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09/12/2016 | FRANCE | N°15/09093

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre b, 09 décembre 2016, 15/09093


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 09 DECEMBRE 2016



N° 2016/1878













Rôle N° 15/09093





SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE





C/



[S] [G]



SYNDICAT COMMERCE ET SERVICES CFDT DES BOUCHES DU RHONE

Syndicat CGT DES ENTREPRISES DE PROPRETE DES BOUCHES DU RHONE

















Grosse délivrée

le :14 décembre 2016

à :

Me Guillaume ROLAND, avocat au barreau de PARIS

Me Roger VIGNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

14 décembre 2016





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 09 DECEMBRE 2016

N° 2016/1878

Rôle N° 15/09093

SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE

C/

[S] [G]

SYNDICAT COMMERCE ET SERVICES CFDT DES BOUCHES DU RHONE

Syndicat CGT DES ENTREPRISES DE PROPRETE DES BOUCHES DU RHONE

Grosse délivrée

le :14 décembre 2016

à :

Me Guillaume ROLAND, avocat au barreau de PARIS

Me Roger VIGNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

14 décembre 2016

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE - section C - en date du 15 Novembre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 08/3486.

APPELANTE

SAS ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Guillaume ROLAND, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

Madame [S] [G], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Roger VIGNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Jimmy IMPINNA, avocat au barreau de MARSEILLE

PARTIES INTERVENANTES

SYNDICAT COMMERCE ET SERVICES CFDT DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Roger VIGNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Jimmy IMPINNA, avocat au barreau de MARSEILLE

Syndicat CGT DES ENTREPRISES DE PROPRETE DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Roger VIGNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Jimmy IMPINNA, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 14 Octobre 2016 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Marie-Annick VARLAMOFF, Présidente de chambre

Mme Marina ALBERTI, Conseiller

Monsieur Yann CATTIN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Décembre 2016.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Décembre 2016.

Signé par Madame Marie-Annick VARLAMOFF, Présidente de chambre et Mme Agnès BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

Mme [S] [G], salariée de la société Elior services propreté et santé (ci-après ESPS), prestataire de services spécialisés dans le nettoyage, notamment en milieu hospitalier, intervenant sur divers sites dans le cadre de marchés obtenus après appels d'offres, a saisi, avec d'autres salariés, le conseil de prud'hommes de Marseille, le 25 novembre 2008, aux fins de réclamer à l'encontre de son employeur, sur le fondement du principe de l'égalité de traitement, le paiement d'une prime de 13ème mois outre des dommages et intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail.

Par jugement de départage en date du 15 novembre 2012, cette juridiction, après avoir déclaré les demandes recevables sauf celles portant sur les années 2001 à 2003 car prescrites, a condamné la société ESPS, prise en la personne de son représentant légal, à payer, avec exécution provisoire, à Mme [S] [G] les sommes suivantes :

- 10 867,13 euros au titre du 13ème mois, outre les congés payés afférents,

- 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

et a rejeté toutes autres demandes, condamnant l'employeur aux dépens.

L'ESPS a interjeté appel de cette décision le 13 décembre 2012.

Devant la cour, le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône et le syndicat Commerce et Services CFDT des Bouches-du-Rhône interviennent volontairement à la procédure.

Moyens et prétentions des parties

Par conclusions écrites, déposées et oralement développées à l'audience, communes à toutes les affaires inscrites au rôle, la société ESPS demande, infirmant le jugement querellé,

de :

- dire et juger que les éventuelles disparités de salaire constatées sont fondées sur des raisons objectives pertinentes, sous réserve de la production par les salariés de leur contrat de travail et bulletins de salaire,

- débouter Mme [S] [G] de ses demandes, ces disparités résultant de l'article 7 de la Convention collective nationale des entreprises de propreté et des accords collectifs adoptés sur les sites d'intervention et signés par le syndicat CFDT,

- dire et juger que ces éventuelles disparités, d'ailleurs non démontrées, résultent, au titre des avantages acquis, de la dénonciation de la convention collective des entreprises de nettoyage de locaux, d'un usage et de sujétions particulières attachées aux fonctions correspondantes,

- dire et juger, au regard de la neutralité du principe d'égalité, que les salariés ne sont pas fondés à solliciter des rappels de rémunération,

- dire et juger irrecevable la demande d'extension du bénéfice du 13ème mois,

- débouter Mme [S] [G] de sa demande d'indemnité de congés payés afférentes aux primes de treizième mois, d'insalubrité et d'assiduité,

- ordonner le remboursement ou la compensation des sommes versées en première instance et en excédent,

- condamner Mme [S] [G] à lui payer la somme de 500 euros au titre de ses frais irrépétibles,

- constater que les syndicats, intervenants volontaires, signataires de certains des accords cités, se prévalent de leur propre turpitude, en conséquence les débouter de leurs réclamations et les condamner chacun à lui régler une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

- les inégalités de traitement évoquées résultent de la reprise de contrats de travail conclus avec d'autres employeurs dans le cadre de marchés et sont conformes à l'article 7 de la convention collective nationale des entreprises de propreté, étendue par arrêté ministériel du 23 juillet 2012, qui prévoit, en cas de transfert de salarié, le maintien de la rémunération mensuelle brute avec les éléments de salaire à périodicité fixe de manière à garantir le montant global annuel du salaire antérieurement perçu, et ces disparités sont donc fondées sur des raisons objectives pertinentes,

- les inégalités de traitement ne peuvent être alléguées que pour des salariés placés dans une situation identique et les effets des négociations collectives ne peuvent s'étendre au-delà du périmètre de négociation, sauf stipulation pour autrui, qu'il s'agisse d'un accord d'établissement ou de sites, qui pour certains ne font plus partie des contrats de la société,

- le 13ème mois, sous réserve de prescription des demandes, a été attribué à des salariés de catégorie professionnelles différentes,- les rappels de congés payés ne sont pas dus sur certaines primes réclamées,

- Mme [S] [G] ne démontre pas avoir subi un préjudice justifiant l'octroi de dommages et intérêts.

Par écritures écrites, déposées et plaidées à la barre, communes à plusieurs affaires inscrites au rôle, Mme [S] [G], le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône et le syndicat commerce et services CFDT des Bouches-du-Rhône concluent à confirmation du jugement en ce qu'il a alloué une prime de 13ème mois au premier, mais formulant tout à la fois un appel incident et de nouvelles demandes, sollicitent que soit ordonnée, à compter de la décision à intervenir, la mise en place par la société ESPS de différents avantages, à savoir :

- une prime de 13ème mois, telle que déjà allouée aux cadres et agents de maîtrise de l'entreprise par décision unilatérale de l'employeur ainsi qu'à tous les salariés des sites de [Établissement 1], [Établissement 2] et de l'agence de [Localité 1] à la suite d'accords de fin de conflit,

- des majorations de salaire, sous astreinte, découlant des dispositions de l'article 11 de l'accord du [Localité 2] du 28 septembre 2013,

- la prise en charge à hauteur de 100 euros des cotisations d'assurance mutuelle selon l'article 14 de ce même accord de site avec remboursement des cotisations prélevées à compter du 1er janvier 2016.

- une majoration, sous astreinte, pour travail le dimanche de 80 % du taux horaire de base, une récupération de 7 heures base temps plein par jour férié travaillé au jour férié tombant un jour de repos planifié, le paiement de quatre jours payés à 100 % pour enfants malades, avantages bénéficiant déjà aux salariés du site [Établissement 3] à [Localité 3],

- une prime d'insalubrité, sous astreinte, équivalente à celle perçue par les salariés des sites de [Établissement 4] ou, à titre subsidiaire, équivalente à celle perçue par les salariés du site de [Établissement 1] (selon accords de fin de conflit et bulletins de salaires produits aux débats)

- une indemnité de transport telle que déjà allouée aux salariés du site de [Établissement 4] à [Localité 3],

- une prime d'assiduité égale pour tous les salariés du site de [Établissement 5],

- une prime d'assiduité équivalente à celle perçue par les salariés du site de [Établissement 5], pour ceux travaillant sur les sites de [Établissement 1], [Établissement 3], [Établissement 6] et [Établissement 4] en fonction de la durée du marché ou, à titre subsidiaire, une prime d'assiduité de 200 euros par an telle que mise en place au profit de certains salariés.

Mme [S] [G] demande, en outre, la condamnation de son employeur à lui verser les sommes suivantes, avec intérêts de droit et anatocisme :

- 5 323,62 euros au titre de la prime de 13ème mois outre congés payés afférents,

- 3 281,30 euros au titre de la majoration à 80 % des dimanches travaillés outre congés payés afférents,

- 1 092,48 euros au titre de la prime d'insalubrité outre congés payés afférents ou, subsidiairement, 50 % de cette somme,

- 1 293,72 euros au titre du complément de prime de transport en net de charges,

- 3 109,99 euros au titre du rappel de prime d'assiduité outre congés payés afférents,

- 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral et financier subi du fait de l'inégalité de traitement mise en oeuvre par l'entreprise,

- 500 euros au titre de ses frais irrépétibles.

Le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône et le syndicat Commerce et Services CFDT des Bouches-du-Rhône demandent à la cour de déclarer leur intervention volontaire recevable et de condamner la société ESPS à leur verser chacun, par salarié, la somme de 100 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant de l'atteinte collective aux intérêts des salariés outre celle de 50 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les intimés exposent avoir constaté l'existence d'un certain nombre d'inégalités de traitement selon les sites sur lesquels intervient la société ESPS et entre catégories professionnelles, et ce, sans que cette dernière n'en justifie par des éléments objectifs. Ils ajoutent que l'entreprise entrante, dans le cas d'une reprise de marché, ne peut plus exciper des avantages acquis précédemment par les salariés dont elle assure la continuité des contrats pour refuser d'étendre ceux-ci à ses propres salariés, sauf à rapporter la preuve de l'existence de raisons objectives permettant le maintien de ces différences. Ils demandent donc l'extension de ces avantages, tels que répertoriés, à tous les salariés de l'entreprise.

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il sera référé à leurs écritures oralement soutenues à l'audience, le conseil de la société ESPS ayant développé par ailleurs un nouveau moyen tiré l'application au litige de l'article L. 1224-3-2 du code du travail issu de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes de Mme [S] [G]

Mme [S] [G] justifie par la production d'un avenant à son contrat de travail et de quelques bulletins de salaire avoir été salariée de la société ESPS, en qualité d'agent qualifié de service, sur le site de [Établissement 5], entre le 25 février 2000 et le 31 décembre 2008.

Sur la prime de 13ème mois

Mme [S] [G] sollicite un rappel au titre d'une prime de 13ème mois, égale à 100 % du salaire, sur les années 2005 à 2008, en se fondant notamment sur le fait qu'une telle prime bénéficie aux salariés d'autres sites exploités ou qui étaient exploités par la société ESPS, et aux salariés du centre hospitalier [Établissement 7] à [Localité 1], à la suite d'un protocole de fin de conflit en date du 20 décembre 2000, complété le 21 novembre 2001, qui a porté cette prime à 100 % du salaire sur plusieurs années, pièces versées aux débats.

Cependant, les quelques bulletins de salaire versés aux débats ne permettent pas de retracer la carrière de Mme [S] [G] durant ces quatre années et ce, d'autant plus qu'ils font état de nombreuses absences.

En conséquence, à supposer la demande de celle-ci fondée en son principe, le jugement sera néanmoins infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de Mme [S] [G] à ce titre, celle-ci ne justifiant pas avoir régulièrement travaillé durant les quatre années concernées et pouvoir prétendre en conséquence, au versement d'une prime de treizième mois.

Sur l'extension d'avantages accordés par l'accord du site de [Localité 2]

Mme [S] [G] sollicite l'application à son profit des dispositions de l'article 11 de l'accord du site ST Microelectronics, signé le 28 septembre 2013, entre la société ESPS et les organisations syndicales, relatif à une majoration du travail de nuit et du travail du dimanche, sans pour autant préciser le montant réclamé à ce titre.

Si la salariée verse aux débats l'accord de site dont elle se prévaut qui ne concerne d'ailleurs pas un établissement de santé mais un site industriel, elle ne produit aucun bulletin de salaire relatif à des salariés de ce site dont on ignore de quelle catégorie ils relèveraient, quelles seraient leurs fonctions et s'ils bénéficient à ce jour de la mise en application de cet accord, ne justifiant pas d'éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération avec les salariés de ce site.

En conséquence, elle sera déboutée de l'ensemble des demandes formées au titre de cet accord.

Sur l'extension d'avantages accordés aux salariés de [Établissement 3]

Au titre de ces avantages, Mme [S] [G], affectée sur le site de [Établissement 5], sollicite le versement d'une somme de 3 281,30 euros correspondant à une majoration de 80 % du taux horaire de base pour les dimanches travaillés alors qu'elle ne bénéficie que de la majoration prévue par la convention collective à hauteur de 20 %.

Elle se prévaut de la situation des salariés du site de [Établissement 3] qui ont bénéficié, par reprise de leur contrat de travail en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, de cette majoration de 80 % du taux horaire, ainsi que cela résulte de leurs contrats de travail et des avenants.

La société ESPS objecte que ces avantages qui résultent de la reprise des contrats de travail des salariés avec leurs avantages acquis préalablement à la reprise du marché, sur le site de [Établissement 3], n'ont pas vocation à s'appliquer aux salariés non concernés par cette reprise des contrats.

Les annexes aux avenants aux contrats de travail des salariés bénéficiaires de cette majoration sont intitulés :

'Annexe à l'avenant de contrat de travail de Madame... transférée de l'AGOH [Établissement 3] vers Hôpital-Service dans le cadre de l'externalisation des activités de bio nettoyage et services hôteliers au 1er mai 2006'

et sont rédigés dans les termes suivants :

'Les éléments figurant dans le contrat et son annexe sont la reprise des avantages individuels acquis au jour du transfert au sein de l'AGOH [Établissement 3]...

1- Dimanche : la majoration pour le travail du dimanche est de 80 % du taux horaire de base.

2- Jours enfants malades : 4 jours à 100 %.

3- Les jours fériés travaillés ou les jours fériés tombant sur un jour de repos planifié ouvrent droit à une récupération de 7 heures base temps plein...'.

Il résulte de ces annexes que les salariés dont les contrats de travail ont été repris étaient employés de l'association de gestion de l'oeuvre hospitalière (AGOH) [Établissement 3] dont il n'est pas contesté qu'elle ne relève pas de la convention collective des entreprises de nettoyage. La reprise desdits contrats de travail n'est donc pas fondée sur les dispositions de la convention collective nationale des entreprises de propreté, mais de l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail.

En l'état des pièces produites (les annexes aux avenants des contrats de travail et des bulletins de salaire) et des explications fournies aux débats, il est suffisamment établi que plusieurs salariés, appartenant à la même catégorie professionnelle, bénéficient ou ont bénéficié d'une majoration de 80 % de leur rémunération les dimanches travaillés et de la majoration des jours enfants malades, situation qui résulte d'avantages acquis, sans que la société ESPS ne justifie ni même ne soutienne qu'elle serait destinée à compenser un avantage spécifique. Il en découle une inégalité de traitement entre salariés qui occupent un emploi de même catégorie professionnelle, de valeur égale, dans des conditions équivalentes, sans que la société ESPS justifie d'éléments objectifs et pertinents qui légitimeraient cette différence de traitement.

Il sera donc fait droit à la demande de Mme [S] [G] en considération du nombre de dimanches travaillés dont le nombre n'est pas contesté. Ainsi, la société ESPS sera condamnée à lui verser la somme de 3 281,30 euros outre celle de 328,13 euros au titre des congés payés afférents de ce chef.

Sur la prime d'insalubrité

Mme [S] [G] sollicite, à titre principal, un rappel au titre d'une prime dite 'prime d'insalubrité', en fait 'prime de salissure', correspondant à la somme de 0,305 euros de l'heure travaillée, prime dont elle indique qu'elle bénéficie à titre d'avantage acquis aux salariés travaillant pour la société ESPS sur le site de l'hôpital [Établissement 4] à [Localité 3].

Il n'est pas contesté que, sur le site de l'hôpital [Établissement 4], cette prime relève d'un avantage acquis qui existe au moins depuis 2004, date de reprise des contrats des salariés par la société ESPS, et bénéficie aux employés affectés sur ce site en raison de l'avantage dont ils bénéficiaient préalablement à la reprise du marché.

Aux termes de l'article L. 1224-3-2 du code du travail, créé par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 'lorsque les contrats de travail sont, en application d'un accord de branche étendu, poursuivis entre deux entreprises prestataires se succédant sur un même site, les salariés employés sur d'autres sites de l'entreprise nouvellement prestataire et auprès de laquelle les contrats de travail sont poursuivis ne peuvent invoquer utilement les différences de rémunération résultant d'avantages obtenus avant cette poursuite avec les salariés dont les contrats de travail ont été poursuivis'.

En application de ce texte, les salariés de la société ESPS travaillant sur les sites autres que celui de l'hôpital [Établissement 4] ne peuvent prétendre au bénéfice de cet avantage obtenu par les salariés de ce site dont les contrats de travail ont été poursuivis.

Mme [S] [G], qui était affectée sur le site de [Établissement 5] sera, en conséquence, déboutée de sa demande au principal.

Elle sollicite, à titre subsidiaire, le versement d'une même prime mais d'un montant moindre, résultant de l'application d'accords de fin de conflit, en date du 11 avril 2001 pour le site de [Établissement 1], et du 18 mai 2001 pour les cliniques Résidence [Établissement 8], [Établissement 6] et la maison de retraite [Établissement 9], qui ont prévus l'attribution d'une prime de salissure d'un franc [0,153 euro] par heure travaillée.

Il ressort de ses bulletins de salaire que Mme [S] [G] a déjà perçu ladite prime pendant la durée de son emploi. En conséquence, sa demande de ce chef sera rejetée.

Sur la prime de transport

Mme [S] [G] fait valoir que les salariés de la société ESPS affectés sur le site de l'hôpital [Établissement 4] à [Localité 3] perçoivent un complément d'indemnité de transport de 28,05 euros mensuels, en plus de ce que prévoit la convention collective nationale des entreprises de propreté, dont ils bénéficient au titre du maintien de primes acquises antérieurement et produit en ce sens huit contrats de travail justifiant de la reprise de salariés avec maintien des avantages acquis dont ladite prime, outre plusieurs bulletins de salaire concernant Mmes [C], [W] et [E].

La société ESPS réplique que Mme [S] [G] ne justifie pas des conditions exigées par la convention collective (justificatif de titre de transport collectif, justificatif de défaut d'existence de transport collectif pour se rendre sur le site) et se compare à des salariés bénéficiant d'avantages acquis.

Il convient de constater que les contrats de travail produits correspondent effectivement à la reprise de contrats dans le cadre d'une reprise de marché avec maintien des avantages acquis en vertu de la convention collective des entreprises de nettoyage et que les bulletins de salaire des trois employées susvisées sont insuffisant à déterminer que celles-ci bénéficieraient de ces primes à un autre titre, de sorte qu'en application de l'article L. 1224-3-2 du code du travail dont il a été vu supra qu'il prohibe l'extension d'avantages obtenus par reprise du contrat à des salariés d'autres sites, Mme [S] [G] sera déboutée de sa demande de ce chef.

Sur la prime d'assiduité

Mme [S] [G] sollicite à titre principal un rappel au titre d'une prime d'assiduité de 914,70 euros par an, se fondant sur les bulletins de salaire de Mmes [I] [U] et [K] [S], employées, comme elle, sur le site de [Établissement 5] à [Localité 4], dont elle soutient qu'elles perçoivent une telle prime depuis au moins l'année 2004, versée à hauteur de 50 %, en juin et en septembre de chaque année, au titre d'avantages acquis, et ce sans qu'il y ait lieu à réduction pour fait d'absence.

           Il est justifié par la production aux débats des bulletins de salaire de Mmes [I] [U] et [K] [S] que celles-ci, toujours employées au sein de l'établissement en 2015, en qualité d'agent qualifié de service, ont perçu chaque année et ce, même lorsqu'elle était absente en ce qui concerne la première, une prime d'assiduité d'un montant de 914,70 euros, versée en deux fois, à raison de 50 % en juin et 50 % , dont il n'est pas contesté qu'elle relève d'un avantage acquis qui existe au moins depuis 2003, après reprise des contrats des salariés par la société ESPS par application des dispositions de l'accord du 29 mars 1990 annexé à la convention collective nationale des entreprises de propreté, et bénéficie à ces deux employées exerçant sur en raison de l'avantage dont ils bénéficiaient préalablement à la reprise du marché.

           Le maintien des contrats de travail des salariés par la société Hôpital service, sur le site

de la clinique [Établissement 5], ne résulte pas de l'application de la loi et n'est pas destiné à compenser un préjudice spécifique à la catégorie de ces travailleurs. Mme [S] [G], agent qualifié de service, accomplit le même travail que les salariés bénéficiant de la prime d'assiduité d'un montant de 914,70 euros par an, pour le même employeur et sur le même chantier, ce dont elle justifie par la production aux débats de son contrat de travail et plusieurs de ses bulletins de salaire. L'inégalité qui en résulte n'est aucunement justifiée par des raisons pertinentes et méconnaît en conséquence le principe d'égalité de traitement entre salariés. Mme [S] [G] est fondée à solliciter l'attribution d'une telle prime et il convient la somme de lui allouer la somme de 3 109,99 euros à ce titre telle que sollicitée, sans qu'il y ait lieu de l'augmenter des congés afférents, cette prime, bien que versée en deux fractions, étant annuelle et intégrant d'ores et déjà ceux-ci.

Sur les demandes tendant à l'application de certaines mesures à compter du présent arrêt

La cour ne peut statuer pour l'avenir et ordonner par avance, au profit de Mme [S] [G] qui d'ailleurs ne justifie pas être toujours salariée au sein de l'entreprise, le versement de primes ou l'application de certaines mesures.

Sur les intérêts

Les intérêts au taux légal avec capitalisation, en application de l'article 1154 du code civil, sont dus sur la seule créance au titre du treizième mois, à hauteur du montant sollicité devant le conseil de prud'hommes, à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, et pour le surplus et les autres créances salariales, à compter de la date de la première audience à laquelle ils ont été réclamés.

Sur l'exécution fautive du contrat de travail

Si la société ESPS a fait une interprétation restrictive des textes en matière de rémunération et de primes attribuées à ses salariés en raison de l'incertitude jurisprudentielle existante, Mme [S] [G] n'établit pas que le non-paiement par la société ESPS de certaines des primes réclamées a pu résulter d'une volonté délibérée de celle-ci de la priver de ses droits.

Elle sera déboutée de sa demande à ce titre.

Sur l'intervention du syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône et du syndicat Commerce et Services CFDT des Bouches-du-Rhône

La société ESPS fait valoir que l'intervention volontaire de ces deux syndicats est irrecevable car les mesures critiquées ne portent pas atteinte à l'intérêt collectif de la profession, le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône étant d'ailleurs signataire de la convention collective applicable et des accords signés sur les différents sites de la société et ne pouvant, en conséquence, se prévaloir de sa propre turpitude.

Le non-respect par l'employeur des droits individuels des salariés, comme en l'espèce le principe de l'égalité de traitement, constitue une atteinte à l'intérêt collectif de la profession que représentent les syndicats qui leur permet d'agir en justice par application de l'article L. 2132-3 du code du travail.

Par ailleurs, si le rôle des syndicats est de participer à la négociation collective, ceux-ci conservent la possibilité de faire sanctionner la méconnaissance par l'employeur de certaines règles et notamment celles tenant au champ d'application des accords collectifs.

En conséquence, ces deux interventions volontaires seront déclarées recevables et il leur sera alloué à chacun la somme de 10 euros en réparation des atteintes portées par la société ESPS à l'intérêt collectif de la profession.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'équité commande d'allouer à Mme [S] [G] la somme de 350 euros au titre de ses frais irrépétibles et celle de 10 euros au même titre à chacun des syndicats intervenants.

La société ESPS qui succombe supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a alloué à Mme [S] [G] la somme de 10 867,13 euros au titre du rappel de la prime de 13ème mois et une somme au titre des congés payés afférents à cette prime,

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Condamne la société ESPS à verser à Mme [S] [G] les sommes suivantes :

- 3 281,30 euros au titre d'un rappel de majoration de salaire des dimanches travaillés outre celle de 328,13 euros au titre des congés payés afférents,

- 3 109,99 euros au titre d'un rappel de prime d'assiduité,

- 350 euros au titre de ses frais irrépétibles,

Dit que les intérêts au taux légal avec capitalisation, en application de l'article 1154 du code civil, sont dus sur la seule créance au titre du treizième mois, à hauteur du montant sollicité devant le conseil de prud'hommes, à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, et pour le surplus et les autres créances salariales, à compter de la date de la première audience à laquelle ils ont été réclamés,

Déboute Mme [S] [G] de ses demandes formées au titre :

- d'un rappel de prime de 13ème mois,

- d'un rappel de prime d'insalubrité,

- d'un rappel de prime de transport,

- d'une somme au titre des congés payés afférents à la prime d'assiduité,

- de l'extension à son profit d'avantages résultant de l'accord relatif au site de [Localité 2],

- de l'exécution fautive et déloyale du contrat de travail,

La déboute encore de ses demandes formées tendant à l'application de certaines mesures à compter du présent arrêt,

Reçoit le syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône et le syndicat Commerce et Services CFDT des Bouches-du-Rhône en leur intervention volontaire,

Condamne la société ESPS à leur verser chacun la somme de 10 euros à titre de dommages et intérêts outre celle de 10 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société ESPS de ses demandes formées à l'encontre de ces deux syndicats,

La condamne aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre b
Numéro d'arrêt : 15/09093
Date de la décision : 09/12/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence B8, arrêt n°15/09093 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-12-09;15.09093 ?
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