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16/01/2014 | FRANCE | N°12/07384

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 16 janvier 2014, 12/07384


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 16 JANVIER 2014



N° 2014/18













Rôle N° 12/07384







SARL SPATGAME





C/



[F] [W]

[B] [W]

[I] [V]

Compagnie d'assurances ACM IARD

Organisme CPAM DES ALPES MARITIMES MARITIME





















Grosse délivrée

le :

à :

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 13 Février 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 10/03320.





APPELANTE



SARL SPARTGAME sous le nom commercial 'LASERGAME', Prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié, [Adresse 6]

rep...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 16 JANVIER 2014

N° 2014/18

Rôle N° 12/07384

SARL SPATGAME

C/

[F] [W]

[B] [W]

[I] [V]

Compagnie d'assurances ACM IARD

Organisme CPAM DES ALPES MARITIMES MARITIME

Grosse délivrée

le :

à :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 13 Février 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 10/03320.

APPELANTE

SARL SPARTGAME sous le nom commercial 'LASERGAME', Prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié, [Adresse 6]

représentée par Me Sébastien BADIE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

ayant Me Frédéric ROMETTI, avocat au barreau de GRASSE,

INTIMES

Monsieur [F] [W] agissant es qualité de représentant légal de sa fille mineure [N] [W] , demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Jean-Marie JAUFFRES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

ayant Me Philippe TEBOUL, avocat au barreau de NICE,

Madame [B] [W] agissant es qualité de représentante légale de sa fille mineure [N] [W], demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Jean-Marie JAUFFRES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

ayant Me Philippe TEBOUL, avocat au barreau de NICE,

Monsieur [I] [V], demeurant [Adresse 4]

représenté et assisté par Me Maurice DUMAS LAIROLLE, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Audrey MAROQUESNE, avocat au barreau de NICE

Compagnie d'assurances ACM IARD, [Adresse 2]

représenté et assisté par Me Maurice DUMAS LAIROLLE, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Audrey MAROQUESNE, avocat au barreau de NICE

CPAM DES ALPES MARITIMES prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es-qualité audit siège, [Adresse 3]

représentée par Me Philippe- Laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 27 Novembre 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Lise LEROY-GISSINGER, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Christiane BELIERES, Présidente

Mme Jacqueline FAURE, Conseiller

Madame Lise LEROY-GISSINGER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2014

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2014,

Signé par Madame Christiane BELIERES, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Melle [N] [W], née le [Date naissance 1] 1996, a été blessée le 23 avril 2009, alors qu'elle participait, dans les locaux de la société Spatgame, à un jeu dénommé 'Laser Game', consistant à toucher les joueurs de l'équipe adverse avec un pistolet laser, dans un labyrinthe plongé dans la pénombre, Melle [W] et M. [V], un autre participant, s'étant heurtés à une intersection.

Par actes des 20 et 26 mai 2010, M. et Mme [W], agissant en qualité de représentants légaux de leur fille mineure, ont assigné M. [V] et son assureur, la société ACM Iard (la société ACM), en présence de la CPAM des Alpes maritimes, devant le tribunal de grande instance de Nice, afin qu'une expertise médicale soit organisée en vue de la réparation des préjudices subis par leur fille et qu'une provision lui soit accordée. Par acte du 5 octobre 2010, ils ont également assigné aux mêmes fins la société Spatgame sur le fondement de l'article 1147 du code civil. Ces deux instances ont été jointes par le tribunal de grande instance.

Par jugement du 13 février 2012, ce tribunal a :

- débouté M. et Mme [W] de leurs demandes dirigées contre M. [V] et son assureur,

- déclaré la société Spatgame responsable du préjudice corporel subi par Melle [W] et tenue de le réparer intégralement,

- ordonné une expertise médicale confiée au Dr [E],

- condamné la société Spatgame à payer à M. et Mme [W], ès qualités, une somme de 6 000 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice de leur fille,

- réservé les demandes accessoires et les dépens.

Le tribunal a retenu qu'il n'était pas établi que M. [V] aurait commis une faute, dès lors qu'il n'était pas démontré qu'il aurait enfreint les règles de sécurité du jeu ni volontairement percuté Melle [W], non plus qu'il aurait évolué de façon anormalement rapide dans le labyrinthe.

Il a, en revanche, considéré que la société Spatgame était tenue, en tant qu'organisatrice de jeu, d'une obligation de sécurité de moyens renforcée dans la mesure où le jeu était ouvert aux mineurs, et que, si elle avait respecté certaines règles de sécurité, elle avait manqué à son obligation en laissant pénétrer dans l'enceinte de jeu des mineurs et des majeurs de corpulence et de taille différentes.

Par déclaration du 20 avril 2012, dont la recevabilité et la régularité ne sont pas contestées, la société Spatgame a formé un appel général contre cette décision.

Prétentions et moyens des parties :

Par ses dernières conclusions du 20 juillet 2012, la société Spatgame a conclu à la réformation du jugement.

In limite litis, elle fait valoir l'irrecevabilité des demandes de M. et Mme [W] ès qualités, en ce qu'ils ont fondé leurs demandes sur l'article 1147 du code civil et 'à défaut' sur l'article 1384 alinéa 1er du même code, alors qu'une telle demande est contraire au principe du non cumul des responsabilités.

Au fond, elle a conclu au débouté des demandes sur chacun des fondements allégués et sollicité la condamnation des intimés à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Exposant toutes les mesures de sécurité qu'elle a prises, notamment l'interdiction faite aux joueurs de courir, elle estime qu'elle n'a pas violé l'obligation de sécurité de moyens pesant sur elle au regard de l'article 1147 du code civil et que l'accident trouve sa cause exclusive dans le comportement imprudent des deux joueurs qui se sont heurtés. Elle indique qu'elle ne peut imposer des mesures discriminatoires d'accès au terrain de jeu fondées sur la taille ou le poids. S'agissant de l'article 1384, alinéa 1er du même code, elle affirme qu'elle ne peut être responsable des agissements des joueurs qui demeurent des individus autonomes physiquement et intellectuellement.

Par leurs dernières conclusions du 26 septembre 2012, M. [V] et la société ACM concluent à la confirmation du jugement. Ils demandent qu'il soit jugé que Melle [W] ne rapporte pas la preuve que M. [V] ait commis une faute ni une infraction volontaire aux règles du jeu, ni une inattention ou une imprudence, qu'elle a accepté les risques du jeu et que la responsabilité de M. [V] ne peut donc être engagée. Ils ont sollicité la condamnation de Melle [W] à leur verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, ils ont sollicité, au cas où l'expertise serait confirmée, que l'expert soit appelé à préciser si les blessures peuvent être imputables à la pratique de la danse ou à un choc.

Par leurs dernières conclusions du 28 août 2012, M. et Mme [W], ès qualités, ont formé un appel incident, en sollicitant la réformation partielle du jugement.

Ils ont conclu que M. [V] avait engagé sa responsabilité sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil, que la société Splatgame avait engagé la sienne sur le fondement de l'article 1147 du même code et sollicité la condamnation in solidum de M. [V] et son assureur avec cette société à leur verser, ès qualités, la somme de 10 000 euros à titre de provision ainsi que celle de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils ont conclu à la confirmation du jugement en ce qui concerne l'expertise ordonnée.

Ils font valoir que M. [V], qui n'ignorait pas que des enfants pouvaient se trouver sur le parcours a fait preuve d'imprudence et que la société Splatgame était tenue d'une obligation de sécurité résultat qu'elle a violée, dès lors que le jeu, qui se fait dans un labyrinthe très sombre comportant des intersections brutes, n'était pas réservé à des participants d'un certain âge et que l'attention des joueurs n'était pas appelée sur ce fait, et qu'elle ne démontre pas l'existence d'une cause étrangère lui permettant de s'exonérer de sa responsabilité.

La CPAM des Alpes maritimes a conclu à la confirmation du jugement et demandé que ses droits soient réservés dans l'attente de la fixation du préjudice de la victime.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre préliminaire, il sera observé que les demandes formulées par M. et Mme [W], ès qualités, ne se heurtent à aucune irrecevabilité tenant à la règle du non cumul des régimes de responsabilité, dès lors que rien n'interdit à un demandeur d'invoquer l'une ou l'autre responsabilité, la règle conduisant seulement à interdire que la responsabilité d'une personne soit retenue sur le double fondement délictuel et contractuel.

Sur l'action dirigée contre M. [V] :

M. et Mme [W] soutiennent que le fait que M. [V] reconnaisse que Melle [W], âgée de 12 ans, et lui se sont heurtés 'de façon assez forte' à une intersection du labyrinthe, démontre son imprudence, alors qu'il ne pouvait ignorer que des enfants étaient susceptibles de se trouver dans le labyrinthe.

Cependant, si la responsabilité de toute personne est engagée par sa faute, sa négligence ou son imprudence au titre des articles 1382 et 1383 du code civil applicables en l'espèce, l'appréciation du comportement de la personne doit se faire in concreto, en considération des circonstances de l'accident. En l'espèce, celui-ci s'est produit au cours d'un jeu qui, par son objet même, n'exclut pas l'existence de collisions entre joueurs, puisqu'il se déroule dans la pénombre dans un lieu labyrinthique où les joueurs évoluent librement. Aucun élément ne permet de considérer que M. [V] aurait violé l'une des règles du jeu, étant observé qu'il n'est pas établi qu'il courrait au moment de l'accident et qu'aucune interdiction de courir n'était imposée, hors les escaliers. Par ailleurs, il ne peut être considéré que le fait que M. [V] et Melle [W] se soient heurtés établisse à lui seul l'existence d'un comportement anormal, fautif ou imprudent, de la part de celui-ci.

Dès lors, sa responsabilité dans l'accident n'est pas établie.

Sur l'action dirigée contre la société :

A l'égard des personnes participant au jeu, la société Spatgame est tenue d'une obligation contractuelle de sécurité, en application de l'article 1147 du code civil. Cependant, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme [W] à titre principal, s'agissant d'une activité au cours de laquelle les joueurs gardent une autonomie physique et peuvent faire preuve d'initiative puisque les personnes se déplacent en marchant librement dans l'aire de jeu et font usage de pistolets lasers, l'organisateur n'est tenu que d'une obligation de sécurité de moyens.

Dans ces conditions, la responsabilité de la société ne peut être engagée que s'il est démontré qu'elle a commis une faute en lien de causalité avec le préjudice, notamment une faute de nature à mettre en danger la sécurité des joueurs.

A cet égard, la société Spatgame établit que les consignes de sécurité comprenaient l'interdiction de jouer ou courir dans les escaliers, de prendre une position basse (accroupi ou couché) et l'obligation de regarder devant soi. Par ailleurs, les circonstances de l'accident, heurt à une intersection à angle droit, conduisent à considérer que celui-ci n'est pas lié au fait que les lieux étaient sombres mais à l'existence de croisements sans visibilité, de sorte qu'il aurait pu se produire si les lieux avaient été éclairés. Or, le fait d'organiser un jeu qui ne donne pas aux joueurs une parfaite visibilité de l'ensemble du terrain de jeu n'est pas, en soi, fautif et constitutif d'une mise en danger de la sécurité des participants. En outre, l'ampleur des risques comportés par ce type de jeu ne paraît pas telle qu'il puisse être considéré comme fautif de permettre l'entrée concomitante, dans l'enceinte de jeu, de mineurs et majeurs ou de ne pas faire figurer dans les locaux de mises en garde concernant cette circonstance.

En conséquence, la responsabilité de la société Spatgame ne sera pas retenue.

Sur la demande de provision complémentaire.

La responsabilité de la société Spatgame n'étant pas retenue, la demande de provision complémentaire ne peut qu'être rejetée.

Sur les demandes annexes :

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties, étant observé que M. et Mme [W], ès qualités, étant déboutés, ils ne peuvent prétendre au bénéfice de ces dispositions.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Rejette toutes les demandes de M. et Mme [W], ès qualités, dirigées contre M. [V] et la société Spatgame,

Rejette toutes les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne M. et Mme [W], ès qualités, aux dépens de première instance et d'appel, y inclus les frais d'expertise médicale, et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 12/07384
Date de la décision : 16/01/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°12/07384 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-01-16;12.07384 ?
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