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23/02/2016 | FRANCE | N°15/00346

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre a, 23 février 2016, 15/00346


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1re Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 23 FEVRIER 2016

A.V

N° 2016/













Rôle N° 15/00346







S.A.R.L. CADA

SA LYONNAISE DE BANQUE





C/



[K] [H]

SCI [Adresse 1]

[B] [I]

SCP [C] [H] [X] [Q]





















Grosse délivrée

le :

à :Jourdan

Roussel

Guedj







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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 06 Novembre 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 10/07414.





APPELANTES



S.A.R.L. CADA immatriculée au RCS de DRAGUIGNAN sous le N°433479656 représentée par son gérant domicilié en cette qualité au siège...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

1re Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 23 FEVRIER 2016

A.V

N° 2016/

Rôle N° 15/00346

S.A.R.L. CADA

SA LYONNAISE DE BANQUE

C/

[K] [H]

SCI [Adresse 1]

[B] [I]

SCP [C] [H] [X] [Q]

Grosse délivrée

le :

à :Jourdan

Roussel

Guedj

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 06 Novembre 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 10/07414.

APPELANTES

S.A.R.L. CADA immatriculée au RCS de DRAGUIGNAN sous le N°433479656 représentée par son gérant domicilié en cette qualité au siège social sise [Adresse 2]

représentée par Me Jean-François JOURDAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Jean-Michel BALOUP de la SELARL CABINET MICHELET, avocat au barreau de PARIS,avocat plaidant

SA LYONNAISE DE BANQUE SA au capital de 260 840 262 € inscrite au RCS de Lyon sous le n°954507976, représenté par son dirigeant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège sise [Adresse 3]

représentée par Me Hubert ROUSSEL, avocat au barreau de MARSEILLE

assistée par Antoine ROUSSEAU de la SELARL B2R ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON,plaidant

INTIMES

Maître [K] [H], demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Paul GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assisté par Me François LOUSTAUNAU, avocat au barreau de DRAGUIGNAN,

plaidant

SCI [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal en exercice

INTIMEE SUR APPEL PROVOQUE,

demeurant [Adresse 5]

défaillante

Monsieur [B] [I]

INTIME SUR APPEL PROVOQUE

né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 1], demeurant [Adresse 6]

défaillant

SCP [C] [H] [X] [Q] poursuites et diligences de son représentant légal en exercice y domicilié [Adresse 7]

représentée par Me Paul GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée par Me François LOUSTAUNAU, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 19 Janvier 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Anne VIDAL, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne VIDAL, Présidente

Monsieur Olivier BRUE, Conseiller

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Février 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Février 2016,

Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Suivant acte sous seing privé du 10 décembre 2003 et par acte notarié passé en l'étude de Me [K] [H] le 30 décembre 2003, la société Lyonnaise de Banque a consenti à la SCI [Adresse 1], représentée par M. [H] [A], une ouverture de crédit pour financer une opération de construction et s'est engagée également à garantir l'achèvement des travaux, moyennant l'engagement du promoteur d'obliger chaque acquéreur de lot à effectuer ses règlements par chèque à l'ordre de la banque. Suivant protocole d'accord du 16 janvier 2006 ayant donné lieu à la signature de trois actes authentiques passés devant Me [K] [H] le 20 avril 2006, la société CADA a acquis en l'état futur d'achèvement les lots 2, 8 et 10 de la SCI [Adresse 1]. Il était convenu, tant dans le protocole que dans les actes de vente, que le prix serait payé à la SCI, pour sa part payable comptant, par compensation avec les créances détenues par l'acquéreur contre les SCI BELLA VISTA, MARJOLAINE et PUITS JAUBERT, représentées aux actes par leur représentant légal, M. [H] [A]. Les lots acquis n'ayant pas été achevés, la société CADA a sollicité la mise en 'uvre de la garantie d'achèvement auprès de la Lyonnaise de Banque.

La Lyonnaise de Banque, informée du paiement du prix des lots par compensation, a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Draguignan Me [K] [H] et la SCP de notaires, la société CADA, la SCI [Adresse 1] et M. [H] [A] pour voir engager la responsabilité délictuelle du notaire et de la société CADA à son égard et obtenir leur condamnation in solidum à lui payer la somme de 2.390.861 euros, soutenant que les actes de vente constituaient des abus de bien social, à défaut d'intérêt de la SCI [Adresse 1] de régler les dettes des autres SCI dont M. [H] [A] était le gérant, et avaient été conclus en fraude de ses droits et en contravention avec les accords conclus avec la SCI [Adresse 1]. La société CADA a sollicité reconventionnellement la condamnation de la Lyonnaise de Banque à lui payer la somme de 343.779 euros au titre de la garantie d'achèvement et subsidiairement la garantie du notaire pour manquement à son obligation de conseil. Me [K] [H] et la SCP [H]-[W]-[Q] ont sollicité la garantie de la société CADA.

Par jugement réputé contradictoire,en date du 6 novembre 2014 , la SCI [Adresse 1] et M. [H] [A] n'ayant pas comparu, le tribunal de grande instance de Draguignan a :

Dit que Me [K] [H] a commis une faute engageant sa responsabilité à l'égard de la Lyonnaise de Banque,

Dit que la Lyonnaise de Banque a, par sa propre faute, concouru à 50% de son préjudice,

Après partage de responsabilité, condamné Me [K] [H] et la SCP [H]-[W]-[Q] solidairement à payer à la Lyonnaise de Banque une somme de 679.839 euros,

Condamné Me [K] [H] et la SCP [H]-[W]-[Q] solidairement à payer à la Lyonnaise de Banque une somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejeté toutes les autres prétentions des parties.

Il a retenu que le notaire avait commis une faute en entérinant un paiement par compensation sans s'assurer que les prix de vente soient versés sur le compte spécial ouvert à la Lyonnaise de Banque, en contradiction avec l'acte qu'il avait lui-même dressé le 30 décembre 2003, mais que la Lyonnaise de Banque ne pouvait méconnaître l'absence de paiement intégral des lots et avait concouru à la réalisation de son préjudice en ne donnant pas mandat au notaire de prendre les inscriptions d'hypothèques de 2ème et 3ème rangs prévus à l'acte du 10 décembre 2003 et de renouveler l'inscription de 1er rang prise le 12 janvier 2004, alors que ces garanties pouvaient lui permettre de recouvrer une partie des fonds prêtés. Il a estimé que le préjudice de la Lyonnaise de Banque en lien de causalité avec la faute du notaire devait être limité à la perte du prix de vente des trois lots qui aurait dû lui être versé et qu'elle ne peut plus récupérer, soit la somme de 1.484.260 euros, sous déduction des 124.582 euros versés sur le compte spécial, divisée par moitié.

Il a considéré qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à la société CADA, à défaut de démonstration qu'elle savait que M. [H] [A] ne remettrait pas les fonds correspondant à sa créance contre les autres SCI dans le patrimoine de la SCI [Adresse 1], mais il a rejeté la demande de cette société contre la Lyonnaise de Banque en raison de l'absence de versement du prix sur le compte spécial qui constituait la contrepartie du bénéfice de la garantie d'achèvement. Il a rejeté la demande subsidiaire de la société CADA contre le notaire en retenant que l'obligation de payer le prix sur un compte spécial ouvert à la Lyonnaise de Banque était rappelée dans l'acte et que cette société, professionnel de l'immobilier, était à même de comprendre la portée et les conséquences de cette disposition. Il a débouté le notaire de son appel en garantie contre la société CADA.

La société CADA a formé appel de cette décision par déclaration en date du 15 janvier 2015. La Lyonnaise de Banque a également interjeté appel par déclaration du 15 janvier 2015. Ces deux appels ont été joints.

-------------------------

La Lyonnaise de Banque, suivant ses dernières conclusions signifiées le 23 juillet 2015, demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que Me [K] [H] avait commis une faute, de l'infirmer pour le surplus et de :

Constater la responsabilité délictuelle de la société CADA pour avoir participé au défaut effectif de paiement des lots 2, 8 et 10 de la SCI [Adresse 1], constitutif d'une man'uvre frauduleuse, et la responsabilité délictuelle de Me [K] [H], notaire rédacteur des actes de vente du 20 avril 2006, pour avoir entériné et mis en 'uvre un défaut de paiement sur le compte ouvert auprès de la Lyonnaise de Banque, contrairement aux dispositions de la garantie bancaire d'achèvement, pourtant incluse dans les actes de vente, et de son précédent acte d'ouverture de crédit, et contrairement à l'intérêt social de la SCI,

Condamner in solidum la société CADA, Me [K] [H] et la SCP [H]-[W]-[Q] à payer à la Lyonnaise de Banque la somme de 1.809.761,60 euros,

Les condamner solidairement à lui payer la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile  et à supporter les dépens.

Elle fait valoir les points suivants sur les responsabilités :

Le protocole du 16 janvier 2006 a organisé le défaut de paiement du prix par la société CADA à la SCI [Adresse 1], au travers du paiement des dettes des SCI BELLA VISTA, LA MARJOLAINE et PUITS JAUBERT et moyennant la cession de créances sur des SCI impécunieuses, ce qui constitue l'infraction pénale prévue par l'article L 241-6 du code de la construction et de l'habitation ; la société CADA et le notaire se sont rendus complices de cette infraction et ont, à tout le moins, commis une faute civile en participant à la confusion entre le patrimoine de la SCI, victime de l'abus, et celui des autres sociétés dans laquelle le dirigeant possédait des intérêts ;

Il n'est pas justifié par la société CADA de la réalité de ses créances contre les SCI BELLA VISTA, LA MARJOLAINE et PUITS JAUBERT ; il n'est pas non plus démontré la moindre possibilité de règlement de ces créances par lesdites SCI à la SCI [Adresse 1], l'impécuniosité de ces SCI étant démontrée par le montage opéré par le protocole et par la mention dans le protocole des pseudo-projets immobiliers de ces sociétés ; cette impécuniosité ressort également de l'acte notarié lui-même qui fait état d'un paiement par compensation et non d'une cession de créances ;

Me [K] [H] a également commis une faute tenant à la contradiction intrinsèque des stipulations des actes entre l'obligation de verser le prix sur le compte ouvert à la Lyonnaise de Banque et l'existence d'un paiement par compensation, alors même que, dans les actes de vente, sont rappelées cette obligation de paiement et les conditions de mise en jeu de la garantie bancaire d'achèvement ; Me [K] [H] n'a pas non plus respecté les dispositions impératives de l'article L 271-1 du code de la construction et de l'habitation qui prévoient que l'acte authentique de vente en état futur d'achèvement doit être précédé d'un contrat de réservation.

Elle soutient que son préjudice en lien de causalité avec ces fautes est constitué par le déficit de recettes sur le budget de l'opération immobilière de la SCI [Adresse 1], soit une somme de 1.809.761, et ce en raison du défaut de la somme de 1.359.678 euros au crédit du compte ouvert à la Lyonnaise de Banque, générant une insuffisance de trésorerie et donc une incapacité de la SCI à mener à bien la construction ; que l'action en responsabilité contre le notaire n'est pas subsidiaire, de sorte qu'il ne peut être opposé par celui-ci que la banque aurait pu engager une action en nullité des ventes.

Elle ajoute que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la Lyonnaise de Banque ne pouvait avoir connaissance de l'état d'avancement des travaux et des ventes en cours et donc de l'absence d'encaissement de certains prix et, s'agissant du renouvellement de l'inscription d'hypothèque, qu'il appartenait au notaire de conseiller la banque à cet effet ; ainsi, c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la Lyonnaise de Banque avaient concouru à la réalisation de son préjudice.

La société CADA, aux termes de ses conclusions responsives et récapitulatives signifiées le 3 juin 2015, demande à la cour de :

Au visa des articles 1134 et suivants du code civil et de l'article L 261-21 du code de la construction et de l'habitation, ainsi que des articles 1382 et 1315 du code civil, 

Sur l'appel de la Lyonnaise de Banque,

A titre principal,

Dire la Lyonnaise de Banque mal fondée en son appel et la débouter de ses demandes contre elle,

A titre subsidiaire,

Condamner la SCP [H]-[W]-[Q] à garantir intégralement la société CADA des éventuelles condamnations prononcées contre elle,

Sur son appel principal,

Dire que Me [K] [H] a manqué à son devoir de conseil et a commis une faute professionnelle engageant sa responsabilité contractuelle et que Me [K] [H] et la SCP [H]-[W]-[Q] sont entièrement responsables de la non-garantie d'achèvement des biens acquis par la société CADA,

Condamner la SCP [H]-[W]-[Q] à payer à la société CADA la somme de 343.779 euros correspondant au montant nécessaire à l'achèvement des travaux, avec intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2010 sur le fondement de l'article 1153 du code civil, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1154,

Condamner la Lyonnaise de Banque à lui payer la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et celle de 5.000 euros au titre de la procédure en appel,

Condamner la SCP [H]-[W]-[Q] à lui payer la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et celle de 5.000 euros au titre de la procédure en appel,

Condamner la Lyonnaise de Banque et la SCP [H]-[W]-[Q] solidairement aux entiers dépens.  

Elle fait valoir :

Sur l'appel de la Lyonnaise de Banque : l'abus de biens sociaux évoqué par la banque ne s'applique qu'aux sociétés commerciales ; en outre, il ne peut être reproché aucune fraude à la société CADA, le protocole prévoyant que la société AC Promotions, ayant M. [H] [A] comme gérant, comme les SCI, ferait son affaire du transfert des fonds dans le patrimoine de la SCI [Adresse 1], et que la signature de l'acte notarié par cette SCI, trois mois plus tard, permettait de penser que cela avait été accompli ; l'impossibilité pour la SCI [Adresse 1] de mener à bien son programme immobilier résulte sûrement d'autres causes que l'exécution du protocole ; subsidiairement, la SCP [H]-[W]-[Q] devrait la relever et garantir de toutes condamnations éventuelles :

Sur son appel contre les notaires : le notaire est tenu d'éclairer son client sur les conséquences de l'acte de manière complète et n'est pas dispensé par le fait que celui-ci peut avoir des connaissances personnelles ou est assisté d'un tiers ; Me [K] [H] devait donc l'aviser du risque de ne pas bénéficier de la garantie d'achèvement de la Lyonnaise de Banque.

Me [K] [H] et la SCP [C] [H] [X] [Q], en l'état de leurs dernières écritures signifiées le 5 juin 2015, demandent à la cour de

1 - réformer partiellement le jugement entrepris et de :

Débouter en l'état la Lyonnaise de Banque de ses demandes tendant à la responsabilité des notaires,

Dire que les doléances de la demanderesse procèdent de son propre fait dans le cadre de l'instruction et du suivi du financement qu'elle a consenti, en tous cas étranger et exclusif de toute faute imputable au notaire,

Dire que le lien de causalité se trouve rompu par l'absence de sa part de demandes appropriées tirées du lien contractuel ou autres actions dont elle s'abstient délibérément, au regard de ce qu'elle soutient vis-à-vis de la société CADA,

Dire que les prétentions de la Lyonnaise de Banque ne peuvent trouver de lien causal dans les fautes susceptibles d'être retenues à l'endroit des concluants,

Dire que la Lyonnaise de Banque a commis une faute en ne renouvelant pas et en n'inscrivant pas ses inscriptions hypothécaires, faute causale de nature à exclure son droit à indemnisation,

Dire que l'acte au rapport de Me [K] [H] est indifférent à la situation préjudiciable alléguée par la Lyonnaise de Banque, procédant des effets du protocole et de ses suites nécessaires en l'absence de toute inscription garantissant ses concours bancaires imputable à la seule la Lyonnaise de Banque,

Subsidiairement, ramener à de plus justes proportions le préjudice réparable en lien causal avec les fautes pouvant être retenues,

2- confirmer le jugement pour le surplus et :

Débouter la société CADA de ses demandes propres, la faute alléguée par elle étant dépourvue de lien causal avec le préjudice allégué, cette dernière n'ayant à l'évidence pas renoncé en connaissance de l'information qui ne lui aurait prétendument pas été donnée par le notaire et se trouvant de surcroît dans une situation plus favorable,

Plus avant, débouter la société CADA des fins subsidiaires de sa demande en garantie à l'endroit du notaire,

A l'inverse, la condamner à relever et garantir le notaire de toutes condamnations pouvant être prononcées contre lui au bénéfice de la Lyonnaise de Banque,

Condamner en toute hypothèse la SCI [Adresse 1] et M. [H] [A] à relever et garantir les concluants de toute condamnation,

Condamner tout contestant au paiement de la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 

Ils développent l'argumentation suivante :

Sur la responsabilité invoquée par la banque :

Il n'existe pas de délit d'abus de bien social, la SCI [Adresse 1] ne répondant pas aux critères prévus par l'article L 241-6 du code de la construction et de l'habitation ; si l'abus de bien social existait, il ne résulterait que d'éléments intentionnels connus des parties et non du notaire, à savoir l'absence de contrepartie de la dation et le caractère irrécouvrable et douteux des créances cédées ; or, il n'entre pas dans le devoir de conseil du notaire de se livrer à des investigations sur la solvabilité des parties et il n'y avait pas d'élément permettant au notaire de douter de l'existence de cette contrepartie ;

Le mécanisme de paiement par compensation avait été adopté par les parties dans le protocole qui constituait la convention des parties, la société CADA ayant dès lors la possibilité de contraindre la SCI [Adresse 1] à une réitération judiciaire forcée ; en outre, la substitution prévue dans les actes ne contrevenait pas en soi aux clauses de l'acte d'ouverture de crédit, le tiers substitué à l'acquéreur pour le paiement du prix pouvant le verser à la banque, ce qui était probable puisque les SCI avaient le même gérant ;

L'absence de contrat préliminaire n'est pas fautive, la conclusion d'un contrat de réservation étant facultative, et il n'en est au demeurant résulté aucun préjudice en lien de causalité ;

La banque, tiers aux actes de vente, ne peut se prévaloir d'un manquement au devoir de conseil qui ne profite qu'aux parties aux actes ;

En tout état de cause, la banque a commis une faute en omettant de constituer les garanties prévues par le notaire à son profit dans l'acte d'ouverture de crédit ; cette omission est à l'origine causale exclusive du préjudice que celle-ci allègue puisqu'elle aurait pu exercer son droit de suite sur le bien, nonobstant les différentes aliénations ;

Subsidiairement, la Lyonnaise de Banque n'établit pas que son préjudice a été entièrement causé par la faute reprochée au notaire : en effet, les parties étaient déjà liées par le protocole et il n'est pas démontré que, si le notaire avait refusé d'instrumenter, la société CADA aurait renoncé à l'opération et qu'elle n'aurait pas poursuivi sa réitération ; le lien causal est donc rompu, la cause des désagréments de la Lyonnaise de Banque procédant du protocole et non des actes au rapport de Me [K] [H] ;

Sur l'évaluation du préjudice de la Lyonnaise de Banque, celui-ci ne peut être supérieur à une somme de 327.015 euros, compte tenu du manque correspondant à la partie de prix non versée par rapport au prix de revient de l'opération et ne peut être réclamé que sous réserve que la Lyonnaise de Banque ait épuisé toute voie de recouvrement contre les SCI débitrices puisqu'elle est créancière de la SCI [Adresse 1], elle-même créancière de ces SCI ;

Sur l'appel en garantie et l'action en responsabilité de la société CADA :

la société CADA est un professionnel, elle était en relation d'affaires de longue date avec les différentes SCI et avait une pleine connaissance des tenants et aboutissants de leurs programmes et du caractère douteux de ses créances contre elles ; elle a donc participé à la fraude caractérisée par la SBL et ne peut reprocher au notaire un manquement à son devoir de conseil ;

pour le reste, il suffisait de lire l'acte pour comprendre qu'elle ne pourrait pas bénéficier de la garantie d'achèvement ;

en tout état de cause, il n'y a pas de préjudice en lien de causalité, car, sans la prétendue faute de conseil du notaire, elle n'aurait pas renoncé à l'acte critiqué qui constituait pour elle un excellent moyen d'obtenir le paiement de créances difficiles à recouvrer contre les différentes SCI, même en l'absence de garantie d'achèvement ;

Sur la condamnation de la société CADA, de la SCI [Adresse 1] et de M. [H] [A] à les relever et garantir :

la société CADA ne pouvait manquer de connaître la consistance réelle de la contrepartie qu'elle cédait dans la transaction qui a provoqué la situation ultérieure de la SCI [Adresse 1] et les réclamations de la banque ;

la faute première a été commise par la SCI [Adresse 1] et M. [H] [A], à titre personnel et ès qualité de gérant, qui connaissaient tous les éléments qui rendraient la mutation et le mode de paiement frauduleux, à l'origine du préjudice dont la Lyonnaise de Banque demande réparation, étant ajouté que la SCI [Adresse 1] est en toute hypothèse débitrice de l'ensemble des créances de la Lyonnaise de Banque.

La SCI [Adresse 1] et M. [H] [A], assignés en appel provoqué par Me [K] [H] et la SCP [C] [H] [X] [Q], suivant actes d'huissier délivrés le 16 juin 2015 respectivement à étude et suivant PV de recherches comportant notification des conclusions des notaires, n'ont pas comparu.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 5 janvier 2016.

-----------------

A l'audience de plaidoiries du 19 janvier 2016, la cour a demandé au conseil de Me [K] [H] et de la SCP [C] [H] [X] [Q] de s'expliquer sur le caractère nouveau en appel de leurs demandes à l'encontre de la SCI [Adresse 1] et de M. [H] [A].

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur les demandes de la Lyonnaise de Banque :

Les fautes du notaire et de la société CADA :

Attendu qu'il est constant que la SCI [Adresse 1] a, dans le cadre de l'opération de promotion immobilière portant sur la construction de plusieurs lots de maisons individuelles sur un terrain sis à [Localité 2] (83), bénéficié d'une ouverture de crédit consentie par la société Lyonnaise de banque (la Lyonnaise de Banque), ayant donné lieu :

- à un acte authentique reçu par Me [K] [H] le 30 décembre 2003 pour un crédit de démarrage de 500.000 euros, garanti par une inscription d'hypothèque de premier rang sur l'immeuble, comprenant une garantie extrinsèque d'achèvement de la Lyonnaise de Banque au profit des futurs acquéreurs par lots de l'immeuble à construire,

- à un acte sous seing privé du 10 décembre 2003 pour un crédit d'accompagnement de 500.000 euros, avec promesse d'hypothèque sur l'immeuble en deuxième rang pour garantie de 500.000 euros et en troisième rang pour garantie de 283.400 euros ;

Que l'acte authentique prévoyait que l'emprunteur s'engageait à centraliser sur le compte ouvert dans les livres de la Lyonnaise de Banque tous les mouvements financiers de l'opération et ajoutait la clause suivante en article 3 chapitre 2 de l'acte 'autres conditions et garanties' :

'Dans toute mutation de tout ou fraction du bâtiment à édifier visé à l'exposé, le PROMOTEUR devra obliger chaque acquéreur à effectuer ses réglements par chèques à l'ordre de la BANQUE sur le compte n°...'(ouvert à la Lyonnaise de Banque) ;

Attendu que, suivant protocole d'accord en date du 16 janvier 2006 conclu entre M. [H] [A], à titre personnel et ès qualités de gérant de la SCI [Adresse 1] et des SCI BELLA VISTA, LA MARJOLAINE et PUITS JAUBERT ainsi que de la société AC PROMOTIONS, d'une part, et la société CADA, d'autre part, les parties convenaient de la cession par la SCI [Adresse 1] à la société CADA de trois lots du programme immobilier en cours de réalisation représentant un prix de 1.484.260 euros TTC, moyennant transfert au profit de cette SCI de la créance de la société CADA contre la SCI BELLA VISTA pour 1.280.532,90 euros TTC et de la délégation des créances de la société CADA contre les SCI LA MARJOLAINE et PUITS JAUBERT pour 25.020 et 12.659 euros TTC ;

Que cette cession était réitérée par trois actes reçus le 20 avril 2006 par Me [K] [H] portant sur le lot 2 (pour un prix de 460.600 euros dont 65% payable comptant eu égard à l'état d'achèvement de l'immeuble, soit 299.390 euros), le lot 8 (pour un prix de 496.800 euros dont 95% payable comptant eu égard à l'état d'achèvement de l'immeuble, soit 471.960 euros), et le lot 10 (pour un prix de 526.860 euros dont 95% payable comptant eu égard à l'état d'achèvement de l'immeuble, soit 500.517 euros); que les trois actes indiquaient, concernant le paiement du prix :

- que la partie comptant était payée 'par compensation hors la comptabilité du notaire en application du protocole ci-dessus énoncé. Le vendeur le reconnait et consent bonne et valable quittance.',

- que le solde du prix payable au fur et à mesure de l'achèvement serait payé par chèques à l'ordre de la Lyonnaise de Banque pour être versé sur le compte centralisateur ;

Qu'il n'est pas contesté que la SCI [Adresse 1] n'a jamais recouvré les fonds correspondant aux créances de la société CADA sur les SCI BELLA VISTA, LA MARJOLAINE et PUITS JAUBERT et qu'en tout état de cause il est avéré que ces sommes n'ont pas été versées sur le compte centralisateur ouvert à la Lyonnaise de Banque, comme prévu dans l'acte d'ouverture de crédit ;

Attendu, s'agissant de Me [K] [H], notaire, que c'est à juste titre que le tribunal a retenu qu'il avait commis une faute engageant sa responsabilité délictuelle pour avoir reçu les actes de vente du 20 avril 2006 prévoyant le paiement du prix des lots par compensation ;

Qu'en effet, le notaire rédacteur d'un acte est tenu de prendre toutes dispositions utiles pour en assurer la validité et l'efficacité ; qu'il doit s'abstenir de prêter son concours pour conférer le caractère authentique à une convention dont il sait qu'elle méconnait les droits d'un tiers ;

Qu'en l'espèce, Me [K] [H] avait reçu l'acte d'ouverture de crédit du 30 décembre 2003 par lequel la SCI [Adresse 1] s'était engagée à obliger chaque acquéreur à effectuer ses réglements par chèques à l'ordre de la Lyonnaise de Banque ; que, par ailleurs, l'attestation de garantie bancaire d'achèvement rappelée dans les actes de vente et annexée à ceux-ci rappelait expressément : 'En raison du présent cautionnement, la société imposera, dans chaque acte de vente, aux acquéreurs des lots du bâtiment, l'obligation pour eux, d'effectuer leurs versements à la banque compte n° 18805....'; que l'acte mentionnait cette obligation en page 4 puisqu'il y était indiqué, concernant le paiement du prix : 'Tous versements, pour être libératoires, devront être effectués par chèque à l'ordre de la LYONNAISE DE BANQUE au compte n° 18805.....et adressés au VENDEUR';

Qu'en acceptant de rédiger les actes de vente prévoyant le paiement par compensation de 65% du prix pour le lot 2 et de 95% du prix pour les lots 8 et 10, en violation de la clause de paiement sur le compte de la banque que Me [K] [H] ne pouvait ignorer et en méconnaissance flagrante des droits de la Lyonnaise de Banque, le notaire a commis une faute engageant sa responsabilité ;

Attendu, s'agissant de la société CADA, que le tribunal a considéré qu'il n'était pas démontré qu'elle avait connaissance que M. [H] [A], gérant de toutes les SCI, ne remettrait pas l'équivalent de ses créances contre les SCI BELLA VISTA, LA MARJOLAINE et PUITS JAUBERT dans le patrimoine de la SCI [Adresse 1] ;

Mais que force est de constater que la société CADA qui se prévaut dans le protocole transactionnel de créances contre les SCI BELLA VISTA, LA MARJOLAINE et PUITS JAUBERT n'apporte aucun élément aux débats, malgré les sollicitations qui lui ont été faites en ce sens par la Lyonnaise de Banque, de nature à justifier de la réalité et du quantum des créances en question ;

Que le montage du protocole transactionnel et ses mentions permettent de constater, à tout le moins, que la société CADA ne nourissait aucun espoir de recouvrer les créances alléguées contre les SCI BELLA VISTA, LA MARJOLAINE et PUITS JAUBERT;

Qu'en effet, il n'existait aucune chance de recouvrement,

- ni contre la SCI MARJOLAINE dont il était indiqué que l'immeuble dénommé la Marjolaine, objet d'un programme de transformation et de réhabilitation, ne lui avait jamais été apporté et que les études, plans et pièces écrites réalisés par l'architecte [U] seraient transférés à la société CADA sans indemnité,

- ni contre la SCI PUITS JAUBERT, société mort-née puisqu'il était relaté dans le préambule du protocole que l'opération de réhabilitation pour laquelle elle s'était constituée n'avait pas démarré à défaut pour la SCI d'avoir pu acquérir l'immeuble à réhabiliter ;

Que l'article 4 du protocole ajoutait que les sociétés LA MARJOLAINE et PUITS JAUBERT 'seront dissoutes et liquidées après établissement du bilan', de sorte que la délégation de créances au profit de la SCI [Adresse 1] était manifestement vouée à l'échec ;

Que, pour ce qui est de la créance de la société CADA contre la SCI BELLA VISTA, créance fixée dans le protocole à la somme de 1.280.532,90 euros (au demeurant sans beaucoup d'explication sur son fondement et son mode de calcul), la société CADA fondait peu d'espoir de la recouvrer puisqu'elle entendait en obtenir le paiement par une société tiers (dans le cadre d'une opération très contestable opérant une confusion de patrimoine entre plusieurs SCI), alors qu'il est indiqué, dans le préambule du protocole, que la SCI BELLA VISTA conduisait un programme de logements sur la commune de Montouroux, en cours de réalisation (programme que la société CADA connaissait bien puisqu'elle avait été chargée de sa commercialisation) et que sa dette aurait trés aisément pu être réglée par une dation en paiement de l'un de ses appartements en vente ;

Que le texte du protocole est particulièrement flou sur l'opération puisqu'il y est indiqué : 'La somme de 1.280.532,90 euros dont CADA est titulaire dans la SCI BELLA VISTA est transférée au bénéfice de la SCI [Adresse 1]' et 'AC PROMOTIONS fera son affaire de l'exécution de cette condition en procédant soit par compensation de créance, soit par délégation, soit par paiement pur et simple de ces montants'; et que devant le notaire, il n'était plus question de délégation ou de cession de créances, mais uniquement de compensation, alors qu'il n'existait aucune créance de la société CADA à l'égard de la SCI [Adresse 1] ;

Que la société CADA, professionnelle de l'immobilier et parfaitement informée des difficultés recontrées par les SCI BELLA VISTA, LA MARJOLAINE et PUITS JAUBERT ayant amené à la signature du protocole transactionnel, ne pouvait méconnaître qu'en ne versant à la SCI [Adresse 1] qu'une somme 124.582 euros sur un prix d'acquisition de 1.484.260 euros, elle portait atteinte à l'intérêt social de cette SCI ; qu'elle savait également, en lecture des actes de vente, qu'elle méconnaissait les conditions de paiement du prix telles que stipulées en page 4, sus-rappelées, au préjudice de la banque ;

Que c'est donc à juste titre que la Lyonnaise de Banque entend voir retenir une faute délictuelle de la société CADA à son égard ;

Le préjudice réparable en lien de causalité avec les fautes commises :

Attendu que la Lyonnaise de Banque soutient que le préjudice résultant de l'absence de paiement du prix des lots 2, 8 et 10 par la société CADA sur le compte centralisateur devrait être chiffré à la somme de 1.809.761,60 euros correspondant à la différence entre le total des prix de vente de l'opération tels que prévus dans le budget prévisionnel, soit 5.753.020 euros, et ceux effectivement payés par les acquéreurs des douze villas, soit 3.943.258,40 euros ; qu'elle impute en effet le non respect du programme, le ralentissement des travaux et les problèmes d'inachèvement, donc le défaut de règlement du solde du prix de vente des immeubles vendus au défaut d'encaissement du prix dû par la société CADA ;

Mais que la Lyonnaise de Banque n'établit pas que ce défaut de recette sur le compte centralisateur serait à l'origine directe et exclusive des difficultés de réalisation et d'achèvement par la SCI [Adresse 1] de son programme de construction ; qu'il doit être relevé que la SCI a connu des difficultés pour commercialiser la totalité des lots dans le délai prévu, puisque le dossier de financement prévoyait que les réservations devaient être obtenues pour 10 lots sur 12 et que ce n'est qu'en avril 2006 qu'elle a, dans les conditions que l'on sait, vendu les lots 2, 6 et 8 ; qu'elle a également dû consentir une réduction de prix de l'ordre de 100.000 euros à Mme [L], modifiant d'autant les recettes sur lesquelles elle comptait ;

Que c'est donc à juste titre que le tribunal a jugé que le préjudice certain pour la banque résultant du défaut de respect de l'obligation de paiement sur le compte centralisateur devait être fixé au montant de la partie de prix de vente non réglée, sauf à retenir que le montant s'est élevé à la somme de 1.271.867 euros et non à celle de 1.359.678 euros ;

Attendu que c'est en vain que Me [K] [H] prétend que le lien de causalité entre sa faute et le préjudice de la banque serait rompu en raison du fait que, lors de la rédaction des actes de vente du 20 avril 2006, les parties étaient déjà engagées par l'effet du protocole du 16 janvier 2006 et qu'il ne serait intervenu que pour authentifier un accord déjà parfait entre les parties ; qu'en effet, il a été vu plus haut que Me [K] [H] devait refuser d'apporter son concours à un acte méconnaissant totalement les droits de la banque et qu'aucun notaire après lui ne pouvait intervenir pour permettre aux ventes de se réaliser dans les conditions prévues au protocole ; que la société CADA ne pouvait pas plus obtenir d'une juridiction l'exécution forcée de ventes qui contrevenaient radicalement aux obligations contractuelles souscrites par la venderesse s'agissant des modalités de paiement du prix et de l'obtention corrélative de la garantie bancaire d'achèvement ;

Que c'est également en vain que Me [K] [H] conteste sa garantie en soutenant que la Lyonnaise de Banque ne justifie pas avoir épuisé toutes les voies de droit à l'encontre de la SCI [Adresse 1], elle-même créancière des SCI BELLA VISTA, LA MARJOLAINE et PUITS JAUBERT, eu égard à ce qui a été jugé plus haut sur le caractère douteux et irrécouvrable de ces créances ;

Attendu, par contre, qu'il doit être retenu, comme l'a fait le tribunal, que la Lyonnaise de Banque a contribué à son préjudice en ne recherchant pas la réalisation de la promesse d'inscriptions hypothécaires de 2ème et 3ème rangs prévue à l'acte du 10 décembre 2003 et en ne procédant pas au renouvellement de l'inscription hypothécaire de 1er rang prise en exécution de l'acte authentique du 30 décembre 2003 ;

Que c'est vainement que la Lyonnaise de Banque prétend que le notaire aurait, ce faisant, manqué à son obligation de conseil ; qu'en effet, l'inscription de 1er rang a été prise, conformément aux stipulations de l'acte authentique, pour une durée expirant le 31 août 2007, l'échéance du prêt étant prévue au 31 août 2005, et qu'il appartenait à la banque, en raison des difficultés de remboursement l'ayant amenée à proroger l'échéance du prêt, difficultés qu'ignorait le notaire, de le saisir pour proroger l'inscription ; que, par ailleurs, la promesse d'inscriptions de 2ème et 3ème rangs avait été donnée dans un acte sous seing privé, soit donc hors l'intervention du notaire, qu'il y était prévu que la promesse devrait être réitérée par acte authentique dans la quinzaine de la demande qui en serait faite par la banque et qu'il appartenait donc à celle-ci de signifier son intention à l'emprunteur, la SCI [Adresse 1], et de saisir le notaire à cette fin ;

Que c'est également vainement que la Lyonnaise de Banque soutient que ces inscriptions, fussent-elles prises ou renouvelées, ne lui auraient pas permis d'être garantie ; qu'en effet, la banque devait bénéficier, du fait de l'inscription hypothécaire prise sur l'immeuble, d'un droit de suite sur celui-ci en quelques mains qu'il se trouve ; que l'acte authentique ne prévoyait de mainlevée de l'inscription sur les lots vendus que pour autant que le prix correspondant à ces lots aurait été intégralement payé par l'acquéreur concerné, étant rappelé que seul le paiement du prix sur le compte centralisateur de la banque avait une valeur libératoire ; qu'aucun des lots n'avait donné lieu à paiement intégral puisque l'achèvement n'était pas acquis, et que plus spécialement la plus grande part du prix dû par la société CADA n'avait pas été versée , de sorte que la Lyonnaise de Banque n'aurait pas eu à donner mainlevée de l'inscription hypothécaire si elle avait été prise ou renouvelée ;

Que cette faute de la banque lui a fait perdre une chance de bénéficier de garanties pour le recouvrement d'une partie des fonds prêtés et justifie, comme l'a retenu le tribunal, qu'elle supporte la moitié de son préjudice ;

Attendu que les fautes respectives du notaire et de la société CADA ayant contribué à la réalisation du préjudice de la banque, il convient de condamner in solidum la société CADA, Me [K] [H] et la SCP [C] [H] [X] [Q], sur le fondement de l'article 1382 du code civil, à payer à la Lyonnaise de Banque la somme de 1.271.867 euros / 2 = 635.933,50 euros correspondant à l'indemnisation de son préjudice en lien de causalité direct avec leurs fautes ;

Sur les demandes de la société CADA :

Attendu que la société CADA a renoncé en cause d'appel à sa demande contre la Lyonnaise de Banque visant à obtenir le bénéfice de la garantie d'achèvement de ses lots ;

Qu'elle soutient par contre que le notaire aurait manqué à son obligation de conseil en ne l'informant pas de la perte de bénéfice de la garantie bancaire d'achèvement en raison des modalités de paiement du prix et réclame sa condamnation à lui verser une somme de 343.779 euros correspondant au montant des travaux nécessaires à l'achèvement de ses lots ;

Qu'elle réclame également à être relevée et garantie par le notaire de toutes les condamnations prononcées contre elle au profit de la banque ;

Mais que la société CADA, qui connaissait parfaitement les différentes SCI dirigées par M. [H] [A] avec lesquelles elle était en relation d'affaires de longue date, avait conscience du caractère douteux et irrécouvrable des créances détenues contre les SCI BELLA VISTA, LA MARJOLAINE et PUITS JAUBERT - ce qu'ignorait le notaire - et qu'elle ne peut donc faire grief à Me [K] [H] de ne pas l'avoir informée des conséquences d'éléments dont elle avait seule connaissance ;

Que la nécessité du paiement effectif du prix sur le compte centralisateur de la banque était rappelée expressément dans les actes à plusieurs reprises :

- en page 4 concernant le paiement du prix [ 'tous versements pour être libératoires, devront être effectués par chèque à l'ordre de la Lyonnaise de Banque au compte n°....et adressés au Vendeur'],

- en page 15 à propos de l'inscription hypothécaire [' la Banque s'engage à donner mainlevée de l'inscription lui profitant sur les lots vendus dès que le prix correspondant aux lots à dégrever (..)aura été intégralement payé. Dans chaque vente, il devra être stipulé que le paiement des prix devra, pour être libératoire, être effectués par chèque à l'ordre de la Banque au compte n°....'],

- et en page 25 dans le cadre du rappel de la garantie bancaire d'achèvement [' En raison du présent cautionnement, la Société imposera, dans chaque acte de vente, aux acquéreurs des lots du bâtiment, l'obligation pour eux d'effectuer leurs versements à la Banque au compte n°...'],

et que la société CADA savait donc que les modalités de paiement du prix prévues dans le protocole du 16 janvier 2006 et entérinées dans les actes de vente étaient parfaitement contraires aux dispositions contractuelles liant la SCI venderesse à sa banque ;

Qu'en tout état de cause, à supposer que la société CADA ait été mal informée sur les conséquences du défaut de paiement du prix sur le compte de la banque et qu'un manquement du notaire à son devoir de conseil puisse être retenu contre lui, il doit être constaté que cette faute est sans lien de causalité avec le préjudice allégué, dès lors qu'il est certain que, mieux informée, la société CADA n'aurait pas renoncé à l'opération montée dans le cadre du protocole d'accord du 16 janvier 2006 qui lui était particulièrement profitable en ce qu'elle lui permettait de bénéficier de trois lots d'une valeur de plus de 1.400.000 euros en contrepartie de créances douteuses qu'elle savait pertinemment avoir peu de chances de recouvrer ;

Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société CADA de sa demande en garantie à l'encontre de Me [K] [H] et de la SCP [C] [H] [X] [Q] ;

Sur l'appel en garantie du notaire contre la société CADA, la SCI [Adresse 1] et M. [H] [A] :

Attendu que la faute commise par la société CADA dans le montage de l'opération d'acquisition par compensation avec des créances douteuses n'est pas de nature à exonérer le notaire des conséquences de sa faute à l'égard de la banque ; qu'en effet, à supposer que le prix ait été effectivement libéré entre les mains de la SCI [Adresse 1] par l'effet du paiement des créances de la société CADA contre les SCI BELLA VISTA, LA MARJOLAINE et PUITS JAUBERT, il n'en demeure pas moins qu'il échappait, par l'effet de la compensation prévue dans les actes de vente et avalisée par le notaire, au compte centralisateur ouvert dans les livres de la banque à l'origine du préjudice de cette dernière ;

Que dès lors l'appel en garantie de Me [K] [H] et de la SCP de notaires contre la société CADA ne peut prospérer et que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Attendu que, dans leurs dernières conclusions devant le tribunal, signifiées le 12 mars 2014, Me [K] [H] et la SCP [C] [H] [X] [Q] ne formulaient aucune demande à l'encontre de la SCI [Adresse 1] et de M. [H] [A] ; que dès lors, les demandes présentées contre eux en appel doivent être déclarées irrecevables comme nouvelles en appel au sens des articles 564 et suivants du code de procédure civile ;

Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 696 du code de procédure civile,

Par ces motifs,

La cour, statuant publiquement, par défaut

et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la Lyonnaise de Banque de ses demandes à l'encontre de la société CADA ;

L'infirme également sur le quantum du préjudice réparable de la Lyonnaise de Banque et sur le quantum de la condamnation prononcée à son profit ;

L'infirme sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;

Statuant à nouveau sur ces points,

Dit que les fautes de Me [K] [H] et de la société CADA ont contribué au préjudice subi par la Lyonnaise de Banque et condamne Me [K] [H], la SCP [C] [H] [X] [Q] et la société CADA in solidum à payer à la Lyonnaise de Banque la somme de 635.933,50 euros ;

Condamne la société CADA, Me [K] [H] et la SCP [C] [H] [X] [Q] in solidum à verser à la Lyonnaise de Banque une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance ;

Confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déclare les demandes de Me [K] [H] et de la SCP [C] [H] [X] [Q] contre la SCI [Adresse 1] et M. [H] [A] irrecevables comme nouvelles en appel ;

Déboute la société CADA, Me [K] [H] et la SCP [C] [H] [X] [Q] de leurs demandes respectives présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société CADA, Me [K] [H] et la SCP [C] [H] [X] [Q] in solidum à payer à la Lyonnaise de Banque une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Les condamne in solidum aux dépens d'appel qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre a
Numéro d'arrêt : 15/00346
Date de la décision : 23/02/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1A, arrêt n°15/00346 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-23;15.00346 ?
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