La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/07/2015 | FRANCE | N°13/21134

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre a, 02 juillet 2015, 13/21134


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 02 JUILLET 2015



N° 2015/517













Rôle N° 13/21134





EURL COFIDIS COMPETITION





C/



[Q] [R]

































Grosse délivrée

le :

à :

Me Bertrand DANSET, avocat au barreau de LILLE



Me Fabienne BENDAYAN-

CHETRIT, avocat a

u barreau de MARSEILLE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section - en date du 09 Octobre 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/03086.







APPELANTE



EURL COFIDIS COMPETI...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 02 JUILLET 2015

N° 2015/517

Rôle N° 13/21134

EURL COFIDIS COMPETITION

C/

[Q] [R]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Bertrand DANSET, avocat au barreau de LILLE

Me Fabienne BENDAYAN-

CHETRIT, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section - en date du 09 Octobre 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/03086.

APPELANTE

EURL COFIDIS COMPETITION prise en la personne de son représentant légal en exercice

, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Bertrand DANSET, avocat au barreau de LILLE

INTIME

Monsieur [Q] [R], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Fabienne BENDAYAN-CHETRIT, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 Avril 2015 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Bernard JACOB, Président de Chambre

Madame Pascale MARTIN, Conseiller

Madame Annick CORONA, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Juin 2015 prorogé au 02 Juillet 2015.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Juillet 2015.

Signé par Monsieur Bernard JACOB, Président de Chambre et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS- PROCÉDURE-PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon contrat à durée déterminée du 1er janvier 2012, d'une durée de deux ans, M [Q] [R] était embauché par la société Cofidis Compétition, en qualité de coureur cycliste professionnel à temps complet, moyennant un salaire brut annuel de 200.000 € bruts, payable par douzièmes, outre primes.

Alors qu'il participait au Tour de France, M [Q] [R] était interpellé à [Localité 1] le 10 juillet 2012, dans le cadre d'une information judiciaire ouverte depuis 2011 concernant un éventuel trafic de produits dopants ; M [Q] [R] était mis en examen pour 'détention par un sportif de procédé ou produit interdit sans justification médicale dans le cadre d'une manifestation sportive' et placé sous contrôle judiciaire le 12 juillet 2012, avec notamment interdiction de se rendre sur les lieux de compétition de cyclisme.

Par lettre recommandée du 19 juillet 2012, la société Cofidis Compétition convoquait M [Q] [R] à un entretien préalable pour un éventuel licenciement , prévu le 2 août 2012 et lui signifiait une mise à pied conservatoire.

Le salarié était placé en arrêt maladie à compter du 2 août 2012 pour épisode dépressif.

Après un échange de courriers entre le conseil de M [Q] [R] et l'employeur, ce dernier repoussait l'entretien préalable au 13 août 2012.

Par lettre recommandée du 10 septembre 2012, la société Cofidis Compétition notifiait à M [Q] [R] la rupture anticipée de son contrat de travail pour faute grave.

Suivant requête reçue le 24 octobre 2012, M [Q] [R] saisissait le conseil des prud'hommes de Marseille aux fins de voir déclarer abusive la rupture du contrat à durée déterminée, réclamant diverses sommes à titre indemnitaire et salarial.

Lors des débats du 3 juillet 2013, M [Q] [R] sollicitait la condamnation de la société Cofidis Compétition à lui payer les sommes suivantes :

- 34.642,01 € au titre de la mise à pied injustifiée outre 3464,20 € pour les congés payés y afférents,

- 350.000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée et abusive du contrat à durée déterminée,

- 150.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct,

- 3500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

Oralement, il déclarait abandonner sa demande initiale pour l'indemnité de précarité.

Par jugement du 9 octobre 2013, le conseil des prud'hommes de Marseille a statué ainsi:

- 'dit que la procédure pénale ouverte à l'encontre de M [Q] [R] se déroule dans le secret de l'instruction,

- rejette ces deux arrêts rendus par la chambre de l'instruction en vertu du secret fondamental et absolu de l'instruction, et décide d'entendre l'affaire sur le fond'.

Dans ce même jugement, statuant sur le fond, le conseil des prud'hommes de Marseille a fait droit à l'intégralité des demandes de M [Q] [R] , ordonnant l'exécution provisoire à hauteur de 541.606,21 € et mettant à la charge de la société Cofidis Compétition les dépens et frais d'exécution forcée.

Après notification du jugement la société Cofidis Compétition a interjeté appel le 29 octobre 2013 et les parties ont été convoquées devant la cour pour l'audience du 29 septembre 2014, l'affaire étant renvoyée à leur demande à celle du 13 avril 2015.

La société Cofidis Compétition dans ses conclusions reprises à l'audience, demande la réformation de la décision déférée, le débouté de M [Q] [R] et la restitution des sommes versées, réclamant la condamnation de ce dernier à payer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

Dans ses écritures et oralement, M [Q] [R] demande la confirmation du jugement, et reprend les demandes formulées par écrit en première instance y compris une indemnité de précarité à hauteur de 40.000 € et l'exécution provisoire .

Pour l'exposé plus détaillé des prétentions et moyens, il sera renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile , aux conclusions des parties visées par le greffier à l'audience.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la production des arrêts de la chambre de l'instruction

Au visa des articles 11 et 114 du code de procédure pénale, M [Q] [R] demande, comme en 1ère instance, le rejet des deux arrêts de la chambre de l'instruction, pour l'un autorisant le salarié à participer à nouveau aux compétitions sportives et pour l'autre déclarant irrecevables les constitutions de partie civile de la SA Cofidis et la société Cofidis Compétition .

Il invoque le fait que l'instance pénale n'est pas achevée, que la production de telles pièces n'a pas été expressément autorisée par le juge d'instruction ou le procureur général et que la cour, dans son arrêt de référé rejetant l'arrêt de l'exécution provisoire, a déjà dit que le conseil des prud'hommes de Marseille avait à juste titre écarté ces pièces.

Il estime que la révélation d'informations résultant de ces arrêts en audience publique, est nécessairement de nature à violer le secret de l'instruction.

La société Cofidis Compétition indique que le secret de l'instruction ne lui est pas opposable , qu'elle a eu communication des pièces dont le rejet est demandé, de façon régulière puisque notifiées par le greffe. Elle estime que ces pièces sont nécessaires à l'exercice des droits de sa défense, dans le cadre du litige prud'homal.

Il est incontesté que les arrêts litigieux ont été notifiés à la société appelante par le greffe de la chambre de l'instruction, en sa qualité de partie civile .

Le fait que la société Cofidis Compétition ne soit pas soumise au secret de l'instruction ne peut l'autoriser pour autant à divulguer les actes juridictionnels que sont des arrêts prononcés en chambre du conseil, auprès d'une juridiction appelée à statuer par une décision qui sera rendue publique.

En effet, s'il ressort de la jurisprudence produite par la société appelante qu' une telle production n'est pas interdite après achèvement de l'instance pénale, tel n'est pas le cas en l'espèce à ce jour ; de même, la production de ces arrêts ne visent pas à obtenir un sursis à statuer en vertu de l'article 4 du code de procédure pénale.

Enfin, la société Cofidis Compétition ne peut justifier la production de tels actes 'pour l'exercice des droits de sa défense' dans le cadre de l'instance prud'homale puisque ces décisions pénales n'émanant pas de juges du fond n'ont pas l'autorité de la chose jugée et leur contenu n'est pas de nature à s'imposer au juge prud'homal, quant à la matérialité de faits invoqués par l'employeur dans le cadre du licenciement.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Marseille qui a écarté à juste titre la production de telles pièces.

Sur la rupture du contrat à durée déterminée

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre du 10 septembre 2012 est motivée ainsi :

Nous vous avons convoqué pour un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement qui devait se tenir le 13 août dernier.

Selon correspondance du 02 août, votre conseil nous a fait part de votre indisponibilité en invoquant la fragilité de votre état de santé.

Pour vous permettre de vous exprimer, nous vous avons proposé le report de cet entretien, proposition qui n'a pas reçu votre accord.

Connaissance prise de votre choix, nous vous avons formulé par écrit différentes questions qui devaient vous permettre de nous apporter des réponses sans détour sur les faits qui vous sont reprochés et l'objet de nos préoccupations.

Nous prenons acte de votre réponse qui consiste, en définitive, à ne pas nous répondre motif pris d'un prétendu secret d'instruction.

Nous constatons et regrettons à cet égard que si, dans un premier temps, vous avez estimé devoir nier en bloc et, sous la plume de votre conseil, rejeter la totalité des faits qui vous ont été reprochés, vous vous cantonnez désormais dans un silence $gt;, vous dispensant de toute explication.

Nous vous laissons l'entière responsabilité de ce choix, étant fait observer que votre comportement est en lui-même peu propice à la poursuite des relations contractuelles que votre conseil appelait de ses v'ux.

Quoi qu'il en soit, vous ne nous apportez aucun élément susceptible d'infléchir nos constatations quant à la violation, par vos soins, des obligations inhérentes à votre contrat de travail et à la réglementation à laquelle vous êtes soumis.

Nous vous rappelons à cet égard que votre contrat de travail vous engage, notamment, à :

- adopter un comportement et une hygiène de vie en rapport avec votre activité de coureur cycliste professionnel ;

- respecter le règlement intérieur ainsi que la charte éthique les règles de conduites applicables au sein de l'équipe COFIDIS que vous avez dûment acceptées et signées ;

- suivre les mesures mises en place par la Direction de l'équipe dans le cadre de la lutte contre le dopage.

Vous vous êtes également obligé à assurer une stricte observance des règlements auxquels vous êtes statutairement soumis en temps que coureur cycliste professionnel, soit en particulier:

- la réglementation UCI,

- la liste des substances et méthodes interdites telles qu'édictées par l'Agence Mondiale Antidopage et reprise par les instances nationales.

Au titre de cette règlementation, il vous est interdit d'avoir recours, sans déclarations et justifications utiles, à des injections de quelque produit que ce soit (Articles L 232-2-2 du Code du Sport, L 232-9 du même Code, article 13.1.062 et suivants de la réglementation UCI).

Or, il est établi qu'à la date du 10 juillet 2012, lors de la premiere journée de repos du Tour de France 2012, vous avez tenté de vous faire livrer du matériel vous appartenant et pouvant servir à des injections et/ou perfusions.

Indépendamment de toute qualification pénale, la possession de ce type de matériel constitue une transgression évidente des règles UCI, ce type de manquement étant de surcroît susceptible d'emporter votre exclusion de la course, comme celle de toute l'équipe.

Vos agissements traduisent une grave inconséquence professionnelle et la mise en danger délibérée de toute l'équipe à laquelle vous appartenez.

Ces faits, qui sont à l'origine de votre interpellation par les services de police le 10 juillet 2012, ont abouti à d'autres révélations reprises tant par voie de presse que par une communication officielle du Procureur de la République DALLEST.

Il en résulte, notamment, que vous avez subi des traitements non déclarés auprès de notre équipe et non déclarés auprès de 1'UCI, alors même que les procédés dont il s'agit (injections et perfusions) sont strictement réglementés et pour votre cas injustifiés.

Indépendamment des suites que la justice entendra donner à la procédure pénale en cours (et derrière laquelle vous vous retranchez), les faits qui sont d'ores et déjà établis et non contestés par vous contreviennent gravement aux engagements qui sont les vôtres et constituent des manquements aux conditions d'exécution du contrat de travail dûment régularisé entre vous et notre société.

Ils contreviennent également à l'éthique sportive et à votre obligation contractuelle de loyauté.

Ces révélations portent, par ailleurs, atteinte à l'image de marque de l'équipe comme à son sponsor principal, indépendamment des dysfonctionnements et de l'émoi suscité par votre mise en cause et votre interpellation au sein de l'équipe.

De surcroît, et suite à vos agissements, nous avons de votre unique fait été privés d'un coureur sur le reste du Tour de France, ce qui a été de nature à impacter la performance de l'équipe dans son ensemble.

Enfin, la légèreté de votre comportement vous amène à être sous le coup d'une interdiction de courir en compétition, ce qui en soi vous prive également de la possibilité d`exécuter votre contrat de travail.

Pour l'ensemble de ces raisons, nous vous signifions, par la présente, votre licenciement pour faute grave.

Compte tenu de la qualification retenue, aucun préavis n'est à prester ou à être indemnisé, la période de mise a pied à titre conservatoire ne vous étant, par ailleurs, pas payée.(...)$gt;$gt;.

Le salarié considère que les manquements excipés ne sont pas établis et résultent d'une suspicion de dopage et d'une mise en examen qui ne peut caractériser une faute grave.

Il estime que les propos du procureur de la république reproduits par voie de presse écrite ou à l'aide d'une vidéo , selon constat d'huissier ne sont que de simples affirmations sans valeur probante.

Il précise qu'en juillet 2012, il n'a pas été interpellé en possession de produits illicites ou injectables, que l'accompagnement d'un naturopathe dans sa préparation physique n'avait pas à être déclaré à son employeur et qu'il n'existe pas de preuves tangibles qu'il se soit injecté des produits même non dopants.

Il en veut pour preuve l'absence de poursuite de nature disciplinaire de la part de l'UCI laquelle lui a délivré une licence pour l'année 2013.

Il fait valoir que le contrôle judiciaire l'empêchait de participer à des compétitions mais non à des entraînements et que la société Cofidis Compétition , conformément à son communiqué de presse , pouvait mettre la procédure disciplinaire en suspens jusqu'à décision définitive du juge pénal.

La société Cofidis Compétition fait valoir que la rupture ne repose sur aucune qualification pénale mais sur des faits précis à apprécier indépendamment de toute qualification et réponses du juge pénal mais correspondant à des interdits professionnels .

Elle déclare se fonder sur les éléments factuels issus des communiqués de presse du procureur de la République démontrant que M [Q] [R] a tenté de se faire livrer par un ami sur le Tour de France, du matériel permettant de faire des injections, a subi des traitements non déclarés à l'UCI et interdits puisque n'ayant fait l'objet d'aucune prescription de la part de l'encadrement médical.

Elle soutient avoir agi sans précipitation, laissant toute latitude au salarié de s'expliquer sur les faits .

Il est incontesté qu'au contraire de la procédure de 'licenciement' conduite en 2004 à l'encontre d'un autre coureur, la société Cofidis Compétition ne fonde pas la rupture du contrat de travail sur l'implication de M [Q] [R] dans une affaire de dopage susceptible de sanctions pénales.

Cependant, la société Cofidis Compétition n'apporte aux débats que des coupures de presse et le compte rendu fait par le procureur de la république , à une date ignorée mais proche de l'interpellation de M [Q] [R].

Dès lors, l'employeur ne rapporte pas la preuve des faits de détention de matériel permettant des injections , la présomption d'innocence devant bénéficier au salarié ; de même les aveux du naturopathe, également mis en examen, comme ceux de M [Q] [R] tels qu'évoqués dans ces documents, quant à des injections déjà pratiquées par le passé sont à eux seuls insuffisants pour permettre à la société Cofidis Compétition d'asseoir les griefs d'une rupture, au demeurant aucune date précise n'étant indiquée dans la lettre de licenciement.

En conséquence, l'employeur ne justifie pas que M [Q] [R] ait, par les agissements reprochés, manqué aux obligations de son contrat de travail et c'est donc à juste titre que le conseil des prud'hommes de Marseille a dit que la rupture ne reposait ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences de la rupture

A titre liminaire, il convient de constater que M [Q] [R] a reproduit dans ses conclusions devant la cour une demande d'indemnité de précarité, indiquée comme abandonnée dans les motifs du jugement déféré, et qui en tout état de cause, n'est pas explicitée ni justifiée s'agissant d'un contrat à durée déterminée d'usage. Elle sera donc rejetée.

1- sur la mise à pied

La faute grave n'étant pas retenue, la mesure était dénuée de fondement .

La société Cofidis Compétition fait valoir que M [Q] [R] était déjà sous le coup d'une interdiction de compétition par le contrôle judiciaire et dans l'incapacité de travailler en août et septembre du fait d'un arrêt maladie lui ayant procuré un revenu de substitution.

Il convient de dire que le contrôle judiciaire a empêché le salarié de poursuivre le Tour de France mais n'a pas eu pour effet de suspendre son contrat de travail ; dès lors, le salarié est en droit de solliciter le rappel de salaire afférent à la mise à pied à titre conservatoire du 19 juillet au 10 septembre 2012, sans être diminué des indemnités journalières perçues, au demeurant de 1700 € sur la période.

Observant que le conseil des prud'hommes de Marseille a fixé la créance à 34.642,01 € nets outre les congés payés y afférents , sans aucun calcul justificatif de la part de M [Q] [R] , alors que la rémunération mensuelle brute du salarié était de 16.666,67 € selon les bulletins de salaire, il convient de fixer la somme due à 28.333,33 € outre 2833,33 € pour les congés payés y afférents .

2- sur les dommages et intérêts pour rupture abusive

La société Cofidis Compétition considère que la somme allouée ne correspond pas au calcul d'une réparation forfaitaire tel que prévu par l'article L.1243-4 du code du travail .

Le salarié considère que ce texte prévoit une réparation forfaitaire minimale basée sur la rémunération mensuelle brute mais qu'il convient de tenir compte du contexte brutal de la rupture alors qu'il était irréprochable et des suites de son éviction : maladie, chômage n'ayant retrouvé un contrat à durée déterminée qu'en 2014 à raison de 40.000 € /an.

Il convient de préciser que les dommages et intérêts ont ,dans ce cas précis ,vocation en 1er lieu à réparer la perte de salaire et comme tels sont soumis à l'impôt notamment et assujettis à la RDS et CSG et ne peuvent se cumuler avec les allocations chômage.

Cependant, il ne peut être reproché au conseil des prud'hommes de Marseille de les avoir exprimés en sommes nettes ni d'avoir statué ultra petita.

Prenant en considération la somme brute de 261.547,24 € comme étant celle des salaires restant à courir, non contestée par la société Cofidis Compétition , et au regard des éléments exposés par les parties sur les circonstances de la rupture, il convient d'allouer à M [Q] [R] pour le préjudice subi tant matériel que moral du fait de la rupture, la somme de 300.000 € .

3- sur la demande de dommages et intérêts distincts

Le salarié fonde cette demande sur le caractère vexatoire de la rupture, l'abus de droit de la part de la société Cofidis Compétition ayant fait fi de la présomption d'innocence ce qui a eu un impact sur son image . A ce titre, il précise qu'il était actionnaire majoritaire de la société RDG13 liée à la société Cofidis par un contrat d'exploitation des droits commerciaux aux termes duquel la société gérée par sa mère percevait 100.000 € HT par an.

La société Cofidis Compétition fait valoir que ce contrat a été conclu entre deux sociétés commerciales qui ne sont pas parties à l'instance et qu'au demeurant en tant qu'employeur, elle n'est en rien responsable de la 'mort professionnelle' invoquée par M [Q] [R] laquelle résulte principalement de l'interdiction édictée par le contrôle judiciaire.

Outre le fait que M [Q] [R] ne peut réitérer le même fondement à un préjudice moral subi par lui du fait des conditions de la rupture pour obtenir d'autres sommes, il n'apporte pas la preuve que c'est l'employeur qui a nui à son image par les mesures disciplinaires prises et déclarées non fondées , l'interpellation de M [Q] [R] dans le cadre d'une compétition internationale et la couverture médiatique subséquente étant davantage de nature à nuire à son image.

De même, l'interdiction de toute compétition ordonnée par la justice n'ayant été levée qu'en mars 2013 est directement en lien avec un déficit d'image mais la responsabilité n'en incombe pas à l'employeur.

Enfin, le contrat entre la société Cofidis , société distincte de l'employeur , et la société RDG13 prévoyant les modalités de rupture, M [Q] [R] qui n'est au demeurant pas le gérant de cette société n'est pas fondé à réclamer un préjudice de nature commerciale à un tiers à la procédure prud'homale.

En conséquence, la décision déférée sera infirmée sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle

Le présent arrêt , infirmatif sur certains points, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement , et dès lors il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de l'employeur en restitution des sommes versées du fait de l'exécution provisoire.

La société Cofidis Compétition sera déboutée de sa demande faite à titre de dommages et intérêts, la procédure initiée par M [Q] [R] n'étant pas abusive .

Sur les frais et dépens

L'appelante qui succombe en grande partie devra s'acquitter des dépens.

Aucune circonstance ne justifie en cause d'appel de faire application de l'article 700 du code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ,

*Confirme la décision déférée dans ses dispositions relatives au rejet de la production des deux arrêts rendus par la chambre de l'instruction , à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

*Condamne la société Cofidis Compétition à payer à M [Q] [R] :

- la somme de 28.333,33 € à titre de rappel de salaire pour la mise à pied injustifiée outre 2833,33€ pour les congés payés y afférents,

- la somme de 300.000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat à durée déterminée,

*Rappelle que cette indemnité, par sa nature est soumise à l'impôt sur le revenu, la RDS et la CSG et n'est pas cumulable avec des allocations chômage,

*Déboute M [Q] [R] de sa demande de dommages et intérêts distincts et de celle relative à l'indemnité de précarité,

*Rejette les demandes de la société Cofidis Compétition,

*Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

*Laisse les dépens d'appel à la charge de la société Cofidis Compétition .

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre a
Numéro d'arrêt : 13/21134
Date de la décision : 02/07/2015

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°13/21134 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-07-02;13.21134 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award