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04/12/2014 | FRANCE | N°12/19169

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre c, 04 décembre 2014, 12/19169


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre C



ARRÊT AU FOND

DU 04 DECEMBRE 2014



N° 2014/ 577













Rôle N° 12/19169







SA BANK JULIUS BAER (MONACO)





C/



[Z] [H]





















Grosse délivrée

le :

à :

-SCP MAGNAN

-SCP ERMENEUX













Décision déférée à la Cour :



Ordon

nance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de NICE en date du 21 Septembre 2012 enregistrée au répertoire général sous le n° 10/04596.





APPELANTE



SA BANK JULIUS BAER (MONACO),

Agissant poursuites et diligences de son représentant légal,

dont le siège est sis [Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 04 DECEMBRE 2014

N° 2014/ 577

Rôle N° 12/19169

SA BANK JULIUS BAER (MONACO)

C/

[Z] [H]

Grosse délivrée

le :

à :

-SCP MAGNAN

-SCP ERMENEUX

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de NICE en date du 21 Septembre 2012 enregistrée au répertoire général sous le n° 10/04596.

APPELANTE

SA BANK JULIUS BAER (MONACO),

Agissant poursuites et diligences de son représentant légal,

dont le siège est sis [Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE.

INTIME

Monsieur [Z] [H]

né le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 2] (ITALIE),

demeurant [Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 28 Octobre 2014 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Yves ROUSSEL, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL, Président

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Mme Françoise DEMORY-PETEL, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Décembre 2014.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Décembre 2014,

Rédigé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président,

Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La SAM BANK JULIUS BAER, établissement bancaire de droit monégasque, anciennement dénommé ING BANK (MONACO), créancière de son client, Monsieur [H], a été autorisée par ordonnance rendue le 14 juin 2010 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur les biens immobiliers de son débiteur.

Par assignation du 3 août 2010, elle a ensuite attrait Monsieur [H] devant le tribunal de grande instance de Nice, afin d'obtenir sa condamnation à lui payer différentes sommes.

Monsieur [H] a soulevé l'incompétence des juridictions françaises sur la base des clauses du contrat et par ordonnance du 21 octobre 2012, le juge de la mise en état a jugé que le tribunal de grande instance de Nice était incompétent pour statuer au fond et a renvoyé la banque à mieux se pourvoir.

Vu l'appel, formé par la SAM BANK JULIUS BAER par déclaration du 12 octobre 2012 et ses conclusions déposées et signifiées le 10 avril 2013, par lesquelles elle demande à la cour d'infirmer l'ordonnance dont appel, de juger que le tribunal de grande instance de Nice est compétent pour connaître de l'action qu'elle a introduite par assignation du 3 août 2010, de condamner Monsieur [H] à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts, outre celle de 5000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner aux dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître MAGNAN, avocat.

Vu les conclusions déposées et notifiées le 5 septembre 2014, par lesquelles M. [H] demande à la cour de confirmer l'ordonnance entreprise, de condamner la S.A.M. BANK JULIUS BAER (Monaco) à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC, outre les dépens, tant de première instance que d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP ERMENEUX- LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, Avocats Associés.

Monsieur [Z] [H] fait valoir qu'il s'est vu accorder par la S.A.M. ING BANK (Monaco) un crédit de trésorerie à hauteur de 500.000 $, à échéance du 30 novembre 2008, avec pour garantie son portefeuille de titres ; que le 14 octobre 2008 il a été mis en demeure de couvrir ses engagements envers la banque, par lettre adressée par la banque en « poste restante » ; qu'il en a été de même le 28 octobre 2008 ; que la banque disposait pourtant de son adresse à [Localité 6] et de celle du bien ayant fait l'objet d'une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire et où il a sa résidence habituelle, soit [Localité 4] en France; qu'il n'a pas été touché à personne par l'assignation ; qu'en réalité, il avait avisé la banque de son changement de résidence par des courriels en date des 24 août 2010 et 12 novembre 2010, celle-ci ayant déjà connaissance de l'adresse de [Localité 4] depuis avril 2010.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 30 septembre 2014.

SUR CE, LA COUR,

1. M. [H] fait valoir qu'aux termes de l'article 42 des Conditions Générales régissant le fonctionnement du compte courant « La loi applicable est la Loi de la Principauté de [Localité 5]. Les tribunaux de la Principauté seront seuls compétents pour connaître tout litige pouvant survenir quant à l'interprétation ou à l'exécution de la présente convention ou l'une quelconque de ses annexes, et plus généralement tout document qui s'y rapporterait directement ou indirectement. En tout état de cause le client renonce expressément à invoquer tout privilège de juridiction ou immunité dont il pourrait se prévaloir au regard de sa loi nationale ou pour quelque autre cause que ce soit » (pièce n° 1) ; que cette disposition est reprise aux paragraphes « constitution de gage de valeurs mobilières et de monnaie » et « constitution de gage de valeurs mobilières et de monnaie-tiers garanti » dans les termes suivants : « Le présent nantissement est soumis à la Loi de la Principauté de [Localité 5]. Tout litige pouvant survenir entre le Constituant et la Banque quant à son exécution ou quant à son interprétation relèvera de la compétence exclusive des Tribunaux de [Localité 5] » (pièces n° 2, 3 et 4) ; qu'en conséquence, l'instance au fond consécutive à l'inscription provisoire de l'hypothèque et destinée à permettre au créancier d'obtenir un titre exécutoire relève de la compétence exclusive du Tribunal de Première Instance de Monaco, alors même que la mesure conservatoire a été diligentée en France ; que l'article 17 alinéa 3 de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 ne peut s'appliquer en l'état de sa transformation en Règlement communautaire, en l'occurrence le Règlement « Bruxelles I » n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 ; qu'au demeurant, le Règlement « Bruxelles I » est inapplicable depuis l'entrée en vigueur de la Convention de la Haye du 30 juin 2005 sur les accords d'élection de for.

Mais, la convention de la Haye sur les accords d'élection de for, conclue le 30 juin 2005, qui s'applique dans des situations internationales aux accords exclusifs d'élection de for conclus en matière civile ou commerciale, prévoit en son article 2 qu'elle ne s'applique pas aux accords exclusifs d'élection de for auxquels une personne physique agissant principalement dans un but personnel, familial ou domestique est partie.

Or, M. [H] ne s'explique pas sur cette exclusion de compétence.

En réalité, au niveau de l'UE, la compétence internationale des juridictions de l'Union fondée sur les accords d'élection de for est régie par le règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (le «règlement Bruxelles I») par le règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. Des dispositions transitoires ont été prévues pour assurer la continuité nécessaire entre la convention de Bruxelles et ce règlement.

2. Sur ce terrain, M. [H] fait valoir qu'en application de l'article 23.1 du Règlement « Bruxelles I », le régime général prévu par ce texte est inapplicable à une clause attributive de juridiction à un tribunal ou aux tribunaux d'un Etat tiers, laquelle relève exclusivement du droit international privé commun du Juge saisi (CJCE, 9 novembre 2000, Coreck Maritime, aff. C-387/98, Rec. I. 9337, concl. S. Alber ; Rev. Crit. DIP 2001, 359, note F. Bernard-Fertier ; JDI 2001. 701, obs. J-M. Bischoff ; DMF 2001. 187, note Pb. Delebecque ' pièce n° 29) ; que tel est le cas en l'espèce, la clause attribuant aux seules juridictions de la Principauté de [Localité 5], qui n'appartient pas à l'Union européenne et n'a pas ratifié la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, la connaissance des litiges nés de l'interprétation et de l'exécution des contrats en cause ; qu'il n'importe donc que lui-même soit domicilié en France, c'est à dire dans un Etat contractant de la convention, alors d'ailleurs qu'à la date à laquelle le contrat a été signé, il demeurait à [Localité 3] en Suisse (pièces 2, 3 et 4) ; qu'or, la Cour de cassation a rappelé que la condition de domicile d'une partie dans un Etat contractant ou membre doit être satisfaite au moment même de la conclusion de la clause de juridiction (Civ. 23 janv. 2008, n° 06-21.898, Bull. civ. I, n° 17, pièce n° 22) ; qu'en second lieu, la Convention de Bruxelles n'étant plus applicable depuis l'entrée en vigueur du Règlement « Bruxelles I », ce règlement ne contient pas de dispositions équivalente à l'article 17 alinéa 3 de la Convention de Bruxelles, qui disposait que « Si la convention attributive de juridiction n'a été stipulée qu'en faveur de l'une des parties, celle-ci conserve le droit de saisir tout autre tribunal compétent en vertu de la présente » ; que, bien au contraire, l'article 23.1 dispose que « Si les parties, dont l'une au moins a son domicile sur le territoire d'un Etat membre, sont convenues d'un tribunal ou de tribunaux d'un Etat membre pour connaître des différends nés ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet Etat membre sont compétents. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties » ; que désormais, la faculté de renoncer à une clause de juridiction qui aurait été stipulée dans l'intérêt exclusif d'une des parties doit être prévue expressément ; qu'en l'espèce, il n'existe donc aucun moyen de renoncer à la prorogation de compétence, puisqu'elle n'a pas été prévue dans le contrat.

3. La SAM BANK JULIUS BAER se réfère, quant à elle à la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, au motif que Monsieur [H] réside en France.

Elle fait valoir qu'en réponse à une question préjudicielle posée à la CJCE par la cour d'appel de Versailles, il a été répondu le 13 juillet 2000, que « Il découle de cette disposition [l'article 17 de la convention] que la règle de compétence y énoncée est applicable dès lors que le défendeur est domicilié dans un Etat contractant, même si le demandeur a son domicile dans un pays tiers » et que « si la juridiction saisie doit être celle d'un Etat contractant, cette disposition n'exige pas davantage que le demandeur doive avoir son domicile sur le territoire d'un tel Etat» ; qu'en l'espèce, elle doit être considérée comme ayant son domicile sur le territoire de l'Etat membre où elle détient une succursale, une agence ou tout autre établissement, car, en effet, elle détient un établissement à [Localité 7] (pièce n°40), et doit par conséquent être considérée comme ayant son domicile dans un Etat contractant, au sens de l'article 17 al.2 du Règlement n°1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire.

Elle fait aussi valoir que l'article 17 alinéa 5 de la Convention prévoit que « si une convention attributive de juridiction n'a été stipulée qu'en faveur de l'une des parties, celle-ci conserve le droit de saisir tout autre tribunal compétent en vertu de la présente convention » ; que c'est précisément la clause dont elle a usé.

4. En tout état de cause, outre le fait que la banque justifie qu'elle détient un établissement en France, comme elle l'indique pour en tirer argument, en droit international privé, lorsqu'une clause attributive de compétence n'a été stipulée que dans l'intérêt de l'une des parties, celle-ci est libre d'y renoncer unilatéralement et de revenir aux règles du droit commun.

Or, à cet égard, la banque est fondée à soutenir que les conditions générales en cause sont des contrats-types qu'elle a rédigés et dans lesquels elle a inséré la clause attributive de juridiction dans son propre intérêt ; que Monsieur [H] n'a lui-même aucun intérêt à se prévaloir d'une compétence territoriale à l'étranger, dès lors qu'il ne dispose ni d'un domicile ni d'une résidence en principauté de [Localité 5] et n'y possède pas de biens immobiliers ; que cet aspect a été relevé par la CJCE dans sa décision du 13 juillet 2000, dans les termes suivants : « Il importe de souligner d'emblée que le système des attributions de compétences communes prévues au titre ll de la convention est fondé sur la règle de principe, énoncée à son article 2, premier alinéa, selon laquelle les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat contractant sont attraites devant les juridictions de cet Etat, indépendamment de la nationalité des parties. Le caractère de principe général que revêt cette règle de compétence, laquelle est l'expression de l'adage actor sequitur forum rei, s'explique par le fait qu'elle permet au défendeur de se défendre, en principe, plus aisément ».

La banque est tout aussi fondée à prétendre que le juge naturel de Monsieur [H], qui est de nationalité française et qui demeurait [Adresse 3], est le juge français en application des dispositions des articles 14 et 15 du Code civil français , tandis que l'article 42 alinéa 1 du Code de procédure civile prévoit que « la juridiction territorialement compétente est sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur » ; que Monsieur [H] ne parvient pas à démontrer qu'au jour de l'assignation du 3 août 2010, il n'était plus domicilié à [Localité 6] ; que les pièces n°13 et 14 qu'il produit pour faire cette preuve, sont, en effet, largement postérieures à l'assignation ; qu'il a lui-même déclaré être domicilié à [Adresse 3] dès 2009 (pièces n°17, 18 et 20) ; que c'est seulement dans des conclusions d'incompétence qu'il a déposées le 20 mars 2012 devant le Juge de la Mise en Etat, qu'il a indiqué un domicile à [Adresse 2] ; qu'enfin, l'huissier instrumentaire a mentionné dans l'acte de signification de l'assignation du 3 août 2010 que le nom du destinataire était indiqué sur la boîte aux lettres et sur le tableau des occupants.

Il en résulte que le tribunal de grande instance de Nice est compétent.

5. La banque fait valoir que l'exception d'incompétence soulevée par Monsieur [H], avait pour finalité de retarder l'heure du paiement de sa dette en raison de la nécessité de recourir à une procédure d'exequatur qui aurait pris du temps et lui réclame 10.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Mais elle ne démontre pas que la demande formée par Monsieur [H], au demeurant accueillie par le premier juge, a constitué un abus, ce en quoi sa demande sera rejetée.

6. Partie qui succombe, M. [H] sera condamné aux dépens et à payer la somme de 1000 € à l'appelante, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, tout autre demande étant rejetée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme l'ordonnance dont appel,

Dit que le tribunal de grande instance de Nice est compétent pour connaître de l'action introduite par la SA BANK JULIUS BAER par acte du 3 août 2010,

Condamne Monsieur [H] à payer à la SA BANK JULIUS BAER la somme de 1000 €, par application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Condamne Monsieur [H] aux dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître MAGNAN, avocat.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre c
Numéro d'arrêt : 12/19169
Date de la décision : 04/12/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8C, arrêt n°12/19169 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-12-04;12.19169 ?
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