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29/05/2012 | FRANCE | N°11/11024

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 29 mai 2012, 11/11024


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 29 MAI 2012



N°2012/366

BP













Rôle N° 11/11024







SARL EAS MONECONCEPT





C/



[U] [K]









































Grosse délivrée le :



à :



Me JOUTEUX, avocat au barreau de POITIERS



M

e MOLINES, avocat au barreau de GRASSE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 18 Mai 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/803.





APPELANTE



SARL EAS MONECONCEPT, demeurant [Adresse 1]



représentée par Me...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 29 MAI 2012

N°2012/366

BP

Rôle N° 11/11024

SARL EAS MONECONCEPT

C/

[U] [K]

Grosse délivrée le :

à :

Me JOUTEUX, avocat au barreau de POITIERS

Me MOLINES, avocat au barreau de GRASSE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 18 Mai 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/803.

APPELANTE

SARL EAS MONECONCEPT, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean Pascal JOUTEUX, avocat au barreau de POITIERS

INTIME

Monsieur [U] [K], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Sébastien MOLINES, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 12 Avril 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte PELTIER, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL, Président

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Brigitte PELTIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Monique LE CHATELIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Mai 2012

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Mai 2012

Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame Monique LE CHATELIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le 16 août 1993, M. [U] [K] est entré au service, en qualité d'ingénieur, de la société Moneconcept, devenue EAS-MONECONCEPT, en suite d'une opération de fusion-absorption en date du 20 juin 2008 ; il a été licencié pour motif économique par courrier en date du 6 avril 2010 ;

Par déclaration du 16 juin 2011, la société EAS-MONECONCEPT a interjeté appel d'un jugement en date du 18 mai 2011, au terme duquel le conseil de prud'hommes de Grasse, saisi le 25 juin 2010, a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, en raison d'un manquement à son obligation de reclassement, et l'a condamné au paiement des sommes de 18.490 euros à titre de dommages et intérêts, outre article 700 du code de procédure civile, tout en condamnant M. [K] au remboursement de la somme de 363,27 euros à titre de frais avancés de mutuelle et prévoyance ;

Aux termes de leurs écritures, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, de la procédure, et des prétentions, les parties formulent les demandes suivantes :

La société EAS-MONECONCEPT, conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a reconnu le motif économique du licenciement et condamné le salarié au remboursement de frais, et à la réformation de la décision quant au manquement à l'obligation de reclassement ; Elle sollicite le débouté de M. [K] outre sa condamnation au paiement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'entiers dépens.

Elle expose être intégrée à un groupe financier composé de huit sociétés, comptant 70 salariés au total dont 3 autres ingénieurs seulement, dont le travail était sans lien avec celui de M. [K], chargé d'étudier et développer la fabrication de cartes électroniques intégrées dans des terminaux de paiement ; elle soutient que le licenciement a un réel caractère économique, que l'ordre des licenciements a nécessairement été respecté dans la mesure où M. [K] était le seul ingénieur électronique parmi les 70 salariés du groupe ; qu'après vaines recherches de reclassement au sein des entreprises du groupe, et convocation du comité d'entreprise, M. [K] a accepté la convention de reclassement personnalisée le 30 mars 2010 ; que ses démarches de reclassement, et ce, en l'absence de notion de Groupe au sens du licenciement économique, sont satisfaisantes ; que les lettres, visant au reclassement du salarié, envoyées en même temps à la même adresse administrative, étaient suffisamment précises en ce qu'elles indiquaient « poste d'ingénieur, travaillant à temps partiel (121h/mois) à 3.081 euros par mois » ; qu'un poste de DAF a été offert sans que le salarié ne prenne position sur cet emploi ; qu'aucun texte ni jurisprudence n'impose d'évoquer les qualités de la personne à reclasser et ce, d'autant qu'au cas d'espèce, M. [K] était connu de M. [W], dirigeant légal des sociétés Sedeco, Monecarte, Cartax, Moneparc, Hortec et EAS-MONECONCEPT ; qu'elle a informé le salarié du maintien de ses contrats mutuelle et prévoyance ;

M. [K] sollicite paiement des sommes de 55.458 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 9.243 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de l'ordre de licenciement, 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, le tout sous bénéfice des intérêts de droit capitalisés, et frais d'huissier supportés par la partie défaillante en cas d'exécution forcée outre remise des documents sociaux sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

Il conclut à l'absence de motif économique réel et sérieux à la date du licenciement, au non respect de l'obligation de reclassement, au non respect de l'obligation de formation du salarié, au non respect de l'ordre des licenciements ;

Il fait valoir qu'il existe bien un comité d'entreprise représentant les 70 salariés du groupe et ce, alors qu'aucune des sociétés en cause ne compte plus de 50 salariés ; que dès le 26 février 2010, soit 8 jours seulement après la date de l'entretien au cours duquel son licenciement économique était envisagé, l'employeur annonçait au comité d'entreprise l'absence de possibilité de reclassement « au sein de la société et du groupe » ; qu'il ressort de l'ensemble des pièces du dossier (lettre d'embauche, liste du personnel, bulletins de salaire) qu'il était employé en qualité d'ingénieur et non d'ingénieur électronicien, fonction qui n'occupait que 10 % de son temps de travail ; que les lettres-type envoyées par l'employeur étaient insuffisamment précises pour apprécier utilement ses qualités ; qu'aucun des courriers en réponse, émanant des sociétés du groupe n'est signé ; qu'il n'est produit qu'un seul accusé de réception pour les sociétés Cartax et Sedeco portant toutes deux un même numéro d'envoi ; que le courrier adressé à la société Moneparc et pourtant réceptionné par elle, ne l'a pas été à l'adresse de son siège social ; que ce courrier porte également le même numéro d'envoi que celui adressé à la société Adcarte ; que la réponse de la société Hortec Ingenieurie, dont le gérant est M. [W], est signée par un nommé [N] [D] dont la qualité n'est pas précisée ; qu'il a été licencié avant même que la société Sedimo ait répondu ; qu'il ne peut être soutenu qu'une offre écrite et précise a été formulée au titre d'un emploi de directeur administratif et financier ; qu'il résulte de l'entretien préalable du 11 mars 2010 que M. [E], sans justifier d'aucun effort de formation et d'adaptation, a refusé de lui offrir un poste de commercial au motif que le groupe préférait recruter suivant le profil du poste ;

SUR CE

Sur le motif du licenciement :

En application de l'article L. 1233-2 du code du travail : «Tout licenciement pour motif économique est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre. / Il est justifié par une cause réelle et sérieuse.» et en application de l'article L. 1233-3 du même code : «Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. / Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants, résultant de l'une des causes énoncées au premier alinéa.» ;

Au cas d'espèce, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige énonce : «(...) Les motifs économiques à l'origine de la procédure sont les suivants : / La société MONECONCEPT a accusé une perte très importante de 230.000 € sur l'exercice 2008, et, malgré une diminution d'effectif en 2009, les résultats économiques ne permettent toujours pas un retour à l'équilibre financier. / Spécialement, la création de cartes électroniques qui correspond à votre poste, ne génère plus de besoin de développement. Ces derniers sont devenus quasi-inexistants du fait de la baisse d'activité et de l'absence de commande de nos clients : Sedeco, Monecarte, Cartax... / Il s'ajoute que vous êtes le seul dans l'entreprise et dans le groupe à travailler sur le développement de cartes électroniques. / compte tenu de la diminution de la production, votre poste, générateur de charges non compensées par le chiffre d'affaires dégagé, ne peut être maintenu. Il en va de la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise (...) »

La société EAS-MONECONCEPT expose avoir souscrit pour l'achat de la société EAS un emprunt d'un montant de 500.000 euros sur 7 ans, et que depuis 2008, ses résultats sont insuffisants alors que les comptes courants des sociétés Sedeco et Cap Monetique sont respectivement de 350.000 et 30.000  euros ; elle indique que ses sociétés clientes Sedeco, Monecarte, Cartax et Moneparc connaissent une baisse d'activité liée à des changements technologiques résultant de la baisse de la copie papier au profit du numérique ainsi que des cartes privatives de paiement ; que le poste de M. [K] chargé de la conception et réalisation de cartes électroniques intégrées aux systèmes commercialisés par les sociétés du groupe, lesquelles ont un secteur d'activité distinct, n'a plus d'utilité  ; que les charges de sa rémunération ne sont plus compensées par le chiffre d'affaire généré par son activité et que la compétitivité de l'entreprise en est affectée ;

Toutefois, M. [K] qui fait valoir que les difficultés économiques ne peuvent s'apprécier qu'à la date du licenciement, observe que l'employeur se fonde sur l'exercice clos au 31 décembre 2008, soit un an et demi avant la date de son licenciement, alors qu'il ressort de l'étude de l'exercice clos au 31 décembre 2009 (pièce 9) d'une part que le chiffre d'affaire de la société n'a cessé d'augmenter depuis l'année 2006, passant de 671.000 euros à 1.551.000 euros, d'autre part que le déficit visé dans la lettre de licenciement est fictif comme ne résultant que du remboursement des prêts souscrits pour un montant de 800.000 euros, notamment auprès de la société Sedeco, pour l'absorption de la société EAS ;

De fait, la cause du déficit invoqué dans la lettre de licenciement, et résultant de l'emprunt souscrit par l'employeur, n'est pas contestée non plus que l'augmentation du chiffre d'affaire de la société ;

Par ailleurs, si la société EAS-MONECONCEPT soutient que les autres entreprises du groupe relèvent d'un secteur d'activité différent, force est d'admettre qu'elle n'en rapporte pas la démonstration puisqu'elle indique d'une part que la société « a pour activité l'étude et la fabrication de matériels monétiques pour cartes privatives », d'autre part que « M. [K] avait une activité dominante d'étude et de développement pour la fabrication de cartes électroniques intégrées dans des terminaux de paiement (...) » et ce, alors qu'il ressort de la présentation du groupe Cap Monétique que ce dernier « est spécialisé dans les systèmes multi applications de paiement, de contrôle d'accès et de gestion des flux par carte privative magnétique ou à puce et (') désormais présent dans tous les secteurs où l'idée de monétique s'est imposée (...) » ;

Il s'ensuit d'une part que M. [K] est fondé à soutenir l'absence de réelles difficultés économiques et que d'autre part l'employeur ne démontre pas, au terme des pièces produites au dossier, que la compétitivité de l'entreprise était affectée par les charges résultant de sa rémunération et que la suppression de son poste, sans qu'aucune transformation d'emploi ne soit envisageable, s'imposait ;

Il suit de ce qui précède que le jugement dont appel au terme duquel les 1ers juges ont dit que le licenciement de M. [K] s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse sera confirmé par substitution de motifs, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le second moyen tiré d'un manquement à l'obligation de reclassement ;

M. [K] comptait une ancienneté de 17 ans et percevait une rémunération brute de 3.081 euros pour 121 heures mensuelles de travail ; il démontre avoir suivi une formation en qualité d'électricien d'équipement durant les 6 premiers mois de l'année 2011, s'être inscrit auprès de la société Adecco en cette qualité et avoir bénéficié d'une mission à compter du 13 février 2012 ; il justifie avoir souscrit un emprunt immobilier d'un montant de 184.000 euros en 2006 d'une durée de 300 mois et fait valoir que son licenciement le met dans une situation délicate pour honorer le remboursement de cet emprunt ;

Il en résulte que l'indemnisation de son préjudice sera justement évalué par l'allocation d'une indemnité de 52.500 euros ;

Sur la demande en dommages et intérêts au titre du non respect de l'ordre des licenciements :

M. [K] sollicite paiement de 3 mois de salaires à titre de dommages et intérêts pour non respect des critères de l'ordre des licenciements ;

Toutefois, et alors qu'il ne peut être alloué au salarié licencié des dommages-intérêts pour inobservation de l'ordre des licenciements, en complément de l'indemnité destinée à réparer l'intégralité de son préjudice subi par suite de la perte injustifiée de son emploi, sa demande ne peut en conséquence qu'être rejetée ;

Sur les dépens et l'article 700 du nouveau code de procédure civile :

La société EAS-MONECONCEPT qui succombe à l'instance d'appel est condamnée à en payer les dépens, outre une somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré, par substitution de motifs, en ce qu'il ce qu'il a déclaré sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [K] et condamné ce dernier au remboursement de la somme de 363,27 euros.

Le réforme pour le surplus, et statuant à nouveau,

Condamne la société EAS-MONECONCEPT à payer à M. [U] [K] la somme 52.500 euros à titre de dommages et intérêts.

Condamne la société EAS-MONECONCEPT à payer à M. [U] [K] la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société EAS-MONECONCEPT aux entiers dépens.

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LEPRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre b
Numéro d'arrêt : 11/11024
Date de la décision : 29/05/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°11/11024 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-05-29;11.11024 ?
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