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16/01/2014 | FRANCE | N°13/03856

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre c, 16 janvier 2014, 13/03856


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE



1ère Chambre C



ARRÊT

DU 16 JANVIER 2014



N° 2014/34

A. J.













Rôle N° 13/03856







Syndicat CGT FAPT 84 VAUCLUSE



C/



S.A. ORANGE







Grosse délivrée

le :

à :







Maître GOLDMANN



Maître BERTHELOT









Décision déférée à la Cour :



Ordonnance de référé re

ndue par Monsieur le président du tribunal de grande instance de Marseille en date du 15 février 2013 enregistrée au répertoire général sous le N° 12/05526.







APPELANT :



Syndicat CGT FAPT 84 VAUCLUSE,

agissant poursuites et diligences de son secrétaire dûment mandaté, M. [Z] [O],

demeurant [Adresse 2]



...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1ère Chambre C

ARRÊT

DU 16 JANVIER 2014

N° 2014/34

A. J.

Rôle N° 13/03856

Syndicat CGT FAPT 84 VAUCLUSE

C/

S.A. ORANGE

Grosse délivrée

le :

à :

Maître GOLDMANN

Maître BERTHELOT

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par Monsieur le président du tribunal de grande instance de Marseille en date du 15 février 2013 enregistrée au répertoire général sous le N° 12/05526.

APPELANT :

Syndicat CGT FAPT 84 VAUCLUSE,

agissant poursuites et diligences de son secrétaire dûment mandaté, M. [Z] [O],

demeurant [Adresse 2]

représenté et plaidant par Maître Juliette GOLDMANN, avocat au barreau de MARSEILLE, substituée par Maître Cédric HEULIN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉE :

S.A. ORANGE,

venant aux droits de la S.A. FRANCE TELECOM,

demeurant [Adresse 1]

représentée et plaidant par Maître Stéphanie BERTHELOT, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 décembre 2013 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur André JACQUOT, conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Serge KERRAUDREN, président

Monsieur André JACQUOT, conseiller

Madame Laure BOURREL, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Serge LUCAS.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2014.

ARRÊT :

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2014,

Signé par Monsieur Serge KERRAUDREN, président, et Monsieur Serge LUCAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*-*-*-*-*-*

EXPOSE DU LITIGE

La société ORANGE emploie des chargés d'affaires qui disposent d'un véhicule fourni par l'entreprise pour réaliser les déplacements auprès de la clientèle et des chantiers dont ils ont la charge. Durant plusieurs années, ceux-ci pouvaient remiser les véhicules à leur domicile.

La société ORANGE a entendu mettre un terme à cette pratique à compter de 2002 et a offert des indemnités fixes et dégressives aux salariés renonçant au remisage à domicile. En 2005, l'unité Régionale de Réseau Rhône et Durance a prévu la fin du remisage à domicile pour le 1er avril 2005 avec maintien temporaire pour certains salariés. En 2007, l'Unité d'intervention Rhône Durance décidait d'autoriser le remisage à domicile sur avis de l'assistance sociale, l'autorisation étant limitée à un an. Cinq chargés d'affaires ont vu ainsi l'autorisation demandée reconduite successivement de 2007 à 2012 puis ils étaient informés le 1er août 2012 de la cessation définitive de l'autorisation à compter du 1er janvier 2013.

Soutenant que la société ORANGE avait mis un terme à un usage sans en informer préalablement les institutions représentatives du personnel, le syndicat CGT FAPT 84 a sollicité du juge des référés de [Localité 1] la suspension de la décision de suppression entreprise sur le fondement de l'article 809 du code de procédure civile. Par décision contradictoire du 15 février 2013, le juge des référés s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande au motif que les cinq salariés avaient la qualité de fonctionnaires et relevaient à ce titre de la juridiction administrative.

Appelant de cette décision, le syndicat CGT FAPT 84 expose que :

- le litige s'inscrivant dans les relations collectives entre une société de droit privé et ses salariés relève du juge judiciaire,

- le syndicat défendant un intérêt collectif est recevable à agir au visa de l'article L 2132-3 du code du travail,

- la société ORANGE a méconnu la procédure de dénonciation intégrant trois étapes soit une information des institutions représentatives du personnel, l'information individuelle de chaque salarié concerné et le respect d'un délai de prévenance suffisant permettant d'éventuelles négociations,

- l'irrégularité de la dénonciation la rend inopposable.

Le syndicat CGT FAPT 84 sollicite l'infirmation de l'ordonnance déférée, la suspension de la décision litigieuse, le maintien du remisage à domicile sous astreinte et la condamnation de la société ORANGE au paiement d'une indemnité de 3.000 € pour frais de procédure.

La société ORANGE soutient en réplique que :

- le litige qui l'oppose à cinq fonctionnaires relève de la compétence du tribunal administratif,

- il ne s'agit pas d'un conflit collectif en ce qu'il est limité à cinq agents de l'état et le syndicat appelant est ainsi irrecevable à agir,

- l'autorisation litigieuse datant du 10 septembre 2007, son action est prescrite,

- l'existence d'un usage n'étant pas démontrée, aucun trouble manifestement illicite ne peut être invoqué,

- elle ne peut résulter d'une autorisation accordée à cinq salariés sur 88 chargés d'affaires,

- la société ORANGE n'était ainsi tenue à aucune information préalable mais les délégués du personnel et le CHSCT ont été cependant informés par courriers du 1er août 2012.

La société ORANGE conclut à la confirmation de l'ordonnance déférée et au paiement par le syndicat appelant d'une indemnité de 1500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile .

DISCUSSION

- Sur la compétence et la recevabilité de la demande :

En 1990, France Telecom, [aujourd'hui ORANGE S.A] est devenue une société anonyme qui dispose depuis 2005 d'instances représentatives du personnel relevant du code du travail. La circonstance que les cinq personnes concernées par le non-renouvellement aient conservé leur statut de fonctionnaire est indifférente dans la mesure où le litige ne porte pas sur une atteinte à ce statut au sein de l'entreprise mais sur l'irrégularité de la suppression d'un usage en l'absence d'information préalable du comité d'établissement et du CHSCT.

Par ailleurs, la décision de supprimer un usage relatif aux seuls salariés dans leurs relations avec l'entreprise ne concerne en rien l'organisation du service public des télécommunications de telles sorte que c'est à tort que le premier juge a décliné sa compétence au profit de la juridiction administrative.

De même, le syndicat CGT FAPT 84 soutient à bon droit qu'il n'exerce pas une action en substitution qui aurait été nécessairement intentée devant le conseil des Prud'hommes et qu'il s'agit d'une action collective en ce sens qu'elle a pour objet le respect des droits et prérogatives des instances représentatives du personnel. La demande s'inscrivant dans la défense de l'intérêt collectif de la profession est donc recevable.

Enfin aucune cause de prescription ne l'affecte, puisque c'est la décision d'août 2012 de mettre un terme définitif aux remisages à domicile qui est contestée et que l'action a été engagée dès le 5 décembre 2012.

- Sur le fond :

Dans son courrier du 1er août 2012 adressé aux délégués du personnel, le directeur des ressources humaines de la société ORANGE s'exprime en ces termes : 'je souhaite, par la présente, vous informer de la volonté de l'UIRD de mettre fin à un usage concernant cinq personnes'. En mentionnant le terme 'usage' la société ORANGE considère que son salarié a commis une erreur dont s'empare hâtivement la CGT FAPT 84. Rien n'est moins sûr car si la formule est 'malheureuse' pour la société ORANGE, elle n'est pas moins certaine et doit satisfaire le juge de l'évidence qu'est le juge des référés d'autant qu'elle est confirmée par de nombreux autres éléments. En effet :

- contrairement aux dires de la société ORANGE, le terme d'usage a bien été employé dans les réunions du CHSCT des 26 mars et 3 mai 2013 sans que son président, qui est l'employeur, ne le conteste,

- la pratique du remisage à domicile est ancienne puisque les pièces qui y font référence aux dossiers des parties datent pour les plus anciennes de 2002, étant rappelé qu'en 2005, 29 chargés d'affaires sur 32 en bénéficiaient dans le département du Vaucluse et il est indifférent aujourd'hui que seuls cinq d'entre eux demeurent concernés,

- elle est expressément consacrée, avec le terme d'usage, dans la séance des 21 et 22 mars 2012 du Comité d'Etablissement de la région Est dont le point 5 a pour objet : 'Information des élus du CE DO Est relative à la dénonciation de l'usage de remisage à domicile à l'Unité d'Intervention Bourgogne Franche-Comté';

Aussi, sans qu'il y ait lieu à une longue exégèse, la notion d'usage n'apparaît pas sérieusement contestable.

Si les droits conférés aux salariés par l'usage sont prétoriens, ils n'en sont pas moins établis par une jurisprudence constante qui impose à l'employeur qui entend y mettre fin, d'informer les institutions représentatives du personnel et chaque salarié concerné et de respecter un délai de prévenance suffisant permettant d'éventuelles négociations.

A l'évidence la dénonciation aux délégués du personnel le 1er août 2012 de la lettre adressée le même jour aux salariés concernés ne constitue pas une information utile qui doit nécessairement être préalable et faire l'objet d'une inscription à l'ordre du jour des instances représentatives pour permettre des négociations.

La dénonciation par courriel du 2 août 2012 au CHSCT est tout autant inefficace alors et surtout que l'article L 4612-8 du code du travail impose sa consultation préalable avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de travail.

Or, il n'est pas douteux que la suppression du remisage à domicile des véhicules de l'entreprise impose aux salariés un réaménagement de leur temps de trajet, la détention et l'entretien d'un véhicule personnel, la suppression de l'usage ayant aussi un retentissement financier certain. Cela est si vrai qu'à la différence des suppressions précédentes qui avaient donné lieu au versement d'indemnités fixes et dégressives, aucune indemnisation n'est prévue en l'espèce.

C'est en vain que la société ORANGE plaide que l'aménagement n'est pas important en ce qu'il ne concerne que cinq salariés, car d'une part le critère quantitatif n'est pas prédominant comme il a déjà été dit ci-dessus et que d'autre part, sommée le 25 septembre 2012 d'indiquer les salariés concernés par la suppression du remisage, la société ORANGE s'y est refusée et demeure encore taisante à ce jour.

La violation d'une formalité protectrice des droits des salariés constitue un trouble manifestement illicite au sens de l'article 809 du code de procédure civile et dont l'appelante est fondée à demander la cessation par la suspension des décisions de suppression litigieuses.

**********

Aucune circonstance économique ou d'équité ne contrevient à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société ORANGE qui succombe est condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Se déclare compétente pour connaître du litige,

Déclare l'action recevable,

Suspend les décisions ayant supprimé les autorisations de remisage à domicile des véhicules des chargés d'affaires à compter du 1er janvier 2013,

Ordonne leur maintien sous astreinte de 100 euros par jour de retard jusqu'à la mise en oeuvre de l'information préalable exigée en la matière,

Condamne la société ORANGE à payer à la CGT FAPT 84 Vaucluse la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre c
Numéro d'arrêt : 13/03856
Date de la décision : 16/01/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1C, arrêt n°13/03856 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-01-16;13.03856 ?
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