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31/05/2018 | FRANCE | N°13/15887

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 2e chambre, 31 mai 2018, 13/15887


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

2e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 31 MAI 2018



N° 2018/ 258













Rôle N° N° RG 13/15887 - N° Portalis DBVB-V-B65-ZPSJ







SARL CTPHARMA





C/



SARL PHARMACIE DE MOUGINS





















Grosse délivrée

le :

à :





Me X...



Me N...











Décision déf

érée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de CANNES en date du 13 Juin 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 2012F00227.





APPELANTE





SARL CTPHARMA,

dont le siège est [...]



représentée par Me Romain X... de la SELARL SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée et...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

2e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 31 MAI 2018

N° 2018/ 258

Rôle N° N° RG 13/15887 - N° Portalis DBVB-V-B65-ZPSJ

SARL CTPHARMA

C/

SARL PHARMACIE DE MOUGINS

Grosse délivrée

le :

à :

Me X...

Me N...

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de CANNES en date du 13 Juin 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 2012F00227.

APPELANTE

SARL CTPHARMA,

dont le siège est [...]

représentée par Me Romain X... de la SELARL SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée et plaidant par Me Joëlle Y..., avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

SARL PHARMACIE DE MOUGINS

dont le siège est

représentée par Me M... N... de la Z... M..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée et plaidant par Me Christine A..., avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 12 Avril 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, madame B..., présidente a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de:

Madame Marie-Christine B..., Présidente

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Mai 2018

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Mai 2018,

Signé par Madame Marie-Christine B..., Présidente et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile,

Vu le jugement contradictoire du 13 juin 2013 rendu par le tribunal de Commerce de Cannes,

Vu l'appel interjeté le 30 juillet 2013 par la S.A.R.L. CTPHARMA,

Vu l'ordonnance d'incident en date du 3 juin 2014 ayant instauré une mesure d'expertise confiée à l'expert Christian C...,

Vu le dépôt du rapport d'expertise le 17 mars 2016,

Vu les dernières conclusions de la S.A.R.L. CTPHARMA appelante en date du 9 mars 2018,

Vu les dernières conclusions de la S.A.R.L. PHARMACIE DE MOUGINS, intimée, en date du 10 avril 2018,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 12 avril 2018,

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures des parties,

Il sera simplement rappelé que :

Par acte du 19 juillet 2011 monsieur Thierry D... a formulé une offre ferme d'achat de la pharmacie dont était propriétaire la S.A.R.L. PHARMACIE DE MOUGINS représentée par ses co-gérants, madame E... épouse F..., pharmacienne et monsieur F..., pharmacien, pour un prix de 1 330 000 euros, offre acceptée par les co-gérants de la S.A.R.L. PHARMACIE DE MOUGINS.

Le 16 septembre 2011 était signée la promesse de cession et d'achat d'officine de pharmacie, sous conditions suspensives, par acte SSP, au prix de 1 320 000 euros.

Le 18 septembre 2011, était régularisé un avenant de prorogation avec promesse de cession dans la mesure où les conditions suspensives ne s'étaient pas encore réalisées.

Par acte sous seing privé du 16 décembre 2011, la cession d'officine de pharmacie sous conditions suspensives était signée par les parties au prix de 1 320 000 euros.

Il était convenu que la cession reste subordonnée au fait qu'au jour de la prise de possession de l'acquéreur, le chiffre d'affaires TTC des 12 mois précédents représente un montant égal à

1 290 000 euros et qu' au jour de la conclusion des actes définitifs une attestation dudit chiffre d'affaires soit établie par l'expert-comptable.

Par acte authentique du 29 février 2012 la cession au profit de la S.A.R.L. CTPHARMA représentée par son gérant en exercice et associé unique, monsieur Thierry D... était réitérée au prix de 1.320.000 euros.

La prise de possession est intervenue le 1 mars 2012.

Invoquant des irrégularités affectant le chiffre d'affaires, d'autres concernant les salariés et l'exercice de la pharmacie par la SARI, PHARMACIE DE MOUGINS, la société CTPHARMA a sollicité, par requête à Monsieur le Président du Tribunal de commerce de Cannes, l'autorisation de faire pratiquer une saisie conservatoire entre les mains de la CARPA de Nice, auprès de laquelle le prix de cession avait été déposé par Maître G..., rédacteur de l'acte et séquestre, de la somme de 1 320 000 euros.

La saisie a été effectuée sur ordonnance en date du 29 mai 2012. Elle porte actuellement sous réserve des opérations en cours sur la somme de 406.462, 30 euros.

Par acte d'huissier de justice en date du 5 septembre 2012, la société CTPHARMA a fait pratiquer une saisie conservatoire sur le prix du stock dont elle a fait l'acquisition à travers la vente du fonds de commerce de pharmacie cédé par la société PHARMACIE DE MOUGINS, sur le fondement d'une ordonnance rendue sur pied de requête par le président du Tribunal de commerce de Cannes en date du 30 août 2012. La demande de mainlevée de cette saisie a été rejetée par décision du tribunal de commerce de Cannes statuant en référé, du 28 juin 2012.

Le 5 septembre 2012, la société CTPHARMA faisait à nouveau pratiquer une saisie conservatoire sur le prix du stock.

Par acte d'huissier de justice en date du 14 juin 2012, la société CTPHARMA a fait citer à comparaître devant le tribunal de commerce de Cannes la PHARMACIE DE MOUGINS en nullité pour dol de la cession du fonds de commerce de pharmacie intervenue entre elles par acte du 29 février 2012, et la condamnation de la société, solidairement avec ses gérants (sic), au paiement d'une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Suivant jugement contradictoire du 13 juin 2013 dont appel, le tribunal a :

- débouté la S.A.R.L. CTPHARMA de sa demande de nullité de l'acte de cession du fonds de commerce de pharmacie intervenu entre les parties, et de sa demande en paiement de dommages et intérêts,

- ordonné à la société CTPHARMA de restituer à la S.A.R.L. PHARMACIE DE MOUGINS le support informatique constitué de l'unité centrale avec le disque dur,

- condamné la société S.A.R.L. CTPHARMA aux dépens,

- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance de référé du 17 avril 2014 la mainlevée la saisie du prix stock a été ordonnée.

L'expert judiciaire C... désigné par le conseiller de la mise en état le 3 juin 2014 a fait dépôt de son rapport le 17 mars 2016.

En cause d'appel la S.A.R.L. CTPHARMA, appelante demande au visa des articles 1116 et 1382 du code civil, dans ses dernières conclusions en date du 9 mars 2018 de :

- réformer en sa totalité la décision du Tribunal de commerce de CANNES en date du 13 juin 2013,

- 'constater' que le chiffre d'affaires de la S.A.R.L. LA PHARMACIE DE MOUGINS n'a pas été réalisé en totalité par l'officine,

- 'constater' que les charges salariales du salarié, monsieur H..., ont été délibérément minorées,

- 'constater' l'intention dolosive des vendeurs,

en conséquence,

- prononcer la nullité de l'acte de cession entre la S.A.R.L. PHARMACIE DE MOUGINS et la société CTPHARMA.

- rejeter toutes les demandes, fins et conclusions de la PHARMACIE DE MOUGINS,

- condamner solidairement la S.A.R.L. PHARMACIE DE MOUGINS ainsi que ses gérants monsieur et madame F... (sic) au paiement de la somme de 406.462, 30 euros, somme saisie auprès du séquestre, à titre de dommages et intérêts pour préjudice matériel,

- condamner solidairement la S.A.R.L. PHARMACIE DE MOUGINS ainsi que ses gérants monsieur et madame F... (sic) au paiement de la somme de 200.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- condamner solidairement la S.A.R.L. PHARMACIE DE MOUGINS ainsi que ses gérants monsieur et madame F... ( sic) au paiement de la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître Romain X..., membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, Avocats associés, aux offres de droit.

La S.A.R.L. PHARMACIE DE MOUGINS, intimée s'oppose aux prétentions de l'appelante, et demande au visa des articles 1116 et 1382 du code civil, dans ses dernières écritures en date du 10 avril 2018 de :

- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Cannes du 13 juin 2013,

en tout état de cause,

- dire irrecevable toute condamnation de monsieur et madame F..., gérants de la S.A.R.L. PHARMACIE DE MOUGINS en l'absence d'assignation et de fondement juridique,

- constater, au besoin dire et juger que monsieur et madame F... ne sont pas parties à l'instance, et n'étaient pas parties à l'instance ayant donné lieu au jugement attaqué,

- constater, au besoin dire et juger que le dol n'est pas constitué,

- débouter la société CTPHARMA de l'ensemble de ses demandes,

à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le nullité de la cession serait prononcée et les restituions croisées ordonnées,

- dire que l'appelante devra restituer la valeur du bénéfice brut d'exploitation généré dans le cadre des années d'exploitation de l'officine de pharmacie, valeur venant en déduction de la restitution du prix de cession,

- condamner la société CTPHARMA à restituer le support informatique constitué par une unité centrale avec disque dur laissée dans le cadre de la cession du fonds de commerce pour une durée de six mois, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,

- condamner la société CTPHARMA à verser à la société PHARMACIE DE MOUGINS la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise, dépens distraits au profit de Maître N....

*********************

Sur la demande de nullité de l'acte de cession,

Aux termes de l'article 1116 du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans que ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé.

La S.A.R.L. CTPHARMA fait valoir qu'il était stipulé dans l'acte de cession du 16 décembre 2011 : 'le chiffre d'affaires, pour l'exercice du 1er novembre 2008 au 31 décembre 2009 est de 1.383.075 euros HT et le chiffre d'affaires, pour l'exercice du 1er janvier au 31 décembre 2010 est de 1.211.641 euros HT.'

Le vendeur déclarait dans l'acte même que l'intégralité des ventes, était réalisée au sein de l'officine et en page 16 dudit acte étaient mentionnés également les contrats de travail des membres du personnel de l'officine.

Que néanmoins tant sur le montant du chiffre d'affaires que sur les énonciations de sa réalisation et sur les descriptifs des contrats de travail, et sur les horaires d'ouverture de la pharmacie, l'acte sous seing privé n'énonçait nullement la vérité et reprenait au contraire les fausses allégations des vendeurs.

* les horaires d'ouverture

La S.A.R.L. CTPHARMA expose que l'acte mentionne que les horaires d'ouverture 8h30 à 19h 30 ne correspondent pas à la réalité comme il en a été informé par des clients et comme cela résulte du constat d'huissier établi à la demande d'une voisine, le 9 novembre 2010 duquel il ressort l'ouverture de la pharmacie au-delà de 19h 30 jusqu'à 20 heures, voire au-delà, la requérante attestant que l'enseigne lumineuse n'était allumée que lorsque le pharmacien se trouvait dans sa pharmacie, ce qui est corroboré par les documents publicitaires qui mentionnent une fermeture de la pharmacie à 20 heures.

Il précise qu'après analyse de la ventilation du chiffre d'affaires par plages horaires, l'expert a estimé que l'ouverture de la pharmacie au-delà de 19h30 indiquée à l'acte de cession a généré un chiffre d'affaires d'un montant de 26.868 euros sur les 12 derniers mois.

Que les vendeurs ont dissimulé l'amplitude horaire de la pharmacie à l'effet de ne pas donner à l'acquéreur toutes les indications nécessaires quant à la réalisation du chiffre d'affaires au sein de l'officine.

La S.A.R.L. PHARMACIE DE MOUGINS fait valoir qu'entre l'offre ferme d'achat présentée par monsieur Thierry D... une réduction de 10.000 euros a été négociée consécutivement à la connaissance de monsieur D... des horaires d'ouverture de l'officine comme en atteste monsieur Claude I... directeur de la société Auxiliaire Pharmaceutique, et ce d'autant que monsieur D... habitait près de la pharmacie.

Elle précise que le porte-ordonnances comporte des documents anciens de la pharmacie et que les clients entrés peu de temps avant la fermeture de la pharmacie sont forcément servis après 19h30, ce que démontre le faible chiffre d'affaires effectué entre 19h 30 et 20 heures.

Elle soutient que l'illumination de la croix, dont se plaint une voisine, relevée par le constat d'huissier n'établit pas l'ouverture de la pharmacie.

L'acte de cession mentionne que les horaires pratiqués sont du lundi au vendredi de 8h 30 à 19h30 et le samedi de 8h45 à 19h30 étant précisé que l'officine n'assure aucune garde de nuit ni de week-end.

L'expert judiciaire indique que lorsque l'on examine la ventilation du chiffre d'affaires par plage horaire on découvre qu'un montant non négligeable de vente était réalisée après 19h30 : que le chiffre d'affaires était de 26. 868 euros et que si les horaires définis par l'acte de cession avaient été respectés le prix de cession de ce chef aurait été fixé à 1.302.348 euros.

Les constatations de l'expert corroborent l'attestation de la voisine et les documents publicitaires de sorte qu'il est établi que l'amplitude horaire réelle de l'officine a été dissimulée.

* le chiffre d'affaires transmis par la pharmacie des Broussailles,

La S.A.R.L. CTPHARMA indique que la PHARMACIE DE MOUGINS, pendant plus de dix mois, de juin 2011 au 1er mars 2012, a réalisé un certain montant de chiffre d'affaires grâce aux ordonnances qui lui étaient remises par la PHARMACIE DES BROUSSAILLES qui connaissait des problèmes de trésorerie, et portant sur des produits de trithérapie et de médicaments onéreux, des produits exclusifs à la radiologie, ce qui a été reconnu par le gérant de cette dernière et confirmé par le fournisseur de la PHARMACIE DE MOUGINS;

Que les ventes de ces produits dont la délivrance a été effectuée en dégradé, sans la présence du client ont cessé, immédiatement après la cession et elle précise que les vendeurs ont volontairement effacé les historiques de délivrance de ces produits, historique des achats persistant cependant auprès des fournisseurs.

Que la PHARMACIE DE MOUGINS a inclus dans son chiffre d'affaires une partie du chiffre d'affaires réalisé en réalité par la PHARMACIE DES BROUSSAILLES.

La S.A.R.L. CTPHARMA liste nominativement les patients destinataires de ces ordonnances et les produits délivrés stupéfiants, trithérapie...

Elle estime que l'impact financier de ce transfert est de 32.389, 28 euros et non de 9.336, 52 euros fixés par l'expert judiciaire et son sapiteur qui précisent que les ordonnance transmises ne retracent pas de façon exhaustive les relations entre les deux pharmacies.

La S.A.R.L. PHARMACIE DE MOUGINS fait valoir qu'elle n'avait aucune exclusivité sur les produits spécifiques prescrits par l'hôpital, pas plus que la PHARMACIE DES BROUSSAILLES, chaque patient se gardant la liberté de se procurer les médicaments dans la pharmacie de son choix.

Elle indique qu'il n'y avait pas de convention de transfert entre les deux pharmacies ; qu'il s'agissait de ventes intervenues ponctuellement, comme d'autres pharmacies, lorsque cette pharmacie en redressement judiciaire ne pouvait fournir ces patients.

Elle soutient que l'évaluation retenue par le sapiteur de l'expert judiciaire à hauteur de

9.336, 52 euros est inexacte car partie des ventes qu'il liste concerne des clients de la PHARMACIE DE MOUGINS et que les produits spécifiques vendus ne sont pas tous prescrits par l'hôpital des BROUSSAILLES.

Elle liste molécule par molécule les ventes de produits qui sont restées stables et qui sont propres à l'officine et n'émanant pas de l'activité hospitalière.

Il ressort du travail du sapiteur, pharmacien, membre du Conseil de l'ordre des pharmaciens qui a travaillé sur la cassette informatique transmise par monsieur F... avec l'aide du concepteur du logiciel de gestion de l'officine, que le montant des ordonnances issues de la PHARMACIE DES BROUSSAILLES sur les douze derniers mois représentent 9.336, 52 euros.

Les ordonnances dont s'agit étaient transmises par la PHARMACIE DES BROUSSAILLES, hors, pour partie, la présence des patients de sorte que l'intimée n'est pas fondée à invoquer la liberté du choix de la clientèle qui avait justement choisi la PHARMACIE DES BROUSSAILLES.

Même s'il s'agissait pour la PHARMACIE DE MOUGINS d'aider un confrère, cette activité qui générait un chiffre d'affaires supplémentaire, fin 2011 début 2012, juste avant la cession, et qui était, comme souligné par elle, ponctuelle et entraînant donc une baisse prévisible, devait être donnée à la connaissance de l'acquéreur.

* les clients livrés à domicile

La S.A.R.L. CTPHARMA indique qu'elle s'est aperçue que trois importants clients étaient, avant la cession, livrés à domicile[...] une à Vence, passés en dégradé hors la présence des clients alors qu'ils ne disposent d'aucun emploi à proximité de la pharmacie, ce qui lui a occasionné une perte de chiffre d'affaires environ de 70.000 euros par an alors que le vendeur déclarait en page 7 de l'acte : 'Que l'intégralité des ventes est réalisée au sein de l'officine, qu 'il ne délivre pas de spécialités accessoires et produits pharmaceutiques pour des ventes à l'exportation, qu 'il n'effectue pas d'expéditions en France ou à l'Etranger, qu 'il ne pratique pas dans l'officine des spécialités ou préparations spécifiques qui ne pourraient être exploitées par son successeur de manière normale et légale, qu 'il n 'approvisionne pas de maison de retraite, de clinique ni aucune collectivité'.

Elle souligne que le nombre de dossiers exécutés en mode dégradé non sécurisé ne peut susciter que la suspicion quant à la réalité du chiffre d'affaires dont il est mentionné sur l'acte de vente qu'il était réalisé à l'officine.

La PHARMACIE DE MOUGINS indique qu'elle n'a jamais mis en place le moindre système de livraison et que l'expert judiciaire a relevé qu'elles avaient un impact négligeable. Elle précise que monsieur J... était un client habituel de la pharmacie dont le lieu de travail se situait à côté de l'officine ; que madame K... est une cliente habituelle de la pharmacie et dont le lieu de travail et la pharmacie sont proches de l'officine et qu'elle l'a livrée à titre exceptionnel sur son lieu de travail ; que madame L... est la soeur de madame F....

L'expert judiciaire précise que le sapiteur a estimé le montant des livraisons hors communes s'élèvent à 2.565, 59 euros ; qu'un patient travaille à Mougins, qu'un autre est domicilié [...] sur le fichier client et conclut que leur impact est négligeable sur le chiffre d'affaires.

* sur les pratiques commerciales,

La S.A.R.L. CTPHARMA soutient que les pratiques commerciales de l'intimée témoignent qu'elle s'est exonérée des règles habituelles de déontologie de la profession et qu'elle a saisi le Conseil régional de l'ordre des Pharmaciens qui a dressé un procès verbal de carence et a transmis le dossier à la Chambre de discipline de première instance.

Elle indique qu'une ordonnance relative à une quantité importante de stupéfiants en date du 27 février 2012 a disparu et que des produits ont été délivrés en totalité en contradiction avec les prescriptions du code de la santé publique ; les vendeurs ont délivré en quantité importante en une seule fois un produit aux propriétés stupéfiantes avec des ordonnances établies à l'étranger, en Algérie ; qu'ils pratiquaient des ventes d'hypnotiques sans ordonnance ; que les médicaments pour le dysfonctionnement érectile ne figurent pas sur l'ordonnancier ; qu'ils pratiquaient en contravention avec la législation, des chevauchements d'ordonnances en procédant à des facturations ; qu'ils ont, avant la prise de possession de l'officine, procédé à des ventes de grands modèles de médicaments à la différence de la pratique préalable.

Que l'ensemble de ces pratiques avaient pour but d'augmenter le chiffre d'affaires, de percevoir plus rapidement des remboursements plus importants, et de surestimer le montant du chiffre d'affaires pour obtenir un prix de vente supérieur.

La S.A.R.L. PHARMACIE DE MOUGINS expose que le règlement en mode dit dégradé est une modalité de règlement courant dont le seul risque est l'absence de sécurisation du paiement et qu'il est utilisé pour les personnes ne pouvant se déplacer ou celles dont la carte vitale a été provisoirement conservée par un professionnel de santé.

Elle fait valoir que concernant certains médicaments : produits stupéfiants, rivotril, hypnotiques et médicaments contre le dysfonctionnement érectile l'expert judiciaire a conclu que l'impact total sur le chiffre d'affaires TTC des douze derniers mois avant la cession, des ventes non réglementaires, se monte à : 5, 88 euros pour le rivotril, 574, 38 euros pour les hypnotiques et 12.364 euros pour les médicaments de dysfonctionnements érectiles mais qu'elle conteste cet impact car lors de la cession monsieur D... et madame F... ont ensemble contresigné le registre de la comptabilité des stupéfiants contenant par ailleurs l'intégralité des ordonnances et qu'il ressort des données informatiques sauvegardées lors de la prise de possession qu'aucun effacement des données n'est intervenu.

Que concernant le rivotril à propriété stupéfiante, rien ne peut lui être reproché pour la période des douze derniers mois précédent la cession puisque seules 3 boîtes pour un montant de 5,88 euros ont été délivrées, la prescription de rivotril pour six mois étant légale jusqu'en octobre 2010.

Qu'elle a toujours été en règle et les ventes intervenues l'ont toutes été sur prescriptions médicales avec vérifications.

Elle expose que l'expert judiciaire conclut concernant les hypnotiques qu'entre la délivrance en trop et les délivrances sans ordonnances, le montant s'élève à 581, 46 euros sur quatorze mois et que bien que ce montant soit dérisoire elle précise que pour deux patients qui ne sont pas des toxicomanes, le médecin avait prescrit une posologie différente.

Que concernant le total des délivrances anormales de médicaments à dysfonctionnement érectile, l'expert judiciaire conclut qu'il s'élève à 12.364 euros mais qu'elle conteste les quantités de délivrance retenues car les pièces et tableaux communiqués par la société CTPHARMA ne sont pas fiables alors qu' elle a bien produit les factures de rétrocession contrairement à ce qu'indique le sapiteur.

Le sapiteur de l'expert judiciaire évalue à 32.389, 28 euros le montant des médicaments achetés par la PHARMACIE DE MOUGINS du 1er mars 2011 au 29 février 2012 qui ne l'ont plus été par la PHARMACIE CTPHARMA après acquisition ; qu'il s'agit de produits spécifiques à la radiologie et/ou utilisés en milieu hospitalier. Il précise que ce sont des médicaments qui se prennent à vie.

Concernant le rivotril l'expert judiciaire évalue sa délivrance dans des circonstances constituant des fautes professionnelles avérées à la somme de 190, 12 euros pour la période du 6 avril 2010 au 4 mars 2011, à la somme de 190, 12 euros et à 5, 88 euros pour les douze derniers mois avant la cession.

Concernant les hypnotiques il ressort de l'examen du sapiteur que pour les délivrances en trop et sans ordonnance, pour les douze mois avant la cession, les ventes s'élèvent à la somme de 574, 38 euros.

Concernant les médicaments pour dysfonctionnements érectiles les ventes effectuées sans ordonnances se montent à 12.364 euros TTC.

Sur le renouvellement des ordonnances la PHARMACIE DE MOUGINS conteste les montants retenus par l'expert judiciaire qui conclut que le montant total des renouvellements reprochés est de 3.476, 31 euros pour les quatorze derniers moins et de 3.413, 31 euros pour les douze derniers mois et non 4.915 euros retranscrits par erreur par l'expert judiciaire, car elle indique qu'il n'y a pas double facturation mais, soit des ordonnances recyclées (annulées pour non paiement puis retraitées) soit, des délivrances des produits qui correspondent aux prescriptions impliquant parfois plusieurs boîtes de médicaments, et précise que les pharmaciens délivrent à titre exceptionnel, lorsque la situation l'impose des médicaments par anticipation pour que le traitement ne soit pas interrompu par le patient et que cela n'a pas d'impact sur le chiffre d'affaires de la pharmacie car il s'agit de délivrance sans surnuméraire.

Elle précise que lors de la cession il y a eu une mauvaise retranscription des données car le système informatique de monsieur D... est défaillant, ce qui rend les pièces issues de son système non fiables comme cela ressort des ordonnances de madame L... soeur de madame F... qui a eu deux ordonnances distinctes délivrées le même jour et qu'il n'y a pas eu de sur facturations pour les autres patients cités par la S.A.R.L. CTPHARMA comme cela ressort de l'ensemble des historiques et factures concernant la délivrance des médicaments.

Que la société appelante se fait juge de l'activité médicale des médecins prescripteurs.

La S.A.R.L. PHARMACIE DE MOUGINS critique les conclusions de l'expert judiciaire qui a conclut que la facturation systématique de petits modèles au lieu des grands s'élève à la somme de 6.902, 13 euros et que le facturation systématique de grands modèles pour accroître le chiffre d'affaires les 2 mois précédant la cession de l'officine s'élève à 989, 23 euros car le décompte des ventes de petits modèles sont issus de pièces non fiables comme cela ressort du tableau qu'elle a établi et des impressions d'écran des ventes et facturations qui y figurent.

Le sapiteur a relevé certains renouvellements d'ordonnances précipités, et quelques surfacturations d'un montant de 98 euros, une facturation systématique de grands modèles pour accroître le chiffre d'affaires les 2 mois précédant la cession de l'officine à hauteur de 989, 23 euros

Il est en conséquence établi des pratiques anormales qui ont pour effet d'accroître le chiffre d'affaires.

* sur le chiffre d'affaires réalisé avant la vente

Le 18 avril 2012 le cabinet d'expertise comptable attestait que le chiffre d'affaires des douze derniers mois précédant la cession s'élevait à 1.329. 216 euros.

La S.A.R.L. CTPHARMA expose que l'expert judiciaire a déterminé le montant du chiffre d'affaires réalisé avant la vente, en le retraitant des nombreuses pratiques « s'affranchissant de l'exercice normal de la pharmacie '', telles qu'il les décrit préalablement.

Qu'il les récapitule dans un tableau, reprenant deux hypothèses :

- si l'impact était limité aux ordonnances des Broussailles retrouvées : 30.557 euros,

- si 1'impact incluait les produits ayant cessé après l'acquisition : 53.609 euros,

Le chiffre d'affaires réel TTC pour les douze mois précédent la cession s'établit donc :

- Pour l'hypothèse 1 à 1.271.791 euros TTC

- Pour l'hypothèse 2 à 1.248.739 euros TTC

La S.A.R.L. CTPHARMA fait valoir que c'est le chiffre d'affaires qui aurait dû être transmis à l'acquéreur et que dans les deux cas, le chiffre d'affaires est bien loin du montant minimum garanti par le vendeur dans les actes précédant la cession, soit un montant de 1.290.000 euros TTC pour les douze mois précédent la cession.

Que cette condition essentielle pour l'acquéreur était donc loin d'être remplie et les nombreuses pratiques équivoques du vendeur n'étaient destinées qu'à tromper l'acquéreur sur la réalité du chiffre d'affaires réalisé dans l'officine.

La S.A.R.L. PHARMACIE DE MOUGINS fait valoir que le chiffre d'affaires correspondant aux douze derniers mois avant la cession est de 1.329.216 euros, que le chiffre d'affaires devant être atteint au titre des douze derniers mois précédant la cession avait été fixé à 1.290.000 par les parties et que si le chiffre de 30.557 euros devait être retenu, le montant corrigé du chiffre d'affaire serait de 1.298.659 euros toujours supérieur au seuil de 1.290.000 euros

L'expert judiciaire expose que de nombreuses pratiques s'affranchissant de l'exercice normal de la pharmacie ont été employées par les vendeurs qu'il impacte à 30.557 euros ou 53.609 euros selon le montant retenu sur les ordonnances de la PHARMACIE DES BROUSSAILLES de sorte que la réalité du chiffre d'affaires précédant la cession est selon les hypothèses de 1.271.791 euros ou 1.248.739 euros inférieurs au chiffre minimal de 1.290.000 euros convenus entre les parties.

* sur les charges sous-estimées

La S.A.R.L. CTPHARMA explique que les énonciations de l'acte sous seing privé en page 16 concernant le salarié H... étaient erronées car monsieur H... est salarié de l'officine depuis 17 ans pour avoir été embauché en 1995 ; il avait atteint le taux d'ancienneté de 12 % en 2008 ; que lors du rachat de la Pharmacie par monsieur et madame F..., ceux-ci lui ont fait croire que le changement de titulaire entraînait une perte d'ancienneté, aussi, sur les bulletins de salaire de monsieur H... il n'apparaissait plus qu'un taux d'ancienneté de 4 %, « compensé '', pour que le salarié n'ait pas de perte de salaire, par des heures supplémentaires fictives ; que les heures supplémentaires étant fictives et uniquement destinées à indemniser la disparition de l'ancienneté, elles étaient payées à monsieur H... même lors de ses vacances de sorte que de cette façon la société S.A.R.L. PHARMACIE DE MOUGINS réalisait une substantielle économie sur les charges salariales, en complète illégalité.

Qu'elle a rétabli le salarié dans ses droits et a rectifié le premier bulletin de salaire qui avait été rédigé selon les indications données par son prédécesseur, sans aucune heure supplémentaire; que le salaire brut de monsieur H... s'élève donc à 2.135,60 euros au lieu de 1.872,77 euros tel qu'il était prévu.

Les bulletins de salaires attestent que le prédécesseur des époux F... le rémunérait avec une ancienneté de 12%, ce qui est corroboré par la manipulation des heures supplémentaires payées même en période de congés et qui ne figurent pas sur le registre comptable obligatoire et par l'attestation de l'intéressé lui-même.

Que l'expert judiciaire retraitant le salaire avec les cotisations patronales dues a conclu à une diminution de l'EBE de 1,16% et à une baisse de valeur du fonds de commerce de 15.312 euros.

La S.A.R.L. PHARMACIE DE MOUGINS expose qu'elle n'a pas disposé des éléments d'information nécessaires pour procéder à l'application correcte du taux de prime d'ancienneté de son salarié car ses acquéreurs ont légitimement crus que l'entrée du salarié était le 1er octobre 2004 comme le mentionnaient ses bulletins de paie établis par leur cédant, ce que confirme l'expert comptable, alors qu'il avait été engagé en janvier 1995.

L'expert judiciaire indique que la prime versée à monsieur H... n'a pas correspondu à la réalité de la convention collective le régissant ; qu'elle aurait dû être majorée de 9%. Il a estimé ce surcoût annuel à la somme de 2.206 euros et en déduit une baisse de la valeur du fonds de 15.312 euros.

Il relève que sur les deux paramètres fondant la valeur d'une entreprise, taux de croissance du chiffre d'affaires et taux de marge, sur ces deux plans le vendeur de l'officine affichait des performances supérieurs au secteur de sorte que l'acquéreur a accepté de payer son acquisition presque 10% de plus que le prix moyen.

* sur la perte de chiffre d'affaires alléguée

La S.A.R.L. CTPHARMA fait valoir que les manoeuvres et fausses déclarations des vendeurs sont manifestes et ont conduit à une estimation inexacte et surévaluée du chiffre d'affaires et que dès l'ouverture de l'officine, la pharmacie a subi chaque mois une perte de son chiffre d'affaires car en pratiquant un exercice normal de la pharmacie elle ne peut atteindre les chiffres d'affaires des vendeurs qui se sont exonérés de toutes prescriptions légales.

Elle ajoute qu'il existe une étonnante baisse des stocks au moment de la cession 121.865 euros en décembre 2011 et 66.299, 76 euros au moment de la vente deux mois plus tard alors que la pharmacie avait des stocks constants et que la marge anormalement basse relevée par l'expert judiciaire a été cachée à l'acquéreur ; qu'il lui a été facturé des boîtes gratuites et des pratiques illégales de rétrocession de médicaments ont été effectuées.

Elle précise que l'expert judiciaire a conclu que le préjudice de CTPHARMA est d'environ 47.000 euros par rapport à ce qu'elle pouvait espérer en prenant en compte les chiffres du vendeur ainsi que la majoration du salaire sur 3 ans ; qu'il évalue le préjudice de la S.A.R.L. CTPHARMA à un montant global de 118.000 euros.

La S.A.R.L. CTPHARMA faisant valoir que la venderesse ayant délibérément dissimulé à l'acquéreur des informations cruciales pour la pérennité de l'exploitation présentant une évolution de la pharmacie de 4,09 % pour 2011 bien au-dessus des moyennes nationales, et que sans ces mensonges elle n'aurait pas acquis cette officine.

La S.A.R.L. PHARMACIE DE MOUGINS expose que l'expert judiciaire a relevé que la baisse de chiffre d'affaires de la première année après la cession a été largement rattrapée au cours de la 3ème année d'activité et souligne la proximité du taux de marge réalisé par l'officine avec les taux moyens et locaux ; qu'il conclut qu'au regard de la moyenne des trois années postérieures à la cession, la baisse du chiffre d'affaires est moins importante que celle des autres professionnels du secteur.

Elle précise qu'en 2012 une officine a été ouverte à deux kilomètres de celle exploitée par

CTPHARMA, ce qui a une incidence sur le chiffre d'affaires.

Elle expose que la pharmacie tourne parfaitement avec un stock physique de 60.000 euros et que le prix payé par CTPHARMA correspond bien au stock physique réel.

Que sur une longue période jusqu'à la cession, la différence entre les achats ventes et stocks est parfaitement équilibrée et que l'état du stock démontre l'absence totale de toute vente en surnuméraire.

Elle soutient qu'il n'y a pas eu d'échanges de médicaments, ce que confirme le sapiteur dans le cadre de son analyse. Elle précise que les pièces attestent qu'elle a parfaitement servie l'ensemble des éléments facturés.

Elle indique que les quelques rétrocessions ponctuelles effectuées sont minimes, licites, n'impactent ni le chiffre d'affaires, ni la marge brute.

Elle conclut qu'aucune manoeuvre ou réticence dolosive ne sont établies.

L'expert judiciaire indique que l'évaluation des stocks a été réalisée au 29 février 2012 par un inventoriste agréé à la somme de 66.299, 76 euros et que l'état du stock figurant dans le logiciel surestimait fortement la réalité car le stock réel était majoré de 87%, les causes possibles pouvant être de plusieurs origines, sans pouvoir exclure une négligence volontaire des vendeurs.

Concernant la marge réelle de l'officine l'expert judiciaire a constaté un taux de marge anormalement bas dans les deux derniers mois d'exploitation de la PHARMACIE DE MOUGINS ; que le taux moyen était de 27, 90% pour les trois années 2009, 2010 et 2011 inférieur au taux moyen de la région PACA, à environ un point de moins que ses concurrents.

Il ajoute que la rectification qui aurait dû être faite sur le stock fin 2011 aurait conduit à un résultat d'exploitation situé autour de 102.000 euros et aurait donc affiché une baisse de 40% par rapport au résultat d'exploitation de 2010, indicateur préoccupant pour un futur acheteur.

Il en conclut que le taux de marge réel de la pharmacie pour l'ensemble de la période où monsieur F... la gérait s'avère sensiblement plus bas que celui affiché dans les documents comptables des trois exercices précédant la cession.

Concernant le chiffre d'affaires postérieur à la vente il conclut que CTPHARMA, après ses quatre premiers mois d'activité que l'on peut assimiler à une période de reprise suffisante, a connu pendant deux ans une performance anormalement basse en matière de chiffre d'affaires et que ce n'est que 2,5 ans après la cession qu'elle affiche au final une baisse sur trois ans nettement moins forte que ses concurrents.

Il estime le coût du préjudice global subi par la société CTPHARMA : chiffre d'affaires espéré, surcoût de salaires et surestimation du coût d'acquisition à la somme de 118.000 euros valeur mars 2016.

Ceci rappelé l'expert judiciaire précise qu'il a travaillé avec l'aide de son sapiteur exploité par le service informatique qui les a aidés dans leur extraction sur une cassette informatique contenant les mêmes données relevées par huissier et arrêtées au 27 février 2012, lors de la cession de sorte qu'ils ont disposé de données fiables de la gestion des époux F... alors que des erreurs de retranscription ont été relevées sur le nouveau logiciel de monsieur D... exploité par un nouveau groupe.

L'expert judiciaire a relevé que le taux de croissance présenté par la venderesse est très supérieur au secteur ; que le chiffre d'affaires présentait une progression régulière, alors que le chiffre d'affaires réel était plus bas que celui mentionné dans les documents comptables, et inférieur de près d'un point au taux moyen sectoriel.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que les chiffres d'affaires présentés étaient réalisés avec une amplitude horaires très importante, avec l'apport des ordonnances de la PHARMACIE DES BROUSSAILLES, et des pratiques de délivrance des produits contraires aux prescriptions légales, qui augmentaient les chiffres d'affaires et attiraient de ce fait des clients, ainsi que des échanges de médicaments, des renouvellements anticipés d'ordonnance, le tout tendant à la surestimation du chiffre d'affaires pour une activité normale de pharmacie, éléments cachés à l'acquéreur à qui était présentée une marge plus attractive ne correspondant pas à la réalité de l'activité ; que tous ces éléments favorisaient la hausse des chiffres d'affaires, aucune élément d'erreur concernant la baisse du chiffre d'affaires n'a été relevé.

La multiplication de ces irrégularités dissimulées exécutées par les représentants de la venderesse pour tromper l'acquéreur font apparaître que le chiffre d'affaires réel est inférieur au chiffre d'affaires minimum convenu entre les parties de 1.290.000 euros et sont donc constitutives d'un dol dès lors que sans ces dissimulations, la société CTPHARMA n'aurait pas acquis cette officine où à tout le moins dans les conditions financières fixées.

Il convient en conséquence de réformer le jugement déféré et de prononcer la nullité de l'acte intervenu être la société CTPHARMA et la S.A.R.L. LA PHARMACIE DE MOUGINS.

Sur la demande de restitution du matériel,

La S.A.R.L. PHARMACIE DE MOUGINS demande la restitution sous astreinte du support informatique constitué d'une unité centrale avec disque dur laissée dans le cadre de la cession du fonds de commerce pour une durée de six mois, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision.

La S.A.R.L. CTPHARMA fait valoir que le matériel ayant été acquis en leasing et la S.A.R.L. CTPHARMA continuant à en payer les échéances jusqu'à sa restitution, la demande de restitution par la venderesse n'est pas justifiée.

Aucune des parties ne justifie des accords intervenus entre elles au sujet de ce support informatique.

La S.A.R.L. CTPHARMA justifie du règlement des échéances du contrat informatiques qui a échu le 31 mars 2013 conformément à l'acte de cession qui prévoyait la transmission des contrats en cours.

Cette restitution interviendra dans le cadre des restitutions réciproques des parties.

Il y a lieu de déclarer irrecevable les demandes de condamnation formées à l'encontre de monsieur et madame F... qui ne sont pas parties à l'instance, n'ayant jamais été assignés.

Sur les autres demandes,

La S.A.R.L. CTPHARMA ayant du recourir à des crédits importants sans avoir été éclairé sur la valeur de l'officine à acquérir a subi un préjudice sur l'augmentation non justifié de son endettement et s'est engagé dans l'exploitation d'une officine qui ne correspondait pas à ses projets et prévisions.

Il convient en réparation de son préjudice de lui allouer la somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts toutes causes de préjudice confondues.

Seule la société CTPHARMA, de bonne foi peut demander à la société PHARMACIE DE MOUGINS, de mauvaise foi à demander réparation du préjudice subi en raison du contrat annulé sans avoir à indemniser cette dernière d'une indemnité correspondant à l'avantage qu'elle a retiré de l'officine entre la date de vente et celle de son annulation pour dol.

Il convient en conséquence de rejeter la demande de la société PHARMACIE DE MOUGINS formée à ce titre.

L'équité commande d'allouer à la société appelante la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande formée à ce titre par la société intimée.

Les dépens resteront à la charge de la société intimée qui succombe et seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,

Déclare irrecevable les demandes formées par la société appelante à l'encontre de monsieur et madame F...,

Réforme le jugement déféré,

Rejette l'ensemble des demandes de la société intimée,

Dit que la S.A.R.L. PHARMACIE DE MOUGINS a commis des manoeuvres dolosives qui ont trompé la S.A.R.L. CTPHARMA, sans lesquelles elle n'aurait pas acquis l'officine de pharmacie litigieuse,

Prononce la nullité de l'acte de cession du 29 février 2012 enregistré au Pôle enregistrement de Nice le 1er mars 2012 bordereau 2012/814 case n°1 entre la S.A.R.L. PHARMACIE DE MOUGINS et la S.A.R.L. CTPHARMA,

Condamne la société intimée à payer à la société appelante la somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Condamne la société intimée à payer à la société appelante la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société intimée aux entiers dépens seront recouvrés par les avocats de la cause dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 13/15887
Date de la décision : 31/05/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 02, arrêt n°13/15887 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-31;13.15887 ?
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