La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/11/2014 | FRANCE | N°13/08810

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 3e chambre b, 20 novembre 2014, 13/08810


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

3e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 20 NOVEMBRE 2014



N° 2014/462













Rôle N° 13/08810







SA CARDIF LUX VIE





C/



[D] [X]











Grosse délivrée

le :

à :

Me F. KESTER

Me F. BLANC

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance d

e Marseille en date du 11 Décembre 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 10/04071.





APPELANTE



SA CARDIF LUX VIE venant aux droits de la Société FORTIS LUXEMBOURG-VIE S.A.

Immatriculée au RCS du Luxembourg sous le N°B 47 240

Représentée par son administrateur délégué en exercice, Monsieur [N] [U],...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

3e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 20 NOVEMBRE 2014

N° 2014/462

Rôle N° 13/08810

SA CARDIF LUX VIE

C/

[D] [X]

Grosse délivrée

le :

à :

Me F. KESTER

Me F. BLANC

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Marseille en date du 11 Décembre 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 10/04071.

APPELANTE

SA CARDIF LUX VIE venant aux droits de la Société FORTIS LUXEMBOURG-VIE S.A.

Immatriculée au RCS du Luxembourg sous le N°B 47 240

Représentée par son administrateur délégué en exercice, Monsieur [N] [U], domicilié es qualités au siège social sis,

[Adresse 1]/ Grand Duché de Lux

représentée par Me Fanny KESTER, avocate au barreau de MARSEILLE,

plaidant par Me Richard ESQUIER, avocat au barreau de PARIS substitué par son collaborateur Me Florent BAUDERBALA, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur [D] [X]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 1],

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Florence BLANC, avocate au barreau de MARSEILLE

plaidant par Me Hélène FERON PLONI de la SCP LECOQ VALLON & FERON POLONI, avocate au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 08 Octobre 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Marie-José DURAND, Conseillère a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Jean-François BANCAL, Président

Madame Patricia TOURNIER, Conseillère

Mme Marie-José DURAND, Conseillère (rédactrice)

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Novembre 2014

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Novembre 2014,

Signé par M. Jean-François BANCAL, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige

Faits et procédure

Monsieur [D] [X] a souscrit, le 10 octobre 2008, un contrat d'assurance vie en unités de compte intitulé 'LIBERTY 2 INVEST', n° 100025309, auprès de la compagnie luxembourgeoise Fortis Luxembourg Vie (société Fortis), aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société Cardif Lux Vie, pour un montant de un million d'euros.

Il a procédé, le 18 juin 2009, à un rachat partiel à hauteur de 300 000 €.

Reprochant à l'assureur de ne pas avoir satisfait à son obligation d'information précontractuelle, il s'est prévalu de sa faculté de renonciation par lettre recommandée avec accusée de réception du 10 juillet 2009, reçue le 13 juillet 2009.

L'assureur n'ayant pas restitué les sommes versées sur le contrat, Monsieur [X] l'a fait assigner devant le tribunal.

Décision déférée

Par jugement du 11 décembre 2012, le tribunal de grande instance de Marseille a :

- condamné l'assureur à rembourser à Monsieur [X] la somme de 700 000 € outre intérêts au taux légal majoré de moitié du 13 août au 13 octobre 2009, puis au double du taux légal,

- ordonné la capitalisation annuelle des intérêts,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné l'assureur à régler à l'assuré la somme de 2 500 € (deux mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le premier juge, après avoir estimé que les dispositions du code des assurances étaient conformes au droit communautaire, a retenu que l'encadré figurant en tête de la proposition d'assurance n'était pas conforme aux dispositions des articles L 132-5-2 et A 132-8 du code des assurances sur les points suivants :

- la nature du contrat figure en tête de page mais sa lisibilité est réduite,

- les mentions relatives aux frais du contrat, réparties dans les encadrés 6 à 10, ne sont pas regroupées selon les entrées prévues à l'article A 132-8,

- la mention relative à l'absence de garantie des montants investis en unités de compte figure en caractères gras mais dans l'encadré relatif au type de contrat alors qu'elle devrait figurer à la suite des garanties offertes ;

- l'information relative à la participation aux bénéfices est irrégulière comme ne comportant aucune référence à la clause comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L 132-5 du code des assurances ;

- la mention relative à la durée du contrat n'est pas strictement celle qui est prévue à l'article A 132-8 du code des assurances ;

- la désignation des bénéficiaires n'est pas conforme aux dispositions de l'article A 132-8 du code des assurances car elle comporte des informations non prévues par la loi.

Par déclaration du 26 avril 2013, la société Cardif Lux Vie a interjeté appel.

Demandes des parties

Dans ses dernières conclusions, en date du 14 mars 2014, l'appelant demande à la cour de :

à titre principal, juger qu'elle a respecté son obligation précontractuelle d'information, infirmer le jugement, et condamner Monsieur [X] à restituer les sommes perçues au titre de l'exécution provisoire,

à titre subsidiaire, si la cour s'interrogeait sur la contrariété entre le principe de libre prestation de service (LPS), les objectifs et le texte de la Directive 2002/83/CE du 05 novembre 2002 concernant l'assurance directe sur la vie (Directive Vie) d'une part, et d'autre part les termes de la loi française notamment les textes réglementaires pris en application de la loi du 15 décembre 2005, solliciter l'interprétation de la CJUE à titre préjudiciel,

à titre très subsidiaire, juger que la sanction prononcée par le tribunal est disproportionnée, infirmer le jugement et condamner Monsieur [X] à restituer les sommes perçues au titre de l'exécution provisoire,

à titre plus subsidiaire, si la cour s'interrogeait sur la contrariété des termes de la loi française et de la Directive Vie s'agissant de la sanction, poser une question préjudicielle à la CJUE,

à titre encore plus subsidiaire, juger que l'assuré a abusé de sa faculté de renonciation, et infirmer le jugement,

sur la demande reconventionnelle formée par Monsieur [X], juger que la compagnie d'assurance n'a commis aucune faute prudentielle ou contractuelle et rejeter les demandes,

en tout état de cause lui allouer la somme de 20 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions en date du 22 novembre 2013, Monsieur [X] soutient :

à titre principal :

que l'assureur n'ayant pas respecté les conditions légales de l'encadré prévues à l'article L 132-5-2 du code des assurances, il n'était pas exonéré de l'obligation de remise d'une note d'information distincte des conditions générales du contrat,

que dans ces conditions le jugement doit être confirmé,

à titre subsidiaire :

que l'assureur a commis une faute contractuelle en proposant des unités de compte constituées de valeurs mobilières n'offrant pas une protection suffisante de l'épargne,

le condamner à lui régler une somme de 223 452,15 € à titre de dommages et intérêts

L'ordonnance de clôture est en date du 23 septembre 2014.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A/ Sur la conformité du code des assurances à la Directive Vie

Il convient de rappeler certains des objectifs de la Directive Vie, notamment ceux insérés dans les considérants suivants :

Considérant n° 3 : « Il est nécessaire d'achever le marché intérieur dans le secteur de l'assurance directe sur la vie, sous le double aspect de la liberté d'établissement et de la libre prestation de services dans les États membres, afin de faciliter aux entreprises d'assurance ayant leur siège dans la Communauté la prise d'engagements à l'intérieur de la Communauté et de permettre aux preneurs de faire appel non seulement à des entreprises établies dans leur pays mais également à des entreprises ayant leur siège social dans la Communauté et établies dans d'autres États membres ».

Considérant n° 44 : «  l'harmonisation du droit du contrat d'assurance n'est pas une condition préalable de la réalisation du marché intérieur des assurances ».

Considérant n° 46 : 'Dans le cadre d'un marché intérieur, il est dans l'intérêt du preneur d'assurance que celui-ci ait accès à la plus large gamme de produits d'assurance offerts dans la Communauté pour pouvoir choisir parmi eux celui qui convient le mieux à ses besoins. Il incombe à l'État membre de l'engagement de veiller à ce qu'il n'y ait aucun obstacle sur son territoire à la commercialisation de tous les produits d'assurance offerts dans la Communauté, pour autant que ceux-ci ne soient pas contraires aux dispositions légales d'intérêt général en vigueur dans l'État membre de l'engagement et dans la mesure où l'intérêt général n'est pas sauvegardé par les règles de l'État membre d'origine, étant entendu que ces dispositions doivent s'appliquer de façon non discriminatoire à toute entreprise opérant dans cet État membre et être objectivement nécessaires et proportionnées à l'objectif poursuivi.'

Considérant n° 52 : 'Dans le cadre d'un marché intérieur de l'assurance, le consommateur aura un choix plus grand et plus diversifié de contrats. Afin de profiter pleinement de cette diversité et d'une concurrence accrue, il doit disposer des informations nécessaires pour choisir le contrat qui convient le mieux à ses besoins. Cette nécessité d'informations est d'autant plus importante que la durée des engagements peut être très longue. Il convient, en conséquence, de coordonner les dispositions minimales pour que le consommateur reçoive une information claire et précise sur les caractéristiques essentielles des produits qui lui sont proposés et sur les coordonnées des organismes habilités à connaître des réclamations des preneurs, assurés ou bénéficiaires du contrat.'

S'agissant des informations à fournir au preneur, l'article 36 de la Directive Vie intitulé 'Information des preneurs' est ainsi rédigé :

'1. Avant la conclusion du contrat d'assurance, au moins les informations énumérées à l'annexe III, point A, doivent être communiquées au preneur.

(...)

3. L'État membre de l'engagement ne peut exiger des entreprises d'assurance la fourniture d'informations supplémentaires par rapport à celles énumérées à l'annexe III que si ces informations sont nécessaires à la compréhension effective par le preneur des éléments essentiels de l'engagement.

4. Les modalités d'application du présent article et de l'annexe III sont arrêtées par l'État membre de l'engagement.'

L'annexe III de la directive énonce les informations à communiquer au preneur, concernant l'entreprise d'assurance et l'engagement, en précisant qu'elles doivent être 'formulées de manière claire et précise, par écrit'.

Ces dispositions ont été transposées en droit français notamment dans l'article L 132-5-2 qui énonce :

'Avant la conclusion d'un contrat d'assurance sur la vie ou d'un contrat de capitalisation, par une personne physique, l'assureur remet à celle-ci, contre récépissé, une note d'information sur les conditions d'exercice de la faculté de renonciation et sur les dispositions essentielles du contrat. Un arrêté fixe les informations qui doivent figurer dans cette note, notamment en ce qui concerne les garanties exprimées en unités de compte. Toutefois, la proposition d'assurance ou le projet de contrat vaut note d'information, pour les contrats d'assurance ou de capitalisation comportant une valeur de rachat ou de transfert, lorsqu'un encadré, inséré en début de proposition d'assurance ou de projet de contrat, indique en caractères très apparents la nature du contrat. L'encadré comporte en particulier le regroupement des frais dans une même rubrique, les garanties offertes et la disponibilité des sommes en cas de rachat, la participation aux bénéfices, ainsi que les modalités de désignation des bénéficiaires. Un arrêté du ministre chargé de l'économie, pris après avis de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, fixe le format de cet encadré ainsi que, de façon limitative, son contenu.

La proposition ou le contrat d'assurance ou de capitalisation comprend :

1° Un modèle de lettre destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation ;

2° Une mention dont les termes sont fixés par arrêté du ministre chargé de l'économie, précisant les modalités de renonciation.

La proposition ou le projet de contrat d'assurance ou de capitalisation indique, pour les contrats qui en comportent, les valeurs de rachat au terme de chacune des huit premières années du contrat au moins, ainsi que, dans le même tableau, la somme des primes ou cotisations versées au terme de chacune des mêmes années. Toutefois, pour les contrats mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 132-23, l'entreprise indique les valeurs de transfert au lieu des valeurs de rachat. La proposition ou le projet de contrat d'assurance ou de capitalisation indique les valeurs minimales et explique le mécanisme de calcul des valeurs de rachat ou de transfert lorsque celles-ci ne peuvent être établies.

Le défaut de remise des documents et informations prévus au présent article entraîne de plein droit la prorogation du délai de renonciation prévu à l'article L. 132-5-1 jusqu'au trentième jour calendaire révolu suivant la date de remise effective de ces documents, dans la limite de huit ans à compter de la date où le souscripteur est informé que le contrat est conclu.

Les dispositions du présent article sont précisées, en tant que de besoin, par arrêté ministériel.

Elles ne s'appliquent pas aux contrats d'une durée maximale de deux mois.'

Ainsi, les entreprises d'assurance ont le choix de remettre au preneur, avant la conclusion du contrat, soit une note d'information sur les conditions d'exercice de la faculté de renonciation et sur les dispositions essentielles du contrat, soit une proposition d'assurance ou un projet de contrat débutant par un encadré dont le contenu est déterminé par l'article L 132-5-2 et précisé à l'article A 132-8, qui débute ainsi :

'L'encadré mentionné à l'article L 132-5-2 est placé en tête de proposition d'assurance, de projet de contrat ou de notice. Sa taille ne dépasse pas une page et il contient, de façon limitative et dans l'ordre précisé ci-dessous, les informations suivantes'.

La société Fortis relève qu'elle a été condamnée pour ne pas avoir respecté à la lettre certaines exigences de forme imposées par le Code des assurances, lesquelles constitueraient une restriction injustifiée à la LPS car elles feraient obstacle à la commercialisation en France des produits d'assurance-vie proposés par elle, prestataire établi au Luxembourg qui a, comme la France, transposé la Directive Vie, où elle fournit également des services analogues. Elle soutient que toute restriction de nature à prohiber ou gêner autrement les activités d'un prestataire établi dans un autre État membre constitue une restriction à la libre prestation des services à l'intérieur de l'Union, prohibée par l'article 56 du TFUE, que la mesure en cause soit discriminatoire ou non. Elle ajoute que permettre à chaque État membre de poser des exigences de pure forme différentes les unes des autres, alors que ces exigences ne sont ni nécessaires ni proportionnées à l'objectif de protection du preneur et qu'aucune raison impérieuse d'intérêt général ne les justifie, aboutirait à recloisonner le marché intérieur, en obligeant une entreprise d'assurance communautaire à avoir 27 documents d'information différents ou à renoncer à opérer en LPS, l'entrave étant ainsi caractérisée. Elle soutient également que les exigences relatives à l'information devant figurer dans l'encadré ne sont pas nécessaires à la compréhension effective par le preneur des éléments essentiels de l'engagement, que l'exigence d'une information supplémentaire sur les valeurs de rachat, de même que les exigences tendant à limiter strictement l'information, sont contraires à l'article 36 de la Directive Vie.

Cependant, la Directive Vie laisse aux États membres de l'engagement le soin d'arrêter les modalités d'information des preneurs en veillant à ce que l'information soit formulée de façon claire et précise. En l'occurrence le droit français impose, en l'absence de remise d'une note d'information, la remise d'une proposition d'assurance ou d'un projet de contrat insérant en tête un encadré contenant les informations essentielles à la compréhension de la proposition, et ce dans un ordre déterminé dont la logique facilite la compréhension et la comparaison avec les propositions concurrentes. A cet égard, la société Fortis relève qu'aucun ordre n'est imposé s'agissant des informations à fournir dans une simple note. Cependant, la particularité de l'encadré est qu'il s'insère en tête d'une proposition d'assurance ou d'un projet de contrat qui, dans ce cas, vaut dans son ensemble note d'information, et qui doit donc être résumé soigneusement afin d'en faciliter la compréhension. Le fait d'imposer un ordre particulier aux informations qui y figurent participe à l'efficacité du résumé. Dans ces conditions, les exigences de forme posées par l'article A 132-8 du code des assurances, à savoir des informations déterminées limitativement et fournies dans un certain ordre, sont nécessaires et proportionnées à l'objectif de protection du preneur et ne contreviennent pas aux dispositions de la Directive Vie.

Par ailleurs, il doit être constaté que si l'article A 132-8 détermine le contenu de l'encadré de façon limitative, rien n'empêche l'entreprise d'assurance de fournir, en dehors de ce cadre, les autres informations qu'elle-même estime utiles.

La société Fortis relève également que l'article L 132-5-2 impose aux entreprises d'assurance qu'elles indiquent dans la proposition d'assurance ou le projet de contrat, pour les contrats qui en comportent, 'les valeurs de rachat au terme de chacune des huit premières années du contrat au moins, ainsi que, dans le même tableau, la somme des primes ou cotisations versées au terme de chacune des mêmes années'. Elle estime qu'une telle information, supplémentaire en ce qu'elle n'est pas prévue à l'annexe III de la Directive Vie, ne peut pas être imposée par un État membre car elle n'est ni claire, ni précise, ni nécessaire à la compréhension effective par le preneur des éléments essentiels de l'engagement. Cependant, il est au contraire nécessaire à la compréhension effective par le preneur des éléments essentiels de son engagement de l'informer des valeurs de rachat, au cours de la durée du contrat, des primes versées, dans la mesure où il ne peut jamais être exclu que l'évolution de sa situation de fortune lui impose un tel rachat. Par ailleurs, s'il est vrai que les dispositions de l'article A 132-4-1, qui traitent de l'information à donner sur les valeurs de rachat ou de transfert ne pouvant être établies en euros ou devises lors de la remise de la proposition d'assurance, sont peu compréhensibles pour un non-initié, elles ne s'adressent pas au preneur, mais à l'assureur, et celui-ci ne démontre pas que le tableau des valeurs de rachat dressé en respectant les indications de cet article n'est ni clair ni précis. En tout état de cause, cet article tient parfaitement compte des particularités des contrats libellés en unités de compte et à versements libres, tels le contrat « Liberty 2 Invest » puisqu'il permet, lorsque les valeurs de rachat ou de transfert minimales ne peuvent être établies lors de la remise de la proposition d'assurance, qu'il soit alors indiqué qu'il n'existe pas de valeur de rachat ou de transfert minimale exprimée en euros ou en devises, et que le tableau soit complété par une explication littéraire, comprenant notamment la mention, prévue à l'article A 132-5, aux termes de laquelle « Pour les contrats mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 131-1, il est indiqué que l'entreprise d'assurance ne s'engage que sur le nombre d'unités de compte, mais pas sur leur valeur ; il est également précisé que la valeur de ces unités de compte, qui reflète la valeur d'actifs sous-jacents, n'est pas garantie mais est sujette à des fluctuations à la hausse ou à la baisse dépendant en particulier de l'évolution des marchés financiers. ».

Pour finir, la société Fortis ne peut sérieusement qualifier d'obstacle, ni même de simple gêne à la LPS, la nécessité d'adapter les documents d'information remis aux preneurs en fonction de la transposition spécifique de la Directive Vie faite par chacun des États membres dans lesquels elle commercialise ses contrats. Il suffit en effet au professionnel de l'assurance de faire preuve de vigilance et de soin dans le cadre de l'étude de ses contrats et des conditions de leur commercialisation. Ainsi, les articles du code des assurances transposant en droit français la Directive Vie ne créent aucune entrave à la LPS.

Dans ces conditions, et sans qu'il soit nécessaire de poser une question préjudicielle, il convient de rejeter la demande de la société Fortis, tendant à ce que soient laissées inappliquées les dispositions du code des assurances.

B/ Sur l'information précontractuelle fournie par la société Fortis

Monsieur [X] soutient que l'encadré figurant en tête de la proposition d'assurance qui lui a été remise ne respecte pas les dispositions de l'article A 132-8 du code des assurances sur plusieurs points.

L'article A 132-8 du code des assurances est ainsi rédigé :

'L'encadré mentionné à l'article L. 132-5-2 est placé en tête de proposition d'assurance, de projet de contrat, ou de notice. Sa taille ne dépasse pas une page et il contient, de façon limitative et dans l'ordre précisé ci-dessous, les informations suivantes :

1° Il est indiqué si le contrat est un contrat d'assurance vie individuel ou de groupe, ou un contrat de capitalisation. Pour les contrats mentionnés à l'article L. 132-5-3, cette indication est complétée par la mention suivante : "les droits et obligations de l'adhérent peuvent être modifiés par des avenants au contrat, conclus entre (dénomination de l'entreprise d'assurance) et (dénomination du souscripteur). L'adhérent est préalablement informé de ces modifications".

2° Les garanties offertes, y compris les garanties complémentaires non optionnelles, sont indiquées, avec référence aux clauses les définissant ; il est précisé en particulier si le contrat prévoit le paiement d'un capital ou d'une rente :

a) Pour les contrats dont les droits sont exprimés en euros ou en devises, il est indiqué si le contrat comporte ou non une garantie en capital au moins égale aux sommes versées, nettes de frais.

b) Pour les contrats dont les droits sont exprimés en unités de compte, il est indiqué en caractères très apparents que les montants investis sur les supports en unités de compte ne sont pas garantis mais sont sujets à des fluctuations à la hausse ou à la baisse dépendant en particulier de l'évolution des marchés financiers.

c) Pour les contrats dont une part des droits sont exprimés en unités de compte, l'information sur les garanties offertes, effectuée conformément aux dispositions des présents a et b, distingue les droits exprimés en unités de compte et ceux qui ne le sont pas.

3° Sont indiqués l'existence ou non d'une participation aux bénéfices contractuelle ainsi que, le cas échéant, les pourcentages de celle-ci ; est également indiquée la référence à la clause comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 132-5.

4° Il est indiqué que le contrat comporte une faculté de rachat ou de transfert. Cette indication est complétée par la mention "les sommes sont versées par l'assureur dans un délai de ... (délai de versement)" ; sont également indiquées les références à la clause relative aux modalités de rachat et de transfert et au tableau mentionné à l'article L. 132-5-2.

5° Sont indiqués dans une même rubrique les frais et indemnités de toute nature mentionnés à l'article R. 132-3 ainsi que, le cas échéant, l'existence de frais pouvant être supportés par l'unité de compte. Il est renvoyé à une clause du contrat ou au document mentionné au dernier alinéa de l'article A. 132-6 pour le détail de ces derniers frais, et l'encadré le précise. Pour les frais et indemnités mentionnés à l'article R. 132-3, la rubrique distingue :

- "frais à l'entrée et sur versements" : montant ou pourcentage maximum des frais prélevés lors de la souscription et lors du versement des primes ;

- "frais en cours de vie du contrat" : montant ou pourcentage maximum, sur base annuelle, des frais prélevés et non liés au versement des garanties ou des primes ;

- "frais de sortie" : montant ou pourcentage maximum des frais sur quittances d'arrérages, indemnités mentionnées à l'article R. 331-5 ;

- "autres frais" : montant ou pourcentage maximum des frais et indemnités non mentionnés aux trois alinéas précédents.

6° Est insérée la mention suivante : "La durée du contrat recommandée dépend notamment de la situation patrimoniale du souscripteur (ou de l'adhérent), de son attitude vis-à-vis du risque, du régime fiscal en vigueur et des caractéristiques du contrat choisi. Le souscripteur (ou l'adhérent) est invité à demander conseil auprès de son assureur."

7° Sont indiquées les modalités de désignation des bénéficiaires, comme il est dit au 1° de l'article A. 132-9. Est également indiquée la référence à la clause contenant les informations mentionnées au même article.

8° La mention suivante est insérée immédiatement après l'encadré :

"Cet encadré a pour objet d'attirer l'attention du souscripteur (ou de l'adhérent) sur certaines dispositions essentielles de la proposition d'assurance (ou du projet de contrat, ou de la notice). Il est important que le souscripteur (ou l'adhérent) lise intégralement la proposition d'assurance (ou le projet de contrat, ou la notice), et pose toutes les questions qu'il estime nécessaires avant de signer le contrat (ou le bulletin d'adhésion)."

Par ailleurs, l'article A 132-9 1° est rédigé comme suit :

1° Il est indiqué que le souscripteur ou l'adhérent peut désigner le ou les bénéficiaires dans le contrat et ultérieurement par avenant au contrat, ou, pour les contrats mentionnés à l'article L. 141-1, dans le bulletin d'adhésion et ultérieurement par avenant à l'adhésion. Il est en outre indiqué que la désignation du bénéficiaire peut être effectuée notamment par acte sous seing privé ou par acte authentique.

Force est de constater que, notamment :

- la nature du contrat, quoi qu'indiquée, ne l'est pas en « termes très apparents », ainsi que l'impose l'article L 132-5-2, ce qu'a parfaitement caractérisé le premier juge,

- la mention prévue au 2° b) de l'article A 132-8 est insérée dans la première rubrique, relative à la nature du contrat d'assurance, et non dans la deuxième, consacrée aux garanties offertes,

- les frais sont présentés sous des intitulés différents de ceux prévus dans l'article A 132-8, et le montant ou le pourcentage maximum des « autres frais » n'est pas précisé,

- la rubrique relative à la durée ne reprend pas strictement la mention prévue dans l'article A 132-8, mais la complète alors que les informations devant figurer dans l'encadré sont limitativement énumérées par cet article,

- la rubrique relative aux modalités de désignation des bénéficiaires fournit des informations non prévues à l'article A 132-9 1° et ne fait pas référence à la clause contenant les informations mentionnées au même article.

Au surplus, d'une part la proposition d'assurance ne comporte pas la mention précise imposée par les articles L 132-5-2 et A 132-4-2 I du code des assurances concernant la faculté de renonciation, car le "moment où le preneur est informé que le contrat est conclu", ou au moins la façon de déterminer cette date, n'est pas indiqué, d'autre part elle ne comporte pas non plus le tableau des valeurs de rachat au terme de chacune des huit premières années du contrat au moins imposé également par l'article L 132-5-2 du contrat.

Il convient d'en conclure que la société Fortis n'était pas dispensée de fournir à Monsieur [X] une note d'information sur les conditions d'exercice de la faculté de renonciation et sur les dispositions essentielles du contrat.

La société Fortis conclut qu'en tout état de cause, le document intitulé « Conditions générales, Fiches fiscales et Dispositions spécifiques » remis à l'assuré lors de la phase précontractuelle constitue une note d'information au sens des dispositions du code des assurances car il contient toutes les informations exigées, de façon cette fois non limitative et non formalisée, par l'article A 132-4 du code des assurances.

Cependant, les documents exhaustifs auxquels elle fait référence ne sauraient se substituer à « une note d'information sur les conditions d'exercice de la faculté de renonciation et sur les dispositions essentielles du contrat », ainsi que l'énonce l'article L 132-5-2 du code des assurances, destinée à en synthétiser les clauses.

C/ Sur la sanction appliquée par le premier juge

La société Fortis reproche au premier juge de lui avoir appliqué une sanction disproportionnée par rapport au but recherché par la Directive Vie, alors que les manquements sont de pure forme, qu'ils ne nuisent pas à la compréhension effective des éléments essentiels de son engagement par le preneur et que M. [X] est un investisseur averti qui a reçu toute l'information utile, la condamnant ainsi à supporter le risque pris en toute connaissance de cause par celui-ci. Elle ajoute que M. [X] a abusé de son droit à renoncer au contrat, en l'exerçant dans le seul but de récupérer la prime, sa contrepartie en unités de compte ayant subi une baisse qu'il refusait d'assumer.

Cependant, il suffit de constater que l'encadré n'indique pas la nature du contrat 'en caractères très apparents', et que la proposition d'assurance ne comporte ni la mention précise concernant la faculté de renonciation, ni le tableau des valeurs de rachat imposés par l'article L 132-5-2 du code des assurances, pour en déduire que la proposition d'assurance ne vaut pas note d'information.

Or l'article L 132-5-2 prévoit explicitement que : 'Le défaut de remise des documents et informations prévus au présent article entraîne de plein droit la prorogation du délai de renonciation prévu à l'article L. 132-5-1 jusqu'au trentième jour calendaire révolu suivant la date de remise effective de ces documents, dans la limite de huit ans à compter de la date où le souscripteur est informé que le contrat est conclu.', tandis que L 132-5-1 précise que toute personne physique qui a signé une proposition ou un contrat d'assurance sur la vie a la faculté d'y renoncer pendant le délai de trente jours calendaires révolus à compter du moment où elle est informée que le contrat est conclu.

Il résulte de ces textes, d'ordre public, que la faculté de renonciation prorogée est ouverte de plein droit pour sanctionner le défaut de remise à l'assuré des documents et informations prévus par la loi. Cette sanction n'est pas disproportionnée, dès lors qu'elle vise simplement à garantir au preneur d'assurance, dans le cadre d'une concurrence accrue, l'accès effectif aux informations nécessaires pour choisir le contrat qui convient le mieux à ses besoins, dans le respect des objectifs de la Directive Vie.

Par ailleurs, l'exercice de la faculté de rétractation est discrétionnaire et ne requiert pas la bonne foi de l'assuré, dont la loi, au surplus, n'exige pas qu'il soit non averti. À cet égard, la référence faite par la société Fortis à la communication interprétative de la commission européenne sur la notion d'intérêt général, qui devrait être modulée en fonction du caractère averti ou non du preneur, n'est pas pertinente, dès lors que la sanction n'a pas pour objectif d'empêcher un preneur d'assurance de souscrire un contrat proposé par une entreprise d'assurance en LPS, mais seulement de garantir le respect par cette entreprise des conditions de forme imposées par la loi française à toute entreprise d'assurance, et dont il a été vu plus haut qu'elles n'étaient pas contraires à la Directive Vie.

Par ailleurs, et sauf à priver la sanction de son effet, M. [X] n'a pas pu abuser d'une faculté de rétractation résultant non pas du contrat mais d'une disposition d'ordre public sanctionnant les manquements de son cocontractant à cette même loi.

Ainsi, il convient, sans qu'il soit nécessaire de poser une question préjudicielle à la CJUE, de confirmer la décision du premier juge, en ce qu'il a condamné la société Fortis à restituer à M. [X] la somme de 700 000 €, outre, en application de l'article L 132-5-1 du code des assurances, les intérêts au taux légal majoré de moitié du 13 août 2009 au 13 octobre 2009, puis au double du taux légal à compter du 13 octobre 2009 et, en application de l'article 1154 du code civil, la capitalisation des intérêts.

D/ Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dispositions du jugement déféré concernant les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées, sauf à rectifier l'erreur matérielle figurant au dispositif de la décision concernant le montant en lettres des frais irrépétibles.

Par ailleurs, la société Fortis sera condamnée aux paiement des dépens d'appel et d'une somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles en cause d'appel, et elle sera déboutée de la demande qu'elle forme à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement,

Confirme le jugement déféré, sauf à rectifier l'erreur matérielle figurant au dispositif de ce jugement, et à dire qu'au lieu de lire 'Condamne la SA CARDIF LUX VIE venant aux droits de FORTIS LUXEMBOURG VIE SA à payer à Monsieur [D] [X] la somme de 2 500€ (deux mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile', il convient de lire 'Condamne la SA CARDIF LUX VIE venant aux droits de FORTIS LUXEMBOURG VIE SA à payer à Monsieur [D] [X] la somme de 2 500 € (deux mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile',

Ajoutant au jugement déféré,

Dit n'y avoir lieu à questions préjudicielles,

Déboute la SA Cardif Lux Vie venant aux droits de la SA Fortis Luxembourg Vie de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA Cardif Lux Vie venant aux droits de la SA Fortis Luxembourg Vie à payer à M. [D] [X] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA Cardif Lux Vie venant aux droits de la SA Fortis Luxembourg Vie aux dépens d'appel et accorde le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile à l'avocat de M. [D] [X].

LA GREFFIÈRELE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 3e chambre b
Numéro d'arrêt : 13/08810
Date de la décision : 20/11/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 3B, arrêt n°13/08810 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-11-20;13.08810 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award