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15/09/2017 | FRANCE | N°15/09868

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre, 15 septembre 2017, 15/09868


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 15 SEPTEMBRE 2017



N° 2017/407













Rôle N° 15/09868





[O] [S]





C/



SAS RESIDENCE HERMES

























Grosse délivrée

le :

à :



Me Pierre MONTORO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN



Me Timothée HENRY, avocat au barreau de GRASSE




r>Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS en date du 24 Avril 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/00184.







APPELANTE



Madame [O] [S], demeurant [Adresse 1]



représentée par...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 15 SEPTEMBRE 2017

N° 2017/407

Rôle N° 15/09868

[O] [S]

C/

SAS RESIDENCE HERMES

Grosse délivrée

le :

à :

Me Pierre MONTORO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Me Timothée HENRY, avocat au barreau de GRASSE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS en date du 24 Avril 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/00184.

APPELANTE

Madame [O] [S], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Pierre MONTORO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, vestiaire : 73 substitué par Me Eric DE TRICAUD, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, vestiaire : 73

INTIMEE

SAS RESIDENCE HERMES, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Timothée HENRY, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 22 Juin 2017 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Chantal BARON, Présidente de chambre

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller

Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2017.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2017.

Signé par Madame Chantal BARON, Présidente de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame [O] [S] a été employée par la Sas [Adresse 3], résidence de retraite médicalisée située à [Localité 1], en tant qu'agent de service hôtelier à temps partiel de 136,50 heures mensuelles, à durée déterminée du 13 avril 2011 au 31 mai 2011 et du 1er juin 2011 au 30 juin 2011, puis à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2011.

Les parties ont signé, le 1er octobre 2011, un avenant 'au contrat de travail de Mme [S] du 13 avril 2011" portant la durée mensuelle à 151,67 heures 'pour surcroît de travail' du 1er octobre 2011 au 31 octobre 2011, puis, le 1er novembre 2011, un avenant 'au contrat de travail de Mme [S] du 13 avril 2011" maintenant la durée mensuelle à 151,67 heures 'pour surcroît de travail' du 1er novembre 2011 au 30 novembre 2011, et, le 1er novembre 2011, un avenant 'au contrat de travail de Mme [S] du 13 avril 2011" ramenant la durée mensuelle à 136,50 heures à compter du 1er décembre 2011.

La convention collective applicable est celle des établissements privés accueillant des personnes âgées.

Immédiatement après un arrêt de travail en rapport avec un accident du travail survenu le 7 janvier 2012, la salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie non-professionnelle à compter du 15 mars 2012.

Le 11 mai 2012, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Fréjus afin notamment d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, puis elle a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de celui-ci par lettre du 23 octobre 2012.

Aux termes d'un jugement rendu le 24 avril 2015, le conseil de prud'hommes de Fréjus a débouté la salariée de toutes ses demandes et l'a condamnée à payer à l'employeur, en raison d'une qualification de la prise d'acte en démission, au paiement de la somme de 1260,71 euros au titre de l'indemnité de préavis, a débouté l'employeur de sa demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné la salariée aux dépens.

Le 2 juin 2015, dans le délai légal, la salariée a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Aux termes de conclusions écrites déposées le jour de l'audience, visées par le greffe, développées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, Madame [O] [S] sollicite de la cour qu'elle réforme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, qu'elle requalifie le contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du mois d'octobre 2011, qu'elle dise la rupture de celui-ci imputable à l'employeur, qu'elle dise que la prise d'acte de la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et qu'elle condamne l'employeur à lui payer les sommes de :

- 341,93 euros à titre de rappel de salaire correspondant à des heures travaillées non rémunérées : juillet 2011: 9 heures au titre du jour férié travaillé le jeudi 14 juillet, 1h40 au titre des heures complémentaires (13h40 - 12h), 6h20 au titre des heures supplémentaires (174h30 travaillées - 157h30 payées - 9 h jour férié - 1h40 ); octobre 2011: 15h20 supplémentaires,

- 34,19 euros au titre des congés payés subséquents,

- 315,96 euros à titre d'un rappel de salaire consécutif à la requalification, soit une différence mensuelle de 15,17 heures ( 151,67 h - 136,50 h) en décembre 2011 ( 15h17 x 9,07 € ), janvier 2012 (15h17 x 9,07 € - 55,32 € payés à titre d'heures complémentaires) et février 2012 (15h17 x 9,07 € - 41,49 € payés à titre d'heures complémentaires),

- 31,60 euros au titre des congés payés subséquents,

- 8517,30 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 1330 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (1 mois),

- 133 euros au titre des congés payés sur préavis,

- 436,74 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ( salaire moyen des 3 derniers mois: 1419,55 euros, ancienneté de 1 an, 6 mois et 14 jours),

- 7980 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Elle demande en outre à la cour d'ordonner, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt, la remise des bulletins de salaire et attestation Pôle Emploi rectifiés, ainsi que de condamner l'employeur aux dépens.

Elle soutient:

- qu'alors qu'aucun accord collectif ne l'y autorisait et suivant deux avenants datés des 1er octobre 2011 et 1er novembre 2011, faisant référence à un contrat de travail conclu à durée déterminée à compter du 13 avril 2011 , l'employeur a modifié unilatéralement son horaire de travail en le faisant passer de 136h30 à 151h67 du 1er octobre 2011 au 31 octobre 2011, puis en le ramenant à 136h50 à compter du 1er novembre 2011,

- que la relaqualification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein doit résulter de ce que la durée du travail a atteint la durée légale de 35 heures hebdomadaires,

- que l'intention de dissimuler du travail résulte de l'absence de déclaration des heures supplémentaires sur une longue période,

- que les faits de harcèlement résultent du comportement de la directrice remplaçante de l'établissement ayant entraîné la démission de plusieurs personnes, l'examen du registre du personnel révélant un 'turn over' très important de l'effectif d'environ 45 salariés, de pressions, brimades et changements impromptus de plannings se déduisant d' attestations, des feuilles de plannings afférentes à chaque mois et de certificats médicaux, alors qu'il ne pourrait être accordé aucun crédit aux attestations de l'employeur qui émanent de ses subordonnés et que les auteurs d' autres attestations n'étaient pas présents au quotidien dans la maison de retraite,

- que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur est justifiée en raison:

. du non-paiement d'heures supplémentaires

. de la méconnaissance des stipulations contractuelles et des dispositions légales par suite d'une variation de la durée du travail selon ses propres besoins en l'ayant laissée dans l'incertitude quant à la répartition hebdomadaire de son horaire de travail, en l'ayant empêchée de prévoir son rythme de travail et en l'ayant maintenue en permanence à sa disposition , la privant d'une chance d'exercer un autre emploi,

. du harcèlement moral.

Aux termes de conclusions écrites déposées le jour de l'audience, visées par le greffe, développées et complétées oralement et auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, la Sas [Adresse 3] sollicite de la cour qu'elle confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, qu'elle déboute la salariée de l'intégralité de ses demandes et qu'elle condamne celle-ci au paiement d'une somme de 1260,71 euros au titre d'une indemnité de préavis non exécuté et d'une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'employeur fait valoir:

- qu'aucune heure complémentaire n'est due au regard d'une durée du travail décomptée, comme pour l'ensemble des agents de service hôtelier, sur 4 semaines, soit une durée de 126 heures sur 4 semaines jusqu'en septembre 2011 inclus: 12 heures complémentaires réglées du 20/06/2011 au 17/07/2011 et 9,25 heures payées du 18/07/2011 au 14/08/2011, puis une durée de 140 heures sur 4 semaines à compter d'octobre 2011 suivant deux avenants régularisés par les parties: 1 heure supplémentaire payée du 12/09/2011 au 9/10/2011 puis 4 heures supplémentaires au mois de novembre 2011; que l'exactitude des heures de travail relevées a été confirmée par la salariée qui a signé la feuille d'auto-émargement à la fin de chaque mois,

- que les modifications contestées ayant été acceptées par la salariée qui a signé les deux avenants, aucune requalification ne peut en résulter,

- que l'élément intentionnel au titre du travail dissimulé n'est pas démontré et ne peut se déduire de la seule absence de mention d'heures supplémentaires sur les bulletins de paie,

- que la salariée, qui ne s'est plainte d'un harcèlement moral qu'à compter de sa lettre du 23 octobre 2012, ne démontre pas des agissements précis et datés de harcèlement moral alors que la directrice mise en cause, par ailleurs directrice générale de la [Adresse 3] et présidente de la résidence Les Jardins de Valescure, autre résidence située à [Localité 1], depuis 14 ans, n'a été présente dans l'établissement en même temps que la salariée que 5 jours durant le remplacement, soit du 6 février 2012 au 15 mars 2012, date du premier arrêt de travail pour maladie, et que les attestations versées aux débats par la salariée ne sont pas conformes et ne permettent pas d'apporter la contradiction en ce qu'elles sont rédigées dans des termes vagues et ne datent pas les faits allégués qui sont contestés; que quatre agents de service hôtelier, dont une personne qui ne faisait plus partie des effectifs au moment où elle a attesté, réfutent les accusations portées par la salariée; qu'un médecin généraliste indique ne pas avoir vu la directrice remplaçante se comporter de manière excessive ou humiliante vis à vis de l'ensemble du personnel; qu'une infirmière n'a pas constaté de pression ni de harcèlement; que deux secrétaires et un cuisinier n'ont pas constaté un acte de harcèlement envers la salariée qui s'est alliée avec deux autres agents de service hôtelier pour resserrer leur emprise sur le service tel qu'en témoigne un technicien de maintenance, si bien que toutes les trois ont présenté des arrêts de travail entre mars et avril 2012 et ont introduit des procédure prud'homales qui ont abouti à une radiation de l'instance pour l'une, et à un débouté intégral pour l'autre qui a été condamnée à payer une somme au titre du préavis non-exécuté,

- que la prise d'acte doit produire les effets d'une démission en raison de l'absence de démonstration d'un harcèlement moral,

- que le la preuve du préjudice pour licenciement sans cause réelle et sérieuse n'est pas rapportée en l'absence d'éléments sur une recherche d'emploi ni sur la situation professionnelle actuelle de la salariée.

MOTIFS :

Sur la requalification du contrat de travail:

L'avenant du 1er octobre 2011, signé par les deux parties, qui mentionne un engagement de Madame [O] [S] en qualité d'agent de service hôtelier 'pour une durée déterminée le 13 avril 2011", précise qu'elle est 'affectée à compter du 1er octobre jusqu'au 31 octobre 2011, à un contrat mensuel de 151 heures 67, pour surcroît de travail.'

Le premier des deux avenants signés par les mêmes parties le 1er novembre 2011, mentionne que la salariée a été engagée en cette même qualité 'pour une durée indéterminée le 13 avril 2011" et qu'elle est 'affectée à compter du 1er novembre jusqu'au 30 novembre 2011, à un contrat mensuel de 151 heures 67, pour surcroît de travail.'

Le second prévoit qu' 'à la demande de la salariée', qui a été 'engagée au sein de la société, en qualité d'ASH pour une durée indéterminée à temps partiel le 13/04/2011", la durée du travail a été ramenée à 136,50 heures.

Il résulte de ces avenants, auxquels la salariée a expressément consenti, que les parties ont entendu conclure un contrat de travail à durée indéterminée remontant au 13 avril 2011, à temps partiel à concurrence de 136,50 heures par mois jusqu'au 30 septembre 2011, puis à temps plein de 151,67 heures par mois du 1er octobre 2011 au 30 novembre 2011, ce qui a d'ailleurs donné lieu à l'émission de bulletins de paie sur cette période mentionnant non plus des heures' complémentaires' mais des heures 'supplémentaires', et de nouveau à temps partiel de 136,50 heures mensuelles à compter du 1er décembre 2011.

La salariée sera donc déboutée de sa demande de requalification du contrat de travail en contrat de travail à temps plein à compter d'octobre 2011.

Sur les heures complémentaires impayées:

Dans les limites de la demande, seules peuvent être qualifiées d'heures complémentaires en application des dispositions alors en vigueur des articles L 3123-1 et suivants du code du travail, les heures accomplies au-delà de la durée contractuelle de 136,50 heures en juillet 2011, étant observé que la salariée ne demande pas la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet à cette date.

Alors que l'employeur ne justifie pas pouvoir opposer à la salariée un décompte des heures complémentaires sur une période de référence de quatre semaines en lieu et place du mois civil prévu, il ressort des éléments fournis, dont le bulletin de paie de juillet 2011 et le planning du même mois signé par celle-ci, qu'ont été payées les 136,50 heures contractuelles effectuées, 12 heures complémentaires, accomplies dans le mois, 9 heures au titre de 'jours fériés', une indemnité 'dimanches jours fériés', et qu'ont été déduites 6 heures pour 'absence exceptionnelle'.

En application de l'article 56.3 bis de l'avenant du 10 décembre 2002 à la convention collective des établissements privés accueillant des personnes âgées, si le jour férié est travaillé par le salarié, celui-ci doit bénéficier soit d'un temps de repos correspondant au nombre d'heures travaillées, soit de l'indemnité correspondante au nombre d'heures travaillées, les indemnités pour travail les dimanches et les jours fériés devant se cumuler lorsqu'un dimanche férié est travaillé.

Il résulte du planning et du bulletin de salaire de juillet 2011 précités, que la salariée, qui ne conteste pas le règlement intégral du salaire mentionné sur ce bulletin, a bien perçu la rémunération prévue par les dispositions conventionnelles pour quatre dimanches et un jour férié, le jeudi 14 juillet, travaillés.

Au vu de ces mêmes éléments et considérant l'absence de demande de requalification du contrat de travail à compter de juillet 2011 outre les dispositions conventionnelles sur le paiement des heures complémentaires, ce sont 28,8 heures complémentaires qui ont été effectuées durant ce mois de juillet 2011, dont 21 heures payées au taux non-majoré, de sorte qu'il y a lieu d'allouer à la salariée la part de salaire majoré de 25 % non-perçue à concurrence de 7,35 heures, soit 16,55 euros bruts (7,35 heures x 2,252 euros bruts), outre le reliquat de 7,8 heures d'heures complémentaires impayé, soit 87,82 euros bruts ( 7,8 heures x 11,259 euros bruts).

La salariée, qui commet différentes erreurs dans ses calculs et qui y intègre en définitive les 9 heures accomplies le 14 juillet 2011, réclame au total la somme de 169,10 euros au titre du travail effectué au-delà de la durée contractuelle, alors qu'elle a droit, au vu des calculs précités, à un reliquat de 104,37 euros bruts, somme que l'employeur sera condamné à lui payer.

En outre, il y a lieu d'allouer à la salariée la somme de 10,44 euros bruts au titre des congés payés subséquents.

Sur les heures supplémentaires impayées:

Au vu des éléments fournis, dont le planning signé par la salariée d'octobre 2011 et le bulletin de paie relatif à ce même mois, et en tenant compte d'une durée mensuelle de 151,67 heures, soit de 35 heures par semaine, ce sont 12,33 heures supplémentaires qui n'ont pas été payées à concurrence, suivant les majorations applicables de 25 % puis de 50 %, d'une somme de 147,83 euros bruts ( 8,33 h x 11,259 € bruts + 4 h x 13,51 € bruts ).

L'employeur sera donc condamné au paiement de cette somme de 147,83 euros bruts outre de celle de 14,78 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Sur l'indemnité pour travail dissimulé:

Il est établi que la salariée a réalisé durant deux mois des heures de travail au-delà des seuils déterminés par le contrat de travail qui n'ont pas été entièrement mentionnées sur ses bulletins de paie et qui ne lui ont pas été intégralement rémunérées, alors que l'employeur avait conscience et connaissance des dépassements d'horaires au moyen des plannings signés par la salariée correspondant à ces deux mois, qu'il n'a jamais contestés et dont il se prévaut par ailleurs.

La salariée est donc fondée à obtenir une indemnité pour travail dissimulé d'un montant de 7564,26 euros en application des dispositions alors en vigueur des articles L 8221-5 et L 8223-1 du code du travail.

Sur le harcèlement moral:

En application des dispositions de l'article L 1152-1 du code de travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article susvisé; dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Les certificats d'arrêt de travail pour maladie non professionnelle mentionnent, à compter du 15 mars 2012, un 'stress relatif au travail' puis 'un stress dépressif'; une prescription d'anxiolytiques a été établie à cette même date; dans un courrier, un médecin du travail indique à un confrère, le 12 juin 2012, que l'état psychologique de la salariée, suivie par un psychiatre, est trop fragile pour envisager la reprise de son activité professionnelle, constat réitéré par un psychiatre dans un certificat médical du 27 septembre 2012.

La matérialité de faits invoqués comme faisant présumer l'existence d'un harcèlement moral, soit des agissements répétés de la directrice remplaçante ayant exercé des pressions et brimades sur la salariée, ne ressort, regardés ensemble, ni de l'attestation d'une ancienne employée évoquant de manière imprécise, s'agissant du comportement imputé à cette directrice qui aurait menacé, 'à plusieurs reprises', ses 'collègues', de sanctions disciplinaires et d'un licenciement, à défaut d'un départ volontaire, ni de l'attestation d'une autre ancienne employée qui indique, sans précision de date, que cette même directrice a fait refaire une chambre, qualifiée de 'pourrie', à la salariée, ni d'une troisième employée qui déclare avoir démissionné le 15 mars 2012 en raison, sans dater des faits précis, de 'très grosses tensions' et de reproches imputés à la directrice remplaçante, laquelle les avertissaient sans motif, sans plus d'éléments, ne les laissait pas se justifier, les menaçait de les pousser à bout.

Au vu des plannings fournis par la salariée et du registre du personnel, des changements de plannings peu importants en nombre et enserrés pour l'essentiel dans une même journée, et un 'turn over' important du personnel, notoirement fréquent dans ce type d'établissement, ne permettent pas en soi, considérés dans leur ensemble, de présumer l'existence d'un harcèlement moral, alors qu'un contexte professionnel marqué par une relation de confiance et une approche humaine de la part de la direction, intégrant la directrice remplaçante, notamment à l'égard de la salariée, résultent des attestations de plusieurs employés, notamment de quatre agents de service hôtelier, d'un psychologue, d'un médecin généraliste coordonnateur, d'une infirmière et d'une secrétaire, éléments de preuve présentant des garanties de forme et de fond suffisantes pour être prises en compte.

La salariée sera donc déboutée de toute demande au titre d'un harcèlement moral.

Sur la rupture du contrat de travail:

En l'absence de harcèlement moral et compte tenu du consentement express de la salariée aux changements invoqués de la durée du travail, des modifications peu nombreuses de plannings, limitées pour l'essentiel aux horaires prévus pour la journée concernée, et remontant à l'année 2011, comme le non-paiement d'heures complémentaires puis d'heures supplémentaires en quantité limitée, sur deux mois seulement et remontant à près d'un an pour la période la plus proche, ne suffisent pas, regardés ensemble, à caractériser des manquements de l'employeur à ses obligations découlant du contrat de travail suffisamment graves pour en empêcher la poursuite.

Il y aura donc lieu de dire que la prise d'acte par la salariée de la rupture de son contrat de travail par lettre du 23 octobre 2012 s'analyse en une démission, et de la débouter en conséquence de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de licenciement, d'indemnité de préavis et de congés payés sur préavis.

Sur la remise des documents:

Compte tenu des développements qui précèdent, la demande de remise de documents sous astreinte est fondée et il y est fait droit comme indiqué au dispositif.

Sur la demande reconventionnelle:

Dès lors que la prise d'acte de la rupture par la salariée s'analyse en une démission, il y a lieu de condamner celle-ci à payer à l'employeur la somme de 1260,71 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis dès lors que la salariée n'a pas été dispensée de l'exécuter et ne justifie pas d'une situation qui lui aurait permis de ne pas l'accomplir.

Sur les frais irrépétibles:

En considération de l'équité, l'employeur sera condamné à payer à la salariée la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens:

L'employeur, qui succombe en partie, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS:

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière prud'homale et par mise à disposition au greffe:

Réforme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension et y ajoutant:

Déboute Madame [O] [S] de sa demande de requalification du contrat de travail à compter du mois d'octobre 2011.

Condamne la Sas [Adresse 3] à payer à Madame [O] [S] les sommes de :

- 104,37 euros bruts à titre de rappel de salaire correspondant à des heures complémentaires,

- 10,44 euros bruts au titre des congés payés subséquents,

- 147,83 euros bruts à titre de rappel de salaire correspondant à des heures supplémentaires,

- 14,78 euros bruts au titre des congés payés subséquents,

- 7564,26 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé.

Condamne la Sas [Adresse 3] à remettre à Madame [O] [S] des bulletins de salaire et une attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 30 euros par jour de retard passé ce délai, ce, pendant soixante jours.

Dit que la prise d'acte de la rupture par Madame [O] [S] par lettre du 23 octobre 2012 s'analyse en une démission.

Condamne en conséquence Madame [O] [S] à payer à la Sas [Adresse 3] la somme de 1260,71 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

Condamne la Sas [Adresse 3] à payer à Madame [O] [S] la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties de leurs autres demandes.

Condamne la Sas [Adresse 3] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre
Numéro d'arrêt : 15/09868
Date de la décision : 15/09/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 18, arrêt n°15/09868 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-09-15;15.09868 ?
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