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29/11/2012 | FRANCE | N°12/05801

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11e chambre b, 29 novembre 2012, 12/05801


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

11e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 29 NOVEMBRE 2012



N° 2012/547













Rôle N° 12/05801







ADMINISTRATION DES DOUANES





C/



Société WESTGATE CHARTERS L.T.D.





















Grosse délivrée

le :

à : Mme [O]

Me COSTE















Décision déférée à la Cour :r>


Jugement du Tribunal d'Instance d'AUBAGNE en date du 14 Février 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 11-11-287.





APPELANTE



ADMINISTRATION DES DOUANES,

dont le siège social est sis [Adresse 1]

assistée de Mme [T] [O], inspecteur des Douanes, en sa qualité d'agent poursuivant, en vertu d'un pouvoir en ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

11e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 29 NOVEMBRE 2012

N° 2012/547

Rôle N° 12/05801

ADMINISTRATION DES DOUANES

C/

Société WESTGATE CHARTERS L.T.D.

Grosse délivrée

le :

à : Mme [O]

Me COSTE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d'Instance d'AUBAGNE en date du 14 Février 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 11-11-287.

APPELANTE

ADMINISTRATION DES DOUANES,

dont le siège social est sis [Adresse 1]

assistée de Mme [T] [O], inspecteur des Douanes, en sa qualité d'agent poursuivant, en vertu d'un pouvoir en date du 15 octobre 2012

INTIMEE

Société WESTGATE CHARTERS L.T.D., agissant poursuites et diligences de son président,

dont le siège social est sis [Adresse 5]

assistée de Me Bertrand COSTE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 23 Octobre 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme COLENO, présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Catherine COLENO, Présidente de Chambre

Monsieur Michel JUNILLON, Conseiller

Mme Anne CAMUGLI, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Novembre 2012

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Novembre 2012,

Signé par Mme Catherine COLENO, Présidente de Chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Les agents de la brigade de surveillance nautique des Douanes de [Localité 2] ont établi un procès verbal de constat daté du 10 mai 2010 relatant le contrôle qu'ils ont opéré à bord du navire de plaisance le Mustique battant pavillon des îles Caïmans amarré dans l'enceinte du chantier naval de [Localité 4] en vue de réparations.

Par jugement du 14 février 2012 le tribunal d'instance d'Aubagne saisi par la société Westgate Charters LTD d'une demande d'annulation de ce procès verbal a fait droit à ses demandes, a annulé le procès verbal de saisie ainsi que les opérations de saisie, ordonné la restitution des documents saisis au propriétaire du navire et débouté les parties de leurs autres demandes.

Pour statuer ainsi le premier juge a retenu que les formes de l'article 64 du code des douanes concernant les visites domiciliaires n'avaient pas été respectées, et que les agents des douanes s'il tiraient de l'article 62 le droit de visiter tout navire ne pouvaient procéder à des perquisitions et des saisies hors le cas de flagrance qui n'était pas caractérisé en l'espèce.

Par déclaration du 28 mars 2012 l'administration des douanes a relevé appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

L'administration des douanes conclut à l'infirmation de la décision et au rejet de la demande de nullité du PV du 10 mai 2010 présentée par la société Westgate Charters LTD.

Elle soutient que les articles 60, 62 et 63 du code des douanes autorisent ses agents à visiter tout navire se trouvant dans la zone maritime de leur rayon, que les dispositions de l'article 64 n'ont pas à s'appliquer selon une jurisprudence constante.

Elle fait valoir :

- que les conditions légales étaient bien réunies puisque le navire était amarré dans le domaine publique maritime dans la darse des chantiers de [Localité 4],

- que la visite a eu lieu en présence du capitaine, M.[K] [I],

- que l'article 63 permet de visiter les écoutilles chambres et armoires du bâtiment, sans autorisation préalable du juge de la détention et des libertés, et prévoit les modalités permettant de passer outre au refus du capitaine de faire ouvrir les écoutilles chambres et armoires, cas qui ne s'est pas présenté puisque le capitaine n'a manifesté aucune opposition à cette ouverture et qu'il a paraphé sans observation le PV qui a été établi,

- que les documents retenus concernent pour l'essentiel des documents dont la présentation est requise dès la montée à bord du service des douanes à savoir le journal de bord, et l'acte de navigation du navire qui permet son identification et qui a mis en évidence un usage à la plaisance commerciale, ce qui a induit un contrôle de vérification du statut fiscal et douanier du navire et après audition du capitaine, la retenue de trois autres documents concernant la qualité des utilisateurs du navire et son ravitaillement en gazole.

La société Westgate Charters Ltd conclut à la confirmation de la décision et à la condamnation de l'administration des douanes à lui payer la somme de 8.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose :

- que la visite ayant donné lieu au procès verbal litigieux du 10 mai 2010 a été précédée d'une première visite des services des douanes, qui a eu lieu le 8 mai 2010 hors tout cadre procédural et hors la présence du capitaine,

- que les agents ont à cette occasion perquisitionné le navire et fouillé les parties privées et l'intégralité du bureau de la stewardess, et qu'ils se sont bornés, lors de la seconde visite à récupérer les documents précédemment identifiés et localisés,

- que la navire Mustique est un navire destiné à la plaisance, qui n'a pas pour objet premier d'être un moyen de transport, mais un lieu de vie, peu important à cet égard qu'il soit immatriculé à la plaisance commerciale, de sorte que sa visite relève des dispositions de l'article 64 du code des douanes concernant les visites domiciliaires et nécessitait l'autorisation du juge de la détention et des libertés, hors cas de flagrant délit qui n'était pas constitué,

- que les dispositions de l'article 62 du code de douanes sont inapplicables au double motif que le navire Mustique n'est pas un navire de charge et n'était pas en navigation au moment de sa visite, mais amarré au quai depuis 5 mois,

- qu'il ne peut être soutenu que les documents retenus ont été remis spontanément par le capitaine, car le procès verbal visent certains documents 'découverts', ce qui exclut une remise volontaire par le capitaine,

- que le PV ne mentionne pas dans quel cadre procédural il a été dressé ce qui constitue une cause de nullité,

- qu'il a été établi tardivement alors que la visite véritable a eu lieu le 8 mai, et que l'établissement du PV du 10 mai qui ne mentionne pas cette visite préalable est irrégulier,

- que subsidiairement les articles 60 à 63 du code des douanes si ils s'avéraient applicables seraient contraires aux principes posés par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme posant le principe du respect de la vie privée du domicile et de la correspondance.

Le Ministère public a conclu à l'infirmation de la décision et au rejet de la demande de nullité en exposant:

- que le procès verbal du 10 mai 2010 ne fait pas état de visite de parties privatives réservées à l'équipage, ni d'opération de perquisitions et de saisies,

- qu'aucune procédure de faux n'a été élevée contre ce PV,

- que ces opérations ont eu lieu dans le cadre des pouvoirs généraux de visite et de contrôle prévus aux articles 60, 62 et 63 du code des douanes.

Les parties ont été autorisées à répondre en cours de délibéré aux conclusions du Ministère public, ce qu'elles ont fait dans les délais qui leur avaient été fixés respectivement par notes des 5 et 13 novembre 2012 pour l'intimé et note du 9 novembre 2012 pour l'appelante, en maintenant leurs positions respectives.

MOTIFS DE LA DECISION.

La recevabilité de l'appel n'est pas contestée et les pièces ne révèlent aucune irrégularité susceptible d'être relevée d'office.

Sur le déroulement du contrôle et sa chronologie.

Il n'est pas nécessaire d'arguer de faux le PV du 10 mai 2010 pour faire état d'une visite qui aurait eu lieu le 8 mai. En effet la force probante du procès verbal du 10 mai 2010 n'est attachée qu'aux constatations qu'il énonce, et ce procès verbal ne comporte aucune considération ni énonciation de quelque nature qu'elle soit visant des faits survenus le 8 mai.

Il n'en demeure pas moins que la société Wetgate Charters a la charge de la preuve des faits qu'elle invoque. Or les circonstances de cette précédente visite ne résultent que de l'attestation du capitaine, qui ne peut être considérée comme suffisamment probante, son auteur étant directement concerné par le déroulement de la visite critiquée.

Sur les règles applicables.

Aucune disposition n'impose à peine de nullité le visa du texte fondant la visite du navire dans le procès verbal de constat.

L'article 62 du code des douanes prévoit le droit de visite des agents des douanes de tout navire se trouvant dans la zone maritime de leur rayon.

L'article 63 du même code permet aux agents des douanes d'aller à bord de tous les navires, y compris les navires de guerre qui se trouvent dans les ports et rades.

Selon ce même article les capitaines et commandants doivent recevoir les agents des douanes, les accompagner et si ils le demandent, faire ouvrir les écoutilles, les chambres et armoires de leur bâtiment ainsi que les colis désignés pour la visite.

En cas de refus, les agents peuvent demander l'assistance d'un juge, ou si il n'y en a pas sur le lieu d'un officier municipal du dit lieu ou d'un officier de police judiciaire, qui est tenu de faire ouvrir les écoutilles chambres armoires et colis , il est dressé procès verbal de cette ouverture et des constatations faites aux frais des capitaines ou commandants.

L'article 62 du code des douanes n'est pas réservé faute d'indication dans le texte au cas où le navire est en cours de navigation, dès lors qu'il se trouve dans la zone maritime du rayon des agents des douanes qui procèdent à la visite.

Au demeurant la visite des navires se trouvant dans les ports est explicitement prévu par l'article 63 du code des douanes, de sorte que le fait que le navire ait été amarré dans l'enceinte du chantier naval de [Localité 4], ne constitue pas une critique opérante de la validité des opérations de saisie.

Les termes de 'chambre', 'd'armoire' employés permettent de déduire que l'article 63 du code des douanes trouve à s'appliquer y compris en ce qui concerne les éléments privatifs du navire, en conséquence le fait que le navire Mustique soit un navire de plaisance, et comporte des cabines et des équipement intérieurs aménagés pour le confort de ses passagers, ne suffit pas à justifier que les dispositions des articles 62 et 63 du code des douanes soient d'office écartées, au profit de l'article 64 du code des douanes, d'autant plus qu'il s'agissait d'un navire affecté à la plaisance commerciale, uniquement utilisé sous le couvert de contrat de location, et qui n'était pas au moment du contrôle occupé par les plaisanciers, mais amarré en rade pour travaux.

Les articles 62 et 63 du code des douanes qui restent applicables ne portent pas atteinte aux principes posés aux articles 6 et 8 de la convention Européenne des droits de l'homme dès lors qu'un navire, fut-il affecté à la plaisance, reste fondamentalement un moyen de transport, que ses occupants ne s'y trouvent que temporairement, au cours ou pour les besoins des traversées, et que l'ingérence des douanes est commandée au visa de l'article 60 du code des douanes par la recherche de la fraude douanière, ce qui constitue une mesure nécessaire au bien être économique du pays et à la prévention des infractions pénales.

Enfin l'argument selon lequel les agents des douanes se sont livrés à une perquisition autoritaire et contraignante des lieux, excédant les limites de l'article 63 du code des douanes sera écarté.

En effet les circonstances de la visite préalable du 8 mai telles qu'elles sont affirmées par la société Westgate Charters LTD n'étant pas démontrées, celles-ci ne peuvent suffire à fonder la contestation de l'intimé.

En outre si il est fait état dans le procès verbal du 10 mai 2010 de documents 'découverts' lors de la visite, il convient de noter que cette découverte a eu lieu dans le bureau du bord assimilable à une armoire, que le procès verbal précise que la visite a eu lieu en la présence constante et effective de [K] [I] capitaine du navire, que celui-ci s'est expliqué sans réticence sur les documents découverts, qu'il n'est noté aucune opposition de sa part concernant l'ouverture éventuelle des écoutilles chambres et armoires voire bureau du bord où ces documents ont été découverts, ni contradiction en ce qui concerne l'endroit où ils ont été découverts et qu'il a signé sans réserve d'aucune sorte le procès verbal, toutes constatations démentant l'existence d'une contrainte en ce qui concerne les modalités d'accès à ces documents, et rendant inopérante l'invocation de l'article 65 du code des douanes.

La retenue de ces documents a été faite au visa de l'article 323 du code des douanes dont l'application n'est pas contestée.

Dans ces conditions, il n'est pas établi que la visite effectuée le 10 mai 2010 a méconnu les limites prévues aux articles 60 à 63 du code des douanes le grief de nullité sera écarté et la décision déférée sera infirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

la Cour statuant contradictoirement

infirme la décision déférée,

statuant à nouveau

rejette les demandes de la société Westgate Charters Ltd tenant à voir prononcer la nullité du procès verbal établi 10 mai 2010, et par voie de conséquence sa demande en restitution de documents,

rejette la demande de la société Westgate Charters Ltd fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 11e chambre b
Numéro d'arrêt : 12/05801
Date de la décision : 29/11/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence B1, arrêt n°12/05801 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-11-29;12.05801 ?
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