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18/12/2014 | FRANCE | N°13/10253

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre b, 18 décembre 2014, 13/10253


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 18 DÉCEMBRE 2014



N°2014/779

GP













Rôle N° 13/10253







[H] [V]





C/



CLINIQUE [1]























Grosse délivrée le :

à :

Me Jean GADET, avocat au barreau de TOULON



Me Laurent DEBROAS, avocat au barreau d'AVIGNON





Copie certifiée co

nforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON - en date du 12 Avril 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 13/00015.





APPELANTE



Madame [H] [V], demeurant [A...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

17e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 18 DÉCEMBRE 2014

N°2014/779

GP

Rôle N° 13/10253

[H] [V]

C/

CLINIQUE [1]

Grosse délivrée le :

à :

Me Jean GADET, avocat au barreau de TOULON

Me Laurent DEBROAS, avocat au barreau d'AVIGNON

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULON - en date du 12 Avril 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 13/00015.

APPELANTE

Madame [H] [V], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Jean GADET, avocat au barreau de TOULON

INTIMEE

CLINIQUE [1], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Laurent DEBROAS, avocat au barreau d'AVIGNON

([Adresse 1])

substitué par Me Skander DARRAGI, avocat au barreau d'AVIGNON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 23 Octobre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller

Madame Brigitte PELTIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Décembre 2014

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Décembre 2014

Signé par Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame [H] [V] est employée en qualité d'auxiliaire puéricultrice depuis le 1er avril 1983 par la SA CLINIQUE [1].

Par requête du 4 février 2013, Madame [H] [V] a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Toulon de différentes demandes au titre de son droit à participation, au titre du défaut de surveillance médicale renforcée en sa qualité de travailleur de nuit, au titre de la classification tardive en groupe B, au titre des repos compensateurs sur heures de travail de nuit et au titre de la compensation des temps d'habillage et déshabillage et de demandes en condamnation à titre provisionnel au paiement de dommages-intérêts.

Par ordonnance de référé du 12 avril 2013, le Conseil de prud'hommes de Toulon s'est déclaré incompétent sur l'ensemble des demandes et a invité Madame [H] [V] à mieux se pourvoir.

Ayant relevé appel, Madame [H] [V] conclut à la réformation de l'ordonnance entreprise, statuant à nouveau, vu l'article R.1455-7 du code du travail, vu l'article 90-6 de la CCU, à ce qu'il soit constaté, alors qu'elle aurait dû bénéficier d'un entretien d'évaluation dès l'année 2002, qu'elle n'a été admise à bénéficier du passage en B qu'en mai 2006 suite à la signature de l'accord d'entreprise les instaurant, à la condamnation à titre provisionnel de la SA CLINIQUE [1] à lui payer la somme de 1500 € au titre de dommages-intérêts en réparation de la perte d'une chance d'avoir pu bénéficier de cet avantage, vu les articles R.1455-7 et L.3322-2 du code du travail, vu le jugement définitif rendu le 10 mars 2011 par le Tribunal d'instance de Marseille, à la condamnation à titre provisionnel de la SA CLINIQUE [1] à lui payer la somme de 6000 € à titre de dommages intérêts pour perte d'une chance de se voir attribuer sa quote-part sur la réserve de participation constituée au niveau de l'UES pour les exercices 2005 à 2011 inclus, vu l'article R.1455-7 et l'article L.3121-3 anciennement L.212-4 alinéa 3 du code du travail, à ce qu'il soit constaté que le règlement intérieur stipule que les temps d'habillage et déshabillage seront payés comme du temps de travail effectif pour les personnels soignants tenus par les règles d'hygiène de la HAS de revêtir une des 5 tenues fournies par l'employeur et lavées par ses soins dans les vestiaires sis à l'intérieur de l'entreprise, à la condamnation à titre provisionnel de la SA CLINIQUE [1] à lui payer 2227,50 € de rappel de salaire, outre 222,75 € d'indemnité pour congés, vu l'article 82-1 de la CCU du 18 avril 2002, vu l'article 1315 du code civil, vu les bulletins de paie et le décompte produit, à la condamnation à titre provisionnel de la SA CLINIQUE [1] à lui payer un rappel de salaire de 514,40 €, outre un rappel d'indemnité pour congés de 51,40 €, vu les articles R.1455-7, L.3122-42, R.3122-18 à 22, R.4624-10 et R.4624-16 du code du travail, à ce qu'il soit dit que l'obligation de faire bénéficier la salariée, incontestablement salariée de nuit, d'une visite médicale tous les six mois ne souffre d'aucune contestation, à ce qu'il soit constaté que, pour les périodes non prescrites du 4 février 2013 au 31 octobre 2012, la SA CLINIQUE [1] ne rapporte pas la preuve d'avoir fait bénéficier la salariée de 19 visites médicales, à la condamnation à titre provisionnel de la SA CLINIQUE [1] à lui payer 1500 € de dommages intérêts, vu l'article R.1455-6 du code du travail, vu la directive 2003/88, à ce qu'il soit ordonné à la SA CLINIQUE [1], sous une astreinte dissuasive de 100 € par jour de retard, de faire bénéficier la salariée d'une pause de 20 minutes d'un seul bloc et de la pointer au plus tard la sixième heure après sa prise de poste, vu l'article R.1455-7 et l'article L.3121-23 du code du travail, vu la directive 2003/88, vu l'article 1315 du code civil, vu l'article 9 du code de procédure civile et les articles L.3121-52 et R.3124-3 du code du travail pris ensemble, à ce qu'il soit constaté que la SA CLINIQUE [1] s'est volontairement placée dans l'impossibilité de délivrer la preuve légale de l'effectivité d'une pause de 20 minutes, à la condamnation à titre provisionnel de la SA CLINIQUE [1] à lui payer 2500 € de dommages-intérêts, vu l'article 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, vu la directive 2003/88, vu l'article R.1455-6 du code du travail, à ce qu'il soit dit que l'octroi d'un repos compensateur pour les travailleurs de nuit au taux de 2,5 % pour chaque heure de travail de nuit est de toute évidence insuffisant pour protéger la santé de ces travailleurs de nuit, à ce que soient écartées les stipulations de l'article 53.3 de la CCN du 18 avril 2002 non étendu car visé avec réserves comme contraire à des règles protectrices des salariés de nuit relevant de l'ordre public social européen auxquelles aucun État ne peut déroger, à ce qu'il soit ordonné à la SA CLINIQUE [1] de lui octroyer du repos compensateur à un taux au moins égal à 10 %, vu l'article R.1455-7 du code du travail, à la condamnation à titre provisionnel de la SA CLINIQUE [1] à lui payer 2500 € de dommages intérêts, vu l'article 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, vu la directive 2003/88, vu l'article R.3122-12 du code du travail et l'article 53-2 de la CCN, vu l'article 10 de l'accord de réduction et d'aménagement du temps de travail du 27 janvier 2000, vu la réponse ministérielle du 21 juin 2006, à ce qu'il soit dit qu'il est incontestable que la salariée accomplit de 21 heures à 6 heures neuf heures de travail effectif de nuit chaque fois qu'elle est de garde, vu l'article R.1455-6 du code du travail, à ce qu'il soit ordonné à la SA CLINIQUE [1] sous une astreinte dissuasive de 100 € par jour de retard de faire bénéficier la salariée d'une heure de repos compensateur par garde de nuit, vu l'article R.1455-7 du code du travail, à la condamnation à titre provisionnel de la SA CLINIQUE [1] à lui payer la somme de 10 353,28 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait du défaut d'octroi du repos compensateur et à la condamnation de la SA CLINIQUE [1] à lui payer 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Madame [H] [V] fait valoir qu'elle n'invoque pas l'urgence, qu'elle vise uniquement les articles R.1455-6 et 7 du code du travail et qu'elle invoque uniquement l'absence de toute contestation sérieuse et/ou le trouble manifestement illicite.

La SA CLINIQUE [1] conclut à la confirmation de l'ordonnance déférée aux fins de voir dire que, vu la contestation sérieuse et l'absence d'urgence, il n'y a pas lieu à référé, de voir débouter Madame [H] [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, et à la condamnation de Madame [H] [V] au paiement de la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société intimée fait valoir, au regard de la contestation sérieuse qu'elle soulève quant aux réclamations de l'appelante, qu'il ne saurait y avoir lieu à référé, d'autant plus que les demandes de Madame [H] [V] ne sont pas fondées.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.

SUR CE :

Sur le manquement de l'employeur quant à l'obligation de négocier sur le passage du groupe A au groupe B :

Madame [H] [V] fait valoir que l'évolution de sa carrière a été bloquée par le refus de l'employeur de conclure un accord collectif d'entreprise stipulé à l'article 90-6 de la Convention collective nationale de l'hospitalisation privée dite CCU du 18 avril 2002, en vigueur à compter du 1er mai 2002, qu'il est incontestable que l'employeur n'a satisfait à son passage au groupe B qu'à la suite d'une sommation de faire délivrée le 21 avril 2005, lors d'un entretien en date du 10 juin 2005, qu'en l'absence de tout entretien organisé par l'employeur, antérieurement au 10 juin 2005, au cours duquel, eu égard à son expérience et à son ancienneté, elle aurait obtenu le passage au groupe B, générant une augmentation de salaire, elle a subi un préjudice résultant de la perte d'une chance d'obtenir cette augmentation de salaire, préjudice dont elle peut demander, à titre provisionnel, la réparation sur la période du 4 février 2003 jusqu'au 10 juin 2005 pour un montant de 1518,48 € correspondant à la perte de salaire et pour un montant de 151,85 € d'indemnité de congés.

La SA CLINIQUE [1] fait valoir que la salariée ne peut prétendre automatiquement au passage au niveau B, qu'un accord d'entreprise a été conclu en date du 10 juin 2005 qui précise bien les modalités de passage au niveau B, que conformément aux dispositions dudit accord, il incombe à la Direction de prendre souverainement la décision du passage en catégorie B, que la Cour de céans pourra constater que certaines salariées, bien qu'ayant une ancienneté significative, sont toujours en catégorie A, que Madame [H] [V] a bénéficié du passage en catégorie B dès le 2 février 2006 et que la conclusion de l'Accord en date du 10 juin 2005 n'a en rien pesé sur son passage en catégorie B, en sorte que la salariée doit être déboutée de sa demande.

Il résulte des pièces versées aux débats que l'employeur a été sollicité par les délégués du personnel le 27 janvier 2003 pour ouvrir une négociation sur la mise en 'uvre des entretiens individuels prévus à l'article 90-6 de la Convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002 et conditionnant le changement de groupe (passage de A à B) et qu'il a été sommé le 20 avril 2005 par le syndicat CGT de convoquer les représentants des organisations syndicales en vue de la négociation pour le protocole d'accord visé à l'article 90-6 de la Convention collective.

L'employeur n'a satisfait à cette obligation qu'au mois de mai 2005, la négociation ayant abouti le 10 juin 2005 à la signature d'un « accord d'entreprise sur l'entretien individuel professionnel et pour le passage du groupe A au groupe B », modifié le 28 décembre 2006.

La Direction, après l'organisation de l'entretien individuel avec Madame [H] [V] le 2 février 2006, a accordé à cette dernière le bénéfice de cette reclassification en groupe B, comme aux salariés du groupe A ayant plus de 5 ans d'ancienneté, étant précisé que toutes les auxiliaires de puériculture ont été classées dans le groupe B à tout le moins après le second entretien.

Il est indiscutable que la SA CLINIQUE [1] a tardé à engager la négociation prévue par l'article L.132-27 du code du travail et par les dispositions conventionnelles, faisant ainsi perdre à la salariée, présentant 20 ans d'ancienneté dans ses fonctions en 2003, une chance de reclassification en groupe B sur les années 2003 à 2005.

En conséquence, en vertu des dispositions de l'article R.1455-7 du code du travail, le préjudice de Madame [H] [V] résultant de cette perte de chance sera réparé, à titre provisionnel, par l'octroi d'une somme de 1000 € à titre de dommages intérêts.

Sur la privation du droit à quote-part sur la réserve de participation calculée sur les comptes consolidés des sociétés composant l'UES :

Madame [H] [V] fait valoir que, par jugement définitif du 10 mars 2011 du tribunal d'instance de Marseille, l'existence d'une unité économique et sociale comprenant la SA Clinique Saint-Jean a été reconnue avec effet rétroactif au 17 mai 2005 et que, dès lors, la réserve de participation devait être calculée sur les comptes consolidés des sociétés composant l'UES, que les effets du jugement du tribunal d'instance de Marseille ne peuvent être anéantis par un accord collectif postérieur, que le droit de chaque salarié d'une des cliniques composant l'UES sur la réserve de participation calculée sur les comptes consolidés de l'UES est bien supérieur au droit qu'il détient sur la réserve calculée sur la seule personne morale qui l'emploie et que son préjudice peut être évalué à 6000 €.

La SA CLINIQUE [1] réplique qu'en vertu des articles L.3322-2 et R.3322-2 du code du travail, un accord de participation peut se faire au niveau de l'UES elle-même ou de chacune des entreprises incluses dans son champ, que bien avant la reconnaissance d'une UES au sein du Groupe Sainte-Marguerite, un accord de participation a été mis en place au sein de chaque entité composant l'UES, dont la société concluante, qu'un accord de participation en date du 5 septembre 2006 a bien été conclu au sein de la Clinique [1], que l'UES respecte dès lors parfaitement son obligation en matière de participation et, au surplus, qu'il n'appartient pas à la juridiction prud'homale et a fortiori statuant en référé, de trancher un litige relatif à un accord de participation.

Madame [H] [V] ne verse aucun élément susceptible de démontrer que les accords de participation existant au sein de chacune des entreprises constituant l'UES ne couvrent pas l'ensemble des salariés de ces entreprises, ce qui est contesté par la société intimée.

À défaut de justifier de l'existence d'un préjudice qui résulterait d'un manquement indiscutable de l'employeur à l'application des dispositions de l'article R.3322-2 du code du travail, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise sur ce point en ce qu'il a dit qu'il n'y avait pas lieu à référé.

Sur le paiement des temps d'habillage et de déshabillage :

Madame [H] [V] fait valoir qu'elle est tenue de porter une tenue de travail en application du règlement intérieur, qu'il est incontestable qu'elle arrive cinq minutes avant l'heure indiquée sur le planning pour s'habiller et part cinq minutes après l'heure de fin de service, le temps de se déshabiller, que ces temps doivent être payés comme temps de travail et qu'elle est en droit de percevoir 2227,50 € de rappel de salaire au titre des temps d'habillage et de déshabillage, outre 222,75 € de congés payés y afférents.

La SA CLINIQUE [1] réplique que la salariée ne rapporte nullement la preuve qu'elle est obligée de s'habiller et se déshabiller sur le lieu de travail, que de plus le temps d'habillage et de déshabillage est compris dans le temps de travail et payé comme tel, ainsi que figurant dans le règlement intérieur du système de gestion des temps.

Le règlement intérieur de la Clinique Saint-Jean prévoit, en son article 4 relatif aux horaires et temps de travail que « dans la mesure où le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions législatives ou réglementaires, par des clauses conventionnelles, par le règlement intérieur ou le contrat de travail, il sera considéré comme du temps de travail effectif. La direction se réserve toutefois la faculté de minorer le temps qui est consacré à l'habillage et déshabillage s'il s'avère que les salariés y passent un temps supérieur à celui nécessaire ».

La SA CLINIQUE [1] ne conteste pas que Madame [H] [V] porte une tenue de travail et le règlement intérieur prévoyant que, dans la mesure où la tenue de travail est imposée, les temps d'habillage et de déshabillage doivent être considérés comme des temps de travail effectif, il appartient à la société intimée de rapporter la preuve qu'elle a rémunéré ces temps comme du temps de travail effectif.

Or, il résulte de la « note d'information : système de gestion des temps » établie le 8 novembre 2000 par le Service du Personnel et produite par l'employeur que le salarié pointe le matin, lorsqu'il prend son service « à l'horaire prévu après habillage en tenue de travail (temps d'habillage : 5 minutes) », et pointe « lorsqu'il part le soir avant habillage en tenue de ville à l'horaire prévu (temps de déshabillage : 5 minutes » (reprenant ainsi les dispositions du « règlement intérieur du système des temps », produit également par l'employeur).

En conséquence, il est indiscutable que la SA CLINIQUE [1] rémunère uniquement le temps de travail décompté par la pointeuse (après habillage en début de service et avant déshabillage en fin de service).

En conséquence, la Cour accorde à Madame [H] [V], en vertu de l'article R.1455-7 du code du travail et au vu du tableau de calcul des temps d'habillage et de déshabillage présenté par la salariée sur la période de janvier 2008 à août 2014 et non utilement discuté par l'employeur, sur la base de 10 minutes quotidiennes de temps d'habillage et de déshabillage tel qu'évalué par l'employeur lui-même dans sa note d'information sur le système de gestion des temps, la somme provisionnelle de 2227,50 € bruts à titre de rappel de salaire, ainsi que la somme provisionnelle de 222,75 € à titre d'indemnité de congés payés afférente.

Sur la majoration des heures de nuit :

Madame [H] [V] expose qu'il résulte de l'article 82-1 de la Convention collective CCU que les salariés affectés à un poste de nuit doivent percevoir pour chaque heure effectuée entre 19 heures et 8 heures une indemnité égale à 10 % du salaire, que la SA CLINIQUE [1] a limité son paiement de l'indemnité de 10 % du salaire à 7 heures par garde de nuit alors que celle-ci couvre toute la période de 12 heures allant de 19 heures à 8 heures et elle réclame le paiement d'un rappel de salaire de 514,02 €, outre un rappel d'indemnité pour congés de 51,40 €.

La SA CLINIQUE [1] soutient que les indemnités de travail de nuit sont bien payées selon l'amplitude horaire de 19 heures à 8 heures par garde (11 h 67 à 10 %) et que l'examen des fiches de paie le démontre, même s'il existe un décalage de paiement (les variables sont arrêtées la semaine du 20 pour pouvoir établir les fiches de paie et effectuer le virement le 27 du mois).

Il n'est pas discuté qu'aux termes de l'article 82-1 alinéa 1 de la Convention collective nationale de l'hospitalisation privée « les salariés affectés au poste de travail de nuit percevront pour chaque heure effectuée entre 19 heures et 8 heures une indemnité égale à 10 % du salaire horaire ».

Il ressort du planning produit par l'employeur lui-même que Madame [H] [V] effectue 12 gardes par mois, soit 140,04 heures de travail effectuées entre 19 heures et 8 heures (horaires mentionnés dans le planning : 19h50-7h30), peu importe que le nombre de gardes soit comptabilisé du 1er au 30 du mois ou du 21 du mois précédent jusqu'au 20 du mois en cours.

Or, il résulte de l'examen des bulletins de paie de Madame [H] [V] et de son tableau récapitulatif versé en pièce 25 que celle-ci n'a pas perçu systématiquement la majoration de 10 % sur la totalité des heures de garde.

L'obligation de l'employeur de payer la majoration sur les heures de travail effectuées entre 19h50 et 7h30 n'étant pas discutable et au vu de l'article R.1455-7 du code du travail, il convient d'accorder à Madame [H] [V], selon son décompte non contredit par l'employeur, la somme provisionnelle de 514,02 € bruts de rappel de salaire, ainsi que la somme provisionnelle de 51,40 € de congés payés y afférents.

Sur le défaut de surveillance médicale renforcée :

Madame [H] [V] fait valoir qu'elle n'a pas bénéficié de la visite médicale renforcée tous les six mois prévue par les articles L.3122-42 et R.3122-18 à 22 du code du travail et réclame de ce chef une provision de 1500 € en réparation de son préjudice.

La SA CLINIQUE [1] réplique qu'elle a subi les dysfonctionnements de la Médecine du travail, à laquelle elle a adressé un courrier le 14 janvier 2011 pour l'alerter sur les graves conséquences des dysfonctionnements en question, que Madame [H] [V] n'a jamais fait part à son employeur d'une quelconque réclamation ni d'un éventuel préjudice qu'elle aurait pu subir et qu'elle doit être déboutée de ce chef de demande.

La SA CLINIQUE [1] verse aux débats des fiches de visites concernant Madame [H] [V] (2 en 2005, 1 en 2006, 1 en 2008, 1 en 2009 et 1 en 2010) et sur lesquelles il est bien mentionné que la salariée occupe un poste de nuit et que la déclaration d'aptitude est limitée à 6 mois (ou « à revoir dans 6 mois »).

Par ailleurs, la société intimée verse des courriers échangés avec le service de Médecine du travail, l'AIST 83, dont il résulte que depuis le mois de septembre 2010, il n'y a plus de médecin titulaire et aucune visite annuelle programmée jusqu'au mois de mars 2011, l'employeur dénonçant par courrier du 7 avril 2011 la carence du service de la Médecine du travail ne pouvant assumer, en 2011, le retard des visites médicales non programmées en 2010.

Au vu des fiches médicales d'aptitude d'une durée de 6 mois et de l'absence de convocation par le service de Médecine du travail 6 mois plus tard, il n'est pas indiscutablement démontré que la responsabilité du défaut de suivi dans la surveillance médicale renforcée de Madame [H] [V] incombe à l'employeur.

Par conséquent, il convient de confirmer l'ordonnance de référé de ce chef, en ce qu'elle a dit qu'il n'y avait pas lieu à référé.

Sur l'absence de pause de 20 minutes :

Madame [H] [V] fait valoir qu'elle travaille dans un service d'urgence et que, de nuit, ce service est assuré par le nombre minimum de salariés fixé par la réglementation sanitaire, de sorte que personne ne peut vaquer librement à ses occupations, que l'employeur laisse l'initiative à ses salariés de prendre une pause voire plusieurs pauses pour un total cumulé de 20 minutes, qu'il a donné l'ordre aux salariés de ne pas pointer ces prétendues pauses alors qu'il est débiteur de l'obligation de sécurité de permettre aux salariés de prendre leur pause de 20 minutes en une seule fois et qu'en raison des graves manquements de son employeur, elle est en droit de réclamer 2500 € de dommages-intérêts.

La SA CLINIQUE [1] réplique que la salariée ne rapporte aucune preuve de la prétendue absence de prise de pause, que la société concluante met gracieusement à la disposition de son personnel de nuit un plateau repas, que Madame [H] [V] ne peut prétendre qu'elle peut se restaurer sans prendre de pause, qu'au vu du planning de la salariée, il ne fait aucun doute que le temps de pause est payé et inclus dans le temps de travail, que la salariée peut prendre sa pause quand bon lui semble, qu'en cas de non prise de ce temps de pause, il lui incombe d'alerter la direction le jour même afin qu'une compensation puisse être effectuée, que la salariée n'a jamais informé sa direction d'une quelconque impossibilité de prise de pause, que la société concluante met à la disposition de ses salariés de nuit des locaux et des fauteuils de type « relax ergonomique » afin de leur permettre d'organiser leur temps de pause et qu'il ne fait, dès lors, aucun doute que Madame [H] [V] a bénéficié de temps de pause dans des conditions optimales.

Il convient d'observer qu'il n'est pas discuté que les temps de pause, pendant lesquels le salarié de nuit reste à la disposition de son employeur, sont inclus dans le temps de travail et sont rémunérés.

La « note d'information : système de gestion des temps » produite par l'employeur précise que, lorsque la pause est payée comme temps de travail, le personnel doit « impérativement » pointer cette pause (touche F2) et qu' « en cas d'impossibilité majeure de prise du repos, (il faut) informer le service du personnel le jour même ».

Si Madame [H] [V] produit un extrait du cahier de service maternité en date du 19/02/2004 mentionnant « À l'attention du personnel de nuit : il n'est pas nécessaire de pointer la pause (information donnée ce jour par le bureau du personnel) », il ne peut en être déduit qu'il a été ordonné au personnel de ne pas pointer la pause.

Par ailleurs, la salariée qui affirme ne pas avoir bénéficié du temps de pause de 20 minutes par garde de nuit, n'a pas pour autant pointé ses temps de pause ni informé le service du personnel de son impossibilité majeure de prise de repos certaines nuits.

Au vu des éléments versés par les parties, il existe une contestation sérieuse quant à la réalité du manquement par l'employeur de son obligation de sécurité relative au respect du temps de pause.

Par conséquent, il convient de dire qu'il n'y a pas lieu à référé sur la demande de Madame [H] [V] au titre d'une indemnisation.

Quant à sa demande d'ordonner sous astreinte à l'employeur de la faire bénéficier d'une pause de 20 minutes, il n'est pas démontré qu'il y ait un dommage imminent pour la salariée, qui n'a jamais informé sa direction de son impossibilité de prise du repos certaines nuits, ou qu'il y ait un trouble manifestement illicite justifiant l'application de l'article R.1455-6 du code du travail. Cette demande est donc rejetée.

Sur les repos compensateurs sur heures de nuit :

Madame [H] [V] fait valoir que l'article 11 du Préambule à la constitution du 27 octobre 1946 a instauré au bénéfice de chaque citoyen un droit à la protection de sa santé, que la législation européenne fait obligation aux États de prendre des dispositions pour limiter la durée du travail par l'octroi de repos compensateur, que les États peuvent décider que ces dispositions résulteront d'accords collectifs sous réserve que ceux-ci contiennent des stipulations suffisantes, que dans la fonction publique hospitalière, les salariés de nuit bénéficient d'une réduction de leur temps de travail (26 h 36 au lieu de 35 heures), que le travail de nuit a pour effet de raccourcir la durée de vie des salariés qui sont exposés, que les dispositions conventionnelles prévoient un repos compensateur cantonné à 2,5 % des heures accomplies de nuit, qu'il est incontestable que ces dispositions sont insuffisantes pour pallier la pénibilité et la protection de l'état de santé du salarié et que, s'agissant de la protection de la santé, le juge des référés dispose du pouvoir d'ordonner une mesure de nature à assurer l'effectivité de ce droit constitutionnel, à savoir ordonner l'octroi de repos compensateur à un taux minimal de nature à assurer la protection de la santé de la salariée, soit 10 % minimum.

Madame [H] [V], qui ne prétend pas que son employeur ne respecte pas les dispositions légales et conventionnelles relatives aux repos compensateurs sur heures de nuit, invoque un droit constitutionnel sur lequel il n'appartient pas au juge des référés de statuer.

À défaut d'établir l'existence d'une obligation non sérieusement contestable quant à l'octroi d'un repos compensateur supérieur à celui défini par la Convention collective, il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a dit qu'il n'y avait pas lieu à référé au visa de l'article R.1455-7 du code du travail.

Il n'est pas plus démontré l'existence d'un dommage imminent pour la salariée ou d'un trouble manifestement illicite et il n'y a pas lieu à statuer en référé sur la demande de l'appelante de voir ordonner à l'employeur de lui octroyer un repos compensateur sur heures de nuit à un taux de 10 %.

Sur l'octroi d'une heure de repos compensateur par garde :

Madame [H] [V] fait valoir que, si l'employeur respecte le droit à repos compensateur de 0,25 % pour les heures de travail de nuit comprises entre 21 heures et 6 heures, il ne respecte pas le droit à repos compensateur à raison de 100 % des temps de travail au-delà de 8 heures en violation de l'article R.3122-12 du code du travail, que cette disposition légale est d'ordre public de sorte que les stipulations de l'article 53-2 de la Convention collective contraires en ce qu'elles permettent dans certains cas de transformer le repos compensateur en allongement de la durée du repos qui sépare deux séquences de travail sont réputées non écrites, que c'est pour cette raison que le Ministre n'a pas étendu cet article en émettant la réserve que les dispositions de l'article R.213-4 (nouvellement R.3122-12) doivent impérativement être respectées, que l'application de cette règle ne souffre d'aucune contestation et que la violation par l'employeur de cette règle doit être réparée par l'octroi de dommages-intérêts, qu'elle chiffre à la somme de 10 353,28 €.

La SA CLINIQUE [1] réplique que le second alinéa de l'article 53-2 de la convention collective prévoit que le temps de repos équivalent au temps de déplacement au-delà de la durée maximale quotidienne de 8 heures peut être organisé soit par une augmentation du repos quotidien, soit par une augmentation de la durée du repos hebdomadaire, soit par une augmentation du temps de repos sur deux semaines.

La société intimée produit la réponse apportée par la Fédération de l'Hospitalisation Privée le 20 août 2004, selon laquelle : « Le principe de l'article 53-2 est en fait le suivant : Lorsqu'un salarié travaille 12 heures de nuit, le dépassement au-delà de 8 heures (4 heures) doit lui être restitué en temps de repos non rémunéré par augmentation, soit du temps de repos quotidien (11 heures + 4 heures), soit du repos hebdomadaire, soit du repos hebdomadaire à quatorzaine. Si ces temps de repos existent déjà dans l'organisation des horaires, aucune contrepartie particulière n'est à prévoir.

Je vous précise que ces temps de repos n'ont pas à être rémunérés, la convention ne le prévoyant pas expressément' ».

Par ailleurs, la SA CLINIQUE [1] produit l'accord sur la réduction de la durée du travail prévoyant en son article 5-7 que « toutefois, le service maternité fonctionnera selon une durée quotidienne de travail effectif qui s'échelonnera entre 10h50 et 12 heures (jusqu'à 12h30 la nuit uniquement).

Deux jours de repos au moins sépareront les deux jours de travail consécutifs ».

Au vu des éléments versés par l'employeur, il existe une contestation sérieuse quant à l'obligation d'octroi d'un repos compensateur égal à 100 % sur les heures de nuit effectuées au-delà de la huitième heure.

Il n'y a donc pas lieu à référé sur ce point au visa de l'article R.1455-7 du code du travail.

Il n'est pas plus démontré l'existence d'un dommage imminent pour la salariée ou d'un trouble manifestement illicite et il n'y a pas lieu à statuer en référé sur la demande de l'appelante de voir ordonner à l'employeur de lui faire bénéficier d'une heure de repos compensateur par garde de nuit.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

STATUANT PUBLIQUEMENT, EN MATIÈRE PRUD'HOMALE ET EN REFERE, PAR ARRÊT CONTRADICTOIRE,

Reçoit l'appel en la forme,

Réforme le jugement en ce qu'il a dit qu'il n'y avait pas lieu à référé sur les demandes de Madame [H] [V] au titre d'une perte d'une chance de bénéficier de la classification en groupe B à défaut d'entretien d'évaluation de 2003 à 2005, au titre du paiement des temps d'habillage et déshabillage et au titre de la majoration sur heures de nuit,

Condamne la SA CLINIQUE [1] à payer à Madame [H] [V] :

-1000 € à titre provisionnel de dommages intérêts pour perte d'une chance d'une classification en groupe B de 2003 à 2005,

-2227,50 € bruts à titre provisionnel de rappel de salaire en paiement des temps d'habillage et de déshabillage,

-222,75 € bruts à titre provisionnel de congés payés sur rappel de salaire,

-514,02 € bruts de rappel de majorations sur les heures de travail de nuit,

-51,40 € de congés payés sur majorations d'heures de nuit,

Confirme l'ordonnance de référé pour le surplus,

Condamne la SA CLINIQUE [1] aux dépens de première instance d'appel et à payer à Madame [H] [V] 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre prétention.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre b
Numéro d'arrêt : 13/10253
Date de la décision : 18/12/2014

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 7B, arrêt n°13/10253 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-12-18;13.10253 ?
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