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11/06/2013 | FRANCE | N°11/18249

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 11 juin 2013, 11/18249


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 11 JUIN 2013



N° 2013/













Rôle N° 11/18249





[Z] [A]





C/



SA CHACOK DEVELOPPEMENT

































Grosse délivrée

le :

à :



Me Jean-pierre POLI, avocat au barreau de NICE



Me Christian DELPLANCKE, avocat au barreau de

NICE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 05 Octobre 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 11/479.







APPELANTE



Madame [Z] [A], demeurant [Adresse 2]



comparant en ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 11 JUIN 2013

N° 2013/

Rôle N° 11/18249

[Z] [A]

C/

SA CHACOK DEVELOPPEMENT

Grosse délivrée

le :

à :

Me Jean-pierre POLI, avocat au barreau de NICE

Me Christian DELPLANCKE, avocat au barreau de NICE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRASSE en date du 05 Octobre 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 11/479.

APPELANTE

Madame [Z] [A], demeurant [Adresse 2]

comparant en personne, assistée de Me Jean-pierre POLI, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

SA CHACOK DEVELOPPEMENT, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Christian DELPLANCKE, avocat au barreau de NICE substitué par Me Caroline MACHAUX, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 29 Avril 2013 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL, Président

Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller

Madame Corinne HERMEREL, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Juin 2013.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Juin 2013.

Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Après avoir travaillé pour le compte de la société Chacok Diffusion et de la société CHACOK DEVELOPPEMENT de 1987 à 1991, date de sa démission, Madame [Z] [A] a été réengagée le 1er juin 1995 par la société CHACOK DEVELOPPEMENT en qualité de Contrôleuse de Gestion.

Le 1er octobre 1997 elle était promue Directeur Comptable puis le 1er avril 2004 Directrice Administrative et Financière, statut cadre, niveau VI, moyennant la rémunération mensuelle brute en dernier lieu de 6 832 €.

Le 27 juillet 2003 la société CHACOK DEVELOPPEMENT faisait l'objet d'un redressement judiciaire puis le 15 octobre 2004 d'un plan de continuation de 10 ans.

Par avenant du 25 juillet 2006 il était prévu que serait alloué à Mme [A] en cas de rupture de son contrat de travail non imputable à une faute grave ou lourde ou à sa démission une indemnité forfaitaire de 150 000 €.

À compter du 1er février 2008 Madame [A] se voyait confier en plus de ses fonctions habituelles la direction du projet ERP, progiciel de gestion intégrée, ainsi que la direction du service informatique, mission en contrepartie de laquelle elle percevait une prime mensuelle de 1200 €.

Le 10 février 2009 M. [Y], Directeur Général, annonçait à l'ensemble du personnel la nomination au sein de la société CHACOK DEVELOPPEMENT de Mme [V] [D] au poste de Directrice Générale et Déléguée.

Le 30 novembre 2009 Madame [A] était convoquée à un entretien préalable fixé au 10 décembre 2009.

Le 4 décembre 2009 Madame [D] informait l'ensemble des salariés qu'il avait été demandé à Mme [A] de ne plus se présenter à son poste jusqu'à instruction contraire.

Le 18 décembre 2009 Madame [A] était licenciée pour faute grave motif suivant :

«Chère Madame,

Nous faisons suite à notre entretien préalable au cours duquel nous vous avons exposé nos griefs.

Vous ne nous avez fourni lors de cet entretien aucune explication plausible concernant les faits graves qui vous ont été reprochés.

Nous nous voyons contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave pour les motifs ci-après.

Malgré nos différents rappels vous n'avez pas établi la situation comptable que nous vous demandions depuis longtemps.

Nous vous avons rappelé que ce document que vous avez toujours établi par le passé est indispensable au pilotage de l'entreprise, à la préparation des budgets et à la prise de décision importante.

En dépit de cela et de nos rappels incessants vous n'avez jamais établi cette situation alors que vous l'avez toujours fait les années précédentes et que vous disposiez de toutes les données permettant d'établir cette situation.

En guise de situation comptable vous nous avez remis des documents partiels incomplets, incohérents et comportant en outre de nombreuses erreurs.

Face à votre défaillance inquiétante nous avons sollicité le concours d'un cabinet comptable externe qui en, quelques jours nous a fourni la situation comptable demandée. Cette situation comptable confirme nos craintes quant à votre obstruction incompréhensible.

De tels manquements sont d'une extrême gravité alors que vous ne pouvez ignorer la situation difficile de notre entreprise au plan juridique et financier et l'impérieuse nécessité d'obtenir des informations comptables fiables.

Votre contrat de travail cessera définitivement dès l'envoi de la présente lettre recommandée... »

Par jugement du 5 octobre 2011 le Conseil de Prud'hommes de GRASSE a, au visa des articles 1184 du Code civil, L 3171. 4 du code du travail, 695,696 et 700 du code de procédure civile, vu le contrat de travail et la lettre de licenciement, dit le licenciement fondé non sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse, condamné la SA CHACOK DEVELOPPEMENT à verser à Mme [A] les sommes de:

3480,53 € à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied,

27 328 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

2732,80 € au titre des congés payés y afférents,,

28 694 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

28 694 € à titre d'indemnité contractuelle de rupture,

2201,63 € au titre du solde de l'indemnité compensatrice de congés payés,

1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

ainsi qu'à lui remettre des bulletins de salaire et l'attestation Pôle Emploi rectifiés,

a débouté Mme [A] du surplus de ses demandes,

a débouté la société CHACOK DEVELOPPEMENT de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Ayant le 20 octobre 2011 régulièrement relevé appel de cette décision Madame [A] conclut à sa réformation en ce qu'il n'a pas prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et en ce qu'il n'a pas dit que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Elle demande à la Cour de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur et subsidiairement de dire son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et en tout état de cause de dire et juger que la rupture de son contrat de travail est abusive et de condamner la société CHACOK DEVELOPPEMENT à lui verser les sommes de :

3120 € à titre de rappel de salaire (prime ERP)

312 € au titre des congés payés y afférents,

3480,53 € à titre de rappel de salaire par la mise à pied à titre conservatoire,

348,05 € au titre des congés payés y afférents,

32 128 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

3212,80 € au titre des congés payés y afférents,

33 919,03 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

2201,63 € au titre du solde de l'indemnité compensatrice de congés payés,

150 000 € au titre de l'indemnité contractuelle de rupture,

200 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

10 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,

15 129,54 € au titre des heures supplémentaires,

1512,95 € au titre des congés payés y afférents,

4894,04 € au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

ainsi qu'à lui remettre sous astreinte de 100 € par jour de retard son certificat de travail, l'attestation Pôle Emploi et ses bulletins de salaire rectifiés,

dire que les créances salariales produiront intérêts au taux légal capitalisé à compter de la demande en justice,

et condamner la Société CHACOK DEVELOPPEMENT à lui verser la somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir au soutien de sa demande de résiliation judiciaire que de façon illégitime et non fondée la Société CHACOK DEVELOPPEMENT a réduit le champ de ses responsabilités en lui baissant unilatéralement sa rémunération dans le seul but de la pousser à bout, en lui imposant des vexations constantes confirmant la dégradation irrémédiable de ses conditions de travail et en la mettant dans l'impossibilité de poursuivre son contrat ; elle invoque à ce titre le fait que le responsable des ressources humaines ne sera plus placé sous sa responsabilité, le fait qu'elle a été régulièrement informée a posteriori de certaines mesures qui avaient pourtant des conséquences évidentes sur le budget et la situation économique de l'entreprise , le retrait brutal et injustifié de ses fonctions de directrice du projet ERP et de responsable du service informatique, la diminution arbitraire de sa rémunération, le comportement éminemment déloyal de l'employeur, les attaques et pressions injustifiées consistant en des réclamations incessantes quant à la remise d'une situation comptable provisoire dont les dirigeants savaient pertinemment, compte tenu des nombreux mails adressés en ce sens, qu'elle était dans l'impossibilité de produire ces documents, l'intégration ERP pour la partie financière et comptable étant loin d'être achevée et ce dans le but évident de la pousser à la faute ; qu'en toute hypothèse le licenciement est abusif dans la mesure où compte tenu de la mise en place du progiciel de gestion intégrée ERP il était impossible pour elle, comme pour quiconque, de tirer des situations comptables au 30 juin et au 30 septembre 2009 puisque l'intégration continue des flux financiers était figée ; qu'il était clair que la direction générale voulait la mettre dans une situation fautive résultant soit de son refus d'établir les documents demandés soit de la remise de documents nécessairement faussés ; que l'argument de la Société CHACOK DEVELOPPEMENT selon lequel la situation comptable qui lui avait été demandée au 30 septembre 2009 aurait été établie en quelques jours par le cabinet comptable ALC est inexact puisque le tableau fourni par ce cabinet ne fait apparaître aucune situation de l'actif et du passif ni aucun compte de résultats détaillé, comporte de nombreuses incohérences notamment en ce qui concerne les abondantes provisions non justifiées prises en compte, ne constitue pas une situation comptable,ce dont il résulte que ce cabinet n'a pas été en mesure de fournir le document adéquat ; que la société n'a jamais justifié de la nature des actions engagées pour passer d'un résultat négatif au 15 décembre 2009 à un résultat positif au 31 décembre 2009 ; qu'en réalité la société recherchait depuis plusieurs semaines le moyen de la mettre en cause et de l'évincer de ses fonctions ; qu'elle a toujours produit des éléments économiques et comptables nécessaires à vérifier la situation financière de l'entreprise qui, malgré la mise en place du nouveau système ERP, avait réussi sans incident majeur, la migration de toutes ces données, en poursuivant son activité ; que si elle avait réellement fait preuve d'insubordination, d'insuffisance professionnelle, de négligence ou de laxisme, la juridiction s'étonnera qu'aucun avertissement ne lui ait jamais été adressé ; que son travail n'a jamais été critiqué ; qu'au contraire elle a dirigé pendant des mois avec succès le projet ERP ; que si l'employeur a choisi le terrain du licenciement pour faute grave ce n'était que dans le but d'éviter de lui régler l'indemnité contractuelle de rupture de 150 000 € ; qu'il était donc tout à fait injustifié pour le Conseil de Prud'hommes de diminuer cette indemnité ; que son préjudice matériel et moral est important ; qu'elle a effectué de très nombreuses heures supplémentaires.

La SA CHACOK DEVELOPPEMENT demande à la Cour de constater que Mme [A] ne rapporte pas la preuve de manquements suffisamment graves justifiant la résiliation judiciaire de son contrat de travail, de constater que cette dernière a fait preuve d'une insubordination et d'une obstruction inacceptable, qu'elle était cadre dirigeant et n'a en tout état de cause réalisé aucune heure supplémentaire, en conséquence, d'infirmer partiellement le jugement déféré, dire et juger qu'il n'y a pas lieu à résiliation judiciaire du contrat de travail, dire le licenciement pour faute grave justifié, débouter Mme [A] de toutes ses demandes et la condamner au versement de la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que lors de la nomination de Mme [D] au poste de Directrice Générale Déléguée Mme [A] a pris ombrage de cette nomination qui pourtant n'entraînait aucune modification de ses attributions et de ses responsabilités et a radicalement changé de comportement, probablement déçue de ne pas avoir été pressentie pour occuper ce poste ; que c'est ainsi qu'elle n'avait pas hésité à contester la fin de sa mission de chef de projet ERP lors de son aboutissement et à prétendre, par mail du 5 octobre 2009, qu'il s'agissait d'une sanction injustifiée et disproportionnée ; que Mme [A] ne justifie d'aucun manquement justifiant la résiliation judiciaire qu'elle sollicite ; qu'en effet les allégations de Mme [A] quant à la suppression alléguée de ses prérogatives sont sans fondement ; que la nomination de Mme [D] au poste de Directrice Générale Déléguée avait seulement pour effet de renforcer la direction générale et ne modifiait en rien les prérogatives de Mme [A] ; que la direction des ressources humaines est restée sous la responsabilité de cette dernière ; que si Mme [A] n'était pas associée au projet d'entreprise et n'y a jamais été associée c'est pour la bonne et simple raison qu'aucun cadre de la société n'y était associé, seule la Direction Générale définissant, dans le cadre normal de ses attributions, le contenu du projet d'entreprise ; que de plus Mme [A] a toujours été tenue informée des évolutions de l'activité de l'entreprise et notamment de la création d'une nouvelle filiale située [Adresse 3] en procédant à l'ensemble des opérations d'immatriculation et de création administrative de cette filiale ; qu'en ce qui concerne le mail adressé le 4 novembre 2009 par erreur à Mme [A] par M. [Y], il ne traduisait pas la volonté alléguée de l'employeur de modifier le contrat de travail de la salariée mais seulement de le faire respecter ; qu'en effet il n'appartenait pas à Mme [A] même en sa qualité de directrice administrative et financière d'effectuer un virement de 25 000 € sans l'accord de la direction générale ; que s'agissant enfin du projet ERP, il s'agissait d'une mission par nature temporaire qui avait été confiée à Mme [A] le temps de mettre en place un nouveau progiciel de gestion intégrée au sein du groupe ; que cette tâche était donc provisoire et ne faisait de ce fait pas partie des attributions habituelles de Mme [A], la mauvaise foi de cette dernière sur ce point étant patente ; que Mme [A] reconnaît en effet elle-même dans ses écritures que le déploiement du projet ERP intervenu au mois de juillet 2009 était un succès et que l'ensemble des données avait été correctement transféré sur le nouveau système ; que sa mission a donc pris fin lorsque cette mise en place a été effective et il est dès lors incompréhensible qu'elle en fasse reproche à la société concluante ; que la société AVANGARDE chargée de finaliser les derniers détails informatiques a elle-même terminé sa mission le 31 décembre 2009 ; qu'en ce qui concerne la prétendue diminution de la rémunération de Mme [A], la prime ERP ne lui avait été allouée qu'en contrepartie d'une mission par nature temporaire et était par nature limitée dans le temps de sorte que lorsque cette mission a pris fin le règlement de cette prime a logiquement cessé de lui être octroyé ; que là encore le contrat de travail n'a subi aucune modification puisque cette prime n'avait jamais été intégrée à la rémunération de la requérante étant d'ailleurs versée sous forme de " prime exceptionnelle-prime ERP" ; qu'il est faux que la société CHACOK DEVELOPPEMENT ait eu un comportement déloyal à l'encontre de Mme [A] que ce soit à l'occasion de la confirmation de la fin de sa mission ou de l'incident dont Mme [A] est seule responsable provoquée par sa venue au sein de la société le 15 octobre 2009 à l'occasion de la réunion anniversaire de l'adoption du plan de continuation et alors qu'elle était en arrêt maladie ; que concernant les demandes relatives à l'obtention d'une situation comptable au 30 juin 2009 et au 30 septembre 2009 elle n'avait bien évidemment pas pour effet de pousser Mme [A] à la faute mais d'obtenir des informations capitales et indispensable à la gestion de la société qui se trouvait en plan de continuation depuis cinq ans et dont la situation financière était particulièrement préoccupante ; que les réclamations de la direction générale sur ce point étaient donc totalement justifiées ; que chaque année Mme [A] remettait une situation comptable arrêtée au 30 juin ce qui constituait le coeur de ses fonctions ; que l'on voit mal dans ces conditions en quoi le fait pour la société de solliciter ce document caractériserait un comportement déloyal et ce d'autant que la société a fourni à Mme [A] les moyens nécessaires à l'accomplissement de cette tâche ; que Mme [A] a par ailleurs bien été remplacée à son poste ce qui compte tenu de la dimension de celui-ci a nécessairement pris du temps ; que le licenciement pour faute grave est parfaitement fondé dans la mesure où Mme [A] a refusé, de manière réitérée, de répondre aux injonctions de son employeur concernant la situation comptable ; que Mme [A] était d'autant plus tenue d'établir ces documents comptables nécessaires à la bonne gestion de la société que ça relevait de sa fonction et que la direction générale le lui demandait ; qu'en guise de situation comptable Madame [A] se contentait de remettre des documents partiels incomplets, incohérents, et comportant en outre de nombreuses erreurs ; que le rapport du cabinet d'expertise comptable ALC est particulièrement éloquent sur ce point ; qu'il s'agissait d'un indicateur crucial pour la société ; que l'erreur de Mme [A], si elle n'avait pas été corrigée par le cabinet ALC, aurait pu avoir des conséquences très lourdes sur la pérennité de l'entreprise ; qu'en quelques jours un cabinet comptable externe a fourni entre le 7 et le 11 décembre 2009 la situation comptable demandée au 30 septembre 2009 ; que non seulement Mme [A] a manqué à ses obligations en ne remettant pas les documents comptables et financiers qu'elle avait pour mission d'établir mais en plus elle n'a pas alerté la Direction Générale des difficultés rencontrées par la société ; que les critiques émises par Mme [A] à l'égard de la situation comptable présentée par le cabinet ALC ne résistent pas à l'examen ; qu'en toute hypothèse, concernant l'indemnité contractuelle de licenciement, celle-ci constitue une clause pénale susceptible d'être réduite lorsque le montant en est manifestement excessif, ce qui est le cas en l'espèce, cette indemnité n'ayant été prévue que dans un contexte bien particulier à une époque où il était question de vendre le Groupe CHACOK puisque dans ce genre de cession le directeur administratif et financier est souvent licencié par la nouvelle direction ; que c'est donc pour protéger Mme [A] contre ce genre de pratique que M. [Y] avait accepté de signer cet avenant à son profit et en avait informé son acquéreur potentiel dans un courrier du 8 juin 2006 ; que Mme [A] ne justifie par ailleurs pas avoir recherché un emploi et ce d'autant qu'elle a créé sa propre société dès 2010 et occupe également un poste d'enseignante auprès de l'Université de [Localité 1] [1] depuis janvier 2012 de sorte qu'il ne pourrait lui être accordée tout au plus que six mois de salaire à titre de dommages et intérêts au titre du licenciement ; que Mme [A] était cadre dirigeant et ne peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires et alors même qu'en toute hypothèse elle n'étaye pas sa demande à ce titre.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du Conseil de Prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.

Sur ce,

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail,

Attendu que lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée ; que c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur ;

Si la demande en résiliation judiciaire est justifiée, le juge doit alors fixer la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement ;

Attendu qu'à compter du 1er février 2008 Mme [A] s'est vue confier la « direction», ainsi que l'indique la société CHACOK DEVELOPPEMENT elle-même , du projet ERP avec l'octroi non contractualisé d'une prime mensuelle de 1200 € liée à la tâche supplémentaire ainsi confiée et s'est vue concomitamment confier la direction du service informatique et s'il est exact qu'il s'agissait d'une mission temporaire liée par définition à l'aboutissement dudit projet, cette fonction , bien que par essence provisoire, ne pouvait toutefois pas être stoppée sans motif par la société avant son aboutissement total ;

Attendu que la chronologie des mails échangés entre les parties démontre que brutalement, le 5 octobre 2009, Mme [A] a appris que la Direction Générale de la société lui retirait la direction de ce projet, sans l'en avoir auparavant avertie, alors qu'elle était en charge de cette mission depuis plus d'un an et demi et qu'aucun motif antérieur au 5 octobre 2009, autre que la fin alléguée de ce projet, n'est invoqué par la société CHACOK DEVELOPPEMENT de nature à justifier que Mme [A] soit déchargée de celui-ci ;

Attendu en effet que le 5 octobre 2009 Madame [A] adressait à M. [Y], Directeur Général, le mail suivant :

« A ma prise de fonction, ce matin, vous êtes venu m'annoncer que je n'assurerai plus, désormais, la Direction du projet de déploiement de l'ERP, que cette décision était effective à compter de ce matin et que vous m'en préciseriez dans les jours suivants les conséquences. Vous avez su cependant m'indiquer que la prime mensuelle de 1 200 euros que je perçois, à ce titre, depuis plus d'un an, et parce que j'assure la direction du service informatique, m'était enlevée.

Vous comprendrez que je ne peux que considérer cette brusque et unilatérale décision que comme une sanction injustifiée et tout à fait disproportionnée par rapport à la situation : la bascule sur le nouveau système d'information s'est opérée avec le succès que l'on sait puisque nous avons pu livrer et facturer l'intégralité de la production d'hiver à date. Le programme de déploiement sur les autres processus dans le cadencement des collections suit son cours, avec les aléas directs normaux que l'on peut rencontrer sur un projet d'une telle envergure.

De surcroit, le fonctionnement en mode projet suppose, au minimum, qu'une décision de cette importance soit prise en Comité de Direction de Projet, au vu de faits énoncés et de risques identifiés qui le justifient. Enfin, les conséquences engendrées par cette décision (nomination d'un nouveau directeur projet, communication aux différents partenaires, transmission des informations, répartition des rôles) doivent être clairement définies.

Je vous saurais gré de bien vouloir envisager corriger les modalités de cette prise de décision, comme l'exigent le respect de ma personne, mes fonctions, la reconnaissance de mon travail et mon implication et afin de maintenir un climat de confiance et sérénité au sein de l'ensemble des équipes »

auquel ce dernier répondait par e-mail du même jour :

« J'ai lu avec étonnement votre mail de ce jour concernant la fin de votre mission de Chef de projet ERP. Vous y parlez de brutalité de décision et de sanction, alors que vous avez été associée depuis le début du mois de septembre à cette décision. Vous avez-vous-même constaté l'efficacité d'Avangarde, et plus particulièrement de [U] [G] sur ce projet, et vous nous avez fait part à de nombreuses reprises de votre grande difficulté à gérer de front le service comptabilité et ce projet d'envergure.

Il s'agit donc d'une simple décision de bon sens, à laquelle vous avez été associée dès le départ. Jeudi dernier encore, vous mettiez en avant Madame [G] comme étant en capacité d'assurer cette mission.

Je vous confirme les différents échanges que nous avons eus. Afin d'assurer au mieux la finalisation du déploiement de l'ERP, nous avons missionné La société Avangarde et plus particulièrement [U] [G] au 1er octobre 2009, avec votre accord. A compter de cette date, nous vous déchargeons donc du déploiement de l'ERP. En corollaire, il n'est plus besoin également que vous assuriez la Direction par intérim du service informatique, le déploiement de l'ERP ayant rendu le poste de Direction informatique obsolète. En conséquence, nous vous confirmons enfin que la prime de 1200 € mensuelle liée à cette mission temporaire cesse de vous être versée »

authentifiant ainsi une décision dont Mme [A] a été informée oralement le jour même et faisant de surcroît état de son « accord » alors qu'en dehors des affirmations de la société CHACOK DEVELOPPEMENT aucun document n'est produit par cette dernière démontrant que Mme [A] aurait fait part de sa difficulté à gérer à la fois le service comptabilité et le projet ERP, aucun document démontrant qu'elle aurait été associée à cette décision de retrait ERP ou mis en avant un membre de la société AVANGARDE pour la remplacer dans la direction de ce projet et encore moins qu'elle aurait été d'accord , la teneur de son mail du 5 octobre 2009 et également d'un autre courrier du 19 octobre 2009 démontrant à suffisance son étonnement et son défaut d'accord ;

Attendu que la Société CHACOK DEVELOPPEMENT pour justifier la brutalité de sa position ne peut comme elle le fait arguer de ce qu'il s'agissait d'une mission temporaire ou provisoire, ce qui est un élément totalement insuffisant à justifier une décision que seul l'arbitraire a pu commander à défaut de justifier d'un motif objectif de nature à la légitimer ;

Attendu en effet que la société CHACOK DEVELOPPEMENT soutient que cette mission était terminée, ce qui est d'une part contradictoire avec ce qui est énoncé dans son mail du 5 octobre 2009 puisqu'elle indique que pour assurer « la finalisation du déploiement de l'ERP » elle a « missionné » la société AVANGARDE, également contradictoire avec un autre mail qu'elle a adressé à Mme [A] le 6 novembre 2009 dans lequel elle indique « j'ai été amené à vous retirer le projet ERP après vous avoir informée des raisons qui m'amenaient à prendre cette décision. D'une part ce projet que vous assumiez en plus de vos tâches habituelles après le départ de [T] [E], responsable du service informatique, ne relevait pas précisément de vos compétences, d'autre part, le prestataire que nous avons missionné s'est révélé largement apte à prendre en charge ce projet, sans coût supplémentaire de surcroît. Enfin, j'ai considéré que cette tâche supplémentaire nuisait à la bonne exécution de vos tâches habituelles. Vous m'avez vous-même, à plusieurs reprises, alerté sur le retard qui découlait de la prise en charge de ce projet pour vous et vos équipes. Il suffit pour s'en convaincre de constater votre difficulté à me fournir les éléments comptables que [V] [D] et moi-même vous avons demandé » et contradictoire enfin avec le rapport de gestion du conseil d'administration produit à l'assemblée générale mixte du 24 juin 2010 dans lequel il est indiqué : « nous poursuivons le déploiement de l'ERP », documents prouvant que plus de huit mois après son retrait à Mme [A] le déploiement de ce projet était toujours en cours et nullement terminé comme la société l'indique pour tenter de donner une justification à l'effacement de Mme [A] le 5 octobre 2009 ;

Attendu que la Société CHACOK DEVELOPPEMENT s'empare également de ce que Mme [A] ne pourrait contester le retrait de cette mission et de la prime correspondante dans la mesure où ayant elle-même considéré que c'était «un succès » elle reconnaissait en conséquence elle-même sa mission comme étant terminée alors que si dans le mail susvisé du 5 octobre 2009 Mme [A] a effectivement indiqué que la bascule sur le nouveau système d'information s'était opérée « avec le succès que l'on sait » elle ajoutait aussitôt que « le programme de déploiement sur les autres processus dans le cadencement des collections suit son cours », démontrant par là même, comme d'ailleurs le contenu complet de son mail, qu'elle ne considérait nullement sa mission comme terminée ;

Attendu que s'agissant d'une salariée ayant déjà à l'époque 14 ans d' ancienneté et à laquelle en raison même de ses compétences on avait confié un projet très important ainsi que la responsabilité du service informatique dont la titulaire en arrêt de travail et ultérieurement licenciée pour inaptitude n'avait pas fait l'objet d'un remplacement, il apparaît que cette décision de lui retirer sans motif, sans explication préalable et de façon cavalière la direction d'un projet dont il n'est pas démontré qu'elle ait commis dans sa direction la moindre faute, constitue une mesure humiliante et brutale qu'aucune considération ultérieure, liée à son incapacité alléguée de produire en octobre 2009 une situation comptable au 30 septembre 2009, ne saurait rétroactivement justifier ;

Attendu que lorsque le 20 octobre 2009 Madame [V] [D] adresse par ailleurs à l'ensemble des salariés le mail suivant :

« le projet ERP entre dans sa phase de finalisation. Cette phase est particulièrement sensible en termes technique. Aussi, la direction du projet a été mise sous la responsabilité de la société AVANGARDE ([O] [Q]), [U] [G] prenant la relève de [Z] [A]. Je remercie donc chacun, et plus particulièrement les key users de s'adresser directement à [U] pour la bonne réalisation de cette étape »

cette information décrédibilise auprès du personnel l'action de direction de ce projet jusque-là menée depuis plus d'un an et demi par Mme [A] et concrétise à nouveau l'humiliation dont cette dernière a été l'objet ;

Attendu que le comportement de la Société CHACOK DEVELOPPEMENT concernant le projet ERP constitue à lui seul un manquement suffisamment grave - et ce d'autant qu'il s'est accompagné de la suppression tout aussi brutale de la prime mensuelle de 1200 € accolée à cette mission - de nature à justifier que soit prononcée à ses torts la résiliation judiciaire du contrat de travail ;

Attendu qu'il est à titre superflu observé que s'il est exact que le 15 octobre 2009 - date où était organisée la réunion du cinquième anniversaire du plan de continuation - Mme [A] était encore en arrêt de travail et ne pouvait donc se présenter dans l'entreprise sans avoir obtenu de son médecin traitant un certificat l'autorisant à une reprise anticipée il n'en demeure pas moins qu'il ressort de l'attestation de Mme [R], salariée, non sérieusement contestée , à savoir :

«... Le jeudi 15 octobre 2009, l'ensemble du personnel... était convié pour une journée d'information sur le projet d'entreprise souhaité et présenté par Mme [D] [V],DGD, depuis début 2009 et compagne de M. [Y]. Cette présentation avait lieu dans l'un des auditoriums des espaces de Sophia pour la matinée. Mme [A] est arrivée alors que la présentation avait débuté. Dès qu'elle a ouvert la porte M. [Y] s'est levé comme mu par un ressort et s'est précipité vers elle. Une altercation en sourdine s'est déroulée sous nos yeux et M. [Y] a littéralement poussé Mme [A] hors de la salle. Elle est revenue quelques instants plus tard par une porte à droite du podium et M. [Y] l'a installé à ses côtés... »

que M [Y], Directeur Général, a eu à son égard un comportement humiliant que l'absence de certificat médical de reprise est insuffisant à justifier , peu important comme le soutient la société CHACOK DEVELOPPEMENT que Mme [A] soit arrivée en cours de réunion et ait perturbé par son arrivée l' intervention qui était en train d'être faite, son poste dans la société pouvant légitimer l'absence de ponctualité invoquée ;

Attendu de surcroît que Mme [A] avait prévenu M. [X], Directeur des Ressources Humaines, de ce qu'elle pensait « être suffisamment en forme pour être parmi vous lors de la présentation du projet d'entreprise par nos dirigeants, après-demain, jeudi. Vous me demandez un avis de reprise anticipée de mon médecin traitant ' Je ne sais pas à quoi vous faites référence. Vous savez, je ne viendrai que si je suis en forme. Sinon, j'attendrai lundi »

concrétisant ainsi son désir de s'impliquer malgré son arrêt maladie dans la vie de sa société et non comme le soutient la société CHACOK DEVELOPPEMENT de faire une « arrivée théâtrale » n'ayant d'autre but que de « déstabiliser la Direction Générale » de la société ;

Attendu en conséquence que si la SA CHACOK DEVELOPPEMENT invoque un motif légitime à savoir qu'elle ne pouvait prendre le risque d'engager sa responsabilité en autorisant la reprise anticipée de Mme [A], ce motif, quoique compréhensible, ne pouvait servir de prétexte à adopter vis-à-vis de cette dernière, devant le personnel de la société, une attitude humiliante, et ce d'autant qu'elle soutient que Mme [A] aurait été un " cadre dirigeant " ce qui est de nature à justifier que l'on ait vis-à-vis d'elle quelques égards ;

Attendu qu'il apparaît également que le 5 octobre 2009, ainsi qu'en témoigne Mme [R] :

« le lundi 5 octobre 2009 M. [Y] est venu s'entretenir comme à l'accoutumée avec Mme [A] dans son bureau. Il a fermé la porte. Quelques minutes plus tard M. [Y] sortait du bureau visiblement fort mécontent. J'ai entendu Mme [A] prononcer mes noms et prénoms, ce à quoi M. [Y] a rétorqué très sèchement " j'appelle qui je veux [Z]".

M. [Y] est revenu vers le bureau de Mme [A] suivi de M. [X] [L] (RRH), M.[S] [B] (chef comptable) et Mlle [P] (hôtesse-standardiste) en passant devant mon bureau, situé en face de celui de Mme [A], M. [Y] m'a demandé de me rendre aussi dans le bureau de cette dernière.

Mme [A] était, à ce moment-là, le chef de service des quatre personnes appelées.

M. [Y] nous a indiqué qu'il nous demandait de constater des faits suivants :

" j'ai voulu remettre à [Z] [A] le présent courrier (posé sur le bureau dans un parapheur en deux exemplaires) en lui demandant d'en signer un exemplaire. Je vous demande de constater qu'elle refuse".

Mme [A] a indiqué qu'elle souhaitait nous préciser ce que ledit courrier contenait. M.[Y] a immédiatement rétorqué :" il n'en est pas question". Mme [A] a fait remarquer qu'elle ne signait pas ce genre de courrier.

Nous avons regagné nos postes.

Bien que n'ayant pas connaissance du contenu de ce courrier, j'ai bien compris qu'il s'agissait d'un fait d'une grande importance voyant Mme [A] mécontente, contrariée et mal à l'aise. »

M. [Y] a cru utile de prendre à témoin quatre personnes placées sous la dépendance hiérarchique de Mme [A] pour leur faire constater que cette dernière refusait la remise en main propre d'un courrier, alors que ce genre de refus n'est pas fautif, qu'il appartenait à M. [Y] en cas de refus d'adresser une lettre recommandée, que Mme [A] n'était nullement tenue d'accepter une remise en main propre, et qu'en conséquence, le fait de solliciter inutilement les quatre personnes en question constitue une attitude de déstabilisation évidente et d'humiliation qu'aucun élément objectif à cette date n'était de nature à justifier ;

Attendu qu'il apparaît encore que M. [Y] a adressé le 4 novembre 2009 à Mme [A] un mail indiquant :

« suspension de votre autorisation concernant tous paiements que vous pourriez vouloir effectuer pour le compte de l'ensemble des sociétés du groupe Chacok »

suivi le lendemain d'un mail lui indiquant :

« vous avez reçu par erreur un mail parti hier à 23 heures suite à une mauvaise manipulation de mon portable. Veuillez considérer ce mail comme nul et non avenu. Cordialement »

de sorte que quand bien même le mail initial aurait-il été envoyé par erreur, il concernait toutefois bien Mme [A], l'erreur concernant l'envoi de ce mail mais non son destinataire et sa teneur démontre la volonté de la direction générale de priver Mme [A] de l'une des prérogatives essentielles de sa fonction de directrice administrative et financière quelle exerçait au sein de la société depuis le 1er avril 2004 ;

Attendu que le rattrapage tardif de cet envoi n'est pas de nature à le priver de son caractère arbitraire et brutal ;

Attendu que Mme [A] démontre en conséquence de la part de l'employeur un ensemble de comportements suffisamment graves pour justifier que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de celui-ci, précision faite que les demandes ou reproches ultérieurement adressés à Mme [A] à compter du 20 octobre 2009 pour la première fois par Mme [D] (« début août 2009, vous nous avez informé que vous ne seriez pas en mesure de nous fournir, dans le temps, une situation au 30 juin 2009 de la société CHACOK DEVELOPPEMENT. Pouvez-vous m'informer désormais de l'état d'avancement des comptes, d'une date prévisible de transmission d'une situation au 30 septembre 2009 ' Par ailleurs, je vous remercie de bien vouloir me communiquer la copie du prévisionnel qui avait été établi pour l'exercice 2009 ») puis à nouveau le 23 octobre 2009 par M. [Y] («[Z], J'accuse réception de votre courrier recommandé daté du 19/10/2009. Nous l'examinons avec l'attention qu'il mérite et nous lui apporterons rapidement la réponse qu'il convient. Je souhaite par contre relayer la requête de [V] [D], qui vous a demandé, oralement puis par mail une situation comptable au 30/09/2009. Outre les interrogations sur les quelques chiffres lacunaires que vous nous avez transmis concernant les honoraires 2008, vous comprendrez l'extrême urgence pour moi comme pour [V] d'obtenir une situation comptable au 30/09/2009. En effet, n'ayant pas eu non plus de situation comptable à fin juin il ne nous est pas possible de naviguer « à vue » plus longtemps. Je vous demande donc de concentrer tous vos efforts sur ce point particulier qui est, je vous le rappelle, au coeur de votre mission afin de fournir à [V] dans les meilleurs délais, et au plus tard le 30/10/2009, l'ensemble des éléments dont nous avons besoin pour la bonne gestion de l'entreprise ») puis à nouveau le 6 novembre 2009 par M. [Y] («... Il suffit pour s'en convaincre de constater votre difficulté à me fournir les éléments comptables que [V] [D] et moi-même vous avons demandés, point sur lequel je reviendrai plus loin.... C'est vous qui peinez à nous fournir des informations qui nous font cruellement défaut.... Je vous réitère donc notre demande conjointe... de me remettre les éléments comptables que je vous ai demandés... ceci faisant partie intégrante de la mission pour laquelle vous êtes rémunérée. Je vous rappelle que je vous avais demandé ces éléments pour le 30 octobre jour où vous objectez à ma demande par courrier au lieu d'y répondre... J'aurais préféré que vous m'avertissiez en toute sincérité de votre incapacité à me fournir ces données dans les temps. Je vous rappelle une dernière fois l'urgence de cette demande à laquelle je vous demande de satisfaire dans des délais que vous m'avez vous-même fixés, à savoir le 12 novembre 2009... J'attire votre attention sur le dernier virement que vous avez déclenché au bénéfice de la société Prios : comment pouvez-vous d'une part, demander à vos collaborateurs de mettre ce virement à la validation de [V] [D] en affirmant être dessaisie de ce paiement et, d'autre part faire partir un virement de 25 000 € sans avoir obtenu cette même validation ' Je m'étonne en outre des délais que vous vous êtes arrogée pour ce dossier... ») puis à nouveau le 19 novembre 2009 par M. [Y] («... Je m'inquiète vraiment du retard pris, les réponses que vous m'avez adressées et les tableaux joints sont inexploitables en l'état et ne correspondent en rien aux situations comptables établies les années précédentes. Je vous demande donc une dernière fois d'établir au plus tard pour le 27 novembre prochain une situation comptable... ») et le 23 novembre 2009 par M.[Y] (« dans le cadre de nos derniers échanges, nous avons décidé de vous accorder un délai supplémentaire courant jusqu'au 27 novembre 2009... ») ne sauraient après-coup au prétexte de la carence de Mme [A], au surplus largement contestée par cette dernière, légitimer l'atteinte manifeste qui lui a été portée le 5 octobre 2009 - jour du retrait de la direction du projet ERP- et dans les jours suivants, et ce d'autant qu'en toute hypothèse le retrait brutal de la direction de ce projet pour le confier à la société AVANGARDE et le retrait concomitant de la fonction de responsable informatique qu'elle exerçait depuis plus d'un an et demi était de nature à la priver de toute visibilité sur les comptes et à l'empêcher d'établir sereinement les documents qui ne lui ont été instamment demandés qu'à partir du moment où elle-même s'est plainte de la dégradation de ses conditions d'emploi et de l'atteinte portée à sa fonction ;

Attendu qu'il y a donc lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la SA CHACOK DEVELOPPEMENT produisant les effets d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse dont la date sera fixée à l'envoi de la lettre de licenciement soit le 18 décembre 2009 ;

Attendu que Mme [A] ayant été abusivement privée à compter du mois d'octobre 2009 de la prime de 1200 € mensuelle qu'elle percevait depuis le 1er février 2008 et qu'elle aurait dû continuer à percevoir puisque le projet ERP n'était pas à cette date là terminé, il y a lieu de faire droit à sa demande à ce titre à hauteur de 3120 € ;

Attendu en revanche que s'agissant d'une prime il n'y a pas lieu à octroi de congés payés sur la somme susvisée ;

Attendu qu'il y a lieu par ailleurs de confirmer le jugement en ce qui concerne le rappel de salaire pendant la mise à pied à titre conservatoire, mise à pied dont Mme [A] n'a d'ailleurs pas été officiellement avisée puisque sa convocation à l'entretien préalable n'en fait pas état et que l'information a seulement été diffusée au personnel, soit la somme de 3480,53 € outre 348,05 € au titre des congés payés y afférents ;

Attendu que concernant l'indemnité compensatrice de préavis de quatre mois c'est à juste titre que Mme [A] demande de réintégrer dans son montant la prime de 1200 € mensuelle dont elle a été privée de sorte qu'il y a lieu de fixer la somme due à ce titre (6 832 € + 1200 € = 8 032 € mensuels) à la somme de 32 128 € outre 3212,80 € au titre des congés payés y afférents ;

Attendu par ailleurs qu'après réintégration dans le dernier salaire mensuel de la prime de 1200 € et compte tenu de ce que Mme [A] née en [Date naissance 1] 1958 était âgée de plus de 50 ans lors de son licenciement, il y a lieu de lui allouer au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement la somme de 33 119,03 € qu'elle sollicite et dont le calcul n'a au subsidiaire pas été contesté ;

Attendu par ailleurs que s'agissant de l'indemnité contractuelle de rupture l'avenant du 25 juillet 2006 prévoyait :

«Compte tenu de son ancienneté dans la société et de son implication sur tous les projets relatifs à sa pérennité, il sera versé à Mme [A] [Z], en cas de rupture de son contrat de travail non imputable à une faute grave ou lourde ou à sa démission, une indemnité forfaitaire de 150 000 euros, s'ajoutant au montant de l'indemnité légale et/ou celle prévue par la convention collective ainsi que de toute autre indemnité entourant la rupture du contrat de travail. (Exemple : congés payés,RTT, + -+-+ -)

fait à Biot le 25 juin 2006 en double exemplaire

[H] [Y]

Directeur Général » ;

Attendu que la Société CHACOK DEVELOPPEMENT indique que lorsque l'indemnité de licenciement est fixée par le contrat de travail à un montant manifestement excessif, les juges du fond peuvent estimer qu'elle représente pour partie une pénalité susceptible d'être réduite par application de l'article 1152 du Code civil et que tel est le cas d'une clause contractuelle dite de "golden parachute " ajoutant qu'en l'espèce cette indemnité représentant 22 mois de salaire bruts est manifestement excessive et ce d'autant qu'elle a été accordée dans un contexte particulier lié à l'époque à un projet de vente du Groupe Chacok dans le but de protéger la salariée d'un éventuel licenciement par la nouvelle direction ;

Attendu cependant que la Société CHACOK DEVELOPPEMENT ne démontre pas en quoi cette indemnité serait manifestement excessive ;

Attendu qu'aux termes de l'article 1152 du Code civil :

« lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite »

et il apparaît en l'espèce qu'au regard de l'ancienneté de Mme [A], plus de 14 ans, aux fonctions et responsabilités très lourdes qui lui ont été confiées jusqu'à ce que brutalement on les lui retire partiellement, au regard du licenciement qu'elle a subi à l'âge de 50 ans après un investissement sans reproche au sein d'une société pour laquelle elle avait d'ailleurs déjà travaillé quelques années avant d'y être réembauchée, considérant que la volonté de lui accorder cette indemnité en raison précisément tant de son ancienneté que de son implication a été confirmée par M. [Y] dès le 8 juin 2006, soit avant même l'avenant, au PDG de la Maison Ardens pressentie à l'époque pour acheter le Groupe Chacok, considérant que cette indemnité, représentant non 24 mois de salaire mais 18 mois et demi environ, a été concédée pour s'attacher les services de cette salariée et la dissuader notamment de démissionner et est la contrepartie tant de son investissement que du préjudice qu'elle a subi , elle ne présente aucun caractère excessif de nature à justifier sa réduction ;

Attendu qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement à ce titre et de condamner la Société CHACOK DEVELOPPEMENT à payer à Mme [A] la somme de 150 000 € sollicitée sur ce fondement ;

Attendu par ailleurs qu'eu égard à l'ancienneté et à l'âge de Mme [A], aux circonstances du licenciement, mais tenant compte qu'elle ne justifie postérieurement à celui-ci d'aucune recherche active d'emploi ni d'aucune période de chômage et a par ailleurs créé à une date non précisée sa propre société et dispense par ailleurs des cours en qualité de vacataire à l'Université de [Localité 1], il y a lieu de fixer à 50 000 € le montant des dommages et intérêts devant lui être alloué toutes causes de préjudices confondus pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et de la débouter de sa demande en paiement d'un préjudice moral distinct déjà indemnisé par la somme susvisée ;

Sur la demande au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs,

Attendu qu'à compter du 1er mars 2005 Mme [A] a été classée cadre au coefficient 600 niveau VI ce qui est considéré dans le cadre de l'accord du 1er décembre 1998 sur la réduction et l'aménagement du temps de travail dans les entreprises de l'habillement comme un cadre dirigeant dont la rémunération « est indépendante du nombre d'heures de travail effectif accompli durant la période de paie considérée. Le bulletin de paie doit faire apparaître que la rémunération est un forfait sans référence horaire » de sorte qu'indépendamment du fait qu'au 23 juin 2009 et contrairement au décompte qu'elle produit Mme [A] a signé un décompte des heures complémentaires pour son service sur lequel il apparaît qu'elle n'est créancière d'aucune heure c'est à juste titre qu'elle a été déboutée de cette demande par le jugement déféré ainsi que de celle en contrepartie obligatoire en repos qui en est le corollaire ;

Attendu en revanche qu'il y a lieu de confirmer le jugement qui a alloué à titre de solde d'indemnité compensatrice de congés payés la somme de 2201,63 € qui n'a au subsidiaire pas été sérieusement contestée ;

Attendu qu'il y a lieu de dire que la SA CHACOK DEVELOPPEMENT devra délivrer à Mme [A] ses documents sociaux et bulletins de salaires rectifiés conformément au présent arrêt la nécessité du prononcé d'une astreinte n'étant toutefois pas rapportée ;

Attendu que les créances salariales porteront intérêts au taux légal capitalisé à compter de la demande en justice soit le 19 novembre 2009 ;

Attendu qu'il y a lieu de confirmer la somme de 1000 € allouée en première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la Société CHACOK DEVELOPPEMENT en cause d'appel à payer à Mme [A] sur ce fondement la somme de 2000 € ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SA CHACOK DEVELOPPEMENT à verser à Mme [Z] [A] les sommes de 3480,53 € à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied, de 348,05 € au titre des congés payés y afférents, de 2201,63 € à titre de solde de l'indemnité compensatrice de congés payés, de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en ce qu'il a débouté Mme [A] de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, des congés payés y afférents, de contrepartie obligatoire en repos et de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct ainsi que dans sa disposition relative aux dépens,

Infirme pour le surplus,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la SA CHACOK DEVELOPPEMENT s'analysant en un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse dont la date est fixée au 18 décembre 2009,

Condamne la SA CHACOK DEVELOPPEMENT à verser à Mme [Z] [A] les sommes de :

3120 € à titre de rappel de prime ERP,

32 128 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

3212,80 € au titre des congés payés y afférents,

33 919,03 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

150 000 € au titre de l'indemnité contractuelle de rupture,

50 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ainsi qu'à lui délivrer les documents sociaux et les bulletins de salaire rectifiés conformément au présent arrêt,

Dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal capitalisé à compter du 19 novembre 2009,

Déboute Mme [A] de sa demande en paiement de congés payés sur rappel de prime ERP,

Rejette toute demande plus ample ou contraire,

Condamne la SA CHACOK DEVELOPPEMENT aux dépens ainsi qu' à payer à Mme [Z] [A] la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 11/18249
Date de la décision : 11/06/2013

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 17, arrêt n°11/18249 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-06-11;11.18249 ?
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