La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/02/2015 | FRANCE | N°14/11457

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 6e chambre c, 17 février 2015, 14/11457


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

6e Chambre C



ARRÊT AU FOND

DU 17 FÉVRIER 2015



N° 2015/ 137









Rôle N° 14/11457







[N] [Q]





C/



[C] [J] [B] [Q]

































Grosse délivrée

le :

à :Me CAUSSE

Me BAFFERT



MINISTERE PUBLIC

+ 2 Copies





Décision déférée à la Cou

r :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 09 Avril 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 12/04608.





APPELANT



Monsieur [N] [Q]

né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]



représenté par Me Caroline CAUSSE, avocat au barreau de MARSEILLE...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

6e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 17 FÉVRIER 2015

N° 2015/ 137

Rôle N° 14/11457

[N] [Q]

C/

[C] [J] [B] [Q]

Grosse délivrée

le :

à :Me CAUSSE

Me BAFFERT

MINISTERE PUBLIC

+ 2 Copies

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 09 Avril 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 12/04608.

APPELANT

Monsieur [N] [Q]

né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Caroline CAUSSE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [C] [J] [B] [Q]

né le [Date naissance 4] 1971 à [Localité 1]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Edouard BAFFERT, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 Janvier 2015 en Chambre du Conseil en présence du Ministère Public. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Chantal MUSSO, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Chantal MUSSO, Présidente

Mme Michèle CUTAJAR, Conseiller

Madame Corinne HERMEREL, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Marie-Sol ROBINET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 17 Février 2015.

L'affaire a été communiquée au Ministère Public, représenté lors des débats par Madame Pouey, substitut général qui a fait connaître son avis.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Février 2015.

Signé par Mme Chantal MUSSO, Présidente et Madame Mandy ROGGIO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Par jugement en date du 21 décembre 1989, le Tribunal de Grande Instance de Marseille a prononcé l'adoption simple de [C] [Q] né le [Date naissance 4] 1971 à [Localité 1], par [N] [Q] , l'adopté étant l'enfant de [H] [F] avec laquelle l'adoptant s'était uni en mariage le [Date mariage 1] 1989.

Par acte en date du 19 mars 2012, [N] [Q] a fait assigner [C] [Q] en révocation de cette adoption et en paiement de la somme de 3000€, en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par jugement en date du 9 avril 2014, le Tribunal de Grande Instance de Marseille a débouté [N] [Q] de sa demande et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile. Le demandeur a été condamné aux dépens.

[N] [Q] a formé appel de cette décision par déclaration au greffe de la Cour d'appel de céans en date du 11 juin 2014. [C] [Q] a constitué avocat le 12 août 2014.

Par conclusions notifiées le 2 septembre 2014, l'appelant reprend les moyens développés devant le premier juge.

Il répond en premier lieu aux moyens présentés par la partie adverse et rappelle le contexte et l'historique de l'adoption. Il expose que [C] [Q] est le fils de [H] [F] et Monsieur [J] [D]. [H] [F] s'est séparée de Monsieur [D] quelques mois après la naissance de leur enfant et a vécu avec Monsieur [N] [Q] dès le cours de l'année 1972. Ainsi il s'est occupé du fils de sa compagne dès sa première année. Par la suite il a adopté le fils de Madame [H] [F], avec laquelle il s'est uni en mariage le [Date mariage 1] 1989. Le jugement d'adoption est intervenu, alors que [C] [Q] était âgé de 18 ans.

Il insiste sur l'importance de l'âge de l'adopté lors de l'adoption car il démontre la parfaite connaissance de sa situation. Devant le juge de première instance, [C] [D] a en effet cru bon devoir soutenir, au mépris de toute réalité, qu'il aurait toujours tout ignoré de sa filiation biologique, qu'il aurait toujours été élevé dans l'illusion d'avoir été le fils du concluant, non marié avec sa mère au moment de sa naissance, et n'avoir jamais su qu'il était en réalité le fils de Monsieur [D].

Or ces allégations sont inexactes et contraires à la réalité. Il suffit pour s'en convaincre de se reporter aux éléments de la procédure d'adoption. Il en ressort que l'acte notarié de consentement à adoption est en date du 7 janvier 1987, que cet acte est signé de [C] [Q] qui paraphe avec ses initiales [S] pour [D] [C]. Bien plus l'acte notarié de consentement à adoption, mentionne l'identité exacte et complète de [C] [Q], ainsi que l'existence de son père biologique, [J] [D].

Il rajoute que c'est également à tort que Monsieur [C] [Q] a prétendu n'avoir découvert la réalité de sa filiation qu'au printemps 2009, lorsqu'il a entrepris des démarches pour se Pacser avec sa compagne. Là encore ses allégations sont mensongères et on relèvera qu'au décès de sa mère en [Date décès 1], là encore le Notaire chargé du règlement de la succession de celle-ci a établi les actes portant l'identité exacte et la filiation de Monsieur [C] [Q]. Ces actes ont là encore été signés par l'intimé

Par ailleurs, [C] [Q] avait soutenu n'avoir jamais porté que le nom de sa mère « [F] » à l'exclusion de celui de son père biologique, « [D] » ce qui l'aurait entretenu dans la confusion de sa filiation.

Là encore ces allégations sont de pure fantaisie : [C] [Q] a porté le nom de [D] et était connu sous ce nom-là, notamment dans le milieu du sport.

Il conclut qu'en définitive, [C] [Q] ne peut sérieusement soutenir ne pas avoir eu connaissance de la réalité de sa situation d'enfant adopté. Bien au contraire, cette situation familiale était bien réelle et n'a jamais été aménagée ou travestie par l'appelant. Et c'est surtout de manière malicieuse qu'il reproche aujourd'hui à son père adoptif de lui avoir prétendument caché la réalité de ses origines, aux seules fins de tenter de légitimer son propre comportement qui est seul à l'origine de la dégradation de la relation familiale qui fonde la présente demande de révocation.

Il expose qu'avec [H] [F], ils ont eu en commun deux enfants:

[L] née [Date naissance 2] 1977 et [K] né le [Date naissance 3] 1988. Le couple a élevé ses trois enfants, sans distinction liée à la paternité, et il s'est toujours occupé avec le plus grand soin du fils de son épouse comme son propre fils. Il s'est ainsi créé une communauté familiale soudée.

Cependant, il a vu se développer au fil du temps à son encontre une animosité grandissante de la part de son fils adoptif.

Il est apparu tout d'abord une prise de distance croissante de la part de [C]

[Q], à l'égard de son père, mais aussi de ses frère et s'ur et de l'ensemble du groupe familial, y compris sa mère.

Ainsi dès avant le décès de sa mère survenu en [Date décès 1], [C] [Q] s'est

désintéressé de la vie de ses parents, de son frère et de sa soeur, se centrant sur ses seuls intérêts.

Il n'a plus participé aux fêtes de famille, ni aux anniversaires dès à compter 2009.

Le décès de sa mère en [Date décès 1] a accentué ses manifestations de désintérêt qui ont laissé place à une dégradation des relations familiales dès le mois de février 2003.

En première instance [C] [Q] a fait état d'une dépression suite à la révélation sur ses origines, mais l'appelant observe que cette dépression n'avait jamais été évoquée, ni confiée à sa famille qui en a toujours tout ignoré d'autant qu'à la même époque, Monsieur [C] [Q] s'occupait du chantier de la construction de sa maison, ce qui ne laissait pas présager d'un état dépressif.

Par ailleurs, à cette même époque, [C] [Q] entreprenait également les démarches de création de sa société.

Il fait observer également que [C] [Q] a indiqué avoir découvert la réalité de sa situation d'enfant adopté à l'occasion de la réception d'actes d'état civil en mai 2009, alors que les éléments médicaux qu'il a versés aux débats font état de troubles apparus en février 2009. Le lien qu'a évoqué [C] [Q] n'est donc pas cohérent.

L'appelant date de l'été 2003, la transition entre le désintérêt de Monsieur [C] [Q] et la détérioration des relations familiales. Les disputes et les points de mésententes se sont faits de plus en plus violents et ont même pris un tour injurieux.

Ainsi [C] [Q] n'a ainsi pas hésité à s'opposer à son père, à de très nombreuses reprises, que ce soit dans les sujets de la vie personnelle ou de leur activité professionnelle. Cette animosité s'est bien évidemment manifestée dans le cadre de la relation de travail où [C] [Q] a donné un tour public à son animosité à l'encontre de son père, en le dénigrant auprès de ses clients, et de ses salariés.

Il a alors adopté une attitude de désorganisation volontaire de l'entreprise familiale en refusant le travail ostensiblement. Il a d'ailleurs fait l'objet d'un placement en maladie occasionnant un arrêt de travail à compter du 6 mai 2009, renouvelé ensuite jusqu'à ce que Monsieur [N] [Q] se trouve contraint de proposer à son propre fils, la mise en place une rupture conventionnelle. Etant précisé ici qu'une telle rupture n'a pas abouti et que [C] [Q] souhaitait à cette occasion se voir verser une indemnité absolument astronomique de 240 000 €.

Un contentieux prud'hommal s'est élevé entre les parties, à l'occasion de détournements de matériels, qui a abouti au prononcé d'un arrêt rendu par la Cour d'Appel d'Aix en Provence confirmant le caractère justifié du licenciement pour faute intervenu le 16 décembre 2009.

Il rajoute que [C] [Q] a également créé, depuis le 22 février 2010, une structure concurrentielle à celle de son père. Son activité s'est exercée à partir de celle de l'entreprise familiale, passant par le détournement à son profit, des clients, ou des actifs de la société.

Il précise que [C] [Q] fait montre d'animosité à l'égard de son frère et de sa soeur. Il a annoncé qu'il leur intenterait divers procès dès le décès du requérant.

Enfin il refuse à son père de pouvoir voir ses deux enfants, qui vivent pourtant à cent mètres de lui. Or ces deux enfants, et tout particulièrement [E], étaient extrêmement proches de [N] [Q].

Sa propre mère , c'est à dire l'arrière-grand-mère de ces petits enfants, âgée de 85 ans, n'a pu voir ses arrières petits-enfants depuis des années, de même qu'il ne peut entretenir aucune relation, ni avec son fils, ni avec les enfants de celui-ci depuis février 2009.

C'est pourquoi l'appelant considère que la rupture des relations familiales qui n'existent plus qu'au travers d'un climat conflictuel constitue un motif grave de révocation de l'adoption simple de [C] [Q] par [N] [Q].

Il ressort effectivement du comportement de [C] [Q], la caractéristique d'une ingratitude totale envers son père, ainsi que la rupture de toute relation filiale.

Il apparait en conséquence que l'adoption est devenue insupportable et que le lien de filiation est irrémédiablement atteint.

L'attitude qui est invoquée à l'encontre de Monsieur [C] [Q] est caractérisée et rend moralement impossible le maintien du lien de l'affiliation adoptive.

C'est la raison pour laquelle, l'appelant est aujourd'hui bien fondé à solliciter l'application des dispositions de l'article 370 du Code Civil.

C'est par une mauvaise appréciation des faits que le Tribunal a estimé que la condition de gravité n'était pas constituée ou qu'elle résulterait d'une responsabilité partagée.

La jurisprudence d'application se réfère, pour l'appréciation de la gravité des faits, à la profondeur de la rupture des liens. Ces liens étant en l'espèce rompus de manière définitive, cette rupture doit emporter la qualification qui s'impose.

L'appelant cite plusieurs jurisprudences à l'appui de ses prétentions.

Il considère également que c'est par une mauvaise appréciation des faits de la cause que le Tribunal a estimé que la mésentente instaurée entre les parties ne résultait pas exclusivement du comportement de [C] [Q] pour en tirer la conséquence d'un comportement partagé faisant obstacle à la révocation de l'adoption sollicitée. Certes il ressort des jurisprudences d'application de l'article 370 du code civil, que le comportement de l'adopté peut être excusé par un comportement fautif de l'adoptant.

Mais en l'espèce, aucun comportement fautif ne peut être retenu à son encontre.

En conséquence il demande à la cour de :

- Réformer la décision entreprise.

- Prononcer la révocation de l'adoption simple de M [C] [Q] par [N] [Q] prononcée suivant jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE, en date du 21 décembre 1989,

- Condamner Monsieur [C] [Q] au paiement de la somme de 3000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- Le condamner aux entiers dépens distraits au profit de Maître [R] dans son affirmation de droit

Par conclusions notifiées le 31 octobre 2014, [C] [Q] demande la confirmation de la décision entreprise, et la condamnation de [N] [Q] à lui payer la somme de 3000€ au titre des frais irrépétibles.

Il expose que Madame [F] et Monsieur [Q] ont entrepris une procédure d'adoption simple alors qu'il était âgé de 15 ans. A ce moment-là, [N] [Q] lui avait indiqué avoir entrepris des démarches en vue de régulariser sur le plan administratif la question de son patronyme lui expliquant que s'il ne portait pas le sien c'est parce que lorsque Madame [F] avait été enceinte de ses 'uvres, elle n'avait que 17 ans et que, n'assumant pas cette situation, il était parti, puis avait renoué avec elle juste après sa naissance. Il s'est contenté de cette explication, au demeurant tout à fait cohérente, et dont la véracité ne paraissait pas sujette à discussion.

Par jugement du 21 décembre 1989, le tribunal de grande instance de Marseille faisait droit à la demande d'adoption simple de [C], [J], [B] [D] par [N], [T], [G] [Q], disant que l'adopté porterait le nom de [Q].

Ces procédures étant extrêmement longues, le consentement à adoption fut donné en janvier 1987, alors qu'il avait 15 ans, mais le jugement faisant droit à la demande n'interviendra que près de 3 ans plus tard.

Monsieur [Q] et Madame [F] n'ont manifestement pas souhaité profiter de l'occasion pour évoquer avec lui, la question de sa filiation paternelle et la réalité de la situation familiale ; ils se sont contentés de lui indiquer que la situation concernant son patronyme, avait enfin pu être régularisée sur un plan administratif, et qu'il porterait désormais le nom de [Q].

Là encore [C] [Q] n'avait pas de raison de remettre en cause les informations données par sa mère et Monsieur [N] [Q].

Il explique qu'au printemps 2009, souhaitant se pacser avec sa compagne, il sollicitait des services de la mairie compétents un extrait d'acte de naissance.

Il découvrait à cette occasion qu'il est le fils biologique d'un certain [J] [D] et que [N] [Q], est son père adoptif en l'état du jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 21 décembre 1989.

Complètement bouleversé, ne pouvant se tourner vers sa mère décédée en [Date décès 1], il allait solliciter des explications auprès de son oncle maternel, Monsieur [I] [F], lequel le renvoyait fort naturellement vers [N] [Q]. Qu'il ait pris cette démarche comme une marque de désaveu ou de défiance à son égard de la part de son fils adoptif, [N] [Q] va en tout cas refuser à celui-ci les explications qu'il venait chercher, se contentant de lui dire : « à ta naissance c'est moi qui ait conduit ta mère à la maternité ».

Devant le désarroi de son neveu, [I] [F] lui fournissait des explications

Les rapports entre [C] [Q] et son père adoptif se sont alors dégradés rapidement, étant précisé que Monsieur [N] [Q], a la tête d'une société de travaux publics était par ailleurs l'employeur de [C] [Q], qu'il avait engagé le 23 mars 1992, en qualité de conducteur d'engins, ouvrier qualifié.

Suite à ces révélations et à l'impossibilité dans laquelle il se trouvait d'évoquer avec son père adoptif les questions qu'elles suscitaient, [C] [Q] a connu une période de grave dépression, au point qu'il lui a été prescrit un arrêt de travail à compter du 6 mai 2009.

Il expose ensuite par le menu la mesure de licenciement prise par son père adoptif à son encontre.

Il soutient qu'il était dans l'ignorance complète de son véritable lien de filiation, et que cette révélation a entraîné pour lui un véritablement bouleversement.

En effet, Madame [F] a estimé que son fils devait porter son nom et en aucun cas celui de son père biologique. [C] [Q] a toujours été inscrit à l'école ou dans les associations Sportives qu'il a pu fréquenter sous le nom de [F], ainsi qu'en atteste Madame [A], directrice de l'école primaire [1] ou Madame [P] [O], amie d'enfance.

Il cite de nombreux autres témoins qui vont dans le même sens.

Ainsi que cela a été indiqué, suite aux révélations du mois de mai 2009, [C] [Q] a connu une période de profonde dépression et a été placé en arrêt de travail, étant précisé que, comme en atteste le docteur [M], il n'avait jamais présenté, ni été traité pour des problèmes dépressifs ou psychologiques avant la révélation de ce secret de famille faite en 2009.

Ce médecin précise que les implications de cette révélation ont entraîné des bouleversements familiaux et psychologiques importants et un état dépressif réactionnel

C'est bien la démarche entreprise par Monsieur [C] [Q] auprès de son père adoptif, suite à la découverte, pour le moins bouleversante, de la réalité de sa filiation, qui a contribué à tendre considérablement les relations entre les deux hommes et a provoqué, pour des motifs qui ne sont guère compréhensibles, une réaction de rejet de la part de [N] [Q].

Il discute un à un les différents moyens avancés par l'appelant sur la dégradation des relations familiales, pour les réfuter.

Il considère que les motifs invoqués par Monsieur [N] [Q] à l'appui de sa

demande ne revêtent pas le caractère de gravité requis par ce texte, loin s'en faut.

Sur le fond, il est surprenant selon lui que, dans le contexte décrit par la partie adverse qui

selon ses dires serait fort ancien, [N] [Q] ait néanmoins conservé [C] [Q] au sein de l'effectif de la société durant ces dix dernières années.

Bien plus, le 6 juin 2005, soit plus de deux ans après que les liens se soient prétendument distendus, Monsieur [N] [Q] crée avec [C] et avec sa fille, [L] une société civile immobilière JASVIEUX LALOGE dans laquelle chacun des deux enfants dispose de 163 parts sociales sur les 1000 parts composant le capital social

Ces faits objectifs témoignent au contraire de la persistance de liens de confiance et

d'affection réciproques qui existaient entre les parties bien après le décès de Madame [F].

De même, contrairement à ce qui a pu être affirmé par sa s'ur, [C] [Q] s'est toujours impliqué dans la vie de famille, y compris après le décès de sa mère, ainsi qu'en attestent les différentes photos qui ont pu être prises ces dernières années faisant apparaître les membres de la famille réunis.

Le fait que celui-ci n'ait pas participé à la fête organisée pour les 20 ans de son frère [K],

comme le lui reproche avec beaucoup de véhémence sa s'ur, ne saurait évidemment constituer un « casus belli ». Surtout, l'absence de [C] [Q] à cette fête se justifie par le fait que [K], de 19 ans son cadet avait réuni ses amis, et que [C] estimait ne pas forcément y avoir sa place. L'attestation versée aux débats omet néanmoins de préciser qu'il y a eu une fête plus intime chez [C] [Q] en l'honneur de l'anniversaire de [K]. Contrairement à ce que soutient [L] [Q], les relations entre les deux frères demeuraient très bonnes jusqu'à la fin de l'année 2009, période à laquelle effectivement [K], sans doute aux prises avec le conflit familial, a pris ses distances avec [C].

Contrairement ce qui est prétendu, non seulement il n'a jamais refusé à son père ou à sa grand-mère de voir ses enfants, mais il ne s'est pas non plus opposé à des tentatives de rapprochement qui n'ont le mérite d'exister que dans le cadre des écritures de la partie adverse.

Il rappelle diverses jurisprudences qui ont interprété de manière très restrictive les termes de l'article 370 du Code Civil. Il estime que [N] [Q] ne rapporte pas la preuve de motifs graves, la simple mésentente, fût-elle profonde, n'en constituant pas un.

La procédure a été communiquée au Ministère Public lequel par conclusions du 7 janvier 2015 a requis la confirmation du jugement entrepris.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte des pièces produites les éléments suivants.

Par jugement en date du 21 décembre 1989, [N] [Q] a adopté [C] [Q], alors âgé de 18 ans, qui était le fils issu d'une première union de [H] [F], son épouse, avec un certain [J] [D]. De l'union de [N] [Q] et [H] [F] sont issus deux enfants, [L], née le [Date naissance 2] 1977 et [K], né le [Date naissance 3] 1988.

Pendant de longues années, et même après le décès de [H] [F] le 24 [Date décès 1], l'entente a été parfaite dans la famille, comme en attestent de nombreux témoins et des photographies prises lors de fêtes familiales. Le fait que [C] [Q] ait été absent à l'anniversaire des 20 ans de son frère [K], de 17 ans son cadet, ne constitue qu'un fait anecdotique, dont il est impossible de tirer la moindre conséquence quant aux rapports que [C] [Q] entretenait à l'époque avec son père.

La mésentente familiale que les parties s'accordent à reconnaître, s'est manifestement installée à partir de l'année 2009, comme les proches de [N] [Q] en témoignent eux-mêmes. [N] [Q] ne donne pas d'explication logique à l'origine de la brouille, alors que [C] [Q] apporte des éléments de réponse qui justifient son attitude. Il relate en effet comment cette année- là, il a appris au hasard d'une démarche administrative que [N] [Q] n'était pas son père biologique. Il a cherché à obtenir de lui des explications à ce sujet, mais en vain, et c'est son oncle maternel, ce dont ce dernier atteste, qui lui a révélé le secret de sa naissance, et le fait que [N] [Q] était bien son père adoptif.

[N] [Q] réfute cette explication en indiquant que son fils aîné portait dans son enfance le nom de [D], et qu'il a signé les documents de l'adoption sous ce nom. Toutefois, un très grand nombre de témoins (pièces 24 à 32 et 44 à 47) affirme qu'à l'école, à la salle des jeunes de [Localité 2] qu'il fréquentait, et dans le milieu sportif, [C] [Q] était connu sous le nom de sa mère [F]. De même, si le consentement à l'adoption a été signé le 7 janvier 1987 devant notaire par [C] [D], qui a apposé les initiales [S], cela ne signifie pas pour autant que l'intéressé, alors âgé de 15 ans, ait compris qu'il était le fils d'un autre, [N] [Q] lui ayant expliqué que la procédure engagée était destinée à résoudre un problème de patronyme parce qu'il n'avait pas assumé ses responsabilités lors de sa naissance, et que par ailleurs [J] [D] était absent lors de cette procédure, n'ayant pas été retrouvé.

En tout état de cause, un élément objective les explications données par [C] [Q] : le fait qu'à cette époque, il a dû consulter pour syndrome dépressif réactionnel à la levée d'un secret de famille, un spécialiste des maladies nerveuses qui l'a suivi du 7 mai au 1er septembre 2009, et qui a décidé d'un arrêt de travail pour cette période. Par ailleurs, des amis de l'intéressé affirment qu'il allait mal à l'époque, suite à la découverte de la vérité sur sa filiation, et qu'il était même habité par des idées suicidaires, ce que confirme le certificat médical de son médecin l'adressant à un spécialiste.

Il est donc indéniable qu'au printemps 2009, [C] [Q] a reçu un gros choc psychologique, lié à cette révélation.

A partir de cet instant, [N] [Q] a adopté un comportement quelque peu étrange face à cette situation. Il est loisible de croire en effet [C] [Q] lorsqu'il rapporte qu'il n'a jamais voulu lui expliquer quoi que ce soit, car l'oncle maternel, qui dresse un portrait élogieux de [N] [Q], et indique les bonnes relations qu'ils entretenaient, indique toutefois, qu'après avoir donné à son neveu les explications qu'il était en droit d'attendre, il n'avait plus eu aucun contact avec [N] [Q] malgré les messages qu'il lui avait laissés.

De surcroît, les rapports se sont envenimés entre le père et le fils sur le plan professionnel, au point qu'à son retour de congé maladie, il a été envisagé une rupture conventionnelle du contrat de travail, dont il est impossible de savoir pourquoi elle a échoué, et que par la suite, [N] [Q] a licencié son fils au motif qu'il avait acquis du matériel à son profit sur le compte de la société, alors que ce dernier travaillait pour lui depuis 1992 et que le montant du préjudice était relativement modique (813.63€) . Bien plus, il lui a refusé une indemnité au titre de son droit individuel à la formation, puis l'a exclu des associés de la société, pour avoir créé une société prétendument concurrente de la sienne, ce que les pièces versées aux débats n'établissent pas clairement, non plus que le détournement de clientèle invoqué par [N] [Q].

Dès lors, le fait que [C] [Q] se soit allé à tenir des propos désobligeants contre son père adoptif, qu'il ne l'ait plus fréquenté non plus que sa s'ur et son frère, et qu'il l'ait privé de ses petits-enfants, est largement excusé par le comportement du père, lequel a introduit par ailleurs en 2012, la présente procédure, ce qui a conduit chaque protagoniste à rigidifier sa position.

En tout état de cause, la rupture totale des relations depuis 5 ans avec toute la famille paternelle ne constitue pas un motif grave de révocation de l'adoption. Cette mesure exceptionnelle impliquerait de la part de l'adopté, un comportement indigne, tel qu'une absence totale de respect filial, une ingratitude manifeste, ou une intention de nuire à l'adoptant que [N] [Q] échoue à démontrer.

La décision des premiers juges sera en conséquence confirmée.

Les dépens

Ils seront mis à la charge de [N] [Q] qui succombe en ses prétentions.

Tenu aux dépens, [N] [Q] n'est pas recevable en sa demande de frais irrépétibles.

L'équité commande en l'espèce d'octroyer à [C] [Q] la somme de 2000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant en audience publique, contradictoirement, après débats en chambre du conseil

Reçoit l'appel.

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions.

Déclare [N] [Q] irrecevable en sa demande au titre des frais irrépétibles.

Condamne [N] [Q] à payer à [C] [Q] la somme de 2000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Dit que [N] [Q] sera tenu aux dépens de l'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 6e chambre c
Numéro d'arrêt : 14/11457
Date de la décision : 17/02/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 6C, arrêt n°14/11457 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-02-17;14.11457 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award