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05/10/2012 | FRANCE | N°10/12818

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 05 octobre 2012, 10/12818


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND



DU 05 OCTOBRE 2012



N° 2012/ 1095













Rôle N° 10/12818





[V] [D]





C/



S.E.L.A.R.L. FRANDJI - MAOUAD

































Grosse délivrée le :



à :



-Me Aurélie CLERC, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Jean-pierre NY

ST, avocat au barreau de MARSEILLE





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 13 Novembre 2008, enregistré au répertoire général sous le n° 07/2415.







APPELANTE



Madame [V] [D], demeur...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 05 OCTOBRE 2012

N° 2012/ 1095

Rôle N° 10/12818

[V] [D]

C/

S.E.L.A.R.L. FRANDJI - MAOUAD

Grosse délivrée le :

à :

-Me Aurélie CLERC, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Jean-pierre NYST, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 13 Novembre 2008, enregistré au répertoire général sous le n° 07/2415.

APPELANTE

Madame [V] [D], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assistée de Me Aurélie CLERC, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

S.E.L.A.R.L. FRANDJI - MAOUAD, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Jean-pierre NYST, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 12 Juin 2012 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Christian BAUJAULT, Président de Chambre

Monsieur Patrick ANDRE, Conseiller qui a rapporté

Madame Catherine VINDREAU, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Septembre 2012, délibéré prorogé au 5 Octobre 2012.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 5 Octobre 2012.

Signé par Monsieur Christian BAUJAULT, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La société SELARL FRANDJI-MAOUAD, qui gère le centre de radiologie Bourse à [Localité 5], a embauché [V] [D] à compter du 11 Septembre 2006 en qualité de secrétaire administrative; la relation contractuelle de travail entre les parties s'est exécutée dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, à temps plein et soumis à la convention collective nationale du personnel des cabinets médicaux ; la rémunération mensuelle brute de base de la salariée s'élevait à 1.439,95 Euros en son dernier état.

[V] [D] faisait l'objet, en Avril 2007, de deux avertissements, à la suite de quoi, par courrier du 26 Avril 2007, [V] [D] notifiait à son employeur sa démission avec effet au 26 Mai suivant.

+++++

Le 31 Août 2007, [V] [D] saisissait le Conseil de Prud'hommes de Marseille pour obtenir la requalification de la démission en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de l'employeur à lui payer des dommages et intérêts pour rupture illégitime (10.000 Euros) et harcèlement moral (10.000 Euros) ainsi qu' une indemnités de préavis (1.439,95 Euros ) et les congés payés afférents au préavis (143,99 Euros).

Elle sollicitait, en outre :

- la fixation des intérêts sur les sommes allouées à compter du jour de la demande en Justice,

- la capitalisation de ces intérêts,

- l'application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile (2.000 Euros).

Elle faisait valoir devant le Conseil de Prud'hommes qu'elle avait été la victime d'un harcèlement de la part d'une collègue de travail, qu'elle avait été sanctionnée par deux avertissements injustifiés, que le comportement de son employeur l'avait contrainte à présenter sa démission dont les effets étaient imputables à la société SELARL FRANDJI-MAOUAD.

Pour sa part, la société SELARL FRANDJI-MAOUAD, exposant devant les premiers juges que sa salariée n'avait pas été victime de harcèlement, que les mauvaises relations au sein de son personnel ne constituaient pas des agissements fautifs constitutifs d'un harcèlement imputable à l'employeur, que les avertissements étaient fondés et que la rupture du contrat de travail devait s'analyser en une démission, concluait, à titre principal au rejet des demandes de [V] [D], subsidiairement à la réduction des montants de ses prétentions et en toute hypothèse à sa condamnation à hauteur de 2.000 Euros au titre des frais irrépétibles.

La juridiction prud'homale a, par décision de départage rendue le 13 Novembre 2008, rejeté l'ensemble des prétentions de [V] [D] ainsi que la demande reconventionnelle de la société SELARL FRANDJI-MAOUAD.

+++++

[V] [D] a, par pli recommandé expédié le 27 Novembre 2008, relevé régulièrement appel de la décision du Conseil de Prud'hommes de Marseille.

L'affaire a fait l'objet d'un arrêt en date du 20 Avril 2010 ordonnant le retrait du rôle ; elle a été ré-enrôlée en Juillet 2010 à la demande de [V] [D].

Dans ses écritures déposées le 12 Juin 2012 et soutenues oralement, l'appelante conclut à la réformation du jugement entrepris; elle fait valoir que le harcèlement moral subi sur son lieu de travail est à l'origine de sa démission devant s'analyser en une prise d'acte qui, au principal, a eu les effets d'un licenciement nul, subsidiairement, d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; réclamant l'annulation des deux avertissements infligés, elle fait les demandes chiffrées suivantes :

- dommages et intérêts pour harcèlement moral en réparation des agissements perpétrés par une autre salariée, à savoir [W] [L], manipulatrice en électroradiologie : 5.000 Euros,

- dommages et intérêts pour exécution fautive par l'employeur de ses obligations à l'origine d'une dégradation brutale de son état de santé : 5.000 Euros,

- dommages et intérêts au titre de la nullité du licenciement ou subsidiairement d'une rupture sans cause réelle et sérieuse : 10.000 Euros.

[V] [D] réclame également la condamnation de son ancien employeur à lui verser une somme de 2.000 Euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, la délivrance d'une attestation ASSEDIC conforme aux dispositions du présent arrêt, sous astreinte de 150 Euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, la fixation des intérêts sur les sommes allouées à compter du jour de la demande en Justice et la capitalisation de ces intérêts.

En réplique, dans ses dernières écritures déposées le 12 Juin 2012 et réitérées lors des débats, la société SELARL FRANDJI-MAOUAD demande un sursis à statuer, la Cour de Cassation étant saisie d'une question prioritaire de constitutionnalité sur les textes pénaux relatifs à l'infraction de harcèlement; subsidiairement, l'intimée conclut à la confirmation du jugement entrepris, à une rupture du contrat de travail initiée par [V] [D] s'analysant comme étant une démission, au caractère légitime des avertissements des 3 et 6 Avril 2007, à l'absence de faits constitutifs du harcèlement dénoncé, à la carence de la partie adverse à justifier le préjudice allégué, au rejet de toutes les demandes de [V] [D] à sa condamnation à lui payer la somme de 2.500 Euros au titre des frais irrépétibles ; la société précise, par ailleurs, que [V] [D] avait déjà trouvé un emploi dans un établissement hospitalier lorsqu'elle avait donné sa démission.

Sur la demande de sursis à statuer, [V] [D] conclut à son rejet, le harcèlement invoqué par elle étant fondé sur les dispositions du Code du Travail et non celles du Code Pénal.

Pour un plus ample exposé des moyens, arguments et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs conclusions respectives écrites qui ont été soutenues oralement à l'audience du 12 Juin 2012.

MOTIFS DE LA DECISION

Il n' y a pas lieu à sursis à statuer dans la mesure où les prescriptions précises du Code du Travail en son article L.1152-1, sur lesquelles [V] [D] fonde ses prétentions, sont différentes des dispositions pénales à l'origine de la question prioritaire de constitutionnalité posée en raison de l'imprécision ou non des éléments constitutifs de l'infraction prévue et punie par l'article 222-33-2 du Code Pénal.

+++++

La démission est un acte unilatéral par lequel un salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin à son contrat de travail ; lorsque ce salarié remet en cause la démission donnée en raison de faits ou manquements imputables à son employeur et que les circonstances antérieures ou contemporaines à la date à laquelle a été donnée la démission , font ressortir une décision équivoque, il y a lieu de l'analyser en une prise d'acte qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission ; il appartient, en conséquence, au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de son ancien employeur.

En l'espèce, [V] [D] a expliqué sa démission en ces termes :

'En réponse à vos courriers du 3 et du 6 Avril 2007, vous m'avez notifié deux lettres d'avertissements.

Je tiens à les contester car je suis en désaccord sur les motifs qui vous ont conduit à les prendre.

- Le matin du 3 Avril 2007, vous m'avez reproché le délit d'irrespect envers une personne âgée qui venait chercher ses radios un peu trop tôt ; j'aurais été odieuse en lui hurlant dessus ; ces faits sont inexacts ; j'étais en train de chercher où étaient ses radios et j'avais demandé à [J] ou à [M] si elle pouvait taper le compte rendu ; j ai parlé fort à cette personne car celle-ci semblait être malentendante; j'ai fait cela pour qu'elle me comprenne; à aucun moment, je n'ai hurlé sur elle comme vous l'indiquez ; je lui ai conseillé que si elle devait refaire des radios à l'avenir, de passer un peu plus tard dans la matinée pour qu'elle n'attende pas longtemps ou le moins possible cal il est pénible d'attendre et la plupart du temps les personnes âgées sont fatiguées et elles ont envie de rentrer se reposer chez elles.

- Ensuite, vous me reprochez mon manque de sourire, d'amabilité, de politesse ; la plupart des clients ne seraient pas d'accord avec vos allégations ; en général je propose à certains clients qui ne vont pas bien un verre d'eau ou du sucre ; j'arrange au mieux les rendez vous des patients pour que cela n'ait pas d'incidence sur leurs obligations familiales et ou professionnelles; je leur explique comment se passent les remboursements des examens si elles sont obligées de faire l'avance; je n'ai jamais refusé une urgence ... j'ai accepté à plusieurs reprises des échographies en urgence de 1a PMI ... ils m'ont remercié de ma gentillesse et de la rapidité des rendez vous ; j'explique aux patients quand les examens seront prêts et je leur donne un ticket pour venir retirer leurs résultats ; concernant, la prise des rendez-vous, je ne fais qu'appliquer vos consignes qui sont d'indiquer à tout patient le temps qu'il y a à attendre avant d'être reçu, quand seront rédigés et tapés les résultats de leurs examens ...

-Par ailleurs, vous me reprochez un comportement agressif à l'égard de Madame [L] ce qui n'a jamais été le cas ; je n'ai jamais été à l'origine de quelconque dispute avec elle ; je m'efforce d'accomplir mon travail selon vos consignes ; mais il est clair en revanche que cette personne ne me respecte pas ; c'est d'ailleurs à propos de son comportement attesté par la totalité de mes collègues, que lors de notre entretien du 6 Avril 2007, je vous ai demandé d' organiser une réunion de travail pour que chacun puisse donner sa version des faits, son témoignage ; j'ai cru comprendre que vous souhaitiez que je dise certains faits en particulier alors qu'il semblait tout naturel que nous puissions nous exprimer collectivement s'agissant d'événements qui nuisaient à notre travail d'd'équipe ; ceci me semblait être une démarche positive propre à apaiser toutes les tensions ; contrairement à ce que vous avez écrit, je n'ai jamais piqué de crise d'hystérie, ni hurlé sur vous ; je voulais me calmer dans le couloir, mais je n'y parvenais pas ; j'avais l'impression que je m'étouffais ; je sentais mal ; je voulais prendre de l'air pour me retrouver dans un endroit calme où je pouvais m'asseoir pour retrouver mes esprits ...

- De plus au sujet de mon père qui aurait fait d'éventuelles menaces à l'encontre de Mme [L] , il s'agissait d'une conversation personnelle et privée entre [I], [M], mon père et moi; mes collègues m'ont expliqué le pourquoi de mon état de choc, de pleurs et même mon teint blanchâtre; mon père s'est inquiété ...madame [L] a cru à tort que mon père s'était adressé à elle, alors qu'il parlait à [I], à [M] et à moi ; elle est intervenue en plein milieu d'une discussion privée se déroulant en pleine et ne la concernant aucunement ; il a parlé un peu fort car il était inquiet à mon sujet; en rentrant chez moi, je n'étais pas bien.; j'ai fait appel à mon médecin ; il m'a prescrit un traitement de 15 jours ; il m'a expliqué que j'étais en état de choc psychologique et émotionnel avec un début d'état d'anxio-dépression.

Donc au regard de tous ces faits, il n'est plus possible de poursuivre mon travail au sein de votre cabinet ; je vous informe par la présente que je vous donne ma démission avec prise d'effet au 26 Mai 2007, au plus tard dans le mois qui suit la réception de cette lettre ....'.

Cette démission est équivoque puisque fondée sur des griefs reprochés par [V] [D] à la société SELARL FRANDJI-MAOUAD .

+++++

Aux termes des dispositions légales stipulées par l'article L1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L.1154.1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de l'article L. 1152, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il appartient donc à [V] [D] d'établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; [V] [D] justifie son action en invoquant les faits suivants :

- le harcèlement moral perpétré sur elle par [W] [L], manipulatrice radio,

- les deux avertissement injustifiés.

Sont communiqués par l'intéressée :

- la lettre portant le premier avertissement prononcé le 3 Avril 2007 contre [V] [D] par l'employeur qui lui reprochait son attitude à l'encontre d'une personne âgée, patiente du cabinet et son comportement envers sa collègue de travail [W] [L], lequel nuisait au bon fonctionnement du cabinet médical et qui avait pour origine le fait que cette dernière, répondant aux ordres de son employeur, s'était immiscée dans l'organisation des rendez-vous des patients,

- le courrier du 6 Avril 2006 contenant un 'dernier avertissement' de la société SELARL FRANDJI-MAOUAD qui reprochait à [V] [D] une 'attitude irrespectueuse et insolente' lors d'une rencontre organisée par le cabinet pour apaiser la situation entre elle et [W] [L], victime, selon l'employeur, de menaces et de harcèlement.

Force est de constater que la société SELARL FRANDJI-MAOUAD ne verse aux débats aucun document probant concernant l'attitude déplacée de [V] [D] envers une patiente âgée, ni son comportement irrespectueux au cours d'une rencontre, qui aurait justifié la légitimité des deux avertissements infligés.

Concernant le harcèlement et ses difficultés relationnelles avec [W] [L], [V] [D] verse, tout d'abord, une lettre collective signée le 27 Mars 2007 par 6 employés, à savoir 4 secrétaires médicales et 2 manipulateurs radio, [V] [D] en étant l'une des signataires, lequel courrier était adressé à leur employeur afin de l'aviser qu'ils subissaient le harcèlement moral et les pressions psychologiques de [W] [L], qui leur imposait des propos racistes, des menaces et des insultes ; [V] [D] produit également deux copies de déclaration de main courante des 5 et 23 Février 2007 dans laquelle elle dénonçait un litige dans le cadre professionnel.

[V] [D] fournit utilement, par ailleurs, le certificat du docteur [E] [B] relatant des 'troubles anxieux en relation, à ses dires, avec des difficultés relationnelles dans le cadre professionnel', le certificat du docteur [Z] qui écrit avoir constaté un état de choc psychologique le 6 Avril 2007, un état de pleurs anxio-dépressif, la nécessité d'un traitement médical correspondant à l'état constaté et faisant suite, selon la patiente à une altercation avec des supérieurs hiérarchiques ; ces certificats médicaux rendent compte manifestement d'un état dépressif réactionnel immédiat à une situation conflictuelle dans le cadre de son travail.

Il est constant que l'employeur n'a rien entrepris pour mettre fin à cette situation conflictuelle entre salariés de son cabinet ; au contraire, prenant fait et cause pour [W] [L] et sans fournir les explications nécessaires à ce choix, il a adressé le premier avertissement à [V] [D] en réponse à la lettre collective de doléances expédiés par 6 salariés ; or le seul courrier de [W] [L] dénonçant le 15 Février 2007 un complot contre elle ourdi notamment par [V] [D] et la déclaration de main-courante faite par [W] [L] n'étaient pas suffisants, en l'état des contradictions entre les personnes impliquées, pour sanctionner [V] [D] par un avertissement dans la mesure où la preuve de sa mauvaise foi de sa part n'était pas formellement établie.

Au surplus, la Cour ne peut que constater que, malgré les dires opposés des parties sur la pertinence des directives données à [W] [L] d'intervenir dans l'organisation des rendez-vous et dans le travail de secrétariat, la société SELARL FRANDJI-MAOUAD n'a pas jugé utile de verser les pièces, cahiers de rendez-vous du cabinet documents aux fins d'établir matériellement et de manière incontestable la carence de certains salariés dans l'exécution de leurs missions.

Il y a lieu de rappeler que la société SELARL FRANDJI-MAOUAD était tenue d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité de [V] [D] ; elle a donc manqué à son obligation puisque [V] [D] a été victime sur son lieu de travail d'agissements de harcèlement par l'une des salariées quand bien même la société SELARL FRANDJI-MAOUAD aurait tenté de prendre les mesures en vue de faire cesser les agissements dénoncés.

Le fait éventuel que [V] [D] ait pris la sage précaution de trouver un nouvel emploi auprès d'un autre employeur avant de présenter sa démission ne permet pas de dire que n'étaient pas fondés ses griefs à l'encontre la société SELARL FRANDJI-MAOUAD.

Dans ces conditions et au vu des éléments et considérations sus-énoncés, l'annulation des deux avertissements s'impose et le harcèlement parait caractérisé.

Les faits reprochés à son employeur étant établis, la rupture du contrat de travail par [V] [D] a produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il convient d'infirmer le jugement déféré.

+++++

[V] [D] est en droit de percevoir, ayant moins de deux années d'ancienneté et sur la base des dispositions de l'article L.1235-5 du code du travail, des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi résultant d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit la somme de 5.000 Euros, compte tenu du montant de son salaire mensuel et de la privation temporaire d'une situation stable.

Il sera , d'autre part, alloué à [V] [D] pour réparer le préjudice nécessairement subi du fait du harcèlement une somme de 5.000 Euros à titre de dommages-intérêts ; de même, l'exécution fautive du contrat de travail par la société SELARL FRANDJI-MAOUAD a été source de préjudice distinct pour [V] [D] ; il lui sera, en conséquence, alloué des dommages et intérêts pour un montant de 2.000 Euros.

++++

Les intérêts sur les sommes allouées à [V] [D] seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code Civil, étant précisé que cette capitalisation est réservée pour les intérêts dus au moins pour une année entière ;

Les créances indemnitaires ne produisent intérêts moratoires que du jour de leur fixation judiciaire; en l'espèce il ne convient pas de faire remonter le point de départ du cours des intérêts sur les dommages et intérêts accordés à [V] [D] au jour de la demande en justice.

La société SELARL FRANDJI-MAOUAD devra fournir à [V] [D] l'attestation Pôle Emploi qu'elle demande ; il n'y a pas lieu à astreinte.

L'équité en la cause commande de condamner la société SELARL FRANDJI-MAOUAD, en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, à payer à [V] [D] la somme de 1.500 Euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

La société SELARL FRANDJI-MAOUAD , qui succombe, supportera les dépens et sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,

Reçoit l'appel régulier en la forme,

Rejette la demande de sursis à statuer présentée par la société SELARL FRANDJI-MAOUAD,

Réforme le jugement déféré rendu le 13 Novembre 2008 par le Conseil de Prud'hommes de Marseille en ce qu'il a rejeté les demandes de [V] [D],

Statuant à nouveau,

Prononce l'annulation des avertissements donnés à [V] [D] par la société SELARL FRANDJI-MAOUAD,

Dit que la démission de [V] [D] a constitué une prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société SELARL FRANDJI-MAOUAD à payer à [V] [D] les sommes suivantes :

- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 5.000 Euros,

- dommages et intérêts pour harcèlement moral : 5.000 Euros,

- dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail par la société SELARL FRANDJI-MAOUAD : 2.000 Euros,

Précise que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code Civil,

Condamne la société SELARL FRANDJI-MAOUAD à remettre à [V] [D] dans le mois de la notification qui lui sera faite du présent arrêt, une attestation Pôle Emploi conforme à la présente décision,

Déboute [V] [D] de ses demandes plus amples ou contraires,

Y ajoutant,

Déboute la société SELARL FRANDJI-MAOUAD de sa demande formulée au titre des frais irrépétibles,

Condamne la société SELARL FRANDJI-MAOUAD à payer à [V] [D] une somme de 1.500 Euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamne la société SELARL FRANDJI-MAOUAD aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 10/12818
Date de la décision : 05/10/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°10/12818 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-10-05;10.12818 ?
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