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20/03/2014 | FRANCE | N°12/15936

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 20 mars 2014, 12/15936


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 20 MARS 2014



N° 2014/161













Rôle N° 12/15936







Société M.A.C.I.F





C/



[K] [W]

Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE





















Grosse délivrée

le :

à :

Me BOUSQUET

Me ROUSSEAU















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 03 Juillet 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 10/12242.





APPELANTE



Société M.A.C.I.F, [Adresse 2]

représentée par Me Fabien BOUSQUET, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Damien NOTO, avocat ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 20 MARS 2014

N° 2014/161

Rôle N° 12/15936

Société M.A.C.I.F

C/

[K] [W]

Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE

Grosse délivrée

le :

à :

Me BOUSQUET

Me ROUSSEAU

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 03 Juillet 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 10/12242.

APPELANTE

Société M.A.C.I.F, [Adresse 2]

représentée par Me Fabien BOUSQUET, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Damien NOTO, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [K] [W]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 1], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Ludovic ROUSSEAU de la SCP BOISSONNET ROUSSEAU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Yves SOULAS, avocat au barreau de MARSEILLE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE, [Adresse 3]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 05 Février 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Christiane BELIERES, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Christiane BELIERES, Présidente

Mme Jacqueline FAURE, Conseiller

Madame Lise LEROY-GISSINGER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Mars 2014

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Mars 2014,

Signé par Madame Christiane BELIERES, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DES FAITS ET PROCEDURE

Le 1er juin 2006 M. [K] [W] circulait à moto à [Localité 2] lorsqu'il a été heurté par le véhicule automobile conduit par Mme [G], assuré auprès de la Macif, qui lui a coupé la route.

Il a été blessé dans cet accident.

Il a saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 15 septembre 2006, a prescrit une mesure d'expertise confiée au docteur [F] qui a déposé son rapport le 3 août 2009.

Par actes des 28 et 29 septembre 2010 il a fait assigner la Macif devant le tribunal de grande instance de Marseille pour qu'elle soit déclarée tenue à la réparation intégrale des préjudices subis et a appelé en cause la Caisse primaire d'Assurances maladie (Cpam) des Bouches du Rhône.

Par jugement du 3 juillet 2012 assorti de l'exécution provisoire cette juridiction a

- donne acte à la Macif de ce qu'elle ne contestait pas devoir indemniser M. [W] des conséquences dommageables de l'accident

- évalué le préjudice corporel de M. [W], après déduction des débours de la Cpam, à la somme de 1.494.824,91 €

- condamné la Macif à payer avec intérêts au taux légal à compter du jugement à M. [W] les sommes de

* 1.492.824,91 € en réparation du préjudice corporel, déduction faite de la provision précédemment allouée

* 1.200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- dit que la somme de 1.763.127,96 € portera intérêt au double du taux légal entre le 23 janvier 2010 et le 27 août 2010

- déclaré le jugement commun à la Cpam des Bouches du Rhône

- condamné la Macif aux entiers dépens avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle a chiffré le dommage comme suit :

* dépenses de santé actuelles : 94.350,03 € dont 93.935,30 € pris en charge par la Cpam et 414,73 restés à charge de la victime

* frais divers : 1.500 € au titre des honoraires du médecin conseil

* pertes de gains professionnels actuels : 62.611 €

(base salaire annuel de 88.397 € ou 7.366 € par mois) dont à déduire 49.855,77 d'indemnités journalières

* pertes de gains professionnels futurs : 1.541.752,50 €

. du 17 mars 2007 au 21 juin 2010 : 287.290 € (dont à déduire 158.582,98 € d'indemnités journalières) en raison de l'impossibilité d'effectuer les déplacements nécessaires à l'exercice de ses fonctions

. depuis le 22 juin 2010 : 75.202 € par an soit après capitalisation 1.413.045,50 €

dont à déduire 87.097,55 € de rente accident du travail soit un solde de 1.454.655,05 €

* déficit fonctionnel temporaire : 4.500 €

* souffrances endurées : 7.500 €

* déficit fonctionnel permanent : 13.500 €

* préjudice d'agrément : rejet.

Par acte du 21 août 2012, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la Macif a interjeté appel général de la décision et par voie de conclusion du 8 janvier 2013 M. [W] a formé appel incident.

MOYENS DES PARTIES

La Macif demande dans ses conclusions du 20 janvier 2014 de

Vu la loi du 5 juillet 1985, l'article 564 du code de procédure civile, les articles L 211-9 et suivants du code des assurances

- réformer le jugement

A titre principal,

- évaluer les préjudices de M. [W] à la somme de 34.214,73 € soit, après déduction des provisions reçues, la somme de 32.214,73 €, nonobstant la créance du tiers payeur

A titre subsidiaire,

- écarter le barème de capitalisation de la Gazette du Palais des 27 et 28 mars 2013

- évaluer les préjudices de M. [W] à la somme de 1.042.743,45 € soit, après déduction des provisions reçues, la somme de 1.040.743,45 €, nonobstant la créance du tiers payeur

En tout état de cause,

- dire que les frais médicaux ou assimilés pris en charge par la Cpam s'élèvent à 6.837,75 €

- imputer la créance de la Cpam poste par poste et concernant la rente accident du travail, dans l'ordre de priorité, sur les postes visant à indemniser les pertes de gains professionnels, l'incidence professionnelle de l'incapacité et le déficit fonctionnel permanent

- dire n'y avoir lieu à l'application des pénalités prévues aux articles L 211-9 et suivants du code des assurances

- débouter M. [W] de ses plus amples demandes.

Elle soutient que les frais médicaux ou assimilés pris en charge par la Cpam se sont élevés 6.837,75 € seulement au lieu de 93.935,30 €, comme retenu par le premier juge, outre 414,73 € restés à la charge de la victime, que les honoraires d'assistance à expertise doivent être réduits à 750 €, tarif habituellement pratiqué.

Elle fait valoir qu'au titre de la perte de gains professionnels actuels M. [W] tente d'obtenir une double indemnisation en ajoutant à une perte de revenus une demande afférente à sa prime de révocation de ses fonctions de gérant de l'Eurl Faire-Part Sélection, s'agissant au surplus d'une demande nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile et par la même irrecevable.

Elle souligne qu'à la date de sa révocation le 22 décembre 2006 alors que l'expert a retenu une période d'incapacité temporaire totale jusqu'au 16 septembre 2006, date de sa reprise à mi-temps thérapeutique, M. [W] était tout à fait apte à assumer ses fonctions au moins partiellement et totalement dès le 16 mars 2007 et en déduit que l'associé unique a, pour le moins, pris une décision précipitée et non justifiée dont elle n'a pas à assumer les conséquences.

Elle ajoute que M. [W] a lui-même amené l'associé unique de la société dont il était le dirigeant à prendre une telle décision puisque le procès-verbal de la délibération indique qu'il a précisé que les médecins étaient catégoriques quant à son inaptitude à reprendre une activité professionnelle dans les mois à venir, affirmation qui a pu entraîner son employeur à précipiter sa décision alors qu'elle était totalement erronée et sans rapport avec la réalité clinique du dossier, comme mis en évidence par l'expertise judiciaire qui ne démontre pas qu'il était dans l'impossibilité de se déplacer sur un période insurmontable pour l'entreprise, notamment au regard des moyens de communication actuels.

Elle indique également que le tribunal a admis à tort une perte de revenus sur la base d'un salaire mensuel de référence de 7.000 € qui est un salaire brut alors que le salaire net n'est que de 5.645,55 € soit une somme de 33.873 € pour la période d'incapacité temporaire totale de 3 mois et de 44.196 € pour la période d'incapacité temporaire partielle à 50 % de 6 mois soit, après déduction des indemnités journalières de 49.855,77 €, un solde négatif.

Elle souligne à propos des pertes de gains professionnels futurs la démesure des demandes de M. [W] au regard de la nature des lésions subies (traumatisme cervical à type d'entorse cervicale, contusion thoracique et du genou droit sans lésion osseuse radiologique) et des séquelles conservées (DFP de 9 %), l'expert le considérant apte à la reprise de son activité professionnelle antérieure, la médecine du travail ne retenant aucune inaptitude définitive même partielle, son état au plan psychiatrique n'étant que partiellement en relation avec l'accident, de sorte qu'aucune séquelle imputable à l'accident ne peut justifier le changement rencontré par cette victime dans sa situation professionnelle qui est désormais la sienne d'agent administratif, ni la capitalisation d'une quelconque perte actuelle de revenus, sa situation n'étant pas figée mais pouvant évoluer favorablement, d'autant qu'il ne justifie d'aucune recherche d'emploi au niveau de bac + 5.

Elle conclut au rejet de ce poste de dommage et précise qu'en toute hypothèse il ne pourrait être calculé que sur la base du cumul annuel net imposable soit pour la période du 17 mars 2007 au 21 juin 2010 la somme de 287.209 € et déduction faite des indemnités journalières et de la rente accident du travail un solde de 122.703, 98 € et subsidiairement, sur la base d'un revenu annuel de 67.746,60 € net (5.645,55 € x 12) à capitaliser jusqu'à 65 ans (indice 16,698) soit la somme de 1.131 232,70 € soit après déduction de la somme de 122.703,98 € une indemnité de 1.008.528,72 €.

Elle s'oppose à toute indemnisation complémentaire au titre d'une incidence professionnelle, formulée pour la première fois en cause d'appel et par la même irrecevable et, en tout état de cause, doit être ramenée à de plus justes proportions alors que la supposée incapacité à se déplacer ne revêt aucun caractère définitif, d'autant qu'elle n'est pas absolue puisqu'il travaille actuellement à 23 kilomètres de son domicile personnel et offre une indemnité de 10.000 € de ce chef.

Elle propose une somme de 4.450 € au titre du déficit fonctionnel temporaire, de 6.000 € pour les souffrances endurées et de 12.600 € pour le déficit fonctionnel permanent de 9 %.

Elle ne conteste pas la tardiveté de son offre amiable d'indemnisation au regard des dispositions de l'article L 211-13 du code des assurances mais souligne que la victime a délibérément attendu l'expiration du délai légal pour agir judiciairement.

M. [W] demande dans ses conclusions du 28 janvier 2014 de

- confirmer partiellement le jugement en ce qu'il a

*donné acte à la Macif de ce qu'elle ne conteste pas devoir indemniser les conséquences de l'accident du 1er juin 2010

- lui a alloué les sommes suivantes :

* 414,13 € au titre des dépenses de santé actuelles

* 1.100 € au titre des frais divers

* 12.755,27 € au titre des pertes de gains professionnels actuels

- retenu l'incapacité à reprendre un travail analogue à celui exercé antérieurement

- ordonné le double du taux d'intérêt légal entre le 23 juin 2010 et le 27 août 2010

- réformer le jugement pour le surplus,

- lui accorder les sommes de

* 950 € au titre des frais divers (complément honoraires d'assistance à l'expertise)

* 1.226,40 € au titre de frais divers (frais et honoraires de postulation)

* 69.333,28 € net au titre de l'indemnité de rupture

* 2.978.670,47 € au titre de la perte de gains professionnels futurs

* 2.382.936,38 € au titre de l'incidence professionnelle

* 14.437,50 € au titre du déficit fonctionnel temporaire sur la base mensuelle de 1.500 €

* 9.200 € au titre des souffrances endurées

* 15.300 € au titre du déficit fonctionnel permanent

* 10.000 € au titre du préjudice d'agrément

- condamner la Macif à lui payer la somme de

* 4.596.367,70 € dont à déduire la provision de 2.000 € soit un solde de 5.494.323,43 €

* 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code procédure civile.

- dire que dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans la décision à intervenir, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes par lui retenues en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 n° 96/1080 devra être supporté par le débiteur en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il admet l'erreur du premier juge sur le montant des dépenses de santé actuelles prises en charge par la Cpam qui est de 14.362,23 € au lieu de 93.935,20 €, chiffre incluant à tort les arrérages échus et le capital de la rente accident du travail et demande à obtenir remboursement des frais médicaux restés à charge soit 414,73 € outre les frais divers d'honoraires d'assistance à expertise pour leur montant réel de 2.050 € et les frais de postulation de 1.226,40 €.

Il chiffre sa perte de gains professionnels actuels à la somme de 82.088,55 € sur la base d'un revenu annuel net imposable de 88.397,79 € étant rémunéré sur 15 mois soit 7.366,48 € par mois soit une perte de 12.755,23 € pour des fonctions de directeur général de société dont il a été révoqué en raison de son incapacité à se déplacer et donc pour juste motif aux termes de son contrat de travail, de sorte qu'il a perdu son emploi et son indemnité de rupture égale à 8 mois de salaires soit 69.333,28 € brut .

Il précise qu'il a été mis en arrêt de travail du 1er juin 2006 au 19 septembre 2006 date à laquelle il a été déclaré par le médecin du travail apte à la reprise à mi-temps thérapeutique (3 jours par semaine au maximum) sans trajets pendant un mois, que le 23 juillet 2010 lors de la visite obligatoire préalable à l'embauche il a été déclaré apte au poste mais sans déplacement professionnel et le 6 octobre 2011 apte au poste mais éviter les déplacements professionnels de manière absolue.

Il estime que sa perte de gains professionnels futurs doit être calculée à partir de la différence entre les revenus perçus avant l'accident ( sur la base d'un salaire moyen actualisé de 8.507 € net) et après l'accident (1.161,16 € net) soit une perte mensuelle de 7.345,84 € ou 7.679,44 € revalorisée soit pour la période du 17 mars 2007 au 21 juin 2010 la somme de 122.703,98 € et pour l'avenir une somme annuelle de 92.153,28 € à capitaliser selon l'euro de rente viager du barème de la Gazette du Palais de Mai 2013 et un indice de 32,323, ce qui donne une indemnité de 2.978.670,47 €, soit au total 3.101.374,45 €.

Il soutient avoir subi en outre une incidence professionnelle en raison d'une dévalorisation sur le marché du travail, une augmentation de la fatigabilité au travail, une perte de chance de promotion qui doit être réparée par capitalisation viagère de 80 % de son salaire annuel de 92. 153,28 €.

Il indique supporter un préjudice d'agrément en raison de l'impossibilité de faire de la moto, du ski et des randonnées.

La Cpam des Bouches du Rhône assignée par l'appelante par acte du 22 novembre 2012

délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel n'a pas constitué avocat.

Par courrier du 12 juillet 2013 elle a fait connaître le montant de sa créance définitive composée de prestations en nature (6.837,75 €), d'indemnités journalières (176.367,75 €) et d'une rente accident du travail (87.097,55 €)

L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Le droit à indemnisation intégrale du préjudice corporel subi par M. [W], victime conducteur qui n'a commis aucune faute, n'a jamais été contesté ; seule est discutée en cause d'appel l'évaluation de ce préjudice.

Sur le préjudice corporel

L'expert indique dans son rapport que M. [W] a présenté un traumatisme cervical par mécanisme indirect à type d'entorse cervicale, une contusion thoracique et du genou droit avec hématome sous rotulien le tout sans lésion osseuse radiologique, qu'il n'a pas été hospitalisé mais a suivi un traitement antalgique anti- inflammatoire et décontracturant durant plusieurs mois outre le port d'un collier cervical et de très nombreuses séances de rééducation du rachis cervical , qu'il a développé dans les suites un syndrome anxio dépressif réactionnel à cet accident et à sa perte d'emploi qu'il attribue à cet accident de travail/trajet.

Il conclut à

- une incapacité temporaire totale de 3 mois du 1er juin 2006 au 16 septembre 2006, date de reprise du travail avec mi-temps thérapeutique

- une incapacité temporaire partielle de 6 mois du 16 septembre 2006 au 16 mars 2007

- une période de soins du 16 mars 2007 au 1er décembre 2008

- une consolidation au 1er décembre 2008

- des souffrances endurées de 3/7

- une incapacité permanente partielle de 9 % soit 5 % au plan physique et 4 % au plan psychique

- une aptitude à reprendre l'activité qu'il exerçait avant l'accident.

Ce rapport constitue une base valable d'évaluation de l'entier préjudice corporel subi par M. [W] à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime (né le [Date naissance 1] 1969), de son activité (responsable d'une société d'imprimerie) de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 31 de la loi du 5 juillet 1985 et L 376-1 du code de la sécurité sociale, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Préjudices patrimoniaux

Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

- Dépenses de santé actuelles7.252,48 €

Ce poste correspond aux

* frais médicaux , pharmaceutiques, massages et actes de radiologie pris en charge par la Cpam soit 6.837,75 €.

* frais médicaux restés à la charge de la victime au vu des pièces justificatives produites d'un montant de 414,73 €

- Frais divers 2.050,00 €

Ils sont représentés par les honoraires d'assistance de médecins conseil aux opérations d'expertise

judiciaire suivant factures versées aux débats pour un montant total de 400 € émanant du docteur [X] pour la réunion du 10 janvier 2007 et du docteur [T] de 1.650 € pour celles du 12/03/2008 et 3/07/2009 et du sapiteur du 23/01/2009.

En vertu de l'article 695 du code de procédure civile, les frais de postulation font partie des dépens et seront pris en compte à ce titre.

- Pertes de gains professionnels actuels213.614,00 €

Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus.

M. [W], percevait en qualité de gérant un salaire mensuel net imposable de 7.366 € au moment de l'accident, suivant bulletins de paie versés aux débats faisant apparaître un cumul net fiscal de 88.397 € au 31 décembre 2005 et a donc subi une perte de revenus de 62.611 €, comme sollicité, pour la période d'arrêt de travail du 1er juin 2006 au 16 mars 2007.

La Cpam a versé des indemnités journalières à hauteur de 49.885,77 € durant cette même période de sorte que l'indemnité complémentaire revenant à la victime pour réparer ce chef de dommage s'établit à 12.755,23 € comme réclamé.

S'ajoute à cette somme la perte de gains du 18 mars 2007 au 1er décembre 2008 pour 20,5 mois durant lesquels il n'a pas effectivement travaillé en raison de prolongations médicales successives d'arrêts de travail (page 5 du rapport d'expertise) soit la somme de 151.003 € sollicitée et allouée par le tribunal mais au titre des pertes de gains professionnels futurs, à tort, puisqu'elle concerne une période antérieure à la consolidation.

La Cpam a versé pendant cette même période des indemnités journalières à hauteur de 126.481,98 € de sorte que l'indemnité complémentaire revenant à la victimes'établit à 24.521,02 €.

M. [W] qui a été révoqué de ses fonctions de gérant à compter du 22 décembre 2006 doit être débouté de sa demande, déjà présentée en première instance, tendant à obtenir réparation pour n'avoir pu prétendre au versement de l'indemnité égale à 8 mois de rémunération prévue à son contrat et subordonnée à l'absence de 'juste motif' ; le fait de n'avoir pu bénéficier de cette indemnité, de caractère hypothétique, est sans lien de causalité direct et certain avec l'accident ; au demeurant, sa perte de salaires vient d'être intégralement indemnisée pour les deux années et demi qui ont séparé l'accident de la consolidation.

Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

- Perte de gains professionnels futurs requalifiée en incidence professionnelle

200.000,00 €

Le premier poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

Le second chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap.

M. [W] a perdu son emploi en décembre 2006 en raison de son arrêt de travail pour une durée indéterminée au motif que 'la taille et l'effectif de notre structure ne nous permet pas de supporter une vacance de plusieurs mois de la gérance ni de compenser en interne une telle absence à caractère indéterminé de l'organe dirigeant sans envisager une réorganisation globale de l'organigramme de la société'.

Mais il n'est aucunement inapte à exercer un emploi salarié ou à toute profession, de sorte qu'il ne saurait prétendre être indemnisé sur la base d'une perte de gains à la fois certaine et déterminée.

L'expert [F] ne retient rien de tel et mentionne 'sur le plan médical, M. [W] est apte à la reprise de son activité professionnelle antérieure. En effet nous n'avons pas connaissance d'un avis médical certifié par le médecin du travail sur une inaptitude définitive'.

La demande au titre de 'pertes de gains professionnels futurs' doit, dès lors, être rejetée.

M. [W] n'était pas, cependant, en mesure de reprendre une activité semblable à celle qui était la sienne avant l'accident.

La fiche d'embauche lors de son contrat à durée indéterminée signé en juin 2010 en qualité d'agent administratif d'une société pour un salaire annuel imposable de 13.934 € pour l'année 2013, avant de faire l'objet d'un licenciement économique en janvier 2014, mentionne 'apte au poste mais pas de déplacement professionnel' ; la fiche périodique du 6 octobre 2011 de ce même médecin du travail note 'apte ; éviter les déplacements professionnels de manière absolue'.

Cette restriction, émise postérieurement à la consolidation, n'était pas compatible avec des fonctions de dirigeant d'une entreprise exigeant des déplacements fréquents.

Les chances de M. [W] de trouver du travail d'un niveau équivalent à celui qui était le sien lors de l'accident se sont, ainsi, incontestablement amenuisées pour l'avenir.

Cette situation crée une dévalorisation sur le marché de l'emploi, des risques de ne pas pouvoir conserver son poste de travail et grève les perspectives d'évolution de carrière.

Titulaire d'un niveau d'études de baccalauréat plus 5, avec un diplôme de comptabilité, un DEUG de science économique, un diplôme de l'IESEG donnant en équivalence une maîtrise de science économique, M. [W] dispose, toutefois, d'une réelle capacité de gains malgré les séquelles physiques et psychiques conservées en lien avec l'accident, d'étendue limitée.

Au vu de l'ensemble de ces données, seule une incidence professionnelle peut être retenue et réparée.

S'agissant d'une victime âgée de 38 ans au jour de la consolidation et de 44 ans à ce jour, l'indemnité doit être fixée à 200.000 €

La Cpam des Bouches du Rhône a versé un rente accident du travail qui s'impute sur ce poste de dommage qu'elle a vocation de réparer dont les arrérages échus (2.079,35 € du 02/12/2008 au 15/04/2009) et le capital représentatif (85.018,20 €) s'établissent à la somme de 87.097,55 €.

L'indemnité revenant à la victime pour réparer ce chef de préjudice s'établit donc à 112.902,45 €.

Préjudices extra patrimoniaux

Préjudices extra patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire 7.725,00 €

Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de la vie courante et le préjudice d'agrément pendant l'incapacité temporaire.

Il doit être réparé sur la base d'environ 750 € par mois eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie, à appliquer proportionnellement au taux d'incapacité partielle ; ce dernier n'a pas été précisément chiffré par l'expert mais au vu de la teneur de son rapport la gêne est restée importante pendant les 6 mois suivants puis s'est nécessairement attenuée pour devenir résiduelle pendant les mois suivants qui ont précédé la consolidation.

L'indemnité s'établit ainsi aux sommes de

* 2.250 € pendant la période d'incapacité totale de 3 mois

* 2.250 € pendant la période d'incapacité partielle à 50 % de 6 mois

* 3.225,00 € pendant la période de soins (20 %) de 21,5 mois

soit au total 6.112,50 €.

- Souffrances endurées6.000,00 €

Ce poste est représenté par les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime, en raison de la dolorisation des lésions initiales, du port du collier cervical à plusieurs reprises, du port d'une attelle au niveau du genou droit, des nombreuses séances de rééducation fonctionnelle et du retentissement psychique

Préjudices extra patrimoniaux permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent 15.300,00 €

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiales et sociales).

Il est caractérisé au plan physique par une douleur à la pression des masses paravertébrales droites en regard de C3C4, une limitation in fine de l'antéflexion, une limitation d'un tiers de l'extension (avec tiraillement) de la rotation gauche et des inclinaisons du cou, la limitation de moitié de la rotation droite du cou, une station unipodale mal assurée droite, des points méniscaux du genou droit plus marqués en externe qu'en interne, une mobilisation douloureuse de la rotule dans le sens horizontal, une légère diminution de la flexion du genou à droite à l'origine d'un taux de 5 % et au plan psychique par un état anxieux névrotique avec notamment une tension anxieuse, une dysomnie et des réminiscences pénibles conduisant à retenir un taux de 4 % imputable à l'accident, soit au total un taux de 9% qui justifie pour un homme âgé de 38 ans au jour de la consolidation l'indemnité sollicitée de 15.300 €

- Préjudice d'agrément/

Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.

M. [W] ne justifie pas s'adonner avant l'accident à la pratique d'un sport ou loisir particulier qui lui serait désormais interdit en raison des séquelles de l'accident ; il ne produit pas le moindre élément à ce sujet, alors que l'expert ne retient aucune restriction au plan médical ; il doit, dès lors, être débouté de toute demande à ce titre.

Le préjudice corporel global subi par M. [W] s'établit ainsi à la somme de 451.941,48 € dont 270.303,05 € revenant à la Cpam et 181.638,43 € lui revenant, sauf à déduire les provisions versées.

Sur les intérêts de retard

En vertu de l'article L 211-9 du Code des Assurances, l'assureur est notamment tenu de présenter à la victime qui a subi une atteinte à sa personne une offre définitive d'indemnité, qui comprend tous les éléments indemnisables du préjudice, dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation.

La sanction de l'inobservation de ces délais, prévue par l'article L 211-13 du même code, réside dans l'octroi des intérêts au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.

La Macif admet avoir été avisée de la date de consolidation dès le 23 août 2009 et n'avoir formulé son offre officielle que le 27 août 2010.

Elle ne saurait prétendre échapper aux rigueurs de la loi car elle n'invoque elle-même aucun cas de suspension ou de prorogation limitativement énumérés aux articles R 211-29 à R 211-34 du code des assurances.

La pénalité qui joue de plein droit s'applique à compter de l'expiration du délai d'offre définitive soit le 23 janvier 2010, date sur laquelle les deux parties s'accordent, et jusqu'au jour de l'offre définitive soit le 27 août 2010 ; en effet, dès lors qu'une offre précise a été effectuée pour chacun des chefs de dommage évoqués par l'expert, la sanction cesse au jour de celle-ci et s'applique sur le montant de l'indemnité offerte avant imputation de la créance des organismes sociaux soit une assiette de pénalité de 95.119 € (PGPA 78.069 € + DFT 4.450 € + DFP 12.600 €).

Le jugement sera donc infirmé sur l'assiette de la pénalité.

Les indemnités judiciairement allouées par la cour porteront intérêt au taux légal en application de l'article 1153-1 du code civil à compter du jugement.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et dépens doivent être confirmées.

La Macif qui succombe partiellement dans sa voie de recours et qui reste tenue à indemnisation supportera la charge des entiers dépens d'appel et ne peut, de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à M. [W] une indemnité de 2.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Confirme le jugement

hormis sur le montant de l'indemnisation du préjudice corporel de la victime et l'assiette de la pénalité mise à la charge de l'assureur

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Fixe le préjudice corporel global de M. [K] [W] à la somme de 451.941,48 €.

- Dit que l'indemnité lui revenant s'établit à 181.638,43 €.

- Condamne la Macif à payer à M. [K] [W] la somme de 181.638,43 € avec intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2012, sauf à déduire les provisions versées.

- Dit que les intérêts courent au double du taux légal à la charge de la Macif à compter du 23 juin 2010 et jusqu'au 27 août 2010 sur le montant de l'indemnité offerte par cet assureur avant imputation de la créance de l'organisme social soit à hauteur de 95.119 €.

Y ajoutant,

- Condamne la Macif à payer à M. [K] [W] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour.

- Condamne la Macif aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Le greffierLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 12/15936
Date de la décision : 20/03/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°12/15936 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-03-20;12.15936 ?
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