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16/01/2014 | FRANCE | N°12/21887

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 16 janvier 2014, 12/21887


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 16 JANVIER 2014



N°2014/19

BP













Rôle N° 12/21887







[W] [U]





C/



SARL WORLD EXPRESS SERVICE



































Grosse délivrée

le :

à :

Me Laurent NICOLAS, avocat au barreau de NICE



Me Philippe BERDAH,

avocat au barreau de NICE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section E - en date du 25 Octobre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/1970.





APPELANTE



Madame [W] [U], demeurant [Adresse 1...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 16 JANVIER 2014

N°2014/19

BP

Rôle N° 12/21887

[W] [U]

C/

SARL WORLD EXPRESS SERVICE

Grosse délivrée

le :

à :

Me Laurent NICOLAS, avocat au barreau de NICE

Me Philippe BERDAH, avocat au barreau de NICE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section E - en date du 25 Octobre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/1970.

APPELANTE

Madame [W] [U], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Laurent NICOLAS, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

SARL WORLD EXPRESS SERVICE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Philippe BERDAH, avocat au barreau de NICE substitué par Me Anaïs TARONE, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 14 Novembre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte PELTIER, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Brigitte PELTIER, Conseiller

Greffier lors des débats : .

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2014

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2014

Signé par Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme [K] [U] a été embauchée le 1er avril 2009 par la société World Express Service (WES) en qualité de cadre commercial ; elle a été licenciée par courrier du 5 octobre 2011 pour faute grave ;

Par déclaration en date du 16 novembre 2012, Mme [U] a interjeté appel du jugement du 25 octobre, au terme duquel le conseil de prud'hommes de Nice, saisi le 17 octobre 2011, a dit le licenciement fondé sur une faute grave, l'a déboutée de ses demandes et condamnée aux dépens.

Aux termes des écritures, reprises oralement à l'audience, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions, les parties formulent les demandes suivantes :

Mme [U] conclut à l'infirmation du jugement déféré et sollicite paiement d'une somme de 39.066,64 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 13.149,99 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre congés payés y afférents, 2.629,80 euros au titre de l'indemnité de licenciement, 628,58 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, remise des documents sociaux rectifiés sous astreinte ;

Elle soutient qu'après deux années de collaboration fructueuse, et alors que la part fixe de son salaire était passée de 2.900 euros à 3.300 euros, elle s'était vue affublée d'un contrôle permanent en la personne de M. [Y], co-gérant ainsi qu'une autre salariée, ne disposant plus de la liberté au regard de ses fonctions de cadre, et subissant des pressions pour la pousser à quitter l'entreprise ; qu'ainsi elle avait été convoquée le 19 septembre 2011 au matin à un entretien au cours duquel il lui était proposé une rupture conventionnelle moyennant paiement d'un mois de préavis alors que la convention collective en prévoit trois et un mois de salaire net ; qu'après une nouvelle tentative, le 20 septembre, de lui faire régulariser cette rupture, elle avait décidé de quitter les lieux mais avait alors été sommée de restituer les effets de la société, en particulier son véhicule de fonction, le téléphone professionnel ainsi que les clés des locaux et avait été contrainte de faire intervenir la Police de l'Air et des Frontières présente sur le site ; qu'une mise à pied lui était alors notifiée le 22 septembre, au motif « il semble que vous ayez dénigré l'entreprise », assortie d'une convocation à un entretien préalable de licenciement ; que son licenciement disciplinaire repose en grande partie sur un grief lié à une insuffisance professionnelle non susceptible de caractériser une faute grave dont la réalité n'est pas démontrée ; que la décision de licenciement a été prise avant même l'entretien préalable puisqu'elle s'était vue enjointe, sans entretien préalable organisé, de régulariser une rupture conventionnelle puis de remettre ses outils de travail ; que sur le fond le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en ce que la lettre vise de nombreux faits prescrits et ne résistant pas à l'analyse qu'elle en présente, fallacieux ou purement inventés ;

La société WES conclut à la confirmation de la décision déférée, au débouté adverse, au paiement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre entiers dépens.

Elle fait valoir que Mme [U] a été défaillante dans l'exécution de ses tâches dès le début de l'année 2011, en négligeant son travail de prospection et en passant des contrats très peu rentables pour son employeur, en commettant de nombreuses négligences et insubordinations à l'égard de la direction, en faisant preuve de déloyauté, en dénigrant l'entreprise et même en tentant de détourner la clientèle ; que c'est en raison de ces nombreuses fautes professionnelles qu'elle a été contrainte de notifier une mise à pied conservatoire, en suite de laquelle la salariée a refusé de restituer le matériel mis à sa disposition, malgré la demande expresse du gérant ; qu'en l'absence d'explication convaincante de la salariée elle n'a eu d'autre choix que de notifier le licenciement pour faute grave aux motifs d'insuffisance professionnelle et négligences fautives, insubordination caractérisée à l'occasion des incidents de 20 et 21 septembre 2011, dénigrement caractérisé et détournement avéré de clientèle ; à titre infiniment subsidiaire, que les demandes ne sont pas fondées en leur quantum en ce que nonobstant les indemnités légales, toute indemnité supplémentaire doit faire l'objet de la démonstration d'un préjudice particulier ;

SUR CE

La faute grave, dont la preuve incombe à l'employeur, est définie comme résultant d'un fait, ou d'un ensemble de faits, imputable au salarié et constituant une violation des obligations du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ;

Au cas d'espèce, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, longue de cinq pages, énonce : « (') nous avons pris la décision de vous licencier pour faute grave pour défaut de loyauté envers l'employeur, dénigrement de l'entreprise, tentative de détournement de clientèle, pour insuffisance professionnelle, pour négligence et pour insubordination. » ; après un premier paragraphe consacré à l'insuffisance professionnelle quant aux résultats obtenus, ce courrier énumère pas moins de 30 faits listés dans un tableau par ordre chronologique du 18 mars (rendez-vous non pris avec un client parti à la concurrence) au 29 septembre 2011 (rendez-vous de la semaine 37 non réalisés) ;

Toutefois, et pour justifier du bien fondé du licenciement prononcé pour faute grave, dont la preuve lui incombe, la société WES se borne à produire un relevé d'activité comptable certifié sincère par son gérant, le certificat d'immatriculation du véhicule de fonction de Mme [U], un procès-verbal de restitution de ce véhicule, daté du 12 octobre 2011 ainsi qu'une facture de réparation du véhicule restitué, outre cinq attestations ;

Or, si le relevé d'activité certifié conforme par l'employeur et dont la portée est contestée par Mme [U] qui se fonde sur d'autres chiffres, est insusceptible de démontrer l'insuffisance professionnelle reprochée, force est d'admettre que l 'appelante observe en tout état de cause à juste titre qu'en l'absence de toute autre démonstration, une insuffisance professionnelle est exclusive de la notion de faute grave, observation faite qu'au cas d'espèce, la société WES ne justifie d'aucun avertissement quant à un non respect de directive ; de même, si le gérant de la société soutient s'être aperçu le 1er septembre 2011 que le véhicule de fonction confié à Mme [U] se trouvait dans un état de délabrement avancé, un tel état ne ressort aucunement des photographies photocopiées du constat d'huissier réalisé lors de la restitution du véhicule, ayant parcouru plus de 70.000 kms, observation faite qu'à le supposer établi, un tel mauvais état n'est également pas susceptible de caractériser une faute grave privative de préavis ;

S'agissant de l'insubordination caractérisée, la société WES fait grief à Mme [U] d'avoir éconduit des clients les 19 et 20 septembre et produit en ce sens une attestation (pièce 10) aux termes de laquelle elle aurait répondu au client « Au pays de la fleur d'Oranger » le 20 septembre 2011, qu'elle n'allait pas bien et ne pouvait donner suite à sa demande, ainsi qu'une attestation émanant d'une autre salariée (pièce 11) aux termes de laquelle elle aurait répondu ce même jour à ce même client qu'elle ne traiterait pas son dossier ; toutefois, il n'est pas contesté que ces faits se sont produits après que Mme [U] ait été convoquée la veille et le jour même dans le bureau du directeur lui ayant annoncé qu'il se proposait de lui faire régulariser une rupture conventionnelle, motif pour lequel elle a quitté le bureau de ce dernier et refusant d'y retourner en dépit de l'insistance de ce dernier, a décidé de quitter l'entreprise, pour échapper à ce qu'elle qualifie de harcèlement, ce qu'elle n'a pu faire qu'après intervention de la Police de l'Air et des Frontières ;

Or, la main-courante dressée par ces agents expose à propos de l'employeur et de sa salariée  : « Ces deux individus sont en désaccord sur la procédure de licenciement intentée par l'employeur pour faute grave. Le plus gros du différent se trouvant sur la demande de l'employeur de rendre immédiatement le matériel informatique et de télécommunication mis à disposition par l'entreprise (..) ainsi que le véhicule de fonction (') ; il s'ensuit que Mme [U] est encore fondée à observer que son licenciement, ainsi mis à exécution dès le 20 septembre, a été décidé avant même toute convocation à entretien préalable, circonstance caractérisant l'absence de cause réelle et sérieuse de celui-ci sans qu'il ne soit besoin d'analyser le dernier grief développé par la société WES et tiré d'un dénigrement de l'entreprise ne reposant au demeurant que sur les deux attestations ci-dessus visées outre un courriel d'un client daté du 12 mars 2012, soit 6 mois après la date du licenciement, observation faite qu'en outre il ne résulte ni de cette main-courante, ni même des deux attestations salariées que l'employeur ait prononcé le 20 septembre 2011 la mise à pied conservatoire notifié ultérieurement ;

Il suit de ce qui précède que Mme [U] est fondée à entendre déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et que le jugement déféré sera infirmé de ce chef ;

Il sera dès lors alloué à Mme [U] les sommes justifiées par les pièces du dossier et non contestées en leur montant de 13.149,99 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre congés payés y afférents, 2.629,80 euros au titre de l'indemnité de licenciement et 628,58 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire ;

Mme [U], qui justifie d'un arrêt de travail à compter du 21 septembre 2011 avec constatation médicale d'un syndrome dépressif réactionnel, fait valoir qu'elle élève seule deux enfants, qu'elle a décidé de créer sa propre structure, démarrée au mois de décembre 2011, au titre de laquelle elle ne dégage qu'un salaire de 500 euros mais ne justifie toutefois pas de sa situation économique postérieurement à la date du licenciement ; il s'ensuit qu'au regard de son ancienneté, il lui sera alloué une somme, correspondant à 6 mois de salaire, de 26.310 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et il sera ordonné la remise des documents sociaux rectifiés sans qu'il n'y ait lieu au prononcé d'une astreinte ;

En outre et par application de l'article L.1235-4 du code du travail, il sera ordonné le remboursement des éventuelles allocations chômage versées par Pôle Emploi dans la limite de 6 mois ;

Enfin, les dépens seront supportés par la société WES qui succombe et qui sera condamnée au paiement d'une somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en matière prud'homale, et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré, et statuant à nouveau

Condamne la société World Express Service à payer à Mme [K] [U] les sommes de 13.149,99 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 1.315 euros au titre des congés payés y afférents, 2.629,80 euros au titre de l'indemnité de licenciement, 628,58 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, 26.310 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ordonne la délivrance des documents sociaux rectifiés.

Condamne la société World Express Service à rembourser à Pôle Emploi le montant des indemnités de chômage versées dans la limite de 6 mois.

Dit qu'une copie du présent arrêt sera adressée par le Greffe de cette chambre à Pôle Emploi.

Condamne la société WES à payer à Mme [K] [U] la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société WES aux entiers dépens.

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

 

 

LE GREFFIER                                             LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre b
Numéro d'arrêt : 12/21887
Date de la décision : 16/01/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°12/21887 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-01-16;12.21887 ?
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