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10/11/2011 | FRANCE | N°10/04519

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11e chambre b, 10 novembre 2011, 10/04519


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

11e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 10 NOVEMBRE 2011



N° 2011/522













Rôle N° 10/04519







SARL AZUR OPTIQUE





C/



[X] [S] épouse [Y]





















Grosse délivrée

le :

à : TOUBOUL

LIBERAS















Décision déférée à la Cour :



Jugement du

Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 07 Janvier 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 05/09252.





APPELANTE



SARL AZUR OPTIQUE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal,

dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoués ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

11e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 10 NOVEMBRE 2011

N° 2011/522

Rôle N° 10/04519

SARL AZUR OPTIQUE

C/

[X] [S] épouse [Y]

Grosse délivrée

le :

à : TOUBOUL

LIBERAS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 07 Janvier 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 05/09252.

APPELANTE

SARL AZUR OPTIQUE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal,

dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoués à la Cour,

plaidant par Me HAWADIER de la SELARL HAWADIER, avocats au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMEE

Madame [X] [S] épouse [Y]

née le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 7],

demeurant [Adresse 6]

représentée par la SCP LIBERAS BUVAT MICHOTEY, avoués à la Cour,

plaidant par Me Gilbert BOUZEREAU de la SELARL BOUZEREAU - KERKERIAN, avocats au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 Septembre 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mr JUNILLON, conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Marie Chantal COUX, Président

Monsieur Michel JUNILLON, Conseiller

Madame Marie-Florence BRENGARD, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2011.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2011,

Signé par Madame Marie Chantal COUX, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Draguignan le 7 janvier 2010 dans l'instance opposant Madame [X] [Y] à la SARL AZUR OPTIQUE;

Vu l'appel interjeté par la SARL AZUR OPTIQUE à l'encontre de cette décision le 9 mars 2010;

Vu les conclusions récapitulatives déposées par la SARL AZUR OPTIQUE le 12 juillet 2011;

Vu les conclusions déposées par Madame [Y] le 13 décembre 2010;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 13 septembre 2011;

La SARL AZUR OPTIQUE est titulaire depuis 1963 d'un bail commercial portant sur un local situé [Adresse 2]. Le bail a été renouvelé pour la dernière fois par un acte sous seing privé du 2 janvier 1995 conclu pour une durée de 9 ans à compter du 1er janvier 1995.

Le 10 juin 2003, Madame [Y] a fait délivrer à la société locataire un congé avec offre de renouvellement pour le 31 décembre 2003 avec fixation d'un nouveau loyer. Les parties n'ont pu parvenir à un accord et, par acte d'huissier du 31 mars 2005, Madame [Y] a saisi le juge des loyers commerciaux près le Tribunal de grande instance de Draguignan.

Par jugement rendu le 17 novembre 2005, le juge des loyers commerciaux s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de grande instance de Draguignan au motif qu'il existait également une contestation sur la date de renouvellement du bail.

Par jugement en date du 11 janvier 2007, le Tribunal de grande instance de Draguignan a fixé la date de renouvellement du bail au 11 avril 2004 et, avant dire droit sur le montant du loyer, ordonné une expertise confiée à Monsieur [M].

Celui-ci a déposé son rapport le 4 février 2008 et, par jugement rendu le 7 janvier 2010, le Tribunal de grande instance de Draguignan a fixé le loyer de renouvellement à 24.150 euros annuels HT à compter du 11 avril 2004 avec intérêts au taux légal sur les sommes dues à compter de leur exigibilité. L'exécution provisoire du jugement a été ordonnée par décision du conseiller de la mise en état du 1er juillet 2010.

Régulièrement appelante du jugement rendu le 7 janvier 2010, la SARL AZUR OPTIQUE demande à la Cour de déclarer irrecevable la demande en fixation de loyer faute de notification du mémoire prévu par la loi après notification du rapport d'expertise, à titre subsidiaire de dire que la preuve d'une évolution notable des facteurs locaux de commercialité n'est pas rapportée et de débouter la bailleresse, à titre infiniment subsidiaire dire que la valeur locative ne saurait être fixée à un montant supérieur à 12.217 euros par an, fixer le loyer de renouvellement à ce montant et condamner Madame [Y] à restituer les sommes indûment perçues au titre de l'exécution provisoire.

Elle soutient que l'expert judiciaire n'a pas retenu une évolution des facteurs locaux de commercialité et que le tribunal ne pouvait se fonder sur la seule augmentation de la population.

Elle discute la valeur locative en indiquant que la surface pondérée des locaux loués s'établit à 53,19 m2 et non 69 m2 et que les éléments de comparaison produits permettent de retenir un prix de 230 euros par m2 et non de 400 euros.

Madame [Y] demande à la Cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré fondée la demande de déplafonnement, débouter la SARL AZUR OPTIQUE, fixer le loyer du bail renouvelé à la date du 11 avril 2004 à 34.000 euros par an, outre charges, impôts et taxes et subsidiairement 27600 euros conformément aux conclusions de l'expert judiciaire et dire que les sommes dues seront majorées des intérêts au taux légal à compter de leur date d'exigibilité.

Elle estime que le juge des loyers commerciaux s'étant déclaré incompétent au profit du Tribunal de grande instance, la procédure applicable n'était plus celle des articles 145-23 et suivants du code de commerce et qu'ainsi elle n'avait pas à déposer de mémoire après expertise, que si l'expert [M] ne s'est pas prononcé sur l'évolution des facteurs locaux de commercialité, celle-ci ressort de l'augmentation de la population et de l'édification de deux immeubles collectifs dans un secteur proche, que le loyer doit être fixé au vu des éléments de comparaison sur la base de 400 euros le m2.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR L'IRRECEVABILITÉ DE LA DEMANDE

Attendu que par jugement rendu le 17 novembre 2005 le Président du Tribunal de grande instance de Draguignan s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de grande instance de cette localité devant lequel l'affaire a été renvoyée;

Attendu que la procédure applicable devant cette dernière juridiction n'étant pas celle prévue aux articles R.145-23 et suivants du code de commerce, il ne peut être fait grief à la bailleresse de n'avoir pas déposé de mémoire après expertise;

Attendu que les parties ont régulièrement conclu après dépôt du rapport de l'expert [M];

Que l'exception d'irrecevabilité de la demande doit être rejetée;

SUR LE BIEN FONDE DE LA DEMANDE

Attendu que le bail commercial liant les parties a été renouvelé pour la dernière fois par acte du 2 janvier 1995 pour une période de neuf années à compter du 1er janvier 1995, moyennant un loyer annuel de 6.097,96 euros;

Attendu qu'il convient d'apprécier l'évolution des facteurs locaux de commercialité au cours de cette période;

Attendu que si l'expert judiciaire ne se prononce pas expressément dans le sens d'une évolution notable de ces facteurs, celle-ci ressort néanmoins des autres éléments produits aux débats et soumis à la discussion des parties;

Attendu en effet qu'il résulte du rapport établi par Monsieur [H], expert immobilier, le 16 septembre 2003, non contredit sur ce point par le rapport de Monsieur [D], expert évaluateur, du 20 juin 2011, qu'au cours de la période considérée la ville de [Localité 9] a vu sa population largement accrue (augmentation de la population de l'ordre de 2% par an), de même que sa population estivale du fait d'une capacité d'accueil très augmentée;

Attendu que le quartier où se trouve le local commercial a connu des modifications très sensibles et favorables du fait de l'édification de l'immeuble '[Adresse 5]' donnant sur la place [Adresse 8], de la restructuration de la Place [Adresse 4] et de la création d'un nouvel immeuble à usage de bureaux côté gare SNCF;

Attendu au contraire que l'affirmation de Monsieur [D] selon laquelle ces aménagements auraient eu pour effet de détourner le flux de chalands de la partie haute du [Adresse 2] vers les places en question et des commerces concurrents n'est étayée par aucune pièce;

Attendu qu'au vu de ces éléments il convient de retenir que les facteurs locaux de commercialité ont évolué de façon notable et durable ce qui autorise le déplafonnement du loyer;

SUR LA VALEUR LOCATIVE

Attendu que les locaux loués, situés dans un secteur commerçant du centre ville de [Localité 9], consistent, ainsi qu'il est énoncé au bail du 2 janvier 1995, en un magasin faisant angle entre le [Adresse 2] et une impasse, une pièce contigüe utilisée à usage d'atelier, une mezzanine et un sous-sol;

Attendu que la surface de 100 m2 doit être pondérée ainsi que l'a retenu l'expert [M] soit:

- Local de réception de la clientèle 49m2 coef. 1 = 49,00 m2

- Atelier 8m2 coef. 0,5 = 4,00 m2

- Mezzanine 12m2 coef. 0,3 = 3,50 m2

- Sous-sol 31 m2 coef. 0,4 = 12,50 m2

----------

Total 69,00 m2

Attendu que l'affirmation de l'appelante selon laquelle l'atelier est une partie commune qui ne peut être prise en compte est contredite par les termes mêmes du bail qu'elle a signé;

Attendu que le bail est à usage de 'tous commerces' et permet la sous-location, que l'impôt foncier est laissé à la charge du bailleur;

Attendu que la valeur locative doit être fixée au vu de ces éléments et par référence aux prix couramment pratiqués dans le voisinage au besoin corrigés en considération des différences constatées entre les locaux loués et ceux de référence;

Attendu que pour écarter les éléments de référence fournis par la locataire établissant une valeur locative moyenne de 181 €/m2/an, l'expert judiciaire indique que les loyers apparents ne constituent pas à eux-seuls la valeur locative des murs commerciaux et que se pose la question de la prise en compte des éventuels prix de cession de droit au bail qui, décapitalisés sur neuf années, porte la valeur locative à un prix très supérieur, qu'il donne l'exemple d'un bail consenti [Adresse 3] moyennant un loyer mensuel de 1.600 euros pour 70 m2 soit 274 €/m2/an avec versement d'un droit au bail de 300.000 € lequel décapitalisé sur 9 ans constitue un supplément de loyer de 476 € /m2/an soit une valeur locative de 750 €/m2/an;

Attendu cependant que la valeur du droit au bail constitue un élément du fonds de commerce et ne correspond pas à une somme que perçoit le bailleur, qu'elle ne peut être transformée en loyer et intégrée d'une manière artificielle aux loyers payés couramment pratiqués dans le voisinage auxquels le juge doit se référer pour le calcul du loyer renouvelé;

Attendu que les éléments de comparaison fournis par l'expert [H] ont été examinés par l'expert judiciaire qui précise que le travail effectué est bien fait et documenté, qu'ils peuvent être retenus avec les correctifs apportés concernant les surfaces et l'indexation, que par contre la majoration appliquée pour tenir compte de l'emplacement doit être réduite dès lors que le commerce concerné fait angle avec une impasse et non avec une rue passante;

Attendu que l'appelante produit aux débats d'autres éléments de comparaison fournis par l'expert [D], relatifs à des locaux commerciaux également situés [Adresse 2], que ceux-ci ne sont pas discutés par l'intimée;

Attendu qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, et après majoration de 20% pour bail 'tous commerces', la valeur locative doit être fixée à 290 € /m2 pondéré/an soit pour 69 m2:

290 € x 69 m2 = 20.010 euros par an HT;

Que le jugement déféré sera en conséquence réformé;

SUR LA DEMANDE EN RESTITUTION DU TROP PERÇU

Attendu que la société appelante ne justifie pas par les pièces produites du règlement des loyers à Madame [Y];

Qu'il n'y a pas lieu en conséquence de faire droit à sa demande en restitution du trop perçu;

SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 700 DU CPC ET LES DÉPENS

Attendu que la demande de déplafonnement étant fondée et le loyer étant fixé à une somme supérieure à celle offerte dans le congé avec offre de renouvellement du 10 juin 2003, il convient de mettre les dépens à la charge de la société locataire et d'allouer à la bailleresse une indemnité de 1.000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles d'appel, cette somme s'ajoutant à celle accordée par le premier juge sur le fondement de l'article 700 du CPC;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement

- Rejette l'exception d'irrecevabilité de la demande

- Réforme le jugement déféré sur le montant du loyer de renouvellement; Le confirme pour le surplus

Et statuant à nouveau des chefs réformés

- Fixe le loyer de renouvellement du bail à 20.010 euros par an à compter du 11 avril 2004, outre charges impôts et taxes récupérables sur le locataire

- Dit que les loyers seront exigibles selon les termes et conditions du bail à compter du 11 avril 2004 et majorés des intérêts au taux légal sur les sommes dues à compter de leur date d'exigibilité et jusqu'à parfait paiement

- Dit que les autres clauses et conditions du bail demeurent inchangées

Y ajoutant

- Condamne la SARL AZUR OPTIQUE à payer à Madame [X] [Y] la somme de 1.000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du CPC

- Rejette toutes autres demandes des parties

- Condamne la SARL AZUR OPTIQUE aux dépens d'appel distraits au profit de la SCP d'avoués LIBERAS-BUVAT-MICHOTEY conformément à l'article 699 du CPC.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 11e chambre b
Numéro d'arrêt : 10/04519
Date de la décision : 10/11/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence B1, arrêt n°10/04519 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-11-10;10.04519 ?
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