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07/05/2013 | FRANCE | N°11/20437

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre, 07 mai 2013, 11/20437


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 07 MAI 2013



N°2013/384















Rôle N° 11/20437







SAS SAPA BUSINESS SYSTEM





C/



[K] [R] épouse [E]































Grosse délivrée le :

à :

- SAS SAPA BUILDING SYSTEM, représentée par M. [B] [O] [J], agissant en tant que Directeur opératio

nnel



- Me Didier GESTAT-DE GARAMBE, avocat au barreau de TOULON



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 10 Octobre 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/911.

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COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 07 MAI 2013

N°2013/384

Rôle N° 11/20437

SAS SAPA BUSINESS SYSTEM

C/

[K] [R] épouse [E]

Grosse délivrée le :

à :

- SAS SAPA BUILDING SYSTEM, représentée par M. [B] [O] [J], agissant en tant que Directeur opérationnel

- Me Didier GESTAT-DE GARAMBE, avocat au barreau de TOULON

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON en date du 10 Octobre 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 10/911.

APPELANTE

SAS SAPA BUILDING SYSTEM, représentée par M. [B] [O] [J], agissant en tant que Directeur opérationnel, demeurant [Adresse 2]

représentée par M. Olivier PARTIOT (Délégué syndical ouvrier)

INTIMEE

Madame [K] [R] épouse [E]-[M], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Didier GESTAT-DE GARAMBE, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 05 Février 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Christine LORENZINI, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Gisèle BAETSLE, Président

Monsieur Guénael LE GALLO, Conseiller

Madame Christine LORENZINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Julia DELABORDE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Mai 2013

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Mai 2013

Signé par Madame Christine LORENZINI, Conseiller, pour le Président empêché et Mme Julia DELABORDE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Rappel des faits et de la procédure :

La SAS SAPA BUILDING SYSTEM est appelante d'un jugement en date du 10 octobre 2011 rendu par le Conseil de Prud'hommes de TOULON qui a :

- débouté Madame [K] [E] de sa demande relative au harcèlement moral qu'elle invoque,

- dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse par manquement à l'obligation de reclassement,

- condamné la société à payer à la salarié 20 000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 1500 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- condamné la SAS SAPA BUILDING SYSTEM aux dépens.

L'appel a été formalisé par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 novembre 2011, le jugement ayant été notifié le 2 novembre 2011.

Dans ses écritures développées à la barre, la SAS SAPA BUILDING SYSTEM demande à la Cour de :

- réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- débouter Madame [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- laisser à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Dans ses écritures en réponse, Madame [K] [R] épouse [E]- [M] demande à la Cour de :

- ordonner la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur,

- en tout état de cause, déclarer nul le licenciement,

- condamner l'employeur à lui payer diverses sommes au titre du préjudice moral, de rappel de salaire, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés sur préavis, licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'à la remise de l'attestation PÔLE EMPLOI rectifiée sous astreinte de 80 € par jour de retard,

- condamner l'employeur au paiement de la somme de 30 000 € de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de reclassement,

- la condamner au paiement de la somme de 3500 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et des entiers dépens.

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures oralement soutenues à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le fond :

rappel des faits :

Madame [K] [R] a été engagée le 1er avril 2000 par la société INTEXALU en qualité d'employée administrative en contrat à durée indéterminée. La société a été reprise par la SAS SAPA BUILDING SYSTEM.

Elle a gravi les échelons professionnels au sein de la société pour devenir ' responsable des achats généraux' en 2007.

Elle partait ensuite en congé maternité à l'issue duquel elle demandait à passer à temps partiel, à quatre-vingt pour cent, ce que l'employeur acceptait.

A compter de janvier 2010, elle était en arrêt-maladie.

Le 14 septembre 2010, Madame [R] saisissait le Conseil de Prud'hommes de TOULON d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

Dans le même temps, lors de la visite médicale de reprise du 9 décembre, le médecin du travail concluait à son inaptitude à tous postes à usage immédiat. Le 23 décembre 2010, lors d'une seconde visite, concluait à l'inaptitude de la salariée à tous les postes dans l'entreprise.

Le 22 février 2011, elle était convoquée à un entretien fixé au 3 mars 2011 ; elle était licenciée par lettre recommandée avec accusé de réception le 21 mars 2011.

C'est dans ces conditions qu'est intervenue la décision querellée.

La convention collective applicable est celle de la métallurgie du Var.

Sur la demande de résiliation judiciaire :

Le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquements par ce dernier à ses obligations. Si les manquements sont établis et d'une gravité suffisante, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. A défaut, le juge ne peut que rejeter la demande.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail était justifiée. Si tel est le cas, il fixe la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement. C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

Madame [R] expose que, lorsque la SAS SAPA BUILDING SYSTEM a repris la société INTEXALU, elle a mis en place une politique délibérée d'éviction de l'ensemble des cadres de la société précédente, puis de leurs collaborateurs directs. Tel a été son cas à l'issue de son congé maternité. Elle soutient avoir fait l'objet de manoeuvres systématiques afin de la déstabiliser pour s'en débarrasser à moindre frais.

Elle indique que, dès le 28 novembre 2008, alors qu'elle a repris le travail le 15 décembre 2008 (l'employeur l'ayant mis en congés payés de sa reprise le 23 novembre au 14 décembre 2008), elle a dénoncé par écrit les conditions annoncées de sa reprise, sans réponse de l'employeur . Elle affirme qu'on lui a changé ses fonctions et retiré ses responsabilités préférées pour ne plus lui donner que des tâches d'exécutions différentes de son activité antérieure au congé maternité, qu'on lui a fait subir des instructions contradictoires dont elle s'est plainte. Elle impute la dégradation de son état de santé à l'employeur.

La SAS SAPA BUILDING SYSTEM réplique qu'il n'y a eu aucune volonté de se débarrasser de la salariée et que deux échanges de mails ne sauraient fonder un harcèlement moral ; le médecin du travail ne fait aucun lien entre l'inaptitude et l'entreprise.

Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Le salarié doit établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La note de service non datée produite par l'employeur précise que Madame [K] [E] est nommée 'responsable des achats généraux ' à compter du 1er septembre 2007; cette note précise qu'elle est chargée de la gestion des achats généraux précédemment effectués par SAPA PROFILES pour SBS et ses dépôts (véhicules, téléphonie, fourniture de bureau, de maintenance, de sécurité d'entretien, etc...). La salariée ne donne aucun autre élément quant aux tâches qu'elle assumait de manière effective avant son départ en congé maternité et sa reprise du travail à quatre-vingt pour cent. Il convient de relever que cette promotion est signée du directeur général de la nouvelle structure, la SAS SAPA BUILDING SYSTEM, et n'a pas été mise en place par la précédente direction.

À l'appui de sa demande, Madame [R] produit un courriel adressé par elle à son supérieur hiérarchique le 28 novembre 2008, alors qu'elle n'a pas encore effectivement repris le travail, dans lequel elle détaille les tâches qu'elle souhaite conserver et indique que les dossiers qui lui ont été attribués sont des sujets qu'elle ne maîtrise pas, précisant cependant que cela ne la dérangerait pas s'ils étaient intéressants, et qui n'étaient pas dans ses attributions précédentes.

Elle produit également la fiche de répartition des familles achats frais généraux par acheteur et reproche à l'employeur de lui avoir retiré la charge du marketing et des véhicules, tâches qui l'intéressaient. Il ressort cependant de cette fiche que ses tâches restent variées avec un réel niveau de responsabilité s'agissant, par exemple, de la location des locaux, de facturation de pénalités clients, de l'énergie, emballages et environnement, du matériel informatique, etc.

Il en résulte que Madame [R] était parfaitement informée des tâches qui devaient être les siennes dès son retour au travail et qu'elle n'était pas dans l'incertitude quant aux fonctions qu'elle devait occuper, fonctions qui lui avaient nécessairement été notifiées au vu de son courriel. Elle ne saurait donc soutenir qu'elle n'avait pas d'instructions claires alors que son courriel n'est qu'une demande de modification du service afin de se voir attribuer des dossiers ' intéressants', ce qui implique qu'elle avait connaissance de son nouveau service et qu'il ne l'intéressait pas.

S'il est possible qu'elle ait ressenti un manque de reconnaissance et de valorisation de son travail en décalage à ce qu'elle estimait être son engagement professionnel ainsi qu'elle l'indique dans son courriel, pour autant, elle n'apporte aucun élément probant de quelque nature que ce soit à l'appui de ce ressenti de nature à permettre de qualifier de harcèlement moral l'évolution de ses tâches lors de son retour au travail, étant observé qu'il a été écrit alors qu'elle n'avait pas encore repris le travail et qu'elle ne s'est plus jamais plainte par la suite du service qui était le sien.

D'autre part, le changement d'organisation du service était motivé par le passage à temps partiel de la salariée laquelle ne pouvait, sur un temps réduit, assumer l'intégralité des tâches lui incombant précédemment. Elle ne saurait non plus soutenir qu'il était de son pouvoir de choisir ce qu'elle conserverait et ce qui échoirait à sa collègue.

Elle n'a donc subi aucun préjudice du fait de l'absence de réponse à sa réclamation, laquelle ne peut s'analyser qu'en une contestation du pouvoir de direction de l'employeur et non pas à une demande de réponse à une incertitude professionnelle, laquelle n'est pas établie.

Enfin, s'agissant de la modification des tâches professionnelles de la salariée, aucun élément du dossier ne permet d'établir une modification du contrat de travail, les changements intervenus constituant de simples modifications des conditions de travail correspondant à un allégement des attributions de la salariée à la demande de cette dernière de passer à temps partiel, demande qui avait été acceptée.

Ce grief n'est donc pas établi.

Madame [R] se fonde ensuite sur le fait qu'en octobre 2009, il lui a été demandé de pointer de nouveau, ce qu'elle ne faisait pas, en accord avec la précédente direction (cf. son courriel du 7 octobre 2009) et estime qu'il s'agit d'une mesure de rétorsion pour son refus de communiquer des codes d'accès sans l'accord de son supérieur hiérarchique direct.

Cependant, dans sa réponse du même jour, Monsieur [B], directeur opérationnel, lui indique que les badgeuses vont être remplacées par du matériel plus performant et que, dans le cadre des vérifications préalables, il avait appris qu'elle était dispensée de pointage, ce qui créait une distorsion entre sa situation et celles de ses collègues, distorsion qu'il ne souhaitait pas voir perdurer. Il réfute toute rétorsion, considérant comme normal que Madame [R] ne communique aucun code sans aval hiérarchique mais déplore cependant qu'elle n'ait pas cru devoir le dire immédiatement, ce qui a fait perdre du temps à tout le monde, exerçant ainsi normalement son pouvoir de direction.

En tout état de cause, en cas d'horaires individualisés, l'employeur a l'obligation de contrôler la durée de travail et doit le faire par un moyen honnête, vérifié et vérifiable. Il s'en déduit que la demande de pointage ne saurait être considérée comme un harcèlement, s'agissant de voir tous les salariés de l'entreprise assujettis aux mêmes règles et Madame [R] ne contestant pas que ses collègues de travail soient dans l'obligation de pointer ainsi que cela ressort de la pièce 2C de l'employeur quant à la mise en place de badgeuses à compter de décembre 2009, après que l'ensemble du personnel ait été formé à leur utilisation.

Ce seul échange de courriels ne permet pas de suivre Madame [R] dans son argumentation selon laquelle elle était prise dans le tourbillon d'une lutte d'influence entre le directeur général et le directeur des ressources humaines, cette lutte d'influence ne résultant d'aucun autre élément que ses propres affirmations.

Il convient de relever qu'entre les deux courriels sur lesquels s'appuie Madame [R], il n'est fait état d'aucune dégradation de sa santé ni même d'incidents particuliers émaillant la relation contractuelle.

Elle se fonde enfin sur les certificats médicaux qui lui ont été délivrés à compter de janvier 2010. Cependant, la lecture de ceux-ci ne permet pas de retenir un harcèlement moral, ces certificats et arrêts de travail ne faisant que parler d'allégations de harcèlement moral sur le lieu de travail, l'arrêt-maladie du 26 février précisant même qu'une procédure de contrôle a été mise en place par le médecin du travail mais Madame [R] ne donne aucun élément quant aux suites de ce contrôle alors que l'employeur produit la fiche d'entreprise rédigée par le médecin du travail le 27 août 2010, qui ne fait état d'aucun problème de harcèlement. L'échange de correspondance entre le docteur [N], psychiatre, et le docteur [C], médecin du travail, n'est pas plus probant, se référant aux dires de la salariée et donc à son vécu subjectif de la situation, aucun des médecins n'ayant pu être témoins de faits de harcèlement moral et le Docteur [C] présent à toutes les réunions du CHSTC de l'entreprise n'ayant jamais formulé aucune observation sur la situation de Madame [R]. L'étude du dossier médical de la médecine du travail qu'elle produit permet de constater l'absence de problèmes allégués lors de la reprise après maternité le 15 décembre 2008 ; la visite du 22 juin 2009 ne mentionne que des problèmes de lombalgies tout comme celle du 19 janvier 2010 qui évoque également des problèmes ophtalmiques et conclut à l'inaptitude temporaire de la salariée, cette inaptitude n'étant absolument pas liée à des doléances de harcèlement moral ; ce n'est que lors de la visite du 15 février 2010, qu'outre une lombalgie aigüe en suite d'une lésion traumatique de ski ancienne, sont évoqués un surmenage et un syndrome dépressif. Il est cependant à relever que l'arrêt-maladie du 19 janvier 2010 signé par le médecin traitant indique que la patiente a été adressée par le médecine du travail pour inaptitude sur lombalgie et allégation d'harcèlement moral sur le lieu de travail, ce dernier point n'apparaissant cependant pas dans le compte rendu de visite du médecin du travail et ne résultant donc manifestement que des déclarations de Madame [R] à son médecin personnel.

L'employeur justifie pour sa part de ce que la question du stress au travail a été abordée en réunion de CHSTC, suite à l'arrêté du 23 avril 2009, afin d'établir un projet de procédure sur les risques psycho-sociaux ; il produit les comptes rendus de réunion du CHSTC dont il ne ressort aucune observation du médecin du travail quant au harcèlement ni à la politique manageuriale de l'entreprise.

Il résulte de la lettre écrite par Monsieur [X] à Madame [R] que tous deux sont manifestement nostalgiques de l'ancienne direction et des relations de travail instaurées alors et manifestent un changement dans leur rapport subjectif au travail ; cette lettre ne se réfère à aucun fait précis pas plus qu'elle ne permet de vérifier si son auteur parle de la situation de sa lectrice ou de la sienne propre.

L'analyse des faits dénoncés par Madame [R], pris dans leur ensemble, ne permettent pas de retenir la matérialité de faits précis et concordants susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

La décision des premiers juges sera, en conséquence, confirmée en ce qu'elle a débouté Madame [R] épouse [E] de ses demandes relatives au harcèlement moral.

La demande de résiliation judiciaire sera dès lors en voie de rejet.

Sur le bien fondé du licenciement :

Il s'évince des dispositions de l'article L.1226-2 du code du travail que lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. L'emploi proposé doit être aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail.

L'obligation de reclassement, y compris de toute recherche de l'existence d'une possibilité de reclassement du salarié, qui pèse sur l'employeur d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, demeure même en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail, au besoin par la mise en oeuvre de mesures, telles que mutation, transformation de poste ou aménagement du temps de travail.

De même, la recherche des possibilités de reclassement d'un salarié déclaré, en conséquence de la maladie, inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait au sens de l'article précité, doit s'apprécier tant au sein de l'entreprise stricto sensu qu'au sein des différents établissements de l'entreprise concernée, et, si nécessaire, à l'intérieur du groupe auquel celle-ci appartient, au sein des entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent à l'employeur d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

Il s'évince des dispositions de l'article L.1232-6 du code du travail que la lettre de licenciement doit énoncer le ou les motifs du licenciement de manière suffisamment précise pour permettre au juge d'en apprécier le caractère réel et sérieux. Elle fixe les limites du litige, ce qui interdit à l'employeur d'invoquer de nouveaux griefs comme au juge d'examiner d'autres griefs non évoqués dans la lettre.

La demande de voir le licenciement déclaré nul en raison du harcèlement moral invoqué sera en voie de rejet, ce harcèlement moral n'étant pas établi pas plus que le lien entre l'inaptitude et la relation contractuelle, au regard de l'analyse qui précède.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :

' (...) A la suite d'un arrêt de travail, vous avez été vue par le docteur [C], médecin du travail, lors de deux visites médicales en date des 9 et 23 décembre 2010. Sur la fiche de visite relative à la deuxième visite médicale en date du 23 décembre 2010 et réceptionnée le 3 janvier 2011, le Docteur [C] a délivré ses conclusions médicales : 'inapte à tous les postes dans l'entreprise . 2ème visite en référence à l'article R4624-31 du Code du Travail '.

Nous avons dès lors, comme prévu par la réglementation et la jurisprudence, même en présence d'un avis d'inaptitude définitif à tous postes dans l'entreprise, étudié avec le médecin du travail, et recherché néanmoins des possibilités de reclassement conforme à vos capacités que nous pourrions vous proposer dans l'entreprise et dans le groupe.

Et, en conséquence, nous vous avons proposé le poste d'assistant qualité par le biais de notre courrier recommandé du 24 janvier 2011 (...)

Ce poste, conforme à vos capacités, est disponible en interne et il est normal de vous le proposer.

Vous avez refusé ce reclassement par courrier du 31 janvier 2011, et refusant toute opportunité alternative. Nous en avons pris acte.

Nous avons pris soin de poursuivre nos recherches de postes disponibles dans le groupe et en externe.

Les recherches de poste en externe n'ont rien donné. En ce qui concerne la recherche d'emplois disponibles au sein du groupe, nous avons identifié un poste, conforme à vos capacités, que nous avons tenu à vous proposer.

le 8 février 2011, nous vous adressions une proposition de poste décrivant les missions et attributions du 'Responsable des Achats Stratégiques et des Investissements' que recherchait le groupe ( ...) ( poste en SUÈDE).

De nouveau, vous refusez notre proposition par courrier daté du 16 février et nous en prenons aussi acte. (...).

Si vous vous étiez présentée à l'entretien préalable, nous aurions eu l'occasion d'aborder les propositions formulées afin de vous apporter les éclairages complémentaires vous permettant de confirmer ou d'infirmer votre position consistant à refuser tout reclassement.

Nous aurions eu également l'occasion de vous préciser qu'aucune permutation de poste avec celui d'un autre collaborateur n'avait été rendu possible, pour vous permettre un reclassement.

Le 9 mars dernier, nous vous adressions un courrier recommandé vous offrant une nouvelle fois la possibilité de revenir sur votre refus et de recueillir vos observations.

Ce courrier recommandé n'a pas obtenu de réponse malgré le délai supplémentaire qui vous a été octroyé. (...)

En conséquence, malgré tous nos efforts tant à l'interne qu'à l'externe, nous nous voyons contraints de vous notifier votre licenciement pour inaptitude médicale avec impossibilité de reclassement.(...).

En l'espèce, Madame [R] soutient que la SAS SAPA BUILDING SYSTEM ne démontre pas avoir satisfait à son obligation légale de reclassement dans la mesure où elle rapporte pas la preuve de ses recherches dans ses différents établissements en métropole ni dans la société COMPEX qui appartient au même groupe, pas plus que dans les sociétés internationales du groupe, alors que l'employeur emploie plus de deux cent cinquante personnes sur le site de [Localité 4] et le groupe plusieurs milliers dans le monde.

La SAS SAPA BUILDING SYSTEM réplique qu'elle a procédé à des recherches loyales au sein du groupe et en externe et qu'elle ne disposait d'aucun poste permutable ou aménageable en interne ; elle affirme que les responsables de l'UES ont fait des recherches loyales, y compris au sein de COMPEX et que, si aucune lettre n'a été envoyée à COMPEX, c'est parce que le DRH de cette société est le même que celui de la SAS SAPA BUILDING SYSTEM, Monsieur [B], compte tenu de l'existence de l'UES et d'une gestion unique du personnel.

Pour justifier de ses recherches de reclassement, l'employeur produit :

- sa demande adressée le 12 janvier 2011 à la SARL PROFILE PUGET, accompagnée d'un C.V de Madame [R], suivie d'un courriel de relance du 24 janvier et la réponse négative de cette société,

- sa demande également du 12 janvier 2011 à SAPA PROFILES ALBI,

- ses demandes du 14 janvier 2011 à neuf sociétés de la région, toutes suivies de réponses négatives.

La SAS SAPA BUILDING SYSTEM justifie également de ce que la société COMPEX, tout comme la SAS SAPA RC SYSTEM, est incluse dans son UES, avec tous ses établissements en FRANCE et que la gestion du personnel des deux entités est assurée par un seul et même service, L'UES étant constitutive d'une seule entreprise, il y a lieu de retenir qu'il n'était pas nécessaire d'interroger par écrit l'EURL COMPEX.

Cependant, il convient de relever que la SAS SAPA BUILDING SYSTEM a recherché un reclassement en externe et a proposé à Madame [R] deux offres de reclassement au sein de son groupe:

- l'une, au sein de l'entreprise, en qualité d'employée assistante de qualité, coefficient 215, rémunération annuelle brute de 24 000 €,

- la seconde en SUÈDE, à un poste dont il n'est pas démontré qu'il corresponde aux qualifications et compétences de Madame [R], dans la mesure où le niveau de compétence est, notamment, d'un minimum de quatre années d'études supérieures avec au minimum un Master, d'un minimum de cinq années d'expérience professionnelle incluant une expérience substantielle de management ou de gestion de projet, de préférence dans la gestion de grands projets d'investissement, d'une expérience du conseil en gestion et/ou des initiatives entre les divisions de grandes entreprises, d'une connaissance approfondie de fonte d'aluminium, laminage, extrusion, la fabrication et les procédés de traitement de surface et le marché des équipements pertinents d'approvisionnement, d'une aptitude à la gestion de projet et à diriger les participants au projet, de la maîtrise de la langue anglaise écrite et orale ; il s'agit là manifestement d'un poste de cadre de responsabilité, rémunéré de 40 à 50 000 € annuels.

La première offre correspondait à un poste au sein de l'entreprise, ce qui était à priori exclu par le médecin du travail et il n'est pas démontré que l'avis de ce médecin ait été sollicité au sujet de ce poste. Quant à la seconde offre, elle peut difficilement être considérée comme sérieuse ; en effet, le profil de poste est manifestement celui d'un cadre de haut niveau dans un domaine très technique alors que Madame [R] a été engagée en qualité d'employée administrative et que son dernier poste au sein de l'entreprise était la gestion des achats courants, en qualité d'employée échelon 3 niveau 3, soit un poste non cadre ; même si la proposition précise que les candidats sur le poste qui n'auraient pas toutes les compétences souhaitées, les qualifications et/ou des compétences personnelles seront en mesure de se former pour occuper ce poste, l'employeur ne démontre pas que Madame [R] disposait des compétences et qualifications suffisantes pour lui permettre d'envisager d'accepter ce reclassement. D'ailleurs, la lettre de licenciement qui reproduit un extrait de cette proposition de poste ne mentionne pas les compétences et qualifications précitées.

D'autre part, la SAS SAPA BUILDING SYSTEM dispose de quatre autres sites en FRANCE ([Localité 5], [Localité 1], [Localité 3], [Localité 2]) et elle ne justifie pas les avoir interrogés, pas plus que les entreprises internationales du groupe, au nombre de neuf en Europe (SUÈDE incluse ) et de quatre dans le monde. Elle ne démontre pas pourquoi elle a choisi de n'interroger à l'externe que des sociétés dans un périmètre géographique restreint. Enfin, les pièces produites ne permettent pas de retenir une réelle recherche de reclassement au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail, notamment au sein de la société COMPEX, comprise dans l'UES, d'autant que l'employeur a cru devoir caviarder une partie des emplois et qualifications sur la copie du registre du personnel remis à la Cour, ce qui ne permet pas à celle-ci d'exercer son contrôle.

C'est donc par des motifs pertinents que la Cour approuve que les premiers juges ont considéré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, pour manquement à l'obligation de reclassement. Cette décision sera confirmée.

Sur les conséquences de la requalification :

Compte tenu de l'ancienneté de Madame [R] de près de onze années, au sein d'une entreprise de plus de onze salariés et du fait qu'elle n'avait pas, à l'été 2012, retrouvé un emploi stable, bien que ne justifiant pas de sa situation actuelle, il y a lieu de lui allouer la somme de 16 000 € pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse et la décision entreprise sera réformée de ce chef.

Madame [R] sollicite également un rappel de salaire pour la période du 9 au 22 janvier 2011 ainsi qu'une indemnité compensatrice de préavis de deux mois, outre congés payés sur préavis et sur rappel de salaire.

Si l'employeur ne doit pas d'indemnité de préavis lorsque c'est pour des causes inhérentes au salarié et sans faute de l'employeur que le préavis n'a pas été exécuté, il en va autrement lorsque l'obligation de reclassement a été fautivement méconnue.

Tel étant le cas, en l'espèce, Madame [R] a droit au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis de deux mois, soit la somme de3766.74 € bruts outre 376.67 € bruts au titre des congés payés sur préavis.

Elle demande également la somme de 497.45 € au titre du salaire du 9 au 22 janvier 2011. L'employeur ne s'exprime pas sur cette demande.

Il y a lieu de constater que l'avis médical en date du 9 décembre 2010 constitue le point de départ du délai légal pour la reprise du paiement du salaire par l'employeur ; en effet, cet avis précise qu'il est à usage immédiat selon les termes de l'article R4624-31 du Code du Travail car toute reprise serait dangereuse pour la santé de la salariée. Cet avis respecte donc les conditions légales de validité, même si l'employeur, au regard de la motivation de cet avis, a privilégié la voie de la prudence en sollicitant un second avis dans le délai légal.

Il s'ensuit que le paiement du salaire aurait dû être repris à compter du 9 janvier 2011. La SAS SAPA BUILDING SYSTEM ne conteste pas n'avoir repris ce paiement qu'à compter du 22 janvier 2011, soit un mois après la seconde visite médicale.

En conséquence, il sera fait droit à la demande de Madame [R] et il lui sera alloué la somme qu'elle sollicite de 497.45€ bruts au titre du rappel de salaire, outre celle de 49.74€ au titre des congés payés afférents.

Il y a lieu également de faire droit à la demande de remise des documents sociaux rectifiés sans que les éléments en la cause ne conduisent à ordonner une astreinte à la charge de l'employeur.

En revanche, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse en raison du non respect de l'obligation de reclassement, en sorte que le préjudice issu de ce non respect est nécessairement réparé par l'indemnisation du licenciement sans cause réelle ni sérieuse ; la demande de Madame [R] de se voir allouer la somme de 30 000 € de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de reclassement sera donc en voie de rejet.

Sur les demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens :

L'équité commande de faire droit à la demande présentée par Madame [R] au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile mais d'en réduire le montant à de plus justes proportions.

La SAS SAPA BUILDING SYSTEM sera déboutée de sa demande de ce chef et sera condamnée aux entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, en matière prud'homale, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au Greffe, le sept mai deux mil treize,

REÇOIT l'appel régulier en la forme,

CONFIRME partiellement le jugement en date du 10 octobre 2011 du Conseil de Prud'hommes de TOULON,

Et statuant sur le tout pour plus de clarté,

DÉBOUTE Madame [K] [R] épouse [E]-[M] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail existant entre elle et la SAS SAPA BUILDING SYSTEM,

LA DÉBOUTE de sa demande de voir son licenciement déclaré nul en raison de faits de harcèlement moral,

CONSTATE que la SAS SAPA BUILDING SYSTEM a manqué à son obligation de reclassement,

DIT, en conséquence, que le licenciement de Madame [R] épouse [E]-[M] est dénué de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SAS SAPA BUILDING SYSTEM à payer à Madame [K] [R] épouse [E]-[M] :

- SEIZE MILLE EUROS (16 000 €) d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- QUATRE CENT QUATRE-VINGT DIX SEPT EUROS et QUARANTE CINQ CENTS (497.45€) bruts à titre de rappel de salaire du 9 au 22 janvier 2011,

- QUARANTE NEUF EUROS et SOIXANTE-QUATORZE CENTS (49.74€) bruts au titre des congés payés sur rappel de salaire,

- TROIS MILLE SEPT CENT SOIXANTE SIX EUROS et SOIXANTE QUATORZE CENTS (3766.74€) bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- TROIS CENT SOIXANTE-SEIZE EUROS et SOIXANTE SEPT CENTS (376.67€) bruts au titre des congés payés sur préavis,

ORDONNE la remise des documents sociaux rectifiés par l'employeur sans qu'il y ait lieu à astreinte,

DÉBOUTE Madame [R] épouse [E]-[M] du surplus de ses demandes,

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS SAPA BUILDING SYSTEM aux entiers dépens d'appel.

LA DÉBOUTE de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

LA CONDAMNE à payer à Madame [R] épouse [E]-[M] la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1500 €) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

LE GREFFIER.LE CONSEILLER

POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre
Numéro d'arrêt : 11/20437
Date de la décision : 07/05/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 18, arrêt n°11/20437 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-05-07;11.20437 ?
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