenne » et une charge en cailloux « élevées » entre 60 et 80 %, la parcelle D et partie de la parcelle B étant classées en catégorie E 2, caractérisée par une épaisseur du sol « faible » entre 20 et 30 cm, une réserve en eau « faible », une fertilité potentielle « moyenne ou faible » une charge en cailloux « très élevée» supérieure à 80 %.

L'expert a procédé à des excavations dans différents endroits du verger, et il en est ressorti qu'à l'exception d'un fond de vallon, sur une grande partie de la surface, il était en présence de sols difficiles, qui nécessitaient de prendre le maximum de précautions lors de la plantation, notamment en matière d'apports en eau et de fertilisation de fond.

L'expert relève que la plus forte mortalité a été enregistrée sur les sols de la parcelle D, qui étaient les plus mauvais sols, et que pour partie de cette parcelle, l'antécédent était un bois, des travaux de sous-solage très importants ayant été nécessaires, notamment pour en extraire les racines. Ces travaux ont eu pour conséquence d'aérer fortement le sol, ce qui a été de nature à limiter les effets de l'arrosage à la plantation.

L'expert a également étudié les effets de la climatologie, en relevant de fortes précipitations à la fin de l'automne 1997, une très faible pluviométrie en hiver, entre le mois de décembre et la fin du mois de mars, avant et au cours des plantations, ainsi qu'une absence de pluviométrie assimilable au niveau du plant en février et mars du fait de sa faible importance. Il en conclut qu'en raison de la nature du sol, caillouteux drainant, et de l'implantation en plateau, les réserves en eau étaient très faibles et les apports pluviaux sans effet lors de l'implantation des plants, en février et mars. En outre un vent continu a été enregistré, avec plusieurs pointes à 40 ou 50 km/h, fin février et surtout début mars, vitesse qui pouvait être plus importante sur les côteaux.

L'expert [W] décrit la préparation des sols, en évoquant des opérations de déboisage, dessouchage, débroussaillage, sous-solage et défonçage, qui se sont étagés entre septembre et novembre 1997, puis se sont poursuivis par un labour et le passage de disques, pour s'achever le 20 février 1998. Il en déduit que le sol était bien préparé, mais fortement bousculé et aéré lors de la plantation, aucune pluie n'étant venue le rasseoir.

L'expert [W] explique que la phase préparatoire consiste à créer une bonne aéération du sol, facteur d'un bon développement, de favoriser une circulation convenable de l'eau, de développer une capacité de rétention d'eau suffisante et de favoriser un bon développement du système racinaire, ce travail comportant des opérations lourdes de nivellement et d'ameublement du sol. Il ajoute que ces travaux doivent avoir lieu bien en amont, et en cas de défrichage, il est nécessaire de prévoir une culture de céréales pour garantir que le sol sera suffisamment rassis, sinon la préparation doit se faire au plus tard plusieurs mois avant la plantation et de préférence dans le courant de l'été, sur sol sec.

L'expert [W] relève que les différentes opérations de préparation effectuées par la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree, dont une certaine proportion s'est terminée à l'automne 1997, sont à l'opposé de ces bonnes pratiques fondamentales en arboriculture fruitière, le non-respect de cette règle de l'art ayant pour conséquence l'établissement d'une structure et d'une texture du sol et du sous-sol hétérogène générateur de facteurs dépressifs, préjudiciables à la bonne implantation du scion et de son développement.

L'expert [W] rappelle les conclusions du sapiteur qui affirme qu'il s'agit de sols propices à la culture du pommier, mais à condition impérative de mettre en place une alimentation hydrique adaptée et régulière, correspondant aux besoins propres de la plante à ses différents stades de développement. Or il a été constaté que l'aspersion n'était pas encore installée lors de la plantation et ne l'a été que du 29 mai au 17 juin, soit plus de 3 mois après la plantation.

Retenant un arrosage manuel de 5 à 10 l d'eau par pied le lendemain de la plantation, puis 3 autres arrosages à la fin du mois de mai , il est constaté qu'entre la plantation et la fin mai, aucun arrosage n'avait effectué, alors que, au contraire, en raison du faible périmètre des racines, un fractionnement de l'arrosage était indispensable.

Analysant les besoins en eau, en fonction de la pluviométrie, entre février et mai, l'expert constate que, bien qu'il n'y avait pas de déficit théorique cumulé en raison des pluies recueillies en avril, un fort besoin en eau en mars n'a été compensé qu'à partir de la 2e décade d'avril.

Rappelant les faibles précipitations du mois de janvier, l'expert conclut qu'il n'existait aucun stock disponible en eau et un déficit était enregistré dès la plantation, les plantations sinistrées ayant été réalisées mi-février et ayant dû se suffire durant près de 2 mois, de l'arrosage initial.

Reprenant les observations faites par le sapiteur, l'expert met en cause le mode de plantation par machine, de nature à avoir une incidence défavorable sur la reprise des plants. Il explique qu'en raison de la présence de gros cailloux et de pierres, ou de racines provenant d'une végétation antérieure, les disques ouvrant le sillon de plantation avaient tendance à créer une zone de contact hétérogène ou la création de poches d'air altérant le bon démarrage du systèmes racinaires.

Part ailleurs les plants sinistrés sont les seuls à avoir été greffés sur le porte-greffe M106, s'agissant d'un porte-greffe plus vigoureux que les autres porte-greffe (M9 et Pajam 2), cette vigueur induisant des besoins en eau plus importants de la plante. De plus il s'agit d'un porte-greffe dont le système racinaire est plus superficiel, ce qui induit une moins bonne résistance à la sécheresse, étant observé que c'est la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree qui a précisé dans son bon de commande de mars 1997 la nature des porte-greffe.

En outre les plants sinistrés sont les seules à avoir été greffés sur table, alors que le greffage en écusson se réalise sur le champ, permettant ainsi d'obtenir des plants dont le système racinaire est plus développé, ce type de greffage ayant une incidence sur la fragilité des plants lors de la reprise après replantation. L'expert précise que le choix du type de greffage par la Société Pépinières Veauvy, lequel n'est pas inhabituel, provient du fait que l'association greffon/porte-greffe commandée par la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree, constituait une référence peu demandée sur le marché. Il y a lieu de relever que dans sa lettre de confirmation de commande de novembre 1997, soit bien avant la livraison, la Société Pépinières Veauvy précisait à sa cliente que la variété Mondial Gala avait été greffée sur table, sur M. 106. Il appartenait à la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree soit de préciser le cas échéant, ses exigences en matière de greffe lors de sa commande, soit de prendre les précautions nécessaires pour procéder à une replantation des plants ayant subi ce type de greffe.

La S.C.E.A. Domaine de Haute Gree est mal fondée à reprocher à la Société Pépinières Veauvy et à la Société Pépinières du Valois un manquement à leurs obligations de délivrance, de conseil et d'information. En effet les plants livrés ont été conformes à la commande passée par la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree, et cette dernière se définit elle-même comme « un arboriculteur reconnu dont l'expérience était déjà ancienne au moment du sinistre... et n'ignorait par les caractéristiques de son sol ». S'agissant d'un professionnel avisé et expérimenté, la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree ne peut valablement invoquer un manquement à un devoir de conseil et d'information de ses fournisseurs.

Alors que dans son pré-rapport en date du 29 septembre 2004, l'expert [W] estimait que les fournisseurs de plants n'étaient pas responsables des dommages invoqués par la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree, il a cru devoir faire état, dans son rapport définitif des déductions de son sapiteur, M. [N], selon lequel la durée de transport des plants de 3 jours entre les pépinières du Valois et les établissement Veaujy, dans un camion bâché et non frigorifique, était excessive et préjudiciable, car entraînant une rupture dans la chaîne de conservation, pour retenir une incidence, qu'il qualifie lui-même de 'minime', mais pour laquelle il fixe entre 10 et 20 % la responsabilité des pépiniéristes.

L'expert [W] est loin d'approuver pleinement cette hypothèse, qu'il n'avait pas retenue dans son pré-rapport, puisqu'il explique que la preuve du caractère minime de l'incidence des conditions de transport, réside dans le fait que les plants issus du même lot et livrés à M. [M], ont bien repris.

En réalité la comparaison faite par M. [W] avec les plants livrés à M. [M], ne minimise pas l'hypothèse du sapiteur, mais l'anéantit, puisque preuve est ainsi faite que ce transport n'a pu avoir aucune incidence sur les difficultés de reprise des plants livrés par les pépinières Veaujy.

Il ressort en effet de l'examen comparé du tableau établi par l'expert [P], repris par l'expert [W], faisant ressortir l'origine des plants, avec leurs dates d'arrachage et de livraison, et de la facture du 5 février 1998 établie par la Société Pépinières Veauvy au nom du GAEC Les Varzelles (M. [M]), ainsi que du procès-verbal de constat du 21 juillet 1998 concernant les plantation de ce GAEC, qu'une partie de la production, à hauteur de 715 pieds, de Mondial Gala/M 106, greffés sur table, émanant des pépinières du Valois, et réceptionné par la Société Pépinières Veauvy, après transport d'une durée de 3 jours par camion bâché, a été livrée les 15 et 18 décembre 1997 à M. [M], et que ces plants ont normalement repris.

L'examen des tableaux figurant dans les rapports des deux experts, [P] et [W], montre que si quelques 715 plants Mondial Gala/M 106 ont été livrés par les pépinières Veaujy à M. [M], en décembre 1997, ceux-ci proviennent bien du lot arraché le 19 novembre 1997 et livré le 24 novembre aux pépinières Veaujy, puisque celle-ci, a dû procéder à la réception d'une commande complémentaire de 850 plants le 24 février 1997, pour remplacer le lot livré à M. [M] et compléter ainsi les livraisons à la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree, pour satisfaire sa commande de 13 050 pieds de Mondial Gala/M 106.

En conséquence il y a lieu de constater que le lot livré à M. [M] a la même origine, et a été transporté dans les mêmes conditions que les lots livrés à la SCEA, en février 1998.

Au demeurant il paraît vain de soutenir qu'un transport en camion bâché, en période de repos des plants, à une température nécessairement très basse, puisqu'effectué fin novembre, ait pu dessécher les plants au repos, alors que lors de leurs livraisons en février 1998, après passage en jauge de plus de 2 mois les parties s'accordaient pour dire devant l'expert [W] qu'il s'agissait de beaux scions, grands, de forme conique et présentant 5 à 7 anticipés plutôt homogènes (page 32 du rapport).

Par ailleurs M. [N] indique lui-même que le préjudice résultant des conditions de transport en camion bâché, et donc de la rupture de la chaîne de conservation, ne peut être total en raison de l'effet de masse qui, dans la mesure où les scions sont conditionnés en bottes de 10 unités, elles-mêmes regroupées en une seule ou plusieurs unités de volume conséquent, protège d'une agression extérieure, les individus se trouvant à l'intérieur de l'unité de volume. Ainsi si les conditions de transport avaient altéré les systèmes racinaires, un faible nombre de scions auraient été atteints, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque 40 à 60 % des plants sont morts ou ont présenté des pousses médiocres.

Il n'est donc pas établi qu'un vice caché peut être retenu quant aux plants livrés à la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree, puisqu'il n'est pas établi que ces plants aient été affectés dans leur vitalité par les conditions de transport entre la Société Pépinières du Valois et les établissement Veauvy, ni par leur conservation en jauge, étant rappelé que les plants produits par la Société Toulemonde Frères sont restés également en jauge pendant la même durée, sans qu'il ait été constaté de manquants supérieurs à la moyenne des productions non sinistrées .

La seule cause certaine du dépérissement des plants livrés à la SCEA, a été mise en évidence par l'expert [W], qui étudiant la pluviométrie locale au cours de l'hiver, puis pendant le printemps, et en relevant les conditions dans lesquelles ces plants ont été arrosés par l'acquéreur lors de leur plantation et au cours de la période qui a suivi, a démontré que ces jeunes plants ont été privés d'arrosage significatif à compter de leur plantation début février, jusqu'à la mi-avril, ce qui compte tenu de la nature du sol, et du fait que celui-ci avait été travaillé récemment et n'était pas rassis, a privé les plantations d'une hydratation nécessaire à leur reprise, l'expert relevant par ailleurs les effets néfastes de la plantation par machine, l'absence de tuteurage et de rabattage, ainsi que la nature des porte-greffe dont a fait choix la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree.

En conséquence il y a lieu de rejeter les demandes d'indemnisation formées par la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree. Par contre celle-ci est redevable du paiement des plants de pommes livrés, et sa condamnation au paiement des factures 811,812 et 813 du 31 mars 1998 d'un montant total de 44'245,03 €, sera confirmée, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 12 février 2008, date de l'assignation délivrée à la requête de la Société Pépinières Veauvy à l'encontre de la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree pour paiement des plants livrés, aucun taux d'intérêts de retard n'ayant été contractuellement prévu lors de la commande.

Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge des intimés les frais irrépétibles qu'ils ont exposés, il sera alloué la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la Société Toulemonde Frères, ainsi qu'à Groupama, et la somme de 5000 € à la Société Pépinières Veauvy et à la Société Pépinières du Valois.

PAR CES MOTIFS,

La Cour statuant par mise à disposition au greffe, publiquement et contradictoirement

Reçoit l'appel,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de nouvelle expertise formée par la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree, et mis hors de cause la Société Toulemonde Frères,

Le réforme pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

Déboute la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree de ses demandes en paiement,

Condamne la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree à payer à la Société Pépinières Veauvy la somme de 44'245,0 3 € avec intérêts au taux légal à compter du 12 février 2008,

Condamne la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree à payer à la Société Pépinières Veauvy la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree à payer à la Société Pépinières du Valois la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree à payer à la Société Toulemonde Frères la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree à payer à Groupama la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la S.C.E.A. Domaine de Haute Gree au entiers dépens, y compris les frais de l'expertise réalisée par M. [W], et dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre a
Numéro d'arrêt : 10/10297
Date de la décision : 31/05/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°10/10297 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-05-31;10.10297 ?
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