La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/09/2012 | FRANCE | N°11/09560

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 13 septembre 2012, 11/09560


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 13 SEPTEMBRE 2012



N° 2012/

GP











Rôle N° 11/09560





[R] [Z]





C/



Société GROUPE PROTECTOR









































Grosse délivrée le :



à :



Me Pierre-henry FOURNIER, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Caroline MACHAUX, avocat au barreau de NICE





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 05 Mai 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/1413.







APPELANT



Monsieur [R] [Z], demeurant [Adre...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 13 SEPTEMBRE 2012

N° 2012/

GP

Rôle N° 11/09560

[R] [Z]

C/

Société GROUPE PROTECTOR

Grosse délivrée le :

à :

Me Pierre-henry FOURNIER, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Caroline MACHAUX, avocat au barreau de NICE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 05 Mai 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/1413.

APPELANT

Monsieur [R] [Z], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Pierre-henry FOURNIER, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Société GROUPE PROTECTOR, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Caroline MACHAUX, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 03 Juillet 2012 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL, Président

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Brigitte PELTIER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Monique LE CHATELIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Septembre 2012.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Septembre 2012.

Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame Monique LE CHATELIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [R] [Z] a été embauché en qualité d'agent de prévention et de sécurité le 20 janvier 2003 par la SARL GROUPE PROTECTOR.

Il a contesté le 29 décembre 2009 sa nouvelle affectation de jour sur la CAMS de [Localité 4] à partir de janvier 2010 alors qu'il travaillait de nuit sur le site CHARABOT à Plan de Grasse, considérant que sa nouvelle affectation constituait une modification substantielle de ses conditions de travail et une rétrogradation de ses fonctions.

La SARL GROUPE PROTECTOR a contesté le 5 janvier 2010 qu'il s'agissait d'une rétrogradation et qu'il y ait eu modification de sa rémunération et a demandé au salarié un justificatif de son absence sur son poste de travail depuis le 4 janvier 2010.

Par courrier recommandé du 11 janvier 2010, Monsieur [R] [Z] a été convoqué à un entretien préalable pour le 21 janvier à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, puis un « très sérieux avertissement » lui a été notifié le 1er février 2010 pour le non respect de ses obligations contractuelles.

Monsieur [R] [Z], qui n'a pas réintégré son poste de travail, a saisi la juridiction prud'homale par requête du 22 février 2010 de demandes en résiliation judiciaire de son contrat de travail, en annulation des avertissements des 22 décembre 2009 et 1er février 2010 et en paiement de repos compensateurs, de compensation au droit individuel de formation et d'indemnités de rupture.

Par jugement du 5 mai 2011, le Conseil de Prud'hommes de Grasse a débouté Monsieur [R] [Z] de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné à payer à la SARL GROUPE PROTECTOR 100 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

Monsieur [R] [Z] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur par courrier recommandé du 25 mai 2011.

Ayant relevé appel du jugement prud'homal, Monsieur [R] [Z] conclut à l'infirmation du jugement aux fins de voir prononcer la nullité de l'avertissement du 22 décembre 2009, de voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail du fait de l'attitude fautive de l'employeur à la date du 31 décembre 2009, subsidiairement, de voir juger que sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail à la date du 25 mai 2011 est fondée sur une inexécution de ses obligations par l'employeur et s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de voir condamner la SARL GROUPE PROTECTOR à lui payer :

-21 120 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice,

-3500 € de préavis,

-2464 € d'indemnité légale de licenciement,

-1760 € de congés payés,

-609,70 € d'indemnité de repos compensateurs,

-1125,60 € à titre de compensation du droit individuel à la formation,

de voir ordonner la délivrance de l'attestation Pôle emploi mentionnant la rupture des relations contractuelles au 31 décembre 2009 sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, et à la condamnation de la SARL GROUPE PROTECTOR au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il fait valoir que par différents mails et courriers adressés à son employeur entre le 26 avril 2009 et le 9 novembre 2009, il a réclamé le paiement du repos compensateur sur les heures de travail de nuit, que pour toute réponse, la SARL GROUPE PROTECTOR lui a adressé une convocation à entretien préalable pour le 17 novembre 2009 suivie d'un avertissement injustifié par courrier du 22 décembre 2009, que son employeur est incapable de justifier les « nécessités de service » qui l'auraient conduit à le retirer du site sur lequel il travaillait depuis plus de 4 ans pour l'affecter à [Localité 4], que ces décisions n'avaient pour but que de le punir en réaction à une réclamation salariale justifiée et que la SARL GROUPE PROTECTOR lui a, de surcroît, notifié par courrier du 10 décembre 2010 la résiliation unilatérale de la mutuelle complémentaire dont il bénéficiait depuis son embauche, ce qui constitue également une modification de son contrat de travail fondant sa prise d'acte.

La SARL GROUPE PROTECTOR conclut à la confirmation du jugement déféré aux fins de voir constater que Monsieur [R] [Z] occupe un emploi par nature mobile, de voir constater qu'il a, dès le début de son embauche, travaillé sur différents sites de nuit comme de jour, n'importe quel jour de la semaine, de voir constater que la société concluante n'a pas modifié le contrat de travail de Monsieur [R] [Z] mais n'a fait que l'appliquer, de voir constater qu'elle a strictement appliqué la Convention collective des entreprises de prévention et de sécurité, qu'elle a agi de bonne foi et dans l'intérêt du bon fonctionnement du service, de voir constater l'absence de tout manquement de la part de la société concluante, de voir constater que Monsieur [R] [Z] a perçu son solde de tout compte comprenant le solde de repos compensateurs et de congés payés, en conséquence, de voir juger que la société concluante n'a commis aucun manquement grave justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail, de voir juger que la prise d'acte de rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission, de voir débouter l'appelant de toutes ses demandes, et à la condamnation de Monsieur [R] [Z] à lui payer 1167,33 € à titre de dommages-intérêts pour non respect du préavis et brusque rupture, 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés en première instance et en cause d'appel ainsi qu'aux dépens.

Elle fait valoir que, le salarié ayant attiré son attention à deux reprises sur une erreur involontaire de décompte de ses repos compensateurs de nuit, elle a à chaque fois régularisé le paiement desdits repos compensateurs (sur bulletins de juin et novembre 2009), que le salarié n'a d'ailleurs plus été amené à formuler la moindre réclamation à la suite de la régularisation de novembre 2009, que la demande de Monsieur [R] [Z] d'annulation de l'avertissement du 22 décembre 2009 n'a pas lieu d'être puisque le courrier en question ne constitue pas un avertissement ni même une quelconque sanction, qu'elle a été contrainte, pour faire face à une pénurie de personnel qualifié sur les sites des CAMS de [Localité 4], de modifier l'affectation du salarié à compter du mois de janvier 2010, que le contrat de travail de Monsieur [R] [Z] prévoyait une clause de mobilité géographique en conformité avec les dispositions conventionnelles, que ce changement d'affectation du salarié n'entraînait aucune modification de sa rémunération contractuelle, que la décision de résiliation de la mutuelle complémentaire ne provient pas de l'employeur mais de l'assureur et a affecté l'ensemble des salariés de l'entreprise et que la SARL GROUPE PROTECTOR n'a commis aucun manquement susceptible de justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail ou la prise d'acte aux torts de l'employeur.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est renvoyé au jugement entrepris, aux pièces de la procédure et aux conclusions des parties oralement reprises.

SUR CE :

Sur la demande en annulation de l'avertissement du 22 décembre 2009 :

Attendu que Monsieur [R] [Z] soutient que, suite à son courrier du 28 octobre 2009 réclamant l'inscription d'un solde de repos compensateurs sur heures de nuit à son compte, il a reçu un courrier d'avertissement injustifié du 22 décembre 2009 ;

Attendu que la SARL GROUPE PROTECTOR verse aux débats différents courriers de rappel à l'ordre et avertissement adressés à Monsieur [R] [Z] : courrier du 13 mai 2005 lui reprochant de n'avoir effectué que 2 rondes au lieu des 4 prévues dans la nuit du 16 avril 2005, courrier du 21 octobre 2005 et courriers d'avertissement des 23 novembre et 6 décembre 2005 reprochant au salarié d'avoir ôté ses chaussures durant son service (les pieds sur le bureau), courrier du 28 avril 2006 le mettant en demeure d'effectuer ses tournées en 45 minutes minimum (25 minutes de ronde dans la nuit du 20 au 21 avril 2006), courrier du 23 juin 2006 dénonçant l'usage abusif par le salarié du déclenchement du dispositif d'astreinte de l'entreprise, courrier du 24 octobre 2006 pour non respect de son planning, mise à pied disciplinaire de 2 jours notifiée le 5 juillet 2007 pour avoir bu de l'alcool, mise à pied disciplinaire de 3 jours notifiée le 13 janvier 2009 pour non respect des consignes, courrier d'avertissement du 20 novembre 2009 pour manque de sérieux (notamment pour des rondes effectuées « à la hâte ») ;

Attendu qu'à la suite d'un courriel du client, l'entreprise CHARABOT, adressé à la direction du GROUPE PROTECTOR le 7 décembre 2009 ayant pour objet une « faute professionnelle » et dénonçant, à l'occasion d'un incident dans la nuit du 6 au 7 décembre 2009, le non respect par Monsieur [R] [Z] de la procédure d'appel des astreintes, la SARL GROUPE PROTECTOR a envoyé au salarié un courrier recommandé du 22 décembre 2009 en ces termes :

« Nous sommes à nouveau saisis d'une réclamation, du client et du chef de poste, pour non respect de procédure. Nous vous avouons ne plus savoir comment interpréter votre attitude. Les nombreuses sanctions faites à votre encontre n'ont aucune incidence sur votre comportement. Que cherchez-vous '

Pour quelle raison, dans la nuit du 06 au 07/12/09, alors que vous avez constaté un débordement de produits à CHARABOT, n'avez-vous pas suivi la procédure d'appel des astreintes ' Pourquoi avez-vous appelé l'astreinte mécanique alors que vous saviez qu'elle n'était pas active (consigne, note affichée...) et pourquoi n'avez-vous pas appelé l'astreinte électrique alors qu'une consigne en vigueur depuis des années dit que si vous n'avez pas l'une des deux astreintes, il convient, sous 5 minutes de passer à la seconde '

Nous attendons, par retour, des réponses précises à l'ensemble de nos questions » ;

Attendu qu'il ressort de ce courrier que la SARL GROUPE PROTECTOR demande à Monsieur [R] [Z] des explications sur son attitude professionnelle lors d'un incident dans la nuit du 6 au 7 décembre 2009, étant observé que le salarié a fourni à son employeur des explications par courrier recommandé du 29 décembre 2009 ;

Que le courrier du 22 décembre 2009 ne constitue pas, dans ces conditions, une sanction disciplinaire, en sorte qu'il convient de rejeter la demande de Monsieur [R] [Z] en annulation d'un avertissement, cette demande étant sans objet ;

Sur la rupture du contrat de travail :

I- Attendu que, par courrier recommandé du 25 mai 2011, Monsieur [R] [Z] a informé son employeur qu'il prenait acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il lui reprochait ;

Que cette prise d'acte de la rupture par le salarié a entraîné la cessation immédiate du contrat de travail, en sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire introduite auparavant même si la Cour doit examiner les manquements de l'employeur invoqués par le salarié tant à l'appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet qu'à l'appui de la prise d'acte ;

II- Attendu que Monsieur [R] [Z] reproche en premier lieu à son employeur de ne pas avoir répondu à ses demandes successives de mentionner sur ses bulletins de paie les repos compensateurs sur heures de nuit et soutient que, contrairement à ce qui a été indiqué par le conseil des prud'hommes, l'employeur n'a pas procédé à une régularisation complète ;

Attendu qu'il n'est pas discuté qu'aux termes de l'article 1.2 de l'avenant du 25 septembre 2001 relatif au travail de nuit et annexé à la Convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité en date du 15 février 1985, un repos compensateur d'une durée égale à 1 % par heure de travail comprise entre 21 heures et 6 heures est dû au salarié ; 

Attendu que Monsieur [R] [Z] a, par courriel du 26 avril 2009 puis par courrier recommandé du 15 mai 2009, réclamé à son employeur les « 1 % par heure de nuit (depuis le 1er juin 2002)... », qu'il a chiffrés à « 49 heures 46... du 01 janvier 2003 au 31 décembre 2008 » dans un courriel du 15 mai 2009, puis à « 53 heures 18 » dans un courriel du 23 juin 2009 ;

Que, compte tenu de 45,50 heures de repos compensateurs sur heures de nuit inscrits sur son bulletin de paie de juin 2009 incluant selon le salarié 5 h 18 de repos compensateurs acquis en 2009, Monsieur [R] [Z] a réclamé encore 13 h 56 à inscrire en plus sur son bulletin de salaire par courriel du 15 juillet 2009, 13 h 08 par courrier du 28 octobre 2009 et 13 h 18 par courrier recommandé de son conseil en date du 9 novembre 2009 ;

Attendu qu'il ressort de l'examen du bulletin de paie d'octobre 2009 que le salarié bénéficiait de 49,11 heures de repos compensateurs, outre 0,90 heure acquise sur le mois, soit au total 50,01 heures, et qu'il a été mentionné sur le bulletin de paie de novembre 2009 63,19 heures restant dues ;

Qu'il résulte du dernier bulletin de paie que l'employeur a régularisé le compte du salarié en lui rajoutant les 13 h 18 réclamées (50,01 13,18 = 63,19) ;

Attendu qu'il convient, en conséquence, de constater que la SARL GROUPE PROTECTOR a régularisé en partie la situation du salarié en mentionnant, sur le bulletin de paie de juin 2009, 40 heures de repos compensateurs sur heures de nuit acquises de 2003 à 2008 et a régularisé en totalité les heures de repos compensateurs dues en ajoutant 13,18 heures sur le bulletin de paie de novembre 2009 ;

III- Attendu que Monsieur [R] [Z] reproche par ailleurs à la SARL GROUPE PROTECTOR de lui avoir abusivement notifié un changement d'affectation sur une CAMS (Circonscription d'Action Médico Sociale) de [Localité 4] par remise en main propre le 25 décembre 2009 de son nouveau planning, sur lequel le salarié a écrit : « je ne pourrais pas honorer ces vacations, trop de déplacement, frais autoroute essence parkings. Voir si disponible un site plus proche ou vacations sur 12 heures et en vacation de nuits » ;

Attendu qu'il n'est pas contestable que l'emploi d'agent de prévention et de sécurité est par nature un emploi impliquant une certaine mobilité et que le contrat de travail de Monsieur [R] [Z] prévoit expressément une clause de mobilité géographique conforme aux dispositions de l'article 6.01 paragraphe 6 de la Convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité (« Le salarié est embauché pour un emploi à tenir dans un ensemble de lieux et de services correspondant à la nature des prestations requises ») ;

Attendu que la SARL GROUPE PROTECTOR, suite à la contestation par le salarié de sa nouvelle affectation, a écrit à celui-ci le 5 janvier 2010 pour le mettre en demeure de reprendre son activité, en lui précisant qu'il avait été affecté sur une CAMS car il avait les formations requises et que la société manquait de personnel sur ce secteur ;

Attendu que Monsieur [R] [Z], qui soutient que la décision de l'employeur de l'affecter sur une CAMS de [Localité 4] n'est pas justifiée par l'intérêt de l'entreprise mais avait pour but de le sanctionner suite à ses réclamations au titre des repos compensateurs, souligne que sur le premier planning d'affectation à [Localité 4] de janvier 2010, il est mentionné un emploi d' « agent sécurité qualifié », qualification inférieure à celle du salarié, en sorte que la SARL GROUPE PROTECTOR aurait pu affecter un autre salarié tel que Monsieur [F] qui l'a remplacé sur son poste à CHARABOT, et que ce n'est qu'ultérieurement que l'employeur a mentionné la formation « SIAP 1 » sur les autres plannings ;

Mais attendu que la SARL GROUPE PROTECTOR produit le cahier des clauses particulières du marché public le liant au Conseil Général des Alpes-Maritimes relatif à la sécurité des circonscriptions d'action médicale et sociale (CAMS) et une attestation du 24 septembre 2010 de Monsieur [V] [N], adjoint au chef du service de sécurité de la Direction Générale des services départementaux, ces deux documents justifiant que les agents proposés par l'entreprise de sécurité doivent posséder la qualification S.I.A.P.1 ;

Qu'il s'ensuit que la nouvelle affectation du salarié nécessitant la qualification S.I.A.P.1 ne constituait aucunement une rétrogradation de Monsieur [Z] ;

Attendu que la SARL GROUPE PROTECTOR produit le contrat de travail de Monsieur [J] [W], embauché le 9 mars 2010 pour remplacer Monsieur [F] sur le site de CHARABOT, contrat mentionnant une qualification d'agent de sécurité confirmé au coefficient 130 alors que les agents des services de sécurité incendie, titulaires du certificat de qualification SSIAP1, bénéficient du coefficient 140 ;

Qu'il résulte des bulletins de paie de Monsieur [R] [Z] que celui-ci occupait un emploi d'agent des services de sécurité incendie et bénéficiait du coefficient 140 ;

Attendu que la SARL GROUPE PROTECTOR justifie par ailleurs qu'elle manquait de personnel qualifié pour être affecté sur les sites des CAMS par la production d'offres d'emploi sur des postes d'agent de sécurité incendie, sur lesquelles il est exigé des candidats d'être titulaires du SSIAP1 (offres d'emploi n°426952Z, 422584Z, 469342Z 484994Z, 550876Z) ;

Qu'elle verse également des plannings de décembre 2009 sur les sites des CAMS [Localité 6] et [Localité 4] Pasteur, sur lesquels est mentionné le nom de Monsieur [B] [S] auquel la société a eu recours malgré sa qualité d'assistant qualité hygiène et sécurité, statut agent de maîtrise, tel que le confirmé par le contrat de travail à durée indéterminée produit par l'employeur ;

Attendu que, dans ces conditions, la SARL GROUPE PROTECTOR justifie que la décision d'affectation de Monsieur [R] [Z] sur une CAMS de [Localité 4] en janvier 2010 était conforme à l'intérêt de l'entreprise compte tenu du manque de personnel qualifié titulaire du SSIAP1 ;

Que cette affectation conforme à la clause contractuelle de mobilité géographique s'imposait par conséquent au salarié, peu importe que son nouveau lieu de travail se trouvait plus éloigné de son domicile que le précédent, étant observé qu'il restait situé dans le même secteur géographique que celui où il travaillait précédemment ;

Attendu que Monsieur [R] [Z] n'était pas contractuellement embauché sur un travail de nuit et qu'il pouvait être « amené à assurer un service de jour comme de nuit, quel que soit le jour de la semaine, y compris les dimanches et jours fériés » (le contrat de travail au paragraphe : «Horaires de travail »), en conformité avec les dispositions de l'article 7.01 de la Convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité ;

Qu'il ne peut donc prétendre que la suppression des majorations sur heures de nuit et sur heures du dimanche constitue une modification de son contrat de travail de même que le non versement d'indemnités de panier alors que le salarié n'expose pas de frais professionnels n'entraîne pas de modification de la rémunération contractuelle ;

Attendu que, contrairement à ce que soutient le salarié, celui-ci devait percevoir des frais de déplacement de 3,05 € par vacation, conformément aux dispositions prévues par l'article 14 de l'accord d'entreprise sur l'aménagement et la réduction du temps de travail en date du 1er juin 2001 puisqu'il devait travailler à une distance supérieure à 30 km entre son domicile et son lieu de travail (44 km selon l'itinéraire Mappy produit par le salarié) ;

Attendu qu'en tout état de cause, la nouvelle affectation de Monsieur [R] [Z] sur une CAMS de [Localité 4] était justifiée par l'intérêt de l'entreprise et n'entraînait aucune modification du contrat de travail ;

IV- Attendu que Monsieur [R] [Z] vise en dernier lieu la résiliation unilatérale par l'employeur de la mutuelle complémentaire dont il bénéficiait depuis son embauche ;

Que la SARL GROUPE PROTECTOR réplique que la décision de résiliation de la mutuelle n'incombe pas à la responsabilité de l'employeur mais à celle de l'assureur, la société AG2R, et a affecté l'ensemble du personnel ;

Attendu que la SARL GROUPE PROTECTOR produit un premier courrier recommandé adressé le 13 septembre 2010 à Monsieur [R] [Z] pour lui réclamer le remboursement des cotisations « parts salariales et patronales » relatives à la mutuelle AG2R depuis le mois de janvier 2010 pour un montant de 435,68 € et le paiement des cotisations à venir pour un montant de 54,46 € ou lui demander l'autorisation de suspendre sa mutuelle santé ;

Qu'elle produit un deuxième courrier recommandé adressé le 10 décembre 2010 au salarié en ces termes : « Suite à la résiliation par AG2R de l'assurance santé Mutuelle pour raison de non équilibre, nous vous informons que l'entreprise ne disposera plus de Mutuelle à compter du 01/01/2011. Nous dénonçons donc la décision unilatérale de mise en place de la mutuelle d'entreprise au 31/12/10 » ;

Mais attendu que la SARL GROUPE PROTECTOR ne justifie pas de la résiliation par l'AG2R de l'assurance santé mutuelle de l'entreprise et n'apporte aucune précision sur le régime de prévoyance qui a dû prendre le relais compte tenu que l'employeur a l'obligation de mettre en place un régime de prévoyance collective en vertu des dispositions de l'article 14 de la Convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985, étendue par arrêté du 25 juillet 1985, étant précisé au surplus qu'aux termes de l'article 14 sur la « Prévoyance » de l'Accord cadre de substitution sur l'aménagement et la réduction du temps de travail en date du 1er juin 2001, « la part salariale prévoyance est supprimée. Dorénavant seule l'entreprise cotise au régime de prévoyance pour le personnel » ;

Que l'employeur ne peut prétendre, en conséquence, qu'il pouvait dénoncer unilatéralement la mise en place de la mutuelle d'entreprise et ne démontre d'ailleurs pas qu'une telle décision a été appliquée à l'ensemble du personnel ;

Attendu que la SARL GROUPE PROTECTOR a gravement manqué à ses obligations conventionnelles et contractuelles en supprimant la mutuelle dont bénéficiait Monsieur [R] [Z], dont le contrat de travail n'était pas rompu jusqu'à la prise d'acte du 25 mai 2011 ;

Que cette décision unilatérale de l'employeur caractérise un manquement de nature à faire obstacle à la poursuite du contrat de travail et justifie la prise d'acte par le salarié aux torts exclusifs de l'employeur, produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que, le salarié ayant une ancienneté supérieure à deux ans et ayant droit à une indemnité compensatrice de préavis correspondant à deux mois de salaire, il convient de lui allouer la somme de 3520 € au titre du préavis ;

Attendu que Monsieur [R] [Z] n'était pas en droit de s'opposer à sa nouvelle affectation si bien qu'il présente une ancienneté de 5 ans, 1 mois et 12 jours correspondant à ses périodes de travail effectif incluant le préavis de deux mois ;

Qu'il convient donc d'allouer au salarié la somme de 1801,07 € à titre d'indemnité légale de licenciement (1760/5x5 + 352/12 + 29,333/30x12) ;

Attendu que Monsieur [R] [Z] ne verse aucun élément sur l'évolution de sa situation professionnelle et sur son préjudice ;

Qu'en considération de son ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant plus de 10 salariés (la SARL GROUPE PROTECTOR ne prétend pas qu'elle occupe moins de 11 salariés), la Cour alloue à Monsieur [R] [Z] 10 560 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur les congés payés :

Attendu que Monsieur [R] [Z] réclame le paiement d'une indemnité correspondant à un mois de congés payés ;

Attendu qu'il résulte des bulletins de paie de novembre 2009 que le salarié avait acquis 27,061 jours de congés et qu'il bénéficiait donc de 30 jours de congés payés en décembre 2009 ;

Attendu que la SARL GROUPE PROTECTOR a versé au salarié, lors du solde de tout compte, une indemnité compensatrice de congés d'un montant de 1621 € ;

Attendu qu'eu égard au salaire moyen du salarié sur l'année 2009 d'un montant de 1760 €, il convient d'allouer à Monsieur [R] [Z] un solde d'indemnité de congés payés de 139 € bruts (1760-1621) ;

Sur les repos compensateurs :

Attendu que Monsieur [R] [Z], qui réclame le paiement d'un solde de 65 heures de repos compensateurs sur heures de nuit, a été indemnisé de ce chef lors du solde de tout compte et a perçu la somme brute de 585 € au titre de 65 heures non prises ;

Qu'à défaut de toute précision sur le calcul présenté par le salarié, il convient de débouter ce dernier de sa demande au titre des repos compensateurs ;

Sur le droit individuel à formation :

Attendu que Monsieur [R] [Z] réclame le paiement de 120 heures de droit individuel à formation (DIF) sans expliciter son calcul ;

Attendu que le dispositif du droit individuel à la formation mis en place par la loi du 4 mai 2004 et applicable, pour les premières demandes de DIF, à partir du 7 mai 2005, permet à Monsieur [R] [Z] de revendiquer, sur quatre années complètes du 7 mai 2005 au 7 mai 2009, 100 heures de formation à raison de 20 heures par année ;

Qu'il convient d'accorder au salarié la somme de 938 € au titre du DIF ;

Sur la remise des documents sociaux :

Attendu qu'il convient d'ordonner la délivrance par la SARL GROUPE PROTECTOR d'une attestation Pôle emploi rectifiée en conformité avec le présent arrêt, étant précisé que la rupture du contrat de travail de Monsieur [R] [Z] date du 25 mai 2011, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Attendu qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif ;

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

STATUANT PUBLIQUEMENT, EN MATIERE PRUD'HOMALE, PAR ARRET CONTRADICTOIRE,

Reçoit les appels en la forme,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [R] [Z] de sa demande en paiement d'une indemnité de repos compensateurs et en ce qu'il a rejeté la demande en annulation de l'avertissement du 22 décembre 2009,

Dit que la prise d'acte de la rupture par Monsieur [R] [Z] en date du 25 mai 2011 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SARL GROUPE PROTECTOR à payer à Monsieur [R] [Z] :

-3520 € bruts d'indemnité compensatrice de préavis,

-1801,07 € d'indemnité légale de licenciement,

-10 560 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-139 € bruts d'indemnité compensatrice de congés payés,

-938 € au titre du DIF,

Ordonne la remise par la SARL GROUPE PROTECTOR d'une attestation Pôle emploi rectifiée en conformité avec le présent arrêt,

Condamne la SARL GROUPE PROTECTOR aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Monsieur [R] [Z] 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre prétention.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre b
Numéro d'arrêt : 11/09560
Date de la décision : 13/09/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°11/09560 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-09-13;11.09560 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award