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23/05/2012 | FRANCE | N°11/18513

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 23 mai 2012, 11/18513


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 23 MAI 2012



N° 2012/234













Rôle N° 11/18513







[G] [G]

SA SOCIETE DEPARTEMENTALE DES TRANSPORTS DU VAR





C/



[E] [W]

[N] [W]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 13]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR



SA COVEA FLEET



















Grosse délivré

e

le :

à :

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 07 Octobre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 10/3435.





APPELANTS



Monsieur [G] [G]

né en à , demeurant [Adresse 17]

représenté par ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 23 MAI 2012

N° 2012/234

Rôle N° 11/18513

[G] [G]

SA SOCIETE DEPARTEMENTALE DES TRANSPORTS DU VAR

C/

[E] [W]

[N] [W]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 13]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR

SA COVEA FLEET

Grosse délivrée

le :

à :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 07 Octobre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 10/3435.

APPELANTS

Monsieur [G] [G]

né en à , demeurant [Adresse 17]

représenté par la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

ayant Me Olivia DUFLOT CAMPAGNOLI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SA SOCIETE DEPARTEMENTALE DES TRANSPORTS DU VAR, poursuites et diligences de son représentant légal en exercice y domicilié, [Adresse 3]

représentée par la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

ayant Me Olivia DUFLOT CAMPAGNOLI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Monsieur [E] [W]

né le [Date naissance 4] 1986 à [Localité 18], demeurant [Adresse 6]

représenté par la SCP BOISSONNET ROUSSEAU, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

ayant Me Frédérique MARTIN, avocat au barreau de SAINTES

Monsieur [N] [W]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 11/2746 du 10/03/2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX EN PROVENCE)

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 10], demeurant [Adresse 7]

représenté par la SCP BOISSONNET ROUSSEAU, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

ayant Me Frédérique MARTIN, avocat au barreau de SAINTES

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 13], prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié

[Adresse 5]

assignée,

défaillante

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR,

demeurant [Adresse 22]

assignée en intervention forcée,

défaillante

PARTIE INTERVENANTE

SA COVEA FLEET, RCS [Localité 14] B 342 815 339 , INTERVENANT VOLONTAIRE,

agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice y domicilié. [Adresse 2]

représentée par la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

ayant Me Olivia DUFLOT CAMPAGNOLI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 04 Avril 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Laure BOURREL, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Brigitte VANNIER, Présidente

Madame Laure BOURREL, Conseiller

Madame Patricia TOURNIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2012

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Mai 2012,

Signé par Mme Brigitte VANNIER, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure, moyens et prétentions des parties

le 21 avril 2003 à [Localité 12], M. [E] [W] âgé de 16 ans comme né le [Date naissance 4] 1986 qui conduisait son scooter, a été gravement blessé dans un accident de la circulation qui est survenu sur son trajet travail-domicile avec un bus appartenant à la SA Société Départementale des Transports du Var qui s'abrège en SODETRAV, véhicule conduit par M. [G] [G] et assuré par la société Azur Assurances.

Aucun accord n'ayant pu être conclu entre les parties, par exploit du 4 février 2008 M. [E] [W] a assigné en référé M. [G] [G], la société SODETRAV et la CPAM de [Localité 13] et par ordonnance du 9 avril 2008, le président du tribunal de grande instance de Draguignan a commis le docteur [A] [A] en qualité de médecin expert.

Celui-ci qui avait examiné la victime à la demande de la société Azur Assurances, assureur de la société SODETRAV, a été remplacé par le docteur [H] [H], lequel a clôturé son rapport le 24 novembre 2008.

Par exploits des 12, 20 et 22 avril 2010, M. [E] [W] et son père M. [N] [W] ont assigné M. [G] [G], la société SODETRAV et la CPAM de Charente-Maritime en indemnisation de leurs préjudices.

Par déclaration du 25 octobre 2010, M. [G] [G] et la société SODETRAV ont relevé appel du jugement du 7 octobre 2010 du tribunal de grande instance de Draguignan qui a :

' dit que M. [E] [W] avait droit à l'indemnisation de son entier préjudice,

' condamné la SA SODETRAV à payer à M. [E] [W] les sommes de :

*7'300 € au titre du déficit fonctionnel temporaire

*230'000 € au titre de l'incidence professionnelle

*8'000 € au titre des souffrances endurées

*80'500 € au titre du déficit fonctionnel permanent

*2000 € au titre du préjudice esthétique

*1000 € au titre du préjudice d'agrément

' condamné la SA SODETRAV à payer à M. [N] [W] les sommes de :

*3000 € au titre du préjudice matériel

*3000 € au titre de son préjudice moral

' rejeté les demandes formées à l'encontre de M. [G],

' condamné la SA SODETRAV à payer à Messieurs [E] et [N] [W] la somme de 1000 € chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamné la SA SODETRAV aux dépens,

' ordonné l'exécution provisoire à hauteur de la moitié du montant des condamnations.

Par ordonnance du premier président de la cour d'appel de céans du 24 janvier 2011, la SA SODETRAV a été autorisé à consigner la somme de 350'000 € avant le 1er avril 2011 entre les mains du président de la Carsaix.

Par ordonnance du 5 avril 2011, le conseiller de la mise en état a débouté M. [E] [W] de sa demande de provision et dit que les dépens de l'incident suivront le sort de ceux de l'instance au fond.

Par conclusions du 10 mars 2011, la SA Covéa Fleet est intervenue volontairement à la procédure d'appel auprès de M. [G] [G] et de la SA SODETRAV.

Par ordonnance du 20 septembre 2011, l'affaire a été radiée en l'absence d'assignation de la CPAM du Var dans le délai imparti.

Après assignation de cet organisme social, l'affaire a été réenrôlée par placet du 27 octobre 2011 et a bénéficié d'une fixation prioritaire par application des dispositions de l' article 905 du code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives du 16 février 2012, M. [G] [G], la SA SODETRAV et la SA Covéa Fleet demandent à la cour de :

« Vu les dispositions de l'article L. 376 ' 1 du code de la sécurité sociale,

Déclarer nul et non avenu le jugement dont appel.

Subsidiairement sur le fond :

Vu les dispositions de la loi du 5 juillet 1985,

Réformer le jugement dont appel.

Dire et juger que M. [E] [W] a commis une faute de nature à exclure tout droit à indemnisation.

En conséquence, débouter ce dernier de l'ensemble de ses demandes et le condamner à restituer les indemnités provisionnelles versées à hauteur de 5'000 €.

À titre plus subsidiaire :

Dire et juger que M. [E] [W] a commis des fautes de nature à limiter son droit à indemnisation à hauteur de 2/3.

Déclarer satisfactoires les offres indemnitaires formulées par les concluants comme suit :

' incidence professionnelle

préjudice intégral 100'000 €

préjudice après indemnisation 33'333,33 €

créances des tiers payeurs 33'333,33 €

solde revenant à la victime 0 €

' DFP 35 %

préjudice intégral 80'500 €

préjudice après indemnisation 26'833,33 €

créances des tiers payeurs 26'833,33 €

solde revenant à la victime 0 €

' DFT

préjudice intégral 7'300 €

préjudice après indemnisation 2433,34 €

créances des tiers payeurs 2433,34 €

solde revenant à la victime 0 €

' souffrances endurées 4/7

préjudice intégral 8000 €

préjudice après indemnisation 2666,67 €

créances des tiers payeurs 0 €

solde revenant à la victime 2166,67 €

' préjudice esthétique

préjudice intégral 2000 €

préjudice après indemnisation 666,67 €

créances des tiers payeurs 0 €

solde revenant à la victime 666,67 €

' préjudice d'agrément

préjudice intégral : débouté

préjudice après indemnisation

créances des tiers payeurs 0 €

solde revenant à la victime : débouté

Dire et juger qu'il y aura lieu de réduire des postes incidence professionnelle, DFP et DFT les arrérages échus et le capital rente versés à M. [E] [W].

Déduire des sommes allouées les indemnités provisionnelles d'un montant de 5'000 € versées à M. [E] [W].

Autoriser les concluants à récupérer les fonds consignés auprès de la Carpa Aix conformément à l'ordonnance de référé du 24 janvier dernier, déduction faite des sommes revenant à la victime.

Débouter M. [N] [W] de l'ensemble de ses demandes.

Dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner tout succombant aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Tollinchi Perret-Vigneron Bujoli-Tollinchi. »

Par conclusions du 22 mars 2011, qui sont tenues pour entièrement reprises, M. [E] [W] et M. [N] [W] demandent à la cour de :

« Vu les articles de la loi du 5 juillet 1985,

Vu les pièces versées aux débats,

Vu les conclusions du rapport d'expertise judiciaire,

Statuant à nouveau et déclarant recevable mais mal fondé l'appel interjeté par M. [G] et la société SODETRAV, la cour de céans confirmera purement et simplement les dispositions du jugement soumis à sa censure et ce faisant :

Débouter M. [G] et la société SODETRAV de toutes leurs demandes, fins et conclusions, tant sur la forme que sur le fond.

Dire que la faute de M. [G] et la cause exclusive et directe de l'accident subi par M. [E] [W].

Condamner in solidum M. [G] et la société SODETRAV à verser à M. [E] [W] la somme de 406'051,25 € au titre du préjudice souffert toutes causes confondues.

Dire et juger qu'il n'y a pas lieu à réduire son droit à indemnisation au regard des circonstances de l'accident.

Condamner in solidum M. [G] et la société SODETRAV à verser à M. [N] [W] la somme de 100'000 € au titre du préjudice souffert toutes causes confondues.

Condamner M. [G] et la société SODETRAV à verser tant à M. [E] [W]

qu'à M. [N] [W] une somme de 1500 € chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les condamner solidairement aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais de signification d'actes, dont distraction au profit de la SCP Boissonnet Rousseau aux offres de droit par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. »

Régulièrement assignées à personne habilitée, la CPAM du Var et la CPAM de Charente-Maritime ne se sont pas faites représenter, mais par courrier respectivement du 10 janvier 2012 et du 21 juin 2011, ces deux organismes sociaux ont fait connaître le montant de leurs débours.

L'instruction de l'affaire a été close le 2 avril 2012.

Motifs

Sur la nullité

Aux termes de l'alinéa 8 de l'article L. 376 ' 1 du code de la sécurité sociale, l'intéressé ou ses ayants droits doivent indiquer en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques et ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement.

La dernière phrase de cet alinéa ajoute qu'à défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fonds pourra être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle le dit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt.

Le jugement du 7 octobre 2010 du tribunal de grande instance de Draguignan qui est frappé d'appel, n'est pas définitif.

La demande en nullité des appelants est donc irrecevable.

Au demeurant, M. [E] [W] avait appelé en la cause la CPAM de Charente-Maritime dont il dépendait au moment où il a engagé son action et depuis, conformément au texte rappelé ci-dessous, la CPAM du Var a été assignée.

La procédure est donc en état.

Sur le droit à indemnisation de M. [E] [W]

La faute de la victime ayant contribué à son préjudice doit être appréciée en faisant abstraction du comportement de l'autre conducteur.

Il résulte de la procédure pénale établie par les militaires de la gendarmerie de la brigade territoriale de [Localité 12], que l'accident du 20 avril 2003 s'est produit à 8 heures 45, hors agglomération, sur une route bidirectionnelle rectiligne et plate, où la vitesse est limitée à 90 km/heure, au niveau de l'arrêt de bus des [Localité 9].

Le bus conduit par M. [G] [G] s'est arrêté pour laisser monter un passager, en empiétant d'un mètre sur la chaussée alors qu'il existe un emplacement spécifique.

M. [E] [W] qui circulait dans le même sens que le bus a heurté violemment celui-ci à l'arrière gauche et s'est encastré sous celui-ci, subissant un traumatisme crânien malgré le port du casque de protection.

Entendu, M. [G] [G] a déclaré qu'il avait mis ses feux de détresse avant de s'arrêter, et que le choc avait eu lieu alors que le client avait commencé à monter les marches du bus.

Il a précisé que les feux de détresse du bus sont automatiquement actionnés à l'ouverture des portes.

Il explique qu'il n'a pas utilisé l'emplacement réservé permettant le stationnement d'un autocar en dehors de la chaussée parce que son rétroviseur droit aurait heurté l'abribus.

M. [D] [D] qui avait stationné son véhicule sur l'aire de bus des [Localité 9] de l'autre côté de la route, a déclaré qu'il avait entendu un choc presque immédiatement après que le bus se soit arrêté.

M. [Y] [Y], qui se trouvait dans sa propriété de l'autre côté de la route par rapport à l'abribus, a confirmé que le car était arrêté depuis un court instant lorsque la moto l'a percuté, et alors que les warning de l'autobus fonctionnaient.

Il a ajouté que le car qui était arrêté, avait été dépassé par un véhicule 4X4 gris que suivait la moto, et il pense que le pilote de la moto n'a pas vu le bus arrêté sur le bord de la chaussée à cause de ce 4X4 qu'il devait regarder.

Compte tenu de la nature de ses blessures, M. [E] [W] ne se souvient pas des circonstances de l'accident.

Dans leurs écritures, M. [G] [G] et la société SODETRAV expliquent que puisque le 4X4 qui précédait M. [E] [W] avait pu faire un écart pour éviter le bus, la victime aurait dû pouvoir en faire autant.

Mais, il ne peut être reproché à M. [E] [W] d'avoir circulé sur le bord droit de la chaussée et de ne pas avoir circulé sur la gauche de celle-ci, en infraction au code de la route.

Aucune faute n'étant établie à l'encontre de M. [E] [W], la victime sera indemnisée de son entier préjudice.

Sur l'indemnisation de M. [E] [W]

Il résulte du rapport d'expertise du docteur [H] [H] qu'ensuite de l'accident du 21 avril 2003, M. [E] [W] né le [Date naissance 4] 1986, apprenti cuisinier en première année de CAP, a présenté des plaies superficielles de la face et du genou gauche, une perte de la dent numéro 12 et un grave traumatisme crânien avec coma d'emblée et Glasgow à 4, avec au scanner, un hématome extra dural fronto pariétal droit avec oedème cérébral, hémorragie au niveau de la tempe du cervelet, fracture temporo pariétale droite, fracture du sinus maxillaire gauche, fracture de l'orbite droite sans lésion des nerfs optiques.

Il a également été noté un comblement hémorragique du sinus maxillaire gauche et des cellules ethmoïdales avec épistaxis et otorragie droite.

Après avoir été intubé, ventilé et sédaté, devant l'apparition d'une mydriase droite témoignant de la souffrance cérébrale, l'hématome extra dural a été évacué en urgence.

L'évolution a été ensuite favorable permettant l'extubation le 8 mai puis l'ostéosynthèse de la fracture du plancher de l'orbite droite.

Le 18 juin il a été constaté une discrète hypo acousie droite à 13,5 db, non génératrice d'un déficit fonctionnel.

Au réveil il a été constaté une hémiparésie droite et des troubles cognitifs, une agitation avec troubles confusionnels et des éléments d'un syndrome frontal.

M. [E] [W] a été hospitalisé en réanimation jusqu'au 4 mai 2003, en soins intensifs jusqu'au 7 mai 2003, en O.R.L. jusqu'au 13 mai 2003 puis en centre de convalescence puis de rééducation jusqu'au 18 juillet 2003.

Son état a été réévalué en hôpital le 6 novembre 2003.

Dans les suites, outre les traitements usuels, la victime a dû bénéficier de 30 séances de rééducation, d'une cinquantaine de séances d'orthophonie, puis suite à des troubles du comportement, elle a été hospitalisée en psychiatrie (HDT) du 19 au 22 août 2005, et depuis, M. [E] [W] est suivi en CMP, y compris depuis son arrivée à [Localité 19].

Sur le plan scolaire et professionnel, M. [E] [W] a repris sa formation de cuisinier à compter de novembre 2003.

Mais il a échoué en juin 2004 à son CAP.

Il a travaillé ensuite comme commis de cuisine pendant deux mois puis en octobre 2004, il a intégré une école hôtelière privée en internat dont il a été exclu au printemps 2005 pour des problèmes de drogue (shit).

Il a, à nouveau, échoué à son CAP en juin 2005.

Il est rentré comme aide cuisinier le 25 août 2005 dans un centre de vacances de [Localité 12] où il ne restera que 24 heures, car il va se battre avec le chef de cuisine.

Il sera ensuite embauché dans un autre restaurant à [Localité 20] mais au bout de six semaines, il sera renvoyé pour absence (il oubliait régulièrement de se rendre au travail).

Les deux garçons de M. [N] [W] devenant très difficiles, leur père les a installés dans un mobilhome dans un camping d'où ils seront renvoyés pour des problèmes addictifs.

M. [E] [W] retourne alors vivre chez son père.

Après une évaluation effectuée à [Localité 11], il intègre pour six mois un centre d'aide par le travail à [Localité 16].

Après six mois passés à son domicile, il intègre le 23 octobre 2007 le centre d'adaptation et de réadaptation au travail (CART) d'[Localité 8] et ce pour trois ans (sortie prévue le 23 octobre 2010).

Parfaitement entouré par les éducateurs, ce séjour où il pratique diverses activités, semble se passer correctement.

Le 1er mai 2005, après consolidation, la CPAM lui a attribué un taux d'invalidité en accident du travail de 50 %.

Le 1er novembre 2008, il lui a été reconnu la qualité de travailleur handicapé pour cinq ans.

Le jour de l'examen, soit cinq an et demi après l'accident, M. [E] [W] poursuit un traitement médicamenteux particulièrement lourd et est suivi deux fois par mois en CMP.

Sur le plan physique, le docteur [H] a noté une course très légèrement dysharmonieuse.

Le docteur [H] a requis l'avis sapiteur du docteur [U] [U], neurologue, mais aucune des parties n'a estimé nécessaire de produire son rapport.

Le docteur [H] [H] a conclu ainsi qu'il suit :

'DFT : du 21 avril 2003 au 18 juillet 2007, le 6 novembre 2003, du 19 au 22 août 2005,

'DFP : entre ces dates jusqu'à la consolidation,

' consolidation : 27 septembre 2005,

' IPP : 35 %,

' absence de préjudice d'agrément caractérisé, mais gêne dans les activités de course du fait des séquelles fonctionnelles,

' souffrances endurées : 4,5/7,

' préjudice esthétique : 2/7,

' nécessité d'une aide de guidance : deux heures par semaine à caractère viager,

' absence de répercussions sexuelles,

' remplacement de la prothèse de la dent numéro 12 dont la durée de vie moyenne est de 10 ans,

' nécessité de prise en charge à titre viager d'un traitement médicamenteux,

' retentissement professionnel évident qui nécessitera à terme, soit un travail à temps partiel, soit un travail en milieu adapté,

' l'état de M. [E] [W] ne devrait plus évoluer en aggravation ou en amélioration par rapport à l'état séquellaire actuel.

La cour dispose ainsi des éléments lui permettant de déterminer le préjudice de M. [E] [W] qui doit être réparé dans son intégralité sans perte ni profit pour aucune des parties.

Préjudices patrimoniaux avant consolidation

Dépenses de santé actuelles

En l'absence de demande de ce chef de la victime, elles sont constituées uniquement par les débours de la CPAM du Var qui se sont élevées à la somme de 60'444,22 €.

Perte de gains professionnels actuels

M. [E] [W] ne sollicite aucune indemnisation de ce chef.

Toutefois, il convient de noter que du 1er mai 2003 au 31 octobre 2003, la CPAM du Var lui a versé la somme de 1579,29 € à titre d'indemnités journalières et qu'à compter du 1er mai 2005, la CPAM du Var lui a versé une rente d'incapacité permanente de 3993,44 € annuels, soit du 1er mai 2005 à la date de consolidation le 27 septembre 2005, une somme de 1663,93 €.

Le solde des arrérages échus de la rente d'incapacité permanente est donc de 26'436,45€.

Préjudices patrimoniaux permanents

Dépenses de santé future

La CPAM de Charente-Maritime a fait connaître que ses débours engagés en 2007 et 2008 se sont élevés à la somme de 6557,95 €.

Pour sa part, la CPAM du Var a calculé à 24'480,56 € le montant des frais futurs qu'elle sera amenée engager pour M. [E] [W].

En revanche, bien que le docteur [H] ait retenu qu'il fallait envisager le remplacement tous les 10 ans de la prothèse de la dent numéro 12, M. [E] [W] n'a formulé aucune demande de ce chef.

Incidence professionnelle

D'après ses écritures, depuis janvier 2009, M. [E] [W] aurait travaillé à l'ESAT (absence de précisions) avec beaucoup de difficultés compte tenu de son traitement médicamenteux et de ses problèmes psychologiques.

Cependant, les deux dernières pièces produites par la victime révèlent que celle-ci a été hospitalisée le 29 janvier 2011 au centre hospitalier spécialisé [15] à [Localité 21] qui est un établissement de soins psychiatriques.

Il suit de là que malgré ses efforts afin de trouver un emploi, l'état de M. [E] [W] ne lui permet pas de conserver ses emplois.

Cette perte de chance sera indemnisée par la somme de 300'000 € conformément à la demande de la victime.

Toutefois, il résulte de l'article L. 432 ' 2 du code de la sécurité sociale que la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent.

Il convient donc de déduire de la somme de 300'000 €, les arrérages échus et le capital représentatif de la rente calculés par la CPAM du Var, soit respectivement 26 436,45 € d'arrérages échus versés depuis la consolidation et 75'460,52 € au titre du capital représentatif de la rente.

Il revient donc à la victime sur ce poste de préjudice la somme de 198'103,03 €.

Tierce personne

Nonobstant les conclusions du docteur [H] qui précise qu'il est nécessaire de prévoir deux heures par semaine d'assistance humaine, la victime n'a formulé aucune demande de ce chef.

Préjudices extra patrimoniaux avant consolidation

Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice indemnise, pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

M. [E] [W] a été en ITT du 21 avril 2003 au 18 juillet 2007.

Conformément à la demande de la victime, il lui sera alloué la somme de 7'551,25 €.

Souffrances endurées

Évaluées 4,5/7 par le médecin expert, elles seront indemnisées par l'allocation de la somme de 8'000 € conformément à la demande des parties et à la décision déférée.

Préjudices extra patrimoniaux permanents

Déficit fonctionnel permanent

Conformément à l'accord des parties sur ce point et à la décision déférée, ce poste de préjudice sera évalué à la somme de 80'500 €.

Préjudice esthétique

De même, conformément à l'accord des parties et à la décision déférée, ce poste de préjudice sera évalué à la somme de 2000 €.

Préjudice d'agrément

D'après le rapport du docteur [H] M. [E] [W] qui a été champion de judo et a pratiqué le football, n'avaient aucune activité sportive ou de loisirs au moment de l'accident qu'il n'a pu reprendre après cet événement.

Toutefois, la cour retient que l'état séquellaire de la victime ne lui permettra pas d'entreprendre les loisirs que tout jeune gens de 16 ans peut espérer pratiquer dans sa vie future, surtout après avoir eu antérieurement des activités sportives soutenues.

Il lui sera donc alloué la somme de 8'000 € conformément à sa demande.

Sur le préjudice de M. [N] [W]

Préjudice moral

Les proches qui sont confrontés au spectacle de la survie diminuée et gravement handicapé de la victime, qui partagent effectivement sa vie et ont leur propre vie concrètement perturbée par l'accident, subissent un trouble véritable et profond dans leurs conditions d'existence.

M. [N] [W], divorcé, s'occupe seul de son fils [V] [W].

Il explique que la situation de son fils qui a nécessité un accompagnement de tous les instants, a entraîné la liquidation judiciaire de la SARL dont il était le gérant, tout ceci l'ayant plongédans une profonde dépression.

Le préjudice moral de M. [N] [W] sera indemnisé par l'allocation de la somme de 30'000 €.

Préjudice économique et/ou matériel

M. [N] [W] explique qu'il a déménagé à plusieurs reprises pour suivre son fils en fonction des établissements dans lesquels il était accueilli.

Mais, en l'absence de toute pièce, M. [N] [W]ne justifie pas et surtout ne permet pas de quantifier ce préjudice.

M. [N] [W] sera débouté de ce chef de préjudice.

Sur la condamnation de M. [G] [G]

M. [G] [G] étant le préposé de la SA SODREVAL, et l'accident ayant eu lieu dans l'exécution de son contrat de travail, seule la SA SODREVAL sera condamnée à indemniser Messieurs [E] et [N] [W].

La décision déférée sera confirmée sur ce point.

Sur l'intervention volontaire de la SA Covéa Fleet

Les consorts [W] ne formulent aucune demande à l'encontre de la SA Covéa Fleet, partie intervenante en cause d'appel.

Il sera donc uniquement constaté cette intervention volontaire.

*

**

Afin de tenir compte des provisions déjà versées, les condamnations seront prononcées en deniers ou quittances.

L'équité commande de faire bénéficier M. [E] [W] des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à l'exclusion de toute autre partie, puisque son père, M. [N] [W] bénéficie de l'aide juridictionnelle totale.

La SA SODREVAL qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens, qui comprendront les frais de signification d'actes.

Par ces motifs

La cour,

Confirme la décision entreprise excepté dans le quantum des sommes allouées à Messieurs [E] et [N] [W],

Et statuant à nouveau, et y ajoutant,

Constate l'intervention volontaire de la SA Covéa Fleet,

Condamne la SA Société Départementale des Transports du Var à payer, en deniers ou quittances, à M. [E] [W] la somme de 304'154,28 € en indemnisation de son préjudice corporel et la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Condamne la SA Société Départementale des Transports du Var à payer à M. [N] [W] la somme de 30'000 € au titre de son préjudice moral,

Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,

Condamne la SA Société Départementale des Transports du Var aux dépens d'appel, y compris les frais de signification d'actes, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et à celles relatives à l'aide juridictionnelle.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 11/18513
Date de la décision : 23/05/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°11/18513 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-05-23;11.18513 ?
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