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29/11/2012 | FRANCE | N°11/09107

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 29 novembre 2012, 11/09107


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 29 NOVEMBRE 2012



N° 2012/



Rôle N° 11/09107





[E] [M]





C/



SAS SODISTRES

































Grosse délivrée

le :



à :



Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Me Christophe STURCHLER, avocat au barreau de MULHOUSE





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 06 Janvier 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 08/107.







APPELANT



Monsieur [E] [M], demeurant [Adresse 1]



représen...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 29 NOVEMBRE 2012

N° 2012/

Rôle N° 11/09107

[E] [M]

C/

SAS SODISTRES

Grosse délivrée

le :

à :

Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Christophe STURCHLER, avocat au barreau de MULHOUSE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 06 Janvier 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 08/107.

APPELANT

Monsieur [E] [M], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Marc LECOMTE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SAS SODISTRES, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Christophe STURCHLER, avocat au barreau de MULHOUSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 17 Octobre 2012 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre

Madame Françoise GAUDIN, Conseiller

Monsieur Philippe ASNARD, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Novembre 2012.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Novembre 2012.

Signé par Madame Bernadette BERTHON, Président de chambre et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

[E] [M] a été engagé par la SAS SODISTRES, suivant contrat à durée indéterminée du 1er décembre 1997 et affecté à la fabrication des produits de pâtisserie .

Au mois d'avril 2000, il a été promu aux fonctions d'agent de maîtrise, chef du rayon pâtisserie, au niveau V de la classification conventionnelle.

Le 1er janvier 2003, il est devenu manager d'exploitation, avec le statut de cadre au niveau VII.

Au dernier état de la relation contractuelle, il percevait un salaire mensuel brut de 2030,77€.

Les affections dont souffrait le salarié, un asthme et une rhinite, ont été reconnues comme maladie professionnelle, par décision de la Caisse Primaire d'assurance maladie en date du 16 juin 2005, à effet au 19 janvier 2005.

Le 4 juillet 2005, le Médecin du Travail a émis l'avis suivant :

« Procédure d'inaptitude médicale. Doit éviter toute exposition à la farine. Je propose un reclassement à tout poste de travail de l'Entreprise qui permet d'éviter d'être exposé à la farine».

Le salarié a entrepris de suivre une formation de chauffeur poids lourds.

Lors d'une visite médicale, qui a eu lieu le 12 septembre 2005, le médecin du travail a rendu les conclusions suivantes :

« Inapte à la reprise du travail au poste de PATISSIER. Doit éviter une exposition à la farine. Est apte à suivre une formation de chauffeur poids lourds dans le cadre d'un reclassement professionnel ».

A l'issue d'une première visite de reprise, qui a eu lieu le 1er février 2006, le médecin du travail a émis le même avis que précédemment.

A l'occasion de la seconde visite de reprise du 16 février 2006, le Médecin du Travail a conclu comme suit :

« Inapte au poste de PATISSIER, étude de poste de travail le 1er février 2006. Doit éviter toute exposition à la farine. Je propose un reclassement à tout autre poste de l'entreprise qui lui permette d'éviter d'être exposé à la farine ou à un poste de chauffeur poids lourds ».

Après consultation des délégués du personnel, l'employeur a proposé au salarié un poste d'employé commercial au rayon Épicerie ou au rayon Produits Frais.

Par lettre du 27 février 2006, le salarié a fait savoir à l'employeur qu'il refusait cette proposition de reclassement, au motif qu'elle était assortie d'une catégorie professionnelle inférieure et d'une réduction de sa rémunération .

Le salarié a été convoqué à un entretien préalable, devant se dérouler le 23 mars 2006, en vue de son éventuel licenciement, à la suite duquel il a été licencié pour inaptitude, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 29 mars 2006, dans les termes suivants :

« Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 15 MARS 2006 nous vous avons convoqué à un entretien préalable pour le 23 MARS 2006 dans le cadre de la mesure de licenciement envisagée à votre encontre.

Suite à cet entretien et après réflexion, nous vous informons par la présente, que nous sommes contraints de mettre un terme à votre contrat de travail.

Nous avons été amenés à prendre cette décision qui s'analyse en un licenciement aux motifs suivants :

Lors de vos visites en date des 4 JUILLET 2005 et 12 SEPTEMBRE 2005, le Médecin du Travail vous avait déclaré inapte à la reprise à votre travail au poste de PATISSIER en raison de votre allergie à la farine.

Ce dernier avait préconisé une formation de chauffeur PL dans le cadre d'un reclassement professionnel, laquelle vous avait été dispensée dans le cadre d'un CIF du 12/09/05 au 31/01/06.

Lors de votre visite de reprise en date des 1er FEVRIER 2006, le Médecin du Travail a émis les conclusions suivantes :

«Procédure d'inaptitude médicale au poste de pâtissier. Doit éviter toute exposition à la farine. Je propose un reclassement à tout autre poste dans l'entreprise qui lui permet d'éviter d'être exposé à la farine ou à un poste de chauffeur PL. A revoir dans quinze jours ».

Lors de la visite du 16 FEVRIER, le Médecin du Travail a confirmé les mêmes contre- indications et les mêmes propositions de reclassement.

Cette situation nous avait conduit à effectuer une recherche de reclassement avec les Délégués du Personnel réunis le 23 FEVRIER 2006.

Dans ce cadre, nous avons été amenés à vous proposer un reclassement sur un poste d'EMPLOYE COMMERCIAL sur l'un des rayons suivants de votre choix :

Rayon EPICERIE

Rayon PRODUITS FRAIS

Cette proposition vous avait été présentée par lettre du 24 FEVRIER 2006 avec une durée de travail fixée à 35 heures assortie d'une rémunération correspondant au poste.

Par lettre en date du 27 FEVRIER 2006, vous avez refusé ce reclassement au motif qu'il entraînait un changement de votre catégorie professionnelle et une perte de salaire.

Prenant en considération les motifs de votre refus, nous avons, à nouveau, avec les Délégués du Personnel réunis le 10 MARS 2006, étudié les postes existant dans l'entreprise qui seraient compatibles avec les contre-indications et préconisations du Médecin du Travail.

Après cette étude, il s'est révélé qu'aucun autre reclassement ne pouvait vous être proposé.

Un reclassement sur un poste de votre niveau au sein du service administratif (qui est déjà largement pourvu en personnel) n'était pas envisageable en raison des compétences spécifiques qui excluent toute permutation.

La même conclusion s'est imposée pour les autres secteurs du magasin.

Vous occupez les fonctions de RESPONSABLE DU RAYON PATISSERIE.

Il s'agit d'un poste qui requiert un diplôme de la spécialité ou une expérience équivalente acquise dans le cadre d'un apprentissage.

Les autres salariés de même catégorie professionnelle ne bénéficient pas de cette compétence spécialisée.

Les postes ne pouvaient donc être interchangés.

De même, une formation de l'un de ces salariés, outre qu'aucun n'était disposé à l'accepter, n'était pas envisageable en raison de son importante durée.

Il n'existe par ailleurs aucun autre poste vacant dans l'entreprise correspondant à votre niveau et/ou à votre rémunération. Ne disposant pas de véhicule poids lourds, un poste de chauffeur PL ne pouvait davantage vous être proposé. Nous vous avions informé de cette impossibilité de reclassement par lettre en date du 14 MARS 2006. Votre contrat de travail prendra fin à la date de première présentation de cette lettre. »

Contestant son licenciement, le salarié a saisi le conseil des prud'hommes de MARTIGUES, section encadrement, lequel a, par jugement du 06 janvier 2009, dit que son licenciement était légitime et l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.

Le salarié a régulièrement interjeté appel de cette décision le 03 février 2009.

Par arrêt du 5 mai 2010, la Cour d'appel d'Aix en Provence a ordonné le retrait de l'affaire du rôle .

Le 24 mars 2011, [E] [M] a demandé sa réinscription au rôle.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

L'appelant, qui conclut à l'infirmation totale du jugement entrepris, demande dans ses dernières conclusions de :

dire que son licenciement est illégitime, à raison de la violation des dispositions de l'Article L.1226-10 du Code du Travail ,

condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes :

-40 000,00 € à titre de dommages-intérêts, en application des dispositions de l'Article L.1226-15 alinéa 3 du Code du Travail,

-1 500,00 € à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'Article 700 du Code de Procédure Civile.

Il soutient, qu'au vu du registre du personnel, il apparaît que quatre salariés ont été embauchés entre le 13 mars et le 6 juin 2006, par le biais de recrutements extérieurs, pour être affectés à des postes compatibles avec son état de santé, alors que ces emplois, qui auraient permis aisément son reclassement, ne lui ont pas été proposés.

La société intimée, conclut à la confirmation totale du jugement et sollicite reconventionnellement la somme de 1500€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure civile.

Elle fait valoir, que les trois premiers postes pourvus, dont fait état le salarié, ne pouvaient lui être proposés , en raison des contre indications du Médecin du travail et que, s'agissant du quatrième, il n'avait pas la formation nécessaire pour l'occuper.

Pour plus ample exposé la cour renvoie aux écritures déposées par les parties et réitérées lors des débats oraux à l'audience.

SUR CE

Sur la rupture du contrat

L'article L1226-10 du code du travail, dispose que « lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. »

Il est constant en l'espèce, que quatre salariés ont été embauchés entre le 13 mars et le 6 juin 2006, pour être affectés à des postes de manager, correspondant au statut et à la rémunération de [E] [M] :

Monsieur [U] [J], recruté le 19 mai 2006 en qualité de « Manager de rayons produits frais »,

Monsieur [F] [W], recruté le 1er avril 2006, en qualité de « Manager de rayons produits frais »,

Monsieur [P] [H], recruté le 13 mars 2006, en qualité de « Manager d'exploitation produits frais »,

Monsieur [Z] [G], recruté le 6 juin 2006, en qualité de « Manager d'exploitation produits frais ».

Si il résulte des contrats de travail produits aux débats, que les trois premiers postes cités, étaient des postes de manager du rayon boulangerie pâtisserie, incompatibles avec les préconisations du médecin du travail, puisque pouvant amener le salarié à entrer en contact avec de la farine, en revanche il n'en est pas de même du poste de manager proposé à Mr [G].

En effet, contrairement à ce que soutient l'employeur, ce dernier poste n'était pas un emploi de manager au rayon boucherie, mais de manager polyvalent, pouvant être affecté d'un rayon à l'autre selon les besoins de l'entreprise.

Il n'est pas établi par l'employeur que ce poste, polyvalent, nécessitait une formation particulière, notamment en boucherie et que [E] [M], du fait de son expérience comme manager, n'était pas qualifié pour l'occuper .

L'employeur, qui n'a pas proposé cet emploi à [E] [M], sans aucune raison valable, et a préféré procéder à un recrutement extérieur à l'entreprise, n'est pas fondé à soutenir que tout reclassement était impossible et a, de ce fait, manqué à son obligation de reclassement.

La décision des premiers juges sera dès lors infirmée.

En application de l'article L 1226-15 du code du travail, le salarié qui relève de la législation applicable aux maladies professionnelles, peut prétendre à une indemnité ne pouvant être inférieure à 12 mois de salaire, sur la base du salaire moyen perçu au cours des trois derniers mois.

Compte tenu de l'ancienneté du salarié, plus de 8 ans, de la rémunération qu'il percevait, 2030,77 €, de son âge à la date de la rupture, 50 ans, en l'absence de justification de sa situation actuelle, il lui sera alloué la somme de 29 000€ à titre de dommages intérêts.

Sur les demandes accessoires

La SAS SODISTRES, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Sur l'article 700 du code de procédure civile, le jugement entrepris sera infirmé et il sera alloué à l'appelant la somme de 1200€ au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour :

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions :

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne la SAS SODISTRES à payer à [E] [M] les sommes de :

-29 000€ à titre de dommages intérêts pour manquement à l'obligation de reclassement

-1200€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;

Rejette les demandes plus amples ou contraires;

Condamne la SAS SODISTRES aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre b
Numéro d'arrêt : 11/09107
Date de la décision : 29/11/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°11/09107 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-11-29;11.09107 ?
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