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18/03/2016 | FRANCE | N°13/10361

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 18 mars 2016, 13/10361


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND



DU 18 MARS 2016



N°2016/ 139















Rôle N° 13/10361







Association GROUPEMENT DES EMPLOYEURS ALPILLES LUBERON





C/



[O] [V]





















Grosse délivrée le :



à :



-Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON



- Me Jérôme FERRARO, avocat

au barreau de MARSEILLE







Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage d'ARLES - section A - en date du 30 Avril 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 08/00470.





APPELANTE



Asso...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 18 MARS 2016

N°2016/ 139

Rôle N° 13/10361

Association GROUPEMENT DES EMPLOYEURS ALPILLES LUBERON

C/

[O] [V]

Grosse délivrée le :

à :

-Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON

- Me Jérôme FERRARO, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage d'ARLES - section A - en date du 30 Avril 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 08/00470.

APPELANTE

Association GROUPEMENT DES EMPLOYEURS ALPILLES LUBERON, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON

INTIME

Monsieur [O] [V], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Jérôme FERRARO, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 28 Janvier 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Virginie PARENT, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre

Madame Hélène FILLIOL, Conseiller

Madame Virginie PARENT, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Mars 2016

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Mars 2016

Signé par Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 13 mars 2001 a été fondé un groupement d'employeurs dit GROUPEMENT D' EMPLOYEURS ALPILLES LUBERON composé des membres suivants :

- Domaine de Confoux

- Domaine de Caderache

- [E] [Z] exploitant agricole.

M. [O] [V] a été embauché le 1er octobre 2001 par le GROUPEMENT D'EMPLOYEURS ALPILLES LUBERON et occupe un emploi d'ouvrier coefficient 155. Il a été élu délégué du personnel le 28 février 2008.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la Convention Collective Nationale des exploitations agricoles des Bouches du Rhône.

Le 2 avril 2008, quelques salariés de la SCEA DOMAINE DE CONFOUX et du GROUPEMENT D' EMPLOYEURS ALPILLES LUBERON ont commencé un mouvement de grève en vue d'appuyer des revendications d'ordre professionnel. Par ordonnance de référé du tribunal de grande instance de TARASCON en date du 8 avril 2008, l'expulsion de grévistes était ordonnée.

Dans le cadre de l'organisation de la récolte 2008, l'employeur a décidé de nouveaux horaires de travail, décalés d'une demi-heure.

M. [O] [V] a fait l'objet d'avertissements:

- le 20 octobre 2008 pour ne pas avoir respecté une consigne

- le 21 août 2009 pour ne pas avoir travaillé le 20 août 2009 avec le rendement attendu (34 kg/heure représentant une moyenne de 2.8 fruits par minute) alors que la norme est de 120kg/heure.

- le 19 novembre 2009 pour avoir le 29 octobre 2009, répondu à son employeur devant des clients, et avoir été avachi sur son poste de travail lors de la visite de ces derniers

- le 17 janvier 2013 pour avoir été vu sortant de la salle de réunion/local DP accompagné d'une personne étrangère à l'entreprise, sans autorisation tant d'utiliser la salle que d'y accueillir des personnes étrangères à l'entreprise.

Il a fait l'objet de lettres de rappels à l'ordre :

- le 28 février 2011 pour avoir le 28 février 2011 eu un comportement autoritaire et menaçant à l'encontre de l'encadrement

- le 24 juin 2013 pour avoir tenu le 24 juin 2013 des propos et menaces dans les bureaux administratifs.

Il a fait l'objet d'une lettre de mise en garde le 19 décembre 2008 pour avoir à tort exercé son droit de retrait et d'une mise à pied disciplinaire de trois jours le 1er septembre 2008 pour non respect des horaires des vergers.

Estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, M. [O] [V] a saisi le 24 octobre 2008 le conseil des prud'hommes d'Arles qui par jugement de départage du 30 avril 2013 a :

- Condamné le GROUPEMENT D'EMPLOYEURS ALPILLES LUBERON à payer à M. [O] [V] les sommes de :

* 24698,64 € au titre d'heures supplémentaires impayées, à leur incidence au titre de l'ancienneté, aux jours de repos compensateur, au fractionnement congés payés et aux jours de congés pour ancienneté, outre 2469,86 € à titre d'incidence congés payés;

* 5.000 € à titre de dommages-intérêts.

- dit que ces condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2008.

- ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du Code Civil.

- ordonné au GROUPEMENT D'EMPLOYEURS ALPILLES LUBERON de remettre au demandeur des bulletins de salaire comportant la mention des rappels de salaire.

- rejeté toute demande plus ample ou contraire.

- condamné le GROUPEMENT D'EMPLOYEURS ALPILLES LUBERON à payer M. [O] [V] la somme de 500 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- condamné le GROUPEMENT D'EMPLOYEURS ALPILLES LUBERON aux dépens.

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Le 15 mai 2013' le GROUPEMENT D'EMPLOYEURS ALPILLES LUBERON a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, le GROUPEMENT D'EMPLOYEURS ALPILLES LUBERON demande de débouter le salarié de ses demandes et de le condamner au paiement d'une somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués M. [O] [V] demande de :

- condamner le GROUPEMENT D'EMPLOYEURS ALPILLES LUBERON à lui payer les sommes de:

* 20 506.14 € à titre de rappel de salaire afférent aux heures supplémentaires,

* 2050.61 € à titre d'incidence congés payés,

* 4192.50 € à titre de rappel de salaire afférent à la prime d'ancienneté, aux jours de repos compensateurs (par tranche de 100 h.), au fractionnement des congés payés,

* 419.25 €à titre d'incidence congés payés,

* 771.12 € à titre de répétition de la retenue sur salaire opérée au mois d'août 2008,

* 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution gravement fautive et déloyale du contrat de travail, violation volontaire et délibérée des dispositions légales et conventionnelles, discrimination syndicale,

* 378.04 € nets à titre de complément de salaire durant la période d'arrêt de travail pour cause de maladie,

- annuler les sanctions disciplinaires suivantes:

- Mise à pied disciplinaire du ler septembre 2008,

- Lettre d'avertissement du 20 octobre 2008

- Lettre de mise en garde du 19 décembre 2008

- Lettre d'avertissement du 21 août 2009

- Lettre d'avertissement du 19 novembre 2009

- Lettre de rappel à l'ordre du 28février 2011

- Lettre d'avertissement du 17 janvier 2013

- Lettre de rappel à l'ordre du 24 juin 2013

- enjoindre la partie appelante, sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, d'avoir à établir et délivrer au requérant des bulletins de paie rectifiés, avec mention des rappels de rémunération judiciairement fixés, outre la mention d'une ancienneté au 1er octobre 2000

- se réserver, expressément, la faculté de liquider l'astreinte éventuellement ordonnée,

- dire que l'intégralité des sommes allouées produira intérêts de droit à compter de la demande en justice, avec capitalisation,

- condamner la partie appelante au paiement de la somme de 2500 € à titre d'indemnité sur le fondement dispositions de l'Article 700 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la prime de rendement

Les premiers juges ont retenu l'argument du salarié selon lequel la prime de rendement versée au salarié est un paiement déguisé d'heures supplémentaires.

Lorsque que le calcul de la rémunération du salarié dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire.

Il est constant que les salariés ont bénéficié régulièrement du versement d'une prime de rendement.

L'employeur soutient que cette prime est un usage, et rappelle qu'une vingtaine de salariés lui a adressé d'ailleurs un courrier par lequel ils reconnaissaient que la prime de rendement avait la nature d'un usage et en sollicitaient le maintien alors que l'employeur l'avait dénoncé, et ce, sans prétendre que cette prime avait vocation à indemniser les heures supplémentaires accomplies.

Il expose que cette prime de rendement est une gratification versée à certains salariés, correspondant aux a-coups de production enregistrés par le domaine qui obligent ponctuellement à un travail plus rapide et plus intense, elle récompense les efforts demandés aux salariés, et ce n'est pas l'amplitude de travail qui est augmentée durant ces périodes mais la cadence des récoltes ou de production. Il précise que cette prime est allouée en fonction de critères (qualité, rapidité, rendement -tonnage emballé/récolté-, assiduité) qui ont chacun une valeur de point, lequel est multiplié par la valeur du coefficient conventionnel et permet ainsi d'en déterminer la valeur.

Il fait valoir qu'au cours du 1er semestre 2007, à l'occasion du bilan de la campagne 2006/2007, les résultats ont fait apparaître une augmentation sensible des coûts de main d'oeuvre, et qu'il a été évoqué le caractère inadapté de la prime de rendement, qui allait conduire à une modification de l'organigramme et de l'organisation de la station et à l'abandon du versement de cette prime de rendement et la proposition faite aux délégués du personnel du versement d'une prime de récolte pour la remplacer, dont le montant correspond aux efforts financiers supportables par l'entreprise; que cette prime de récolte est versée chaque mois, et fixe aux salariés des objectifs d'assiduité, de productivité , astreinte, flexibilité, se différenciant ainsi nettement de la prime de rendement, privilégiant l'analyse et la récompense.

Il observe également que la présentation par le salarié des heures supplémentaires calculées à partir de cette prime de rendement aboutit à des résultats purement fantaisistes.

Il produit pour corroborer ses affirmations:

- le courrier du Président du GROUPEMENT D'EMPLOYEURS ALPILLES LUBERON en date du 5 mai 2008 adressé à Melle [P] , déléguée du personnel, l'informant de sa décision de dénoncer l'usage concernant le paiement de la prime de rendement ( pièce 12)

- les courriers de Melle [P], M. [U], M. [H] [W] , Mme [Y] reçus le 11 avril 2008, sollicitant la régularisation des primes de rendement, définissant cette dernière comme un usage, un droit coutumier ( pièce 9)

- un tableau de calcul de la prime de rendement pour 6 salariés daté du 28 septembre 2007 (pièce 10 bis),

- des tableaux de calcul de la prime de récolte pour les 6 salariés et les mois d'août à novembre 2008 (pièce 13)

- une attestation de M. [J] qui déclare: en ma qualité de salarié du GEAL , responsable des paies, j'ai été amené à établir des bulletins de paie comportant des primes calculées selon un nombre de points multiplié par un taux correspondant au coefficient du salarié. Le nombre de points étant attribué par les responsables selon des critères, dont les détails ne m'étaient pas communiqués et qui n'étaient pas de mon ressort. ( pièce 17-1)

- une note de service de la direction prévoyant le versement d'une prime pour la récolte 2008 à tous les salariés permanents ( décision annoncée en réunion au délégué syndical et délégués du personnel les 26 et 27 juin 2008), prime versée au mois de décembre 2008, dont le montant variera et pourra atteindre jusqu'à 400 à 600 € selon l'ancienneté, et sera attribuée sur la base d'une évaluation individuelle, et dont les modalités d'attribution (grille d'évaluation) seront communiquées en août 2008 (pièce 38)

- une attestation de Mme [K] [D] déclarant : je certifie avoir reçu la totalité des heures travaillées aux taux horaires réglementaires (normal et majoré). La prime de rendement était tout simplement un encouragement de motivation. Cependant j'ai rédigé l'attestation du 26 février 2010 à la demande de mes collègues qui m'ont dit qu'ils étaient payés sans majoration des heures supplémentaires mais à aucun moment je n'ai pu vérifier leurs dires.( Pièce 43)

Le salarié qui conteste cette interprétation, soutient que jusqu'en 2008 les heures supplémentaires ont été réglées par le biais de cette prime, qui d'ailleurs quelques années auparavant s'appelait ' prime horaire'. Il demande d'observer que cette prime de rendement ne figure pas dans le contrat de travail, la convention collective et encore moins les dispositions légales, et de constater que le montant de cette prime est fréquemment, mais pas systématiquement divisible par le taux horaire de base des salariés et correspond souvent à un certain nombre d'heures supplémentaires.

Pour justifier son affirmation quant à un paiement déguisé des heures supplémentaires par le biais de la prime de rendement, le salarié produit :

- des attestations de salariés , anciens salariés ou saisonniers confirmant la pratique du paiement déguisé des heures supplémentaires par le biais d'une prime de rendement. (pièces 13,14,15, 16,17 18, 19, 20 et F, G, H, I, Z1, Z2, Z3, Z4, Z5, Z6, Z7, Z8, Z9)

- un courrier de l'UL CGT à l'inspection du travail en date du 6 décembre 2007 (pièce 12) signalant que le Domaine de Confoux ne rémunère les heures supplémentaires que de la 35 ème heure à la 39 ème heure, les heures au-delà de la 39 ème heure semblant payées sous forme de prime de rendement mensuelle.

- un courrier de l'UL CGT à l'inspection du travail en date du 14 mars 2008 (pièce 34) signalant le comportement de la direction du Domaine de Confoux et du groupement d'employeurs Alpilles Lubéron, selon lequel les salariés sont obligés de signer un document spécifiant qu'il ne font que 39 heures par semaine que seuls les signataires sont autorisés à faire des heures supplémentaires, qui leur sont rémunérées sous forme de prime de rendement .

- des lettres de réclamations de salariés au domaine de Confoux et au groupement d'employeurs Alpilles Lubéron, contestant le paiement des heures supplémentaires sous forme de prime de rendement. (pièces 36-1, 36-2 et 36-3)

- l'extrait du registre des DP avec questions du 20 mars 2008 (paiement des heures supplémentaires enregistrées en primes pour les cinq dernières années et majorations des heures supplémentaires) et réponses de la direction (on ne voit pas de quoi vous parlez les heures supplémentaires sont payées et les heures supplémentaires sont majorées ) ( pièce 37)

- le projet de protocole de fin de conflit dans lequel la direction s'engage à ouvrir des négociations dans les 15 jours sur plusieurs points dont les heures supplémentaires ( pièce 30)

- le courrier de Melle [P], déléguée du personnel à la SDITEPSA du 23 mai 2008 signalant que la direction du Domaine de Confoux refuse de respecter son engagement sur des négociations et propose de signer un accord fictif qui permettrait de dissimuler les heures supplémentaires en mission ou en prime.

- le protocole de fin de conflit du 9 avril 2008 ( pièce 7 de l'employeur en cause d'appel) dans lequel la direction s'engage à ouvrir des négociations dans les 15 jours sur notamment les heures supplémentaires.

Les attestations produites par le salarié sont imprécises et formulées dans les mêmes termes. De surcroît Mme [K] qui admet avoir rédigé une attestation en ce sens, certifie dans une seconde attestation les conditions dans lesquelles elle a fourni un premier témoignage et affirme que la prime litigieuse était une prime de motivation.

S'agissant des revendications syndicales fondées sur le fait que la prime de rendement était un paiement déguisé des heures supplémentaires, ces dernières réitérées à plusieurs reprises auprès de l'employeur ou de l'inspection du travail, ont, selon les pièces produites toujours été contestées par l'employeur et l'administration n'apparaît pas avoir dressé un quelconque procès-verbal de ce chef .

L'examen de l'ensemble des pièces permet donc de confirmer que la prime de rendement versée aux salariés jusqu'en 2008, est un usage, dont la dénonciation par l'employeur à cette date a d'ailleurs suscité des contestations des salariés, sans que ces derniers ne revendiquent à cette occasion une difficulté relative aux heures supplémentaires, ni n'invoquent son caractère illicite; elle s'analyse en une prime de motivation , dont l'employeur justifie des conditions précises de son attribution et de son mode de calcul. Déterminée à partir d'une nombre de points alloués au salarié en fonction de plusieurs critères (qualité, rendement, rapidité, présence), elle est une gratification versée à certains salariés, correspondant aux a-coups de production enregistrés par le domaine qui obligent ponctuellement à un travail plus rapide et plus intense, et récompense les efforts demandés aux salariés. Calculée à partir du taux de base attribué au salarié, cette prime est donc divisible par ce montant, de sorte que le moyen tiré de cette constatation ne peut asseoir l'argumentation développée par le salarié.

Les premiers juges ont donc à tort considéré 'qu'il n'était pas douteux que l'octroi d'une prime de rendement était un moyen déguisé et prohibé de procéder au paiement de certaines heures supplémentaires'.

Sur la demande au titre des heures supplémentaires

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

En l'espèce, M. [O] [V] entend réclamer paiement d'heures supplémentaires effectuées entre août 2003 et février 2008.

Pour étayer ses dires, le salarié produit notamment :

- ses bulletins de salaire qui font apparaître le versement de majorations afférentes aux heures supplémentaires, (pièces complémentaires 2-1 à 2-6)

- des feuilles d'heures au nom du salarié pour plusieurs mois des années 2003, 2004, 2005, 2006, 2007, 2008 (pièce complémentaire 3)

- un tableau de décompte des heures supplémentaires de M. [O] [V] pour la période 2003-2008, calculées en partie sur la base des primes de rendement qui lui ont été versées (pièce complémentaire 5).

L'intimé ne peut se prévaloir d'un décompte d'heures calculées à partir des montants de primes de rendement, qui sont étrangères à toute amplitude horaire de travail.

La cour constate que les chiffres portés par le salarié de manière unilatérale dans son décompte et ses feuilles d'heures lesquelles apparaissent avoir été remplies dans un même trait de temps, puisque remplies avec la même plume, mentionnent un nombre d'heures supplémentaires distinct de celui qui pourraient résulter des primes de rendement servies au salarié. Ainsi en octobre 2003, le décompte fait état de 285h travaillées, le bulletin de salaire mentionne 199 heures effectuées et le versement d'une prime qui selon la thèse développée par le salarié correspondrait à 40.50 heures supplémentaires, de sorte que le nombre d'heures travaillées serait de 139 h50; un calcul similaire peut être effectué pour les mois de septembre 2004 ou octobre 2005 par exemple.

Dès lors les éléments produits par le salarié, contradictoires ne sont pas de nature à étayer ses prétentions. Sa demande relative aux heures supplémentaires doit par conséquent être rejetée. Le jugement est infirmé sur ce point et ce chef de demande est rejeté.

Par voie de conséquence, le salarié qui produit au soutien de ses prétentions un tableau de décompte des accessoires de salaire qui lui seraient dus ( pièce complémentaire 5 bis ) , prenant pour base les heures supplémentaires revendiquées, doit être débouté de sa demande de rappel de salaire au titre des accessoires de salaires impactés par les heures supplémentaires :

- prime d'ancienneté, assise sur l'intégralité de la rémunération brute, toutes heures de travail confondues

- repos compensateurs, en application de l' article L 713-9 du code rural et de l' article 43 de la convention collective, qui instituent un repos compensateur payé sur la base d'une journée par tranche de 100 heures supplémentaires

- fractionnement des congés payés

- jours de repos supplémentaires pour ancienneté.

Sur la modification des horaires par l'employeur

Le salarié soutient que la modification des horaires collectif s'est faite sans concertation, ni consultation, ni transmission à l'inspection du travail, ni affichage.

Il produit :

- un courrier de la directrice adjointe du travail à M. [Q] [U] en date du 1er septembre 2009 l'informant que l'inspectrice du travail a adressé le 28 août 2008 à son employeur (le domaine de Confoux) un courrier lui rappelant les dispositions concernant les horaires collectifs dans l'entreprise , et précisant que si la fixation des horaires relève du pouvoir de direction de l'employeur, cette fixation est soumise pour avis au comité d'entreprise ou à défaut au délégués du personnel. L'horaire doit être daté et signé par le chef d'établissement et affiché en caractère lisible et apposé de façon apparente dans les lieux de travail. Préalablement à son entrée en vigueur, un exemplaire de l'horaire collectif doit être transmis à l'inspection du travail. ( pièce 83)

- le courrier du 27 avril 2010 adressé à la SCEA STATION FRUITIERE DE CONFOUX par l'inspectrice du travail contenant diverses observations et notamment concernant les horaires collectifs de travail, suite à un contrôle du 20 avril 2010 (pièce 84)

- une lettre de Melle [P], DP, à un responsable du Domaine de Confoux en date du 6 août 2008, rappelant que le personnel n'accepte pas l'organisation du travail imposée et que tant qu'il n'y aura pas de négociations à ce sujet, le personnel appliquerait les horaires prévus par le contrat de travail

- un courrier des délégués du domaine de Confoux et de GE Alpilles Lubéron , des salariés de ces entreprises au Domaine de Confoux en date du 11 septembre 2008 rappelant à l'employeur qu'il a décidé unilatéralement de modifier les horaires alors qu'il devait consulter les délégués du personnel et que les convoquer pour leur donner le planning de la nouvelle organisation ne constitue pas une consultation.

L'employeur ne conteste pas la modification des horaires, précisant que pour l'ensemble du personnel, les horaires de travail ont été décalés d'une demi-heure, l'embauche étant fixée à 7h30 au lieu de 8 heures. Il fait valoir que l'inspection du travail a été alertée sur ce point par l'employeur et n'a retenu aucune objection à la mise en place de ces nouveaux horaires. Il produit :

-une note de service mentionnant : 'Horaires de travail station et vergers pour les mois d'août et septembre 2008: vous trouverez affiché le planning horaire présenté aux délégués du personnel le 18 et 27 juin 2008. La date de mise en application de ces horaires pourra être modifiée selon l'avancée de la production.' ( pièce 38)

- les courriers en date du 17 juin 2008 adressé par le domaine de Confoux à M [S], Délégué titulaire, par le GE Alpilles Lubéron à MM [V] délégué titulaire, [U] délégué suppléant, [X], délégué suppléant, en vue d'une réunion le 18 juin 2008 pour l'organisation des horaires de travail pendant la saison de récolte 2008 ( pièce 36)

- le compte rendu de la réunion du 23 juin 2008, présentant l'organisation des horaires : 40 h par semaine, 5 journées de 8 heures ( cf tableaux);

Avis des DP: les salariés veulent faire plus d'heure et ne sont pas d'accord avec cette organisation

La direction : L'employeur précisant qu'une autorisation va être demandée à l'Inspection du travail pour 54 heures par semaine pour les cueilleurs saisonniers. Si elle est refusée une organisation sera faite à 48 heures par semaine; mise en place de ces horaires vers le 4 août 2008 selon maturité des fruits.( Pièce 36)

- une télécopie adressée le 23 juin 2008 à l'inspection du travail par le Domaine de Confoux contenant le compte rendu de la réunion du même jour concernant les horaires de travail du personnel en vergers des entreprises SCEA STATION FRUITIERE DOMAINE DE CONFOUX et GE ALPILLES LUBERON (pièce 37).

Le changement d'horaire consistant dans une nouvelle répartition de l'horaire au cours de la journée alors que la durée de travail et la rémunération restent identiques constitue un simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction du chef d'entreprise et non une modification du contrat de travail. Tel est le cas en l'espèce.

Force est de constater qu'il n'est pas démontré un manquement de l'employeur à ses obligations, les dispositions des articles L 3171- 1 et suivants (anciennement L 620-2 et suivants) du code du travail en termes de consultation des déléguées du personnel, transmission à l'inspection du travail et affichage, ayant été respectées. Le salarié ne démontre pas en tout état de cause que le changement des horaires de travail ainsi décidé par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction , et en application de l'article 38 de la Convention Collective de travail des exploitations agricoles applicable, a présenté un caractère abusif ou déloyal, et qu'il aurait été initié uniquement en réaction aux revendications syndicales dans l'entreprise depuis l'organisation d'élections professionnelles au cours de l'année 2008, et au mouvement collectif d'avril 2008.

Sur la prime de 100 € versée aux non grévistes

Invoquant les dispositions de l'article L 2511-1 du code du travail qui prévoient 'L'exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié. Son exercice ne peut donner lieu à aucune mesure discriminatoire telle que mentionnée à l'article L. 1132-2, notamment en matière de rémunérations et d'avantages sociaux', le salarié invoque une discrimination du fait du versement par l'employeur d'une prime aux salariés non grévistes en avril 2008, ce qui n'est pas contesté. Le salarié soutient également mais sans en rapporter la preuve, que quelques mois après en août 2008 il a appris que les non grévistes avaient perçu un prime mensuelle de 164 € ( affectés au verger )ou de 240 € ( affectés à la station ) qui semble avoir perduré jusqu'en novembre 2008.

Le salarié verse aux débats :

- son bulletin de salaire d'avril 2008 ne portant pas mention du versement de cette prime

-un courrier de Melle [P] du 20 août 2008 à l'Inspecteur du travail exposant que ' la direction a distribué un tract au personnel en offrant 100 € à toute personne qui suivrait son organisation de travail à partir du 18 août et des avertissements et des mises à pied pour les autres. '( pièce 53)

- un courrier de Melle [P] du 19 mai 2008 à l'Inspecteur du travail exposant qu'alors qu'un protocole de fin de conflit avait permis la reprise du travail des ouvriers , une prime discriminatoire de 100 € a été versée au mois d'avril au personnel non gréviste, sou forme de prime de rendement. Cette dernière ayant été promise à toute personne qui ne rejoindrait pas la grève. ( pièce 76)

- des courriers du 21 mai 2008 et du 16 mai 2008 de Melle [P] à la direction du domaine de Confoux soutenant que le versement de cette prime de 100 € est discriminatoire. ( pièces 77 et 78)

L'employeur justifie le versement en avril 2008 d'une prime de 100 € par le surcroît de travail auquel le personnel a dû faire face du fait de l'absence pendant près d'une semaine d'une partie des salariés et produit les bulletins de salaire d'avril 2008 des salariés ayant obtenu le versement de celle-ci . Il ajoute que s'agissant de la prime de récolte dont il est prétendu qu'elle est discriminatoire, cette prime est pertinente et valable.

L'employeur est fondé à soutenir qu'il est en droit de tenir compte des absences même motivées par la grève pour l'attribution d'une prime destinée à récompenser une assiduité profitable à l'entreprise; toutefois, il ne peut le faire qu'à la condition que toutes les absences, autorisées ou non, entraînent les mêmes conséquences.

Force est de constater que les pièces produites par l'employeur n'établissent pas cette preuve, les bulletins de paie d'avril 2008 des salariés non grévistes tous bénéficiaires d'une prime de 100 €, faisant apparaître pour certains d'entre eux des absences de plusieurs jours ( congés payés, ou congés exceptionnels pour mariage par exemple) ; il s'évince de cette seule constatation, que la suppression de la prime de 100 € dont s'agit en cas de grève constitue une mesure discriminatoire, caractérisant ainsi un manquement de l'employeur à ses obligations.

Sur la mutation en verger

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou en raison de son état de santé ou de son handicap ;

L'article L. 1134-1 du même code dispose qu'en cas de litige relatif à l'application du texte précédent, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et il incombe à la partie défenderesse, au vu des ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Le salarié expose que depuis plusieurs années sans discontinuer il était essentiellement affecté à des tâches de manutention, que ses bulletins de paie mentionnent qu'il était affecté à la station, que suite aux élections des délégués du personnel et au conflit collectif d'avril 2008, il a été muté aux vergers, c'est-à-dire aux travaux agricoles les plus pénibles, n'exerçant plus ses anciennes fonctions, ces dernières étant confiées à des saisonniers. Il rappelle qu'il a d'ailleurs engagé une procédure de référé réintégration, dans la mesure où étant salarié protégé, aucun changement de ses conditions de travail ne peut intervenir sans son accord, et estime en conséquence discriminatoire la décision prise à son égard. Il indique n'avoir été réintégré en station qu'en octobre 2010, soit près de deux ans après

Il produit :

- une fiche de définition de fonction d'approvisionneur en emballage d'août 2003, établie avec mention de son nom ( pièce 92)

- des attestations de M. [F], Mme [K], Mme [A] indiquant que le salarié a été affecté dans les vergers à compter d'avril 2008 comme celle de son collègue M. [I] [G], également salarié protégé et de leur remplacement en station par des saisonniers (pièces 6 , 7 et 8 complémentaires)

- un courrier de sa part à son employeur en date du 11 août 2008 contestant la décision de ce dernier reçue en courrier recommandé d'affectation dans le vergers

- un procès verbal de l'inspection du travail en date du 21 octobre 2008 dressé contre M. [T], gérant de la station fruitière Domaine de Confoux pour discrimination commise à l'encontre du représentant du personnel [O] [V], dans sa décision concernant le changement de poste .contenant notamment les explications de l'employeur suivantes: il explique les raisons du déplacement de M. [V] par le fait qu'il a pu constater depuis trois ans une baisse de la rentabilité de la station... il a pris la décision de changer de poste M. [V] pour l'affecter au verger de manière permanente et le remplacer par un saisonnier qui était auparavant en verger et par un intérimaire. Il explique également qu'à plusieurs reprises il était mécontent de son travail ( pièce 35 adverse).

Force est donc de constater, que le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination à son encontre.

L'employeur qui conteste toute discrimination de ce chef rappelle que tant le conseil des prud'hommes que la cour d'appel ont rejeté en référé la demande du salarié tendant à sa réintégration en tant que cariste. Il expose que la qualification du salarié à prendre en considération est celle correspondant à l'emploi précédemment occupé, et ne résulte pas des seules mentions figurant sur le contrat de travail. Il précise que l'affectation aux vergers a été acceptée antérieurement à l'acquisition de la protection revendiquée par le salarié et souligne que la polyvalence est inhérente aux fonctions du salarié au sein d'une station fruitière , observant que le coefficient 155 de la Convention Collective des Exploitations Agricoles des Bouches du Rhône - annexe arboriculture est défini comme suit :

- Cueillette: exécute correctement le choix des fruits en vue de la normalisation (calibrage, triage, conditionnement;

- Taille: Maîtrise les différentes tailles. Effectue l'ensemble des opérations de taille, greffage et éclaircissage. Maîtrise le réglage de l'outillage courant, et effectue le nettoyage;

- Traitements: sait utiliser et régler les matériels, effectue les dosages et les traitements en tenant compte des impératifs spécifiques de sécurité. Peut apprécier l'état sanitaire des productions;

- Tracteurs matériel et travaux divers: Effectue les plantations, l'installation de matériels, rangements, le stockage, les livraisons, les travaux aux hangar.

Il observe qu'il n'y a pas eu de mutation définitive, relève que le procès-verbal de l'inspection du travail, n'a pas été suivie de poursuites à son encontre, l'ensemble de ces éléments n'étant pas contestés, et soutient que sa décision tient lieu à une réorganisation générale de travail destinée à améliorer la productivité, faisant suite à un audit concluant que les employés travaillant au pré calibrage et à la plate forme étaient trop peu productifs ( pièce 11, 26 16 et 17), et précise que grâce à cette réorganisation, le coût de production par tonne est passé de 6.13 € en 2007 à 3.73 € en 2008, avec moins de salarié occupé par le pré-calibrage.( pièce 11 à 16) .

L'employeur fait aussi observer que M.[V] a travaillé les années précédentes au verger durant plusieurs mois sans le contester.

La cour observe que les bulletins de paie du salarié qui mentionnent tantôt section STATION tantôt section CULTURE et notamment s'agissant de cette dernière mention durant les mois de avril 2005 à mai 2005, avril 2006 à septembre 2006, avril 2007 à août 2007.

La pièce produite par le salarié contenant définition des fonctions d'approvisionneur en emballage, n'exclue pas au regard des dispositions conventionnelles relatives aux tâches confiées à l'ouvrier de coefficient 155 , l'attribution temporaire d'autres tâches à ce dernier, ce qui a été le cas les années précédentes pour M. [V], affecté durant quelques mois par an au verger. Il s'ensuit que ne peut être écartée l'existence d' une certaine polyvalence de l'ouvrier, laquelle au demeurant n'est pas contestée par le salarié à partir du moment où elle est temporaire.

S'il n'est pas contesté qu'à compter de 2010 le salarié a retrouvé son poste en station, il résulte des pièces et déclarations de parties que M. [V] a été affecté à compter de mars 2008, puis d'août 2008 de manière effective, aux vergers, une telle affectation s'analysant dès lors en une modification des conditions de travail de l'intéressé, étant établi que les fonctions de ce dernier étaient jusqu'alors de la manutention, ce que d'ailleurs l'attestation produite par l'employeur confirme , M. [R] décrivant les 'différents travaux réalisés par M. [V] depuis plusieurs années: conduite de passerelle, conduite de fourgon pour le transport du personnel, conduite de tracteur conduite de chariot élévateur, travaux de palissage, pose de filet, installation irrigation,'

Il doit être relevé que les décisions rendues en matière de référé, dans le cadre de la procédure de réintégration du salarié, n'ont pas autorité de chose jugée au principal.

Aucune raison objective étrangère à toute discrimination, et notamment pas le moyen tiré d'une nécessaire réorganisation générale du travail, ne peut être opposée au salarié, dont l'accord à la modification de ses conditions de travail, en sa qualité de représentant du personnel, n'a pas été sollicité.

La cour constate dès lors que le GROUPEMENT D'EMPLOYEURS ALPILLES LUBERON a de manière discriminatoire pris la décision d'affecter le salarié aux vergers et infirme donc le jugement déféré en ce qu'il a rejeté toute discrimination de ce chef.

Sur les sanctions disciplinaires

L'article L1333-1 du code du travail dispose :

' En cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.'

Une mise à pied a été adressée au salarié le 1er septembre 2008, en raison du non respect par ce dernier de ses horaires de travail. L'employeur produit deux attestations de M. [M] et Mme [C] qui tous deux en attestent ( pièces 30 et 32), de sorte que cette sanction disciplinaire est justifiée.

Concernant les autres mesures pour d'autres griefs ( refus d'une consigne, défaut de rendement, tenue devant les clients et l'employeur, accès au local et accompagnement d'une personne étrangère à l'entreprise, comportement autoritaire et menaçant à l'encontre de l'encadrement, propos et menaces, et exercice du droit de retrait à tort,) la cour relève que le salarié a contesté l'avertissement du 20 octobre 2008 par courrier du 28 octobre 2008, l'avertissement du 21 août 2009 par courrier du 26 août 2009, puis l'avertissement du 17 janvier 2013 par courrier du 21 janvier 2013, la lettre de rappel à l'ordre du 24 juin 2013 par courrier du 1er juillet 2013. De son côté l'employeur qui doit fournir les éléments retenus pour prendre la sanction , ne produit aucune pièce établissant la matérialité des faits reprochés dans ces avertissements et rappels à l'ordre et mise en garde, de sorte qu'il sera fait droit à la demande de nullité de ces sanctions.

Sur la demande de rappel de salaire

M. [V] expose qu'il a été placé en arrêt de travail pour maladie du 22 juillet au 17 novembre 2013, qu'un rappel de salaire de 378,04 € nets lui est dû, et qu'il a été contraint de faire appel à un expert comptable rémunéré à ses frais pour avoir la confirmation de ce que son employeur ne lui avait pas complété le salaire conformément aux dispositions conventionnelles.

Au soutien de sa demande, il produit :

- ses bulletins de salaire de juin à novembre 2013 ( pièce 133)

- une attestation de la MSA du 29 novembre 2013 indiquant les sommes versées à l'employeur du 25 juillet 2013 au 17 novembre 2013 ( pièce 134)

- le courrier de CRIA PREVOYANCE en date du 14 mars 2014 indiquant avoir réglé à l'employeur sur son compte 1050,89 euros pour la période du 25 juillet 2013 au 30 août 2013 et 382,11 euros pour la période du 31 août 2013 au 17 novembre 2013 au titre des indemnités journalières pour l'arrêt de travail de M. [V] ( pièce 135)

- un courrier de l'employeur au service juridique du salarié indiquant avoir réglé la somme de 1433 euros au salarié sur les bulletins de janvier et février 2014( pièce 136)

- l'analyse faite par un expert comptable de ces éléments concluant à un solde dû de 378.04 € au salarié.

Contrairement à ce que soutient l'employeur, il n'est donc pas démontré par ce dernier que le salarié a été rempli de ses droits. Il sera fait droit à cette demande.

Le GROUPEMENT D'EMPLOYEURS ALPILLES LUBERON sera condamné à payer ce solde de salaire au salarié avec intérêts légaux et il sera ordonné à l'employeur de délivrer des bulletins de salaire rectifiés sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

Sur l'exécution fautive et déloyale du contrat de travail

Le salarié invoque au soutien de cette demande plusieurs griefs :

- non paiement des heures supplémentaires,

- horaires collectifs très importants

- défaut de prise de repos compensateur

- violation de la convention collective

- sanctions disciplinaires injustifiées.

Au vu de ce qui précède il est établi des manquements de l'employeur dans le non versement d'une prime de manière discriminatoire au salarié , dans la notification au salarié de 4 avertissements injustifiés, de 2 rappels à l'ordre injustifiés et une mise en garde injustifiée, dans une affectation discriminatoire dans les vergers de 2008 à 2010 et dans une absence de paiement intégral des salaires dus. Il convient de sanctionner ces manquements qui ont nécessairement causé un préjudice au salarié par l'allocation de dommages et intérêts de 3200 €.

Sur les autres demandes

Les intérêts sur la somme allouée, créance indemnitaire courent à compter du jour de la fixation judiciaire soit du jugement du 30 avril 2013, quant à la créance de salaire, les intérêts courent à compter de la demande en justice soit la date des conclusions déposées à l'audience du 28 janvier 2016.

Il convient de faire application des dispositions de l'article 1154 du code civil et de dire que les intérêts échus par année entière seront capitalisés.

La cour confirme la décision des premiers juges condamnant l'employeur au paiement d'une somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile , et dit qu'il n'est pas inéquitable de laisser aux parties les frais qu'elles ont pu exposer en cause d'appel de ce chef.

Le GROUPEMENT D'EMPLOYEURS ALPILLES LUBERON supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en matière prud'homale,

Reçoit l'appel régulier en la forme,

Infirme le jugement en date du 30 avril 2013 rendu par le conseil des prud'hommes d'Arles en ce qu'il a fait droit aux demandes en paiement à titre de rappels de salaire formées par M. [O] [V], et a alloué à ce dernier une somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail par l'employeur,

Statuant à nouveau,

Déboute M. [O] [V] de ses demandes de rappels de salaire,

Annule les sanctions disciplinaires suivantes:

- Lettre d'avertissement du 20 octobre 2008

- Lettre de mise en garde du 19 décembre 2008

- Lettre d'avertissement du 21 août 2009

- Lettre d'avertissement du 19 novembre 2009

- Lettre de rappel à l'ordre du 28février 2011

- Lettre d'avertissement du 17 janvier 2013

- Lettre de rappel à l'ordre du 24 juin 2013

Condamne le GROUPEMENT D'EMPLOYEURS ALPILLES LUBERON à payer à M. [O] [V] la somme de 378,04 euros à titre de complément de salaire durant la période d'arrêt de travail, avec intérêts à compter du 28 janvier 2016,

Ordonne au GROUPEMENT D'EMPLOYEURS ALPILLES LUBERON de délivrer au salarié des bulletins de salaire rectifiés de ce chef ,

Condamne le GROUPEMENT D'EMPLOYEURS ALPILLES LUBERON à payer à M. [O] [V] une somme de 3200 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail par l'employeur,

Rappelle que les intérêts sur la somme ainsi allouée courent à compter du 30 avril 2013,

Confirme le jugement pour le surplus,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne le GROUPEMENT D'EMPLOYEURS ALPILLES LUBERON aux dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 13/10361
Date de la décision : 18/03/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°13/10361 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-03-18;13.10361 ?
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