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10/04/2014 | FRANCE | N°12/18187

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 10 avril 2014, 12/18187


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 10 AVRIL 2014



N° 2014/213













Rôle N° 12/18187







[Z] [Q]





C/



[V] [U]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU [Localité 6]





















Grosse délivrée

le :

à :

Me AZIZA

Me TOLLINCHI

















Décisi

on déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 18 Juillet 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 09/03907.





APPELANTE



Madame [Z] [Q]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle numéro 2012/11098 du 06/11/2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 10 AVRIL 2014

N° 2014/213

Rôle N° 12/18187

[Z] [Q]

C/

[V] [U]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU [Localité 6]

Grosse délivrée

le :

à :

Me AZIZA

Me TOLLINCHI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 18 Juillet 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 09/03907.

APPELANTE

Madame [Z] [Q]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle numéro 2012/11098 du 06/11/2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

née le [Date naissance 2] 1935 à [Localité 1] (99), demeurant [Adresse 1]

représentée et assisté par Me Bernard AZIZA, avocat au barreau de TOULON

INTIMES

Monsieur [V] [U]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Charles TOLLINCHI de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

Plaidant par Me Véronique ESTEVE, avocat au barreau de NICE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU [Localité 6] [Adresse 3]

assignée le 17 janvier 2013 à personne habilité

défaillant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 26 Février 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Christiane BELIERES, Présidente , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Christiane BELIERES, Présidente

Madame Jacqueline FAURE, Conseiller

Madame Lise LEROY-GISSINGER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Hanifa DEFFAR .

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Avril 2014

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Avril 2014,

Signé par Madame Christiane BELIERES, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DES FAITS ET PROCEDURE

Le 10 mars 2002 Mme [Z] [Q] alors âgée de 67 ans a présenté à la suite d'une chute d'escabeau une fracture cervicale du col du fémur droit stade V de Garden et a été hospitalisée à l'hôpital de [Localité 3] pour la mise en place d'une prothèse totale de hanche droite par le docteur [G], chirurgien orthopédiste puis a rejoint un centre de rééducation fonctionnelle jusqu'au 15 avril 2002.

Elle a été reçue en consultation le 22 avril 2002 par M. [U] exerçant à la clinique du [1] qui a constaté cliniquement et radiologiquement une inégalité de longueur du membre inférieur droit avec un allongement de près de 2 centimètres.

Elle s'est vu proposer une intervention chirurgicale avec changement de la tige fémorale afin de rétablir l'anatomie du membre inférieur.

Elle a subi cette intervention le 13 juin 2002 puis a été prise en charge dans un centre de rééducation fonctionnelle en interne puis en externe jusqu'au 9 juillet 2002 avec une bonne récupération articulaire.

Elle a fait pratiquer en avril 2009, octobre 2010 et Janvier 2011 des radiographies qui ont mis en évidence un racourcissement du membre inférieur droit de 1,74 cm.

Par acte du 26 janvier 2007 elle a fait assigner M. [U] devant le tribunal de grande instance de Toulon en déclaration de responsabilité et indemnisation du préjudice corporel subi à déterminer par voie d'expertise médicale.

Par jugement du 5 mai 2008 la réouverture de débats a été ordonnée pour mise en cause du docteur [G] et des organismes sociaux, ce qui a été fait par actes du 22 et 25 juillet 2008 délivrés à ce médecin et à la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 6].

Par ordonnance du 5 mars 2009 le juge de la mise en état s'est déclaré incompétent pour statuer sur l'action diligentée à l'encontre du docteur [G] intervenu dans le cadre de son activité de vacataire au sein du centre hospitalier intercommunal de [Localité 3], dans le cadre d'un service public et renvoyé Mme [Q] à mieux se pourvoir.

Par jugement avant dire droit du 25 mars 2010 une mesure d'expertise médicale a été prescrite confiée au professeur [L] qui a déposé son rapport le 4 avril 2011, lequel a conclu à l'existence d'un aléa thérapeutique en présence d'un enraidissement de la hanche qui est une complication classique dans le cas des reprises de hanche où il est nécessaire de réaliser une fémorotomie.

Par jugement du 18 juillet 212 le tribunal a

- débouté Mme [Q] de ses demandes

- débouté la Cpam de toutes ses demandes

- condamné Mme [Q] aux entiers dépens.

Il a refusé d'ordonner la contre expertise judiciaire sollicitée et n'a retenu aucun manquement du chirurgien à son devoir d'information.

Par acte du 1er octobre 2012, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, Mme [Q] a interjeté appel général de cette décision.

MOYENS DES PARTIES

Mme [Q] demande dans ses conclusions du 6 février 2014 de réformer le jugement et de

- constater que le docteur [L] n'a pas fait une analyse complète des faits de la cause alors qu'il résulte clairement que M. [U] a mal positionné la prothèse totale qui est en rétroversion et qui a provoqué le mal au genou ainsi que la gêne à la marche et la boiterie

- rejeter des débats ce rapport

- désigner tel médecin qu'il plaira à la cour avec la même mission que celle impartie par le jugement du 25mars 2010

A défaut,

- constater que M. [U] n'a pas obtenu son consentement éclairé

- constater qu'il l'a mal informée tant de l'opération classique avec des conséquences connues qui se sont réalisées sans avoir été préalablement portées à sa connaissance

- dire que par son défaut d'information et de conseil il lui a fait perdre une chance de ne pas être opérée alors que cette intervention n'était pas d'une absolue priorité pour ne présenter qu'une gêne esthétique

- condamner M. [U] à lui payer les sommes de

* 49.663 € en réparation du dommage corporel subi

* 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner M. [U] aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel, qui seront recouvrés aux formes de l'aide juridictionnelle.

Elle se prévaut de l'avis qu'elle a elle-même sollicité auprès du professeur [J], expert médical, qui relève qu'elle présente une rotation externe du membre inférieur droit attribuée de façon indéniable à une mauvaise position de la prothèse totale qui est en rétroversion et en déduit qu'étant en contradiction totale avec les conclusions de l'expert [L], le rapport d'expertise de ce dernier doit être mis à néant et une nouvelle mesure d'instruction ordonnée.

Elle fait grief à M. [U] de ne pas l'avoir informée des risques de l'intervention chirurgicale et notamment du fait que la boiterie ne serait pas supprimée car il y avait un risque d'enfoncement du pied à la marche, de rotation du membre inférieur, d'un enraidissement de la hanche, tous éléments qui ne figuraient pas dans la lettre adressée le 22 avril 2002 aux médecins anesthésiste et traitant.

Elle affirme que si elle avait été pleinement avisée elle aurait refusé l'opération dès lors qu'il ne s'agissait pas d'un acte médical indispensable.

Elle chiffre son préjudice corporel comme suit :

- déficit fonctionnel permanent (20 %) : 1.500 €

- ITT du 13 juin 2002 au 26 juin 2002 : 1.000 €

- ITP à 50 % du 26 juin au 31 décembre 2002 : 3.000 €

- souffrances endurées 2,5/7 : 3.000 €

- IPP de 10 % en rapport avec l'aléa thérapeutique : 15.000 €

- préjudice esthétique : 15.000 €

- préjudice d'agrément : 10.000 €

- préjudice matériel : 663 €

M. [U] demande dans ses conclusions du 26 février 2013 de

- dire que le rapport d'expertise du professeur [L] a été réalisé dans le respect des règles procédurales, que Mme [Q] n'apporte aucun élément de nature à mettre en cause ce travail expertal et ne justifie pas d'un intérêt légitime à la mise en place d'une mesure de contre-expertise

- débouter Mme [Q] de sa demande de contre-expertise

- dire qu'il a délivré des soins consciencieux et conformes aux règles de l'art

- dire que la complication survenue s'analyse en un aléa thérapeutique (enraidissement progressif) et que l'inégalité de longueur ne peut être considérée comme une faute qui lui soit imputable

- dire qu'il rapporte la preuve de la délivrance d'une information claire, loyale et intelligible

- dire que Mme [Q] ne peut justifier d'aucune perte de chance liée au défaut d'information

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions

- condamner Mme [Q] à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile

Subsidairement

- dire que le défaut d'information ouvre droit à une indemnisation au titre de la perte d'une chance

- procéder à un abattement pour perte de chance et en fixer le taux qui ne peut excéder 10 % du préjudice total

- appliquer ce taux d'abattement sur chaque poste de préjudice

- rejeter les demandes de Mme [Q] formulées au titre du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, du préjudice esthéthique permanent, du préjudice d'agrément

- ramener les demandes présentées par Mme [Q] à de plus justes proportions

- débouter Mme [Q] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Il s'oppose à toute nouvelle expertise, celle du professeur [L] qui présentait toutes les compétences pour mener à bien sa mission ayant été réalisée dans le respect du principe du contradictoire avec réponse aux dires qui lui ont été présentés et des conclusions qui ne souffrent d'aucune incohérence analytique.

Il souligne que la mention, dans le rapport du docteur [J], d'une mauvaise position de la prothèse en juin 2002 va à l'encontre des constatations de l'expert judiciaire qui disposait des radiographies de contrôles jugées tout à fait satisfaisantes et qui a déjà répondu au dire du médecin conseil de la victime à ce sujet.

Il soutient n'avoir pas engagé sa responsabilité dans la prise en charge de cette patiente en l'absence de toute faute de sa part eu égard à la licéité de l'intervention proposée, à la technique utilisée et au suivi postopératoire assurant une prise en charge conforme aux règles de l'art et aux données acquises de la science, alors qu'il n'est pas soumis une obligation de résultat mais de moyens et qu'il n'est pas l'auteur de la première intervention consécutive à la chute de mars 2002 qui avait abouti à un allongement du membre inférieur droit de 2 cms.

Il fait valoir qu'il a respecté son obligation d'information, qu'il a reçu Mme [Q] aux cours de deux entretiens individuels le 22 avril 2002 et le 27 mai 2002, qu'il lui a expliqué en détail et avec précision les modalités de l'intervention chirurgicale projetée, les alternatives thérapeutiques et les risques liés à l'intervention de changement de prothèse de hanche, a écrit en ce sens au médecin traitant, lui a laissé le temps nécessaire à la réflexion et lui a remis une documentation sur les prothèses de hanche.

Il se prévaut du document de consentement éclairé où Mme [Q] a reconnu qu'il avait répondu de façon complète et compréhensible à toutes les questions souhaitées et l'avait informée des constatations préopératoires, des contraintes techniques ou anatomiques pouvant l'obliger à modifier le déroulement de l'intervention au mieux de ses intérêts.

Il ajoute qu'en toute hypothèse cette patiente ne démontre pas avoir été privée de la faculté de renoncer à l'opération, alors que l'intervention était nécessaire eu égard à sa symptomatologie et qu'elle était demanderesse à un geste chirurgical car elle désirait continuer à pratiquer ses activités.

La Cpam des [Localité 2] assignée par l'appelant par acte du 1er mars 2013 délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel n'a pas constitué avocat ; elle a fait connaître le montant de sa créance définitive composée de prestations en nature à hauteur de 27.443,41 €.

L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de contre expertise

En cause d'appel Mme [Q] critique la teneur du rapport d'expertise pour justifier le recours à une nouvelle mesure d'instruction mais le grief formulé ne peut être retenu.

Elle invoque une mauvaise position de la prothèse totale de hanche qui serait en rétroversion.

Elle se prévaut sur ce point de l'avis en date du 12 janvier 2012 de M. [J], professeur d'orthopédie à [Localité 5], mandaté par ses soins, qui indique que 'cette rotation externe est due à une mal position de la prothèse totale mise en place le 13 juin 2002.. sans doute due à la difficulté de cette intervention de reprise chirurgicale avec fémorotomie rendue nécessaire pour l'ablation de la première prothèse' et précise que cette rétroversion 'retentit sur l'ensemble du membre inférieur droit, en particulier sur le squelette jambier droit qui est en rotation externe de 19 °6, alors que le squelette jambier gauche est de 3°9 en rotation interne, ce qui explique les douleurs du genou apparues après la mise en place de la deuxième prothèse totale de hanche'.

Cette opinion rejoint celle du docteur [E], médecin traitant, exprimée le 4 mars 2011 annexée au rapport d'expertise judiciaire du docteur [L] et des observations écrites du docteur [Y] assistant Mme [Q] lors de ces opérations d'expertise qui évoque 'une erreur dans le positionnement de la pièce fémorale entraînant une rotation externe du membre inférieur et les ennuis consécutifs'.

Mais l'expert judiciaire [L], professeur en orthopédie au CHU de Lyon, a exposé que la fracture du col fémoral consécutive à la chute de Mme [Q] justifiait une prothèse totale de hanche réalisée par le docteur [G] en mars 2002, que les radiographies post-opératoires montrant une inégalité par allongement du membre inférieur droit de 1,79 cm, il était logique de proposer une reprise chirurgicale pour planifier une prothèse permettant d'obtenir une égalisation du membre inférieur et que s'agissant d'une prothèse sans ciment il valait mieux intervenir rapidement.

Il a précisé que la prothèse étant déja ostéo intégrée quand M. [U] est intervenu le 13 juin 2002, il a du faire une fémorotomie, technique tout à fait classique, que les radiographies de contrôle étaient tout à fait satisfaisantes, qu'une longueur normale des membres inférieurs à été obtenue, ainsi que mentionné dans le compte rendu d'hospitalisation par le médecin rééducateur à la sortie du centre en novembre 2002.

Il a noté qu''il semble que dans les suites, du fait de l'appui, la prothèse se soit légèrement enfoncée, ce qui est tout à fait classique (il s'agit d'une prothèse sans ciment) et on se retrouve avec un raccourcissement du membre inférieur de 1,5 cm, ce qui est tout à fait banal et qu'il n'est d'ailleurs souvent pas utile de compenser car il n'y a pas de gêne'.

Il indique que 'les séquelles que garde actuellement la patiente sont en rapport, non pas avec cette inégalité de longueur mais avec un enraidissement de la hanche post opératoire qui s'est progressivement installé après sa sortie du centre de rééducation et s'est manifestée , ultérieurement de nombreux mois après l'intervention chirurgicale ; elle s'est enraidie en rotation externe du membre inférieur, ceci explique d'ailleurs tout à fait les douleurs du genou qu'elle présente.'

Il mentionne que l'inégalité de longueur est affirmée pour la première fois sur la radiographie d'avril 2009.

Il conclut 'au total on ne peut reprocher à M. [U] quoi que ce soit, ni sur l'indication, ni sur la réalisation du geste effectué. Le suivi a été tout à fait correct. Malheureusement cette patiente a présenté un enraidissement de sa hanche, ce qui est d'ailleurs souvent le cas dans les reprises de hanche où il est nécessaire de réaliser une fémorotomie. Il s'agit là d'une complication tout à fait classique que l'on peut qualifier d'aléa thérapeutique.'

Il a répondu aux dires déposés pour le compte de Mme [Q] en indiquant que 'la rotule est parfaitement dans la gorge trochéenne, que sur les radiographies le membre est positionné en rotation externe du fait de son enraidissement, ce qui explique que la rotule regarde dehors' ; il admet que l'on retrouve des chiffres anormaux sur le scanner mais il explique 'il faut être extrêmement prudent sur leur interprétation lorsqu'on mesure des troubles de rotation car ils sont radiologue dépendant, appareillage dépendant, morphotype du malade dépendant' et donne à cet égard un exemple ; il indique que 'les mesures sont certes importantes mais ne témoignent absolument pas d'une mal position prothétique. Ce trouble de rotation que l'on peut voir au scanner est dans la plupart des cas parfaitement corrigé par le malade lors de la marche et c'est ce que l'on retrouve chez cette patiente lors de sa sortie du centre de rééducation ; il ajoute que 'dans les reprises de prothèse totale de hanche, il faut trouver des appuis du fait des défects qui peuvent exister. On est bien obligé de mettre la tige fémorale dans la position où l'on retrouve ces appuis ; il est parfois nécessaire de mettre en antéversion ou une rétroversions suivant le cas, plus importante que la normale. Il ne s'agit absolument pas d'une erreur de position. De toutes façons, chez cette patiente, indiscutablement la rotation externe est due à un enraidissement post-opératoire après une reprise de prothèse totale de hanche difficile.'

Il a procédé à ses investigations de façon contradictoire, recueilli toutes les doléances de Mme [Q], procédé à une analyse complète de son dossier médical, transmis aux parties un pré-rapport le 17 février 2011 en les invitant à formuler leurs dires avant le 21 mars 2011.

Rien ne vient sérieusement contredire ses conclusions étayées par des données objectives et des considérations médico-légales.

Le rapport du professeur [J], non contradictoire, se borne à imputer la rotation externe visible sur les scanner à une mauvaise position de la prothèse totale mise en place en juin 2002 mais sans aucunement répliquer, point par point, à l'argumentation de l'expert judiciaire, ni procéder à une critique motivée de son avis.

Au vu de l'ensemble de ces données la demande de contre-expertise médicale présentée par Mme [Q] doit être rejetée.

Sur la responsabilité

Mme [Q] recherche la responsabilité de M. [U] au titre du seul manquement à l'obligation d'information.

En vertu des articles L 1111-2 et R 4127-35 du code de la santé publique, le médecin est tenu de donner à son patient sur son état de santé une information portant sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ; délivrée au cours d'un entretien individuel, cette information doit être loyale, claire et appropriée, la charge de la preuve de son exécution pesant sur le praticien, même si elle peut être faite par tous moyens.

Le droit à réparation de la victime reste, cependant, subordonné à l'existence d'un préjudice en relation de causalité avec le défaut d'information allégué.

M. [U] a reçu Mme [Q] à deux reprises le 22 avril 2002 et le 27 mai 2002 et lui a remis une attestation de consentement du patient mais ne démontre nullement l'avoir informée des risques spécifiques et inhérents à une reprise d'une prothèse totale de hanche et notamment de raccourcissement, rotation du membre inférieur, boiterie.

Cet écrit qu'elle a signé est ainsi libellé '.... Le docteur m'a exposé les raisons qui le conduisent à me proposer cette intervention. Les risques y compris vitaux liés à cette intervention m'ont été communiqués. Le docteur a répondu de façon complète et compréhensible à toutes les questions que j'ai souhaité lui poser. Il m'a informé que des constatations pré opératoires, des contraintes techniques ou anatomiques pourraient l'obliger à modifier le déroulement de l'intervention, au mieux de mes intérêts.

Au décours de la consultation , prenez le temps de réfléchir. Si vous estimez insuffisamment informé sur le traitement envisagé, ses motivations, ses buts et ses risques, consultez à nouveau afin d'obtenir toutes les précisions que vous jugez utiles pour prendre votre décision de façon éclairée.'

Cet document rédigé en termes très généraux et ne contient aucune mention relative à la technique envisagée, aux raisons de son choix ni aux risques, spécifiques ou non, qui y sont attachés et notamment celui d'un raccourcissement du membre inférieur et d'une boiterie qui s'est effectivement réalisé

Un défaut d'information de la part du chirurgien doit, ainsi, être retenu.

Mme [Q] ne peut, cependant, se prévaloir d'un préjudice corporel subi en relation de causalité avec ce manquement.

En effet, le dommage découlant d'une violation du devoir d'information n'est pas l'atteinte à l'intégrité physique elle-même consécutive à l'intervention subie mais la perte d'une chance d'échapper à cette intervention et aux conséquences du risque qui s'est finalement réalisé ; son existence doit s'apprécier en prenant en considération l'état de santé du patient, son évolution prévisible, sa personnalité, les raisons pour lesquelles les investigations ou les soins à risques lui sont proposés ainsi que leurs caractéristiques, les effets qu'aurait pu avoir une telle information quant à son consentement ou à son refus.

Or, même si Mme [Q] avait été averti de tous les risques de l'intervention, elle ne l'aurait pas refusée.

Elle a, en effet, consulté un nouveau chirurgien dès le 22 avril 2002 soit moins d'une semaine après sa sortie du centre de rééducation, preuve qu'elle ne souhaitait pas rester dans l'état révélé par la radiographie du 5 avril 2002 d'un allongement du membre inférieur droit de près de 2 centimètres (1,79 cm sur les clichés pré-opératoires).

Le rallongement du membre opéré entraînait une boiterie invalidante pour elle, s'agissant d'une patiente qualifiée par le docteur [U] de 'civilement jeune' dans la lettre à son médecin traitant le docteur [E] en date du 22 avril 2002 (pièce n° 4 du chirurgien) 'venue le voir de façon relativement très précoce, gênée par cette boiterie et ce flexum à droite', ajoutant dans sa seconde lettre du 27 mai 2002 au même médecin que 'le handicap est important quand cette patiente est pieds nus...' (pièce n° 7 du chirurgien) ; Mme [Q] avait indiqué dans son questionnaire d'hospitalisation pratiquer une activité de danse et de claquettes.

Dans son courrier du 26 juin 202 adressé au médecin rééducateur (pièce 10 du chirurgien) M. [U] écrivait 'Cette patiente avait été opérée il y a trois mois environ d'une fracture de la hanche droite nécessitant la mise en place d'une prothèse. Malheureusement, cette prothèse étant suspendue, il existe un décallage de 17 mm au niveau des deux membres inférieurs entraînant une boiterie à la marche.

Nous avons longuement discuté avec Mme [Q] de la possibilité de récupérer cette longueur et fonction du jeune âge et des activités de Mme [Q], nous avons pris la décision de changer celle-ci....'.

L'expert judiciaire souligne, à cet égard, 'il faut savoir que dans le cadre des inégalités de longueur après prothèses totale de hanche, les rallongements sont très mal supportés par les patients expliquant des lombalgies ou des tendinites du moyen fessier. Paradoxalement les raccourcissements du membre inférieur sont très bien supportés par les patients, une petite semelle suffit à empêcher la gêne qui est souvent représentée par une simple petite boiterie'.

Mme [Q] ne réclamant indemnisation au titre du défaut d'information que de son préjudice physique, à l'exclusion de tout autre dommage distinct des lésions corporelles découlant de la réalisation du risque consécutif à l'acte médical subi, elle doit en être déboutée.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point par substitution de motifs.

Sur les demandes annexes

Mme [Q] qui succombe dans ses prétentions supportera la charge des entiers dépens de première instance et d'appel et ne peut, de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de ce dernier texte au profit de M. [U].

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Confirme le jugement.

Y ajoutant,

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties en cause d'appel.

- Condamne Mme [Z] [Q] aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffierLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 12/18187
Date de la décision : 10/04/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°12/18187 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-04-10;12.18187 ?
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