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16/01/2014 | FRANCE | N°12/24562

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre b, 16 janvier 2014, 12/24562


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 16 JANVIER 2014

D.D-P

N° 2014/













Rôle N° 12/24562







MINISTERE PUBLIC AIX EN PROVENCE





C/



[Z] [H]





















Grosse délivrée

le :

à :



Madame POUEY, substitut général (2)



Me Gaëlle BAPTISTE











Décisio

n déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 14 Novembre 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 11/10513.





APPELANT





LE PROCUREUR GENERAL

PRES LA COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

[Adresse 2]



représenté par Madame POUEY, substitut général.







INTIME





Mo...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 16 JANVIER 2014

D.D-P

N° 2014/

Rôle N° 12/24562

MINISTERE PUBLIC AIX EN PROVENCE

C/

[Z] [H]

Grosse délivrée

le :

à :

Madame POUEY, substitut général (2)

Me Gaëlle BAPTISTE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 14 Novembre 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 11/10513.

APPELANT

LE PROCUREUR GENERAL

PRES LA COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

[Adresse 2]

représenté par Madame POUEY, substitut général.

INTIME

Monsieur [Z] [O] [H]

né le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 1] (ALGERIE),

demeurant [Adresse 3]. [Adresse 1]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2013/002127 du 12/03/2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

représenté et assisté par Me Gaëlle BAPTISTE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 05 Décembre 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur François GROSJEAN, Président

Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller

Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2014.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2014,

Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Le 30 novembre 2006, le greffier en chef du tribunal d'instance de Marseille a délivré à M. [Z] [H] né le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 1] un certificat de nationalité française sur le fondement de l'article 18 du code civil, faisant mention de ce qu'il est français pour être né d'une mère française, Mme [X] [Q] née le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 1] en Algérie de Mme [I] [U] et M. [A] [Q], lui-même issu de M. [N] [Q] et de Mme [W] [K].

Le 9 août 2011, le procureur de la République de Marseille a fait assigner M.[Z] [H] devant le tribunal de grande instance de Marseille en constatation de son extranéité.

Par jugement contradictoire en date du 14 novembre 2012, le tribunal de grande instance de Marseille a :

' constaté que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré par le ministère de la justice,

- débouté le Procureur de la République de sa demande en constatation de l'extranéité de M.[Z] [H],

- et mis les dépens à la charge du Trésor Public.

Par déclaration reçue par courrier 'pour cause étrangère'en date du 26 décembre 2012, le ministère public a relevé appel de ce jugement.

L'affaire a été fixée à bref délai, en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile.

Par conclusions, déposées et notifiées uniquement par écrit le 6 juin 2013, le ministère public demande à la cour :

- de constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

- d' infirmer le jugement entrepris,

- de constater l'extranéité de M.[Z] [H],

- d'ordonner la mention du présent jugement en marge de l'acte de naissance en application de l'article 28 du Code civil.

Le ministère public fait valoir que le certificat de nationalité française litigieux ne vise aucune pièce démontrant l'appartenance des ascendants de M. [Z] [H] au statut civil de droit commun ; qu'en application de l'article 32-1 du Code civil « Les Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie à la date de l'annonce officielle des résultats du scrutin d'autodétermination conservent la nationalité française quelle que soit leur situation au regard de la nationalité algérienne » ; que le statut civil personnel doit être distingué de la citoyenneté française ; que c'est ainsi qu'en Algérie des Français musulmans relevaient d'un statut de droit local et non du Code civil dit statut personnel de droit commun ; que le droit local pouvait être hébraïque, ou plus souvent coranique, en fonction de l'appartenance à telle ou telle communauté, ce que les autorités françaises en Algérie ont entendu respecter ; que le bénéfice dispositions de l'article 32-1 du Code civil implique donc que soit rapportée la double preuve d'une part, de la qualité de Français avant l'indépendance de l'Algérie et d'autre part, du statut civil de droit commun ;

- que la renonciation au statut civil de droit local ne se présume pas ; qu'elle doit être expresse et ne peut résulter pour les Français musulmans que d'un décret ou d'un jugement d'admission au statut de droit commun pris en application du Sénatus- consulte du 14 juillet 1865, de la loi du 4 février 1919 ou du 18 août 1929 ;

- que le certificat de nationalité française en cause vise les dispositions du décret Crémieux du 24 octobre 1870 qui dispose que « les israélites indigènes des départements de l'Algérie seront déclarés citoyens français et en conséquence leur statut réel et leur statut personnel seront à compter de la promulgation du présent décret, régis par la loi française. » ; que le décret du 7 octobre 1871 a prévu que pour justifier de cette admission au statut civil de droit commun, les israélites devaient produire : soit un acte de notoriété établi sur la base de 7 témoins, soit une décision du juge de paix ; qu'aucun de ces éléments a été présenté devant le greffier en chef du tribunal d'instance de Marseille ;

- que l'intimé ne produit aucune pièce démontrant son origine israélite ;

- que les personnes originaires d'Algérie de confession israélite ont conservé la nationalité française sur le fondement exclusif de la loi du 20 décembre 1966 reprise dans l'article 32-1 du Code civil afin d'éviter toute apatridie, puisque le code de la nationalité algérienne dispose en son article 5 issu de la loi du 27 mars 1963 dispose qu' 'Est de nationalité algérienne par la filiation l'enfant :

- né d'un père algérien,

- né d'une mère algérienne et d'un père inconnu

- né d'une algérienne et d'un père apatride', et que le mot 'algérien' s'entend de toute personne dont au moins deux ascendants en ligne paternelle sont nés en Algérie et jouissent du statut de musulman, de sorte que les israélites sont implicitement exclus de la nationalité algérienne ;

- qu'il résulte de l'arbre généalogique produit par l'intéressé que son grand-père et sa grand-mère sont tous deux nés en Algérie et qu'ils ont donc été saisis par la loi algérienne de nationalité ; de sorte que la loi française du 20 décembre 1966 n'est pas applicable à [A] [Q] qui était majeur au moment de l'indépendance de l'Algérie étant né en 1925 et que sa fille [X], mineure au 3 juillet 1962, a suivi sa condition et perdu la nationalité française ; qu'aucun élément de possession d'état de français n'est été produit aux débats démontrant que la mère et le grand-père maternel ont conservé la nationalité française après l'indépendance de l'Algérie et les faisant présumer relever du statut civil de droit commun ; que c'est ainsi que le tribunal de grande instance de Lille a constaté l'extranéité de [F] [L], cousine de M.[Z] [H] ; qu'en définitive M.[Z] [H] est né à l'étranger de parents de statut civil de droit local ayant perdu la nationalité française à la date du 1er janvier 1963, date des effets de l'indépendance de l'Algérie sur la nationalité, faute d'avoir souscrit la déclaration recognitive de nationalité française prévue à l'article deux de l'ordonnance du 21 juillet 1962.

Par conclusions notifiées et déposées le 27 juin 2013, M.[Z] [H] demande à la cour, au visa des articles 18, 18-1, 30, et 32-1 à 32-3 du code civil, de confirmer le jugement attaqué, et de condamner le Trésor Public à lui payer la somme de 900 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec distraction.

L'intimé répond que son arrière-grand-mère, Mme [W] [K], est née le [Date naissance 5] 1895 à [Localité 1] en Algérie ; qu'elle est elle-même française en vertu du décret du 24 octobre 1870 qui déclare citoyens français les israélites indigènes d'Algérie ; que son père et sa mère sont demeurés français de plein droit à l'indépendance sans être astreints à aucune formalité en application de l'article 32-1 du Code civil qui dispose que « Les français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie à la date de l'annonce officielle des résultats du scrutin d'autodétermination conservent la nationalité française quelle que soit leur situation au regard de la nationalité algérienne. » ; que le ministère public prêtend qu'aucune pièce ne démontre l'origine israélite de la famille de M.[Z] [H] ; que l'origine israélite ressort des noms et prénoms des ascendants de M.[H] que les témoins ont apposé leur signature en hébreu sur l'acte de naissance de l'arrière arrière-grand-mère de l'intéressé ;que le second témoin du mariage de la soeur de celle-ci est un rabbin ;

- que le ministère public avance ensuite les conditions prévues par le décret du 7 octobre 1871 ne seraient pas réunies et que les ascendants de l'intimé relèveraient en conséquence du droit local ; qu'ils réclament la production soit d'un acte de notoriété établi sur la base de sept témoins, soit une décision du juge de paix, alors que l'article 3 du décret du 7 octobre 1871 dispose que « Cette justification se fera devant le juge de paix du domicile de l'Israélite. Elle aura lieu soit par la production d'un acte de naissance, soit par la déclaration écrite ou le témoignage verbal de sept personnes demeurant en Algérie depuis 10 ans au moins, soit par toute preuve que le juge de paix admettra comme concluante. » ; que la preuve peut donc être faite par la production d'un acte de naissance ; que de surcroît cette formalité n'était exigée que pour l'inscription sur les listes électorales, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation dans un arrêt de principe du 23 février 1977 ;

- qu'il est produit l'acte de naissance de Mme [W] [K] établi le 22 octobre 1895 qui se présente sous la forme des actes d'État civil des Français de statut de droit commun, et non de droit local ;

- qu'une carte nationale d'identité française a été délivrée à Mme [W] [K] par le consul de France le 10 mai 1963, c'est-à-dire après l'indépendance de l'Algérie ; que le tribunal a donc exactement jugé qu'elle avait possession d'État français après l'indépendance- que M. [A] [Q] est fils de Mme [W] [K] dont les actes de naissance de tous les frères et soeurs relèvent du droit français et du statut civil de droit commun ;

- que M. [A] [Q] dispose d'un certificat de nationalité française précisant qu'il est français de statut civil de droit commun suite à une union mixte, père de droit local, mère de droit commun ; que M. [A] [Q], même s'il était majeur à la date de l'indépendance, s'est vu appliquer les mêmes règles et dispose d'un acte de naissance enregistré à l'État civil de [Localité 2] établi le 18 juin 1998 ;

- que ses enfants ont donc suivi son statut en application de l'article 32-3 alinéa 2 du Code civil et sont demeurés de nationalité française sans formalités ;

- que le ministère public à la charge de la preuve de l'extranéité de l'intéressé qui dispose d'un certificat présumant de la nationalité française et que les jugements dont il se prévaut ont été rendus sans que l'intéressé et bénéficie de l'assistance d'un avocat et faute de preuve de l'origine israélite, contrairement aux cas d'espèce.

MOTIFS :

Attendu que la preuve de la nationalité française des descendants d'Israélites établis en Algérie peut être rapportée par tous les moyens, conformément au droit commun en matière de preuve de la nationalité ; que ceux qui se sont vus attribuer la citoyenneté française comme israélites algériens sont des citoyens français soumis au statut civil de droit commun en vertu du décret Crémieux 24 octobre 1870, qu'ils aient ou non rempli les formalités que le décret du 7 octobre 1871 n'exigeait que pour l'inscription sur les listes électorales ;

Attendu qu'un certificat de nationalité a la force probante qui est attachée aux documents qui ont permis de l'établir ;

Attendu que l'intéressé rapporte la preuve par de nombreuses productions de l'origine israélite de la famille de l'arrière-grand-mère de l'intéressé, Mme [W] [K] ; que l'appartenance au statut de droit commun de cet ascendant est établie par l'acte de mariage des parents de celle-ci, [B] [K] et de Mme [I] [D], dressé le 26 décembre 1889 devant l'officier d'État civil de la commune de [Localité 1], acte transcrit à [Localité 2] en application du droit civil français et par la production d'un acte de naissance du 22 octobre 1895 de Mme [W] [K] dressé en la forme des actes d'état civil français, transcrit dans les registres de l'État civil de [Localité 2] ;

Attendu qu'une carte d'identité française a été délivrée à Mme [W] [K] en 1963, après l'indépendance de l'Algérie, de sorte qu'elle a joui de la possession d'état de française après cette date ;

Attendu que Mme [W] [K] s'est mariée en 1922, acte transcrit le 24 juin 1992 sur les registres de l'État civil de [Localité 2], avec M. [N] [Q] de statut personnel musulman ; qu'étant issu d'un mariage mixte, mère de statut de droit commun et père de statut de droit local, M. [A] [Q] né le [Date naissance 4] 1925 à [Localité 1] relève du statut personnel de droit commun ;

Attendu que M. [A] [Q], né en Algérie avant l'indépendance d'une mère qui a conservé la nationalité française de plein droit, était majeur au jour de l'indépendance de l'Algérie ; qu'en application de l'article 32-1 du Code civil il a « conservé la nationalité française quelle que soit sa situation au regard de la nationalité algérienne », et joui par la suite de la possession d'état de français établie par un acte de naissance dressé en la forme des actes d'État civil français et par un certificat de nationalité qui lui a été délivré par les services de l'État civil de [Localité 3] en 1998 ;

Attendu qu'en application de l'article 32-3 du Code civil :

« Tout français domicilié à la date de son indépendance sur le territoire d'un État qui avait eu antérieurement le statut de département ou de territoire d'outre-mer de la République, conserve de plein droit sa nationalité dès lors qu'aucune autre nationalité ne lui a été conférée par la loi de cet État.

Conservent également de plein droit la nationalité française les enfants des personnes bénéficiaires des dispositions de l'alinéa précédent, mineurs de 18 ans à la date de l'accession à l'indépendance du territoire où leurs parents étaient domiciliés. »

Attendu que la fille de [A], [X] [Q], mineure au 3 juillet 1962, a donc suivi la condition de son père ; qu'elle bénéficie de plein droit de la nationalité française ;

Attendu que M. [Z] [H] est né le [Date naissance 1] 1986 à l'étranger d'une mère de statut personnel de droit commun et d'un père, M. [C] [H] né le [Date naissance 3] 1951 avant l'indépendance de l'Algérie ; qu'il n'est pas contesté que son père ait pour sa part le statut civil personnel de droit local ; que ce dernier a donc perdu la nationalité française au 1er janvier 1963, date des effets de l'indépendance de l'Algérie sur la nationalité, faute d'avoir souscrit la déclaration recognitive de nationalité française prévue à l'article 2 de l'ordonnance du 21 juillet 1962 ;

Attendu que M. [C] [H] et [X] [Q] se sont mariés le [Date mariage 1] 1981 ; que l'intéressé, né à [Localité 1] après l'indépendance de l'Algérie, d'une mère de nationalité française et d'un père de statut personnel musulman, a été saisi par la loi algérienne de nationalité, puisque celle-ci suit la condition du père en vertu des principes régissant le droit de la nationalité algérienne ; que M. [Z] [H] ne peut pas prétendre à la nationalité française ;

Attendu qu'il est à relever qu'il ne ressort d'aucun élément que ses parents ou lui-même aient jamais joui de la possession d'état de français ;

Attendu que le ministère public établit le caractère erroné des mentions du certificat de nationalité française qui lui a été délivré ; qu'il y a lieu de constater son extranéité et de réformer le jugement déféré ;

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Constate que le récépissé prévu par article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et ajoutant

Constate l'extranéité de M. [Z] [H],

Ordonne les mentions prévues par l'article 28 du Code civil,

Condamne l'intimé aux entiers dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre b
Numéro d'arrêt : 12/24562
Date de la décision : 16/01/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1B, arrêt n°12/24562 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-01-16;12.24562 ?
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