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12/05/2022 | FRANCE | N°19/15269

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-6, 12 mai 2022, 19/15269


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6



ARRÊT AU FOND

DU 12 MAI 2022



N° 2022/188







N° RG 19/15269



N° Portalis DBVB-V-B7D-BE6UD







[X] [N]

S.A. LA MEDICALE DE FRANCE





C/



[S] [V]

Société CPAM DES ALPES MARITIMES

Société CPAM DE L'ISERE

Société SWISS LIFE















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



-SCP COHEN GUEDJ M

ONTERO DAVAL GUEDJ



-l'ASSOCIATION JEAN CLAUDE BENSA & ASSOCIES















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 24 Juillet 2019 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 08/03875.





APPELANTS



Monsieur [X] [N],...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 12 MAI 2022

N° 2022/188

N° RG 19/15269

N° Portalis DBVB-V-B7D-BE6UD

[X] [N]

S.A. LA MEDICALE DE FRANCE

C/

[S] [V]

Société CPAM DES ALPES MARITIMES

Société CPAM DE L'ISERE

Société SWISS LIFE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ

-l'ASSOCIATION JEAN CLAUDE BENSA & ASSOCIES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 24 Juillet 2019 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 08/03875.

APPELANTS

Monsieur [X] [N],

demeurant [Adresse 8]

représenté et assisté par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et Me Michel TOLOSANA, avocat au barreau de NICE.

S.A. LA MEDICALE DE FRANCE

Société Anonyme d'Assurances immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 582 068 698,

demeurant [Adresse 4]

représentée et assistée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et Me Michel TOLOSANA, avocat au barreau de NICE.

INTIMEES

Madame [S] [V],

Signification ou de notification à l'étranger le 06/01/2020

née le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 7],

demeurant [Adresse 9] (SUISSE)

représentée par Me Florence BENSA-TROIN de l'ASSOCIATION JEAN CLAUDE BENSA & ASSOCIES, avocat au barreau de GRASSE.

Caisse CPAM des ALPES MARITIMES,

Assignée le 08/01/2020 à personne habilitée. Signification de conclusions en date du 07/07/2021 à personne habilitée,

demeurant [Adresse 3]

Défaillante.

Caisse CPAM DE L'ISERE,

Assignée le 06/01/2020 à personne habilitée. Signification conclusions le 02/07/2020 à personne habilitée,

demeurant [Adresse 2]

Défaillante.

Compagnie d'assurances SWISS LIFE,

Assignée le 03/01/2020 à personne habilitée. Signification conclusions le 02/07/2020 à persone habilitée,

demeurant [Adresse 5]

Défaillante.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 16 Mars 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Anne VELLA, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2022.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2022,

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS & PROCÉDURE

Au cours de l'année 1998, Mme [V] a consulté M. [N], chirugien-dentiste à [Localité 6] (Alpes-Maritimes) pour remédier à la mobilité de plusieurs dents et pour en améliorer l'esthétique.

Avant tout traitement, M. [N] a procédé le 19/03/1999 à une radio qui a mis en évidence une parodontolyse. M. [N] a proposé le 24/03/1999 une réhabiliation prothétique, dans le cadre de laquelle il a procédé jusqu'en mai 2000 à la dévitalisation de 23 dents puis à la mise en place de bridges céramo-métalliques.

Mme [V] a développé plusieurs foyers infectieux à partir de la fin de l'année 2003. Mme [V] s'étant entre-temps établie en Suisse, elle a confié son suivi dentaire'au docteur [Z] (de 2003 à 2007), et au docteur [D] (de 2007 à 2014), tout en continuant à se rendre au cabinet cannois de M. [N] pour le traitement des foyers infectieux.

Par ordonnance du 05/07/2006, le juge des référés de Grasse a commis le docteur [G] aux fins d'expertise judiciaire. Le rapport a été déposé le 14/11/2006.

Par ordonnance du 19/09/2007, le juge des référés de Grasse a alloué une provision de 20.000,00 € à Mme [V].

Par assignation du 05/05/2008, Mme [V] a assigné M. [N] et la SA La Médicale de France en en réparation de son préjudice corporel, au contradictoire de la compagnie Swiss Life, tiers payeur.

Par jugement mixte du 11/05/2010, le tribunal de grande instance de Grasse a':

- dit que M. [N] a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de Mme [V],

- a ordonné avant dire droit une expertise médicale confiée au docteur [G], et

- a alloué une provision complémentaire de 30.000,00 € à Mme [V].

Le rapport a été déposé le 29/01/2015.

Par ordonnance du 01/04/2016, le juge de la mise en état, statuant sur conclusions d'incident de Mme [V], a :

- rejeté une demande de provision, et

- invité Mme [V] à produire une traduction en français de documents en langue allemande,

- ordonné d'office une expertise complémentaire, confiée au docteur [G], à l'effet notamment':

' de'déterminer quels sont les soins et travaux dentaires subis par Mme [V] qui étaient nécessaires à la reprise des soins et travaux de réhabilitation prothétiques défectueux et effectués par M. [N] en relation directe et certaine avec ceux-ci, et

' de chiffrer quel a été le montant exact des soins dentaires et travaux prothétiques déboursés par Mme [V] en relation avec la reprise nécessaire des travaux non conformes aux règles de l'art.

Le docteur [G] a déposé son rapport d'expertise le 21/12/2016. Il conclut que le docteur [N] aurait dû obtenir au préalable un consentement éclairé sur toutes les complications susceptibles de survenir, ce qui n'a pas été le cas. D'autre part, il aurait dû être réalisé en évitant autant que possible toute mortification dentaire, ce qui n'a pas été non plus le cas. Le fait de préconiser une réhabilitation prothétique globale avec mortification de toutes les dents ne peut pas être considéré comme un traitement consciencieux, attentif, diligent et conforme aux données acquises de la science à la date de réalisation. Le rapport bénéfice-risque est très défavorable. On peut donc considérer que ce type de traitement était inapproprié au cas de Mme [V].

Par acte d'huissier de justice du 06/02/2019, Mme [V] a saisi le tribunal de grande instance de Grasse en intervention forcée les caisses primaires d'assurance-maladie des Alpes-Maritimes et de l'Isère.

Par jugement réputé contradictoire du 24/07/2019, le tribunal de grande instance de Grasse a':

- condamné solidairement M. [N] et la SA La Médicale de France à payer à Mme [V] la somme de 117.377,00 € en réparation de son préjudice, après déduction des provisions versées,

- dit que cette somme produira intérêts au taux légal, à compter de la présente décision,

- débouté Mme [V] du surplus de ses demandes indemnitaires,

- condamné in solidum M. [N] et la SA La Médicale de France à verser à Mme [V] la somme de 3.000,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [N] et la SA La Médicale de France aux entiers dépens,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Le tribunal a ainsi détaillé les différents chefs de dommage de la victime directe':

I ' A Préjudices patrimoniaux temporaires

Dépenses de santé actuelles

35 000,00 €

Frais divers

rejet

I ' B Préjudices patrimoniaux permanents

Dépenses de santé futures

105 027,00 €

II ' A Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

Déficit fonctionnel temporaire

1 350,00 €

Souffrances endurées

4 500,00 €

Préjudice esthétique temporaire

1 500,00 €

II ' B Préjudices extra-patrimoniaux permanents

Déficit fonctionnel permanent 12 %

20 000,00 €

Préjudice corporel de la victime

167 377,00 €

Prestations servies par le tiers payeur

0,00 €

Somme revenant à la victime

167 377,00 €

Imputation des provisions versées à la victime

50 000,00 €

Solde revenant à la victime

117 377,00 €

Pour statuer ainsi, le premier juge a considéré, entre autres, les éléments suivants':

- dépenses de santé actuelles': elle justifie avoir versé l'équivalent de 180.000 francs français à M. [N] entre 1998 et 2001, et relever de la protection sociale helvétique qui n'inclut pas les soins dentaires, elle est donc fondée à demander rétrocession des actes médicaux qu'elle a réglés à M. [N]';

- frais divers': les justificatifs de frais de déplacements qui sont produits ne présentent pas de lien démontré avec le dommage corporel dont la réparation est demandée';

- dépenses de santé futures':

' il y a lieu d'admettre la prise en charge de la pose de 28 implants à 1.000,00 €, conformément aux préconisations de l'expert judiciaire,

' il y a lieu d'admettre aussi la somme de 83.950,67 francs suisses (soit 77.027,00 €) que Mme [V] a versée au docteur [D], du 03/04/2007 au 23/04/2014, car les rapports et les factures que ce dentiste a établis attestent de ce que les soins prodigués portaient bien sur les infections subies par M. [N],

' en revanche, quoique le docteur [Z] atteste avoir perçu de Mme [V] la somme de 5.745,25 francs suisses (5.270,00 €) entre le 20/05/2003 et le 24/12/2007, il y a lieu d'écarter cette somme dans la mesure où': i) les consultations avec les docteurs [Z] et [N] ont été concomitantes, et ii) il ne résulte pas du détail des factures et de l'attestation de paiement du 13/01/2014 que les soins prodigués se rattachent aux frais induis par les traitements effectués par le docteur [N] dont l'expert fait état.

Par déclaration du 02/10/2019 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. [N] et la SA La Médicale de France ont interjeté appel du jugement du tribunal judiciaire de Grasse en ce qu'il a':

- attribué à Mme [V] la somme de 35.000,00 € au titre des dépenses de santé actuelles,

- attribué à Mme [V] la somme de 77.027,00 € correspondant aux soins prodigués par le docteur [D],

- attribué à Mme [V] la somme de 28.000,00 € au titre des 28 coiffes à 1.000,00 €,

- évalué à 4.500,00 € le poste souffrances endurées

- évalué à 20.000,00 € le poste déficit fonctionnel permanent à 12%

- attribué à Mme [V] la somme de 3.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives 2 notifiées par RPVA le 30/06/2020, M. [N] et la SA La Médicale de France demandent à la cour de':

- admettre l'appel principal partiel de M. [N] et de la SA La Médicale de France,

Au fond, y faire droit,

- réformer en grande partie le jugement du 24/07/2019 et déféré par-devant la cour,

- juger que Mme [V] ne peut à la fois solliciter le remboursement des soins effectués par M. [N] pour lesquels elle a perçu des sommes importantes ainsi que celui concernant les soins postérieurs réalisés par le docteur [D], sur sa seule initiative,

- juger que Mme [V] ne pouvait, nonobstant les préconisations de l'expert [G], faire effectuer de manière unilatérale des soins totalement différents de ceux qui avaient été envisagés,

- que ce n'est qu'à titre de conciliation que l'expert [G] a fait état de 28 coiffes à 1.000,00 € la coiffe, soit 28.000,00 €,

En conséquence, à titre principal, de ce chef :

- réformer la partie du jugement qui a octroyé à Mme [V] la somme de 28.000,00 € au titre de 28 coiffes à raison de 1.000,00 € chacune,

À titre subsidiaire,

- juger qu'au maximum, ce sont 23 coiffes qui auraient dû être comptabilisées et non pas 28, soit la somme de 23.000,00 €,

- réformer cette partie du jugement,

- réformer la partie du jugement qui a octroyé à Mme [V] la somme de 77.027,00 € au titre des frais et factures versées au médecin suisse, le docteur [D],

- juger au surplus que le versement de cette somme est incompatible avec la demande à hauteur de 28.000,00 €,

- constater au surplus que la somme de 83.950,67 francs suisses représente en réalité la somme de 56.867,94 € et non pas celle octroyée à hauteur de 77.027,00 €,

- juger qu'il n'existe aucun lien de causalité direct, certain et exclusif entre les sommes sollicitées par Mme [V], les soins qui auraient été pratiqués par le docteur [D], et les propres soins réalisés antérieurement par M. [N],

- de plus fort, rejeter la demande d'octroi de la somme de 77.027,00 € qui en réalité n'aurait pas dû dépasser celle de 56.867,94 €,

- réformer également cette partie du jugement,

- réformer la partie du jugement qui a octroyé la somme de 35.000 € au titre de dépenses de santé actuelles,

- juger que la somme qui a pu être versée à M. [N] ne saurait représenter une dépense de santé actuelle,

- rejeter en conséquence, ce chef de réclamation,

- juger en outre qu'octroyer une telle somme reviendrait à faire bénéficier Mme [V] de soins gratuits, ce qui constituerait un enrichissement sans cause,

- dans tous les cas de figure, tenir compte du propre décompte communiqué par Mme [V] elle-même, duquel il résulte qu'elle a perçu de la Sécurité Sociale la somme de 30.256,99 € et de la mutuelle Swiss Life la somme de 54.471,61 francs suisses,

- juger à titre subsidiaire de ce chef qu'au grand maximum et de ce chef, ce poste ne peut représenter que 36.274,00 € - 23.396,59 € = 12.877,41 €,

- réformer dès lors la partie du jugement qui a octroyé globalement la somme de 35.000,00 €,

- réformer la partie du jugement qui a octroyé 4.500,00 € au titre des souffrances endurées,

- juger qu'au grand maximum, ce poste ne saurait excéder 4.000,00 €,

- réformer la partie du jugement qui a octroyé 20.000,00 € au titre du déficit fonctionnel permanent,

- juger qu'au grand maximum, cette somme ne saurait excéder 14.000,00 €,

- juger qu'il convient de tenir compte des provisions déjà perçues par Mme [V], soit 20.000,00 € ensuite de l'ordonnance du 19/09/2007, 30.000,00 € ensuite du jugement du 11/05/2010,

- ordonner la compensation de toute somme pouvant être attribuée à Mme [V], avec celle de 50.000,00 € qu'elle a déjà perçue,

- réformer la partie du jugement qui a octroyé à Mme [V] la somme de 3.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeter totalement l'appel incident de Mme [V],

- confirmer partiellement le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demande d'octroi des sommes suivantes':

' 94,00 francs suisses au titre de frais de transport,

' 1.584,00 € au titre de frais de déplacement,

' 1.242,00 € au titre des frais de traduction,

' 56.000,00 € qui correspondraient à la prise en charge du renouvellement à venir des implants prothétiques,

' 5.270,00 € correspondant à des frais qui auraient été versés au docteur [Z],

' 1.500 € correspondant au préjudice esthétique temporaire,

' 1.350 € au titre du poste déficit fonctionnel temporaire,

- confirmer partiellement le jugement déféré en ce qu'il a rejeté toute demande au titre du préjudice esthétique permanent,

- rejeter la demande d'attribution de la somme de 15.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- statuer ce que de droit sur les dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître Maud Daval Guedj, membre de la SCP Cohen ' Guedj ' Montero ' Daval Guedj, sous sa due affirmation.

Au soutien de leurs demandes, M. [N] et la SA La Médicale de France développent les moyens suivants :

' les demandes indemnitaires de Mme [V] doivent être appréciées en tenant compte de ce qu'elle ne s'est pas conformée aux préconisations de l'expert'judiciaire :

- le rapport du docteur [G] du 14/11/2006 concluait qu'il semblerait préférable dans un premier temps, d'essayer de traiter les dents infectées en les abordant par leurs faces occlusales prothétiques, afin de ne pas modifier l'équilibre actuel. Un contrôle radiologique devra être effectué un an après ses soins, par son praticien. [']. Lorsque le traitement pourra être considéré comme stabilisé, ou au plus tard d'ici un an, il y aura lieu d'envisager un nouvel accédit afin d'effectuer une réévaluation des conséquences médico-légales';

- Mme [V] n'a tenu aucun compte en réalité de ces conclusions puisqu'elle s'est fait prescrire des soins par le docteur [Z] sans respecter le calendrier tracé par l'expert judiciaire'; le docteur [G] note en effet qu'à partir du 03/04/2007, Mme [V] est suivie par le docteur [D] chirurgien-dentiste suisse ; que, le 05/03/2008, le praticien a extrait toutes les dents du maxillaire, excepté la dent n° 17 ; que le 07/08/2008, des implants sont été mis en place ; que le 20/05/2009, une prothèse résine complète est mise en place, puis une prothèse avec pression et une barre d'Ackermann est réalisée

- le docteur [G] indique le 04/10/2016 qu'aucun fait nouveau ne nous est relaté. Après lecture des nouveaux éléments qui nous ont été communiqués et en particulier de la chronologie, il ne nous est pas [possible] de retenir le traitement, qui a été réalisé sans prendre en considération ce que nous avions conseillé'(page 11 du rapport) ;

- le docteur [G] ajoute (page 16 du rapport) que lors de notre 4ème expertise de ce jour, les éléments qui nous ont été communiqués par la patiente ne nous permettent pas de retenir le traitement qui a été réalisé. Nous restons donc sur la proposition que nous avions faite précédemment, c'est-à-dire que Mme [V] soigne ses 6 dents (12, 22, 24, 34, 35 et 46) et à ce moment-là qu'une réhabilitation prothétique appropriée soit réalisée. Il se trouve que Madame [V] a jugé opportun d'agir différemment, plusieurs années après (4 ans) sans nous en prévenir';

- page 17, le docteur [G] précise qu'il était nécessaire de refaire le traitement des 6 dents infectées mais il se trouve que ce traitement n'a été réalisé que plus tard et que le praticien qu'elle a choisi a considéré opportun, contre notre avis, et sans nous en informer, de lui extraire toutes les dents';

' dépenses de santé actuelles':

' à titre principal, les paiements effectués à hauteur de 35.000,00 € par Mme [V] ne peuvent relever des dépenses de santé actuelles puisque ces soins ont été effectués antérieurement à la survenance du dommage';

' à titre subsidiaire, le montant des remboursements effectués par la la caisse primaire d'assurance-maladie et de la mutuelle Swiss Life doit s'imputer sur le montant mis à la charge de M. [N] et de la SA La Médicale de France'; le montant des sommes éventuellement dues ne serait que de 12.877,41 €';

' dépenses de santé futures':

' sur la somme de 28.000,00'€ : Mme [V] ne peut demander simultanément le remboursement de la somme de 28.000,00 € à M. [N] (28 couronnes x 1.0000,00 €) et le remboursement des soins qu'elle a fait effectuer par les docteurs [Z] et [D] en méconnaissance des préconisations de l'expert [G]'; en tout état de cause, ce ne sont pas 28 dents qui sont en cause mais 23 car les dents 21, 26, 36 et 47 étaient déjà dévitalisées lorsque Mme [V] a consulté M. [N], et la dent 17 a été conservée pulpée par ce dernier'; d'autre part, la somme de 23.000,00 € (23 couronnes x 1.000,00 €) n'a pas davantage à être allouée à Mme [V] puisqu'elle s'est affranchie des recommandations du docteur [G]'; a fortiori, le renouvellement à deux reprises de ces prothèses (3 x 28.000,00 € = 84.000,00 €) doit-il être écarté';

' sur la somme de 77.027,00 €'réglée au docteur [D] : outre que Mme [V] procède à une conversion inexacte des francs suisses en euros et liquide à hauteur de 77.027 € des frais qui en réalité ne sont que de 56.867,94 €), elle ne caractérise aucun lien de cause à effet entre l'intervention de M. [N] et l'intervention subséquente du docteur [D]'; à cet égard, l'expert judiciaire indique de façon très claire qu'il était nécessaire de refaire le traitement des six dents infectées, mais il se trouve que ce traitement n'a été réalisé que plus tard et que le praticien qu'elle a choisi a considéré opportun, contre notre avis et sans nous en informer de lui extraire toutes les dents';

' sur la somme de 5.745,25 € réglée au docteur [Z]': le premier juge doit être confirmé en ce qu'il a écarté tout lien entre son intervention et celle, concomitante, de M. [N]';

' frais divers': l'appel incident de Mme [V] ne saurait prospérer et il convient de confirmer le rejet des demandes de frais de transport et d'hébergement (1.584,00 €, et 94 francs suisses) et des frais de traduction (1.242,00 €) dont elle ne justifie ni du montant ni même du principe.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée valant appel incident notifiées par RPVA le 30/03/2020, Mme [V] demande à la cour de':

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 24 /07/2019 concernant le principe de la responsabilité de M. [N] et sa condamnation solidaire avec la SA La Médicale de France à l'indemniser de son entier préjudice, ainsi que la condamnation au paiement de la somme de 3.000,00 € au titre des frais irrépétibles et des dépens,

- réformer le jugement entrepris concernant l'évaluation de son préjudice,

Statuant de nouveau sur ladite évaluation,

- condamner M. [N] solidairement avec la SA La Médicale de France à lui verser les sommes suivantes :

' 35.000,00 € au titre des dépenses de santé actuelles,

' 1.584,00 € au titre des frais de déplacement,

' 1.242,00 € au titre des frais de traduction, soit 2.826,00 € au titre des frais divers,

' 1.500,00 € au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel,

' 22.400,00 € au titre du déficit fonctionnel permanent,

' 7.000,00 € au titre des souffrances endurées,

' 3.000,00 € au titre du préjudice esthétique,

' 168.732,99 € au titre des dépenses de santé futures,

- condamner solidairement M. [N] et la SA La Médicale de France à verser à Mme [V] la somme de 15.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise sous distraction de Maître Florence Bensa-Troin, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, Mme [V] fait valoir notamment les éléments suivants :

- c'est bien à la suite des soins inappropriés dispensés par M. [N] qu'elle a développé des infections';

- les frais qu'elle a réglés au docteur [D] se montent à 83.950,67 francs suisses, soit une contre-valeur de 77.027,00 € et même actuellement 79.462,99 € et non 56.867,94 € comme le prétendent à tort les appelants';

- M. [N] a procédé à la dévitalisation de 28 dents sans même lui faire signer un document de consentement éclairé';

- le docteur [G] a expressément conclu dans son avant-dernier rapport du 29/01/2015 que les frais induits dus à l'intervention de M. [N] devraient être remboursés, notamment les soins réalisés par le docteur [Z] ainsi que par le docteur [D]'; son revirement dans son dernier rapport'du 19/10/2016 est donc pour le moins surprenant ;

- aucun remboursement ne lui a été effectué par la mutuelle Swiss Life ni par la caisse primaire d'assurance-maladie.

* * *

Assignée à personne habilitée le 06/01/2020 par acte d'huissier contenant dénonce de l'appel, la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Isère n'a pas constitué avocat. Elle a communiqué le montant de ses débours définitifs.

* * *

Assignée à personne habilitée le 06/01/2020 par acte d'huissier contenant dénonce de l'appel, la caisse primaire d'assurance-maladie du Rhône représentant la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Isère n'a pas constitué avocat. Elle a indiqué par courrier du 13/01/2020 n'avoir aucune créance à faire valoir.

* * *

Assignée à personne habilitée le 03/01/2020 par acte d'huissier contenant dénonce de l'appel, la mutuelle Swiss Life n'a pas constitué avocat. Elle a indiqué par courrier électronique du 01/03/2022 n'avoir aucune créance à faire valoir.

* * *

La clôture a été prononcée le 01/03/2022.

Le dossier a été plaidé le 16/03/2022 et mis en délibéré au 12/05/2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nature de la décision rendue':

L'arrêt rendu sera réputé contradictoire, conformément à l'article 474 du code de procédure civile.

Sur l'étendue du préjudice corporel':

Données médico-légales':

Plusieurs missions successives de nature très différente ont été assignées au docteur [G] à dix ans d'intervalle':

- il a d'abord été missionné par le juge des référés par ordonnance du 05/07/2006 aux fins de porter une appréciation sur les actes de soins pratiqués pendant les années 1999 et 2000 par le docteur [N]'sur la personne de Mme [V]'(rapport déposé le 14/11/2006)';

- il a ensuite été missionné ' le tribunal de grande instance de Grasse ayant également statué par jugement mixte du 11/05/2010 sur la responsabilité contractuelle de M. [N] et sur la garantie due par la SA La Médicale de France ' aux fins d'évaluation du préjudice corporel de Mme [V] par le tribunal de grande instance de Grasse (rapport déposé le 29/01/2015)';

- il a enfin été missionné derechef par ordonnance d'incident du juge de la mise en état du 01/04/2016, aux fins d'apprécier en particulier': i) quels sont les soins et travaux dentaires subis par Mme [V] qui étaient nécessaires à la reprise des soins et travaux de réhabilitation prothétiques défectueux effectués par le docteur [N] et en relation directe et certaine avec ceux-ci'; ii) de chiffrer, au vu des factures et notes d'honoraires produits, quel a été le montant exact des soins dentaires et travaux prothétiques déboursés par Mme [V], en relation directe et certaine avec la reprise nécessaire des travaux, non conformes aux règles de l'art, effectués par le docteur [N] (rapport déposé le 21/12/2016).

Dans son rapport en évaluation d'un dommage corporel en relation avec une responsabilité médicale, daté du 29/01/2015, c'est-à-dire plus de quinze ans après les soins prodigués, le docteur [G] admet expressément (page 13) que «'les soins réalisés par le docteur [D] sont médicalement justifiés et ont donné satisfaction à la patiente'» et qu'il en va de même «'des soins réalisés par le docteur [Z], dont il y a lieu aussi d'accorder le remboursement'». Et le docteur [G] de conclure que «'lorsque nous la voyons ce jour, soit le 24/11/2014, les traitements sont terminés depuis le mois de mars 2014. Des réhabilitations prothétiques implanto-portées ont été réalisées en haut comme en bas et toutes les dents, sauf une, ont été extraites'». Logiquement, le docteur [G] conclut (page 14) que, «'le temps de s'habituer, on peu proposer comme date de consolidation juillet 2014'».

Le quatrième rapport d'accédit du 19/10/2016 marque cependant une évolution notable voire surprenante de la position du docteur [G] en ce qu'il regrette que «'Mme [V] a jugé opportun d'agir différemment [de la méthode préconisée par lui, consistant à soigner les dents 12, 22, 24, 34, 35 et 46 avant d'envisager ultérieurement une réhabilitation prothétique] plusieurs années après, quatre ans sans nous prévenir'». Le docteur [G] reconsidère sa position de l'année précédente et soutient dorénavant qu'«'il était nécessaire de refaire le traitement des six dents infectées, mais il se trouve que ce traitement n'a été réalisé que plus tard et que le praticien qu'elle a choisi a considéré opportun contre notre avis et sans nous en informer de lui extraire toutes les dents'». Le docteur [G] ajoute n'avoir admis la perte des six dents que dans un souci de conciliation (alors que l'article 240 du code de procédure civile ne lui confère aucun pouvoir d'initiative en la matière), et il limite les travaux prothétiques quant à leur durée (trois ans) et leur montant (28 coiffes à 1.000,00 €). De même, il décale de sept ans la date de consolidation en la fixant non plus en juillet 2014 mais au 24/11/2007, c'est-à-dire non pas en fonction de la date de stabilisation effective de son état après travaux de réhabilitation prothétique, mais en fonction d'un délai théorique de quatre ans qu'aurait impliqué le traitement des six dents et la réhabilitation prothétique subséquente si ses préconisations avaient été suivies.

Mme [V] observe à juste titre que les infections successives et la fracture des bridges posés par M. [N] ont été constatées par le docteur [D] qui a produit une documentation médicale attestant de la nécessité et de l'urgence des soins à entreprendre.

Le préjudice de Mme [V] sera liquidé au vu des conclusions du rapport d'expertise médicale du troisième rapport d'accédit du 29/01/2015 et non du dernier rapport du 21/12/2016, peu convaincant.

Les conclusions médico-légales de l'expert judiciaire sont donc les suivantes':

- déficit fonctionnel temporaire total': aucun

- déficit fonctionnel temporaire partiel': 5'% de janvier 2001 à mars 2014 car gênée pour manger

- consolidation': juillet 2014, les dernières réhabilitations prothétiques ayant été achevées en mars 2014

- déficit fonctionnel permanent': aucun

- souffrances endurées': 2,5/7

- préjudice d'agrément': aucun

Données chronologiques :

Date de naissance':17/01/1966

Date du fait générateur :24/11/2003

Date de la consolidation':01/07/2014

Date de la liquidation':12/05/2022

Durée en années de la période avant consolidation :10,601

Durée en années de la période consolidation / liquidation':7,863

Age'lors du fait générateur :37

Age'lors de la consolidation :41

Age'lors de la liquidation :56

Sur l'indemnisation du préjudice corporel':

Le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit, sans qu'il n'en résulte pour elle ni perte ni profit.

L'évaluation doit intervenir au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime au moment de l'accident (37 ans), de la consolidation (41 ans), de la présente décision (56 ans) et de son activité (sans profession), afin d'assurer la réparation intégrale du préjudice et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

L'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue. Le juge ne se prononce que sur ce qui est demandé. Il ne peut allouer à la victime une somme supérieure au montant demandé, ou inférieure au montant admis par le responsable. Sous le bénéfice de ces observations, le préjudice corporel de Mme [V] doit être évalué comme suit.

I. PRÉJUDICES PATRIMONIAUX

a) préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Dépenses de santé actuelles (DSA)': 77.027,00 €

Ce poste est constitué des frais médicaux et pharmaceutiques, frais de transport, massages, appareillage pris en charge par les tiers payeurs et la victime le cas échéant.

Le principe de réparation intégrale du préjudice tend à rétablir l'équilibre détruit par le dommage et à replacer la victime dans une situation la plus proche possible de celle où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu. L'étendue de la réparation ne peut donc excéder celle du préjudice.

Il s'ensuit que Mme [V] ' dont l'état dentaire était insatisfaisant avant même l'intervention du docteur [N] en raison d'une mobilité dentaire, d'une malposition des canines et d'un défaut d'esthétique ' ne saurait solliciter la condamnation de ce praticien au remboursement des travaux de réhabilitation entrepris tout en bénéficiant de la gratuité des soins dentaires pour lesquels elle a consulté. L'avis contraire du docteur [G] porte sur un point de droit qui ne relève pas de son domaine de compétence (article 238 du code de procédure civile).

Il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande de Mme [V] tendant au remboursement des actes de soins qu'elle a réglés à M. [N] à hauteur de 35.000,00 €.

Est totalement justifiée en revanche la prise en charge des travaux de réhabilitation prothétique engagés, pour peu qu'ils soient en relation directe et certaine avec les actes de soins dommageables. Cette condition est nécessaire et suffisante. La victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable. La circonstance que Mme [V] ait pu s'affranchir des directives du docteur [G] dans le cadre de sa dernière mission d'expertise ne justifie pas de réduire de ce seul chef son droit à indemnisation.

La cour retenant une consolidation au 01/07/2014 et non au 24/11/2007, les demandes de Mme [V] concernant les sommes versées au docteur [Z] du 24/11/2003 au 03/04/2007 (5.745,25 francs suisses, soit 5.270 €) et au docteur [D] du 03/04/2007 au 23/04/2014 (83.950,67 francs suisses, estimées par Mme [V] à la somme de 77.027,00 €) doivent s'apprécier au titre des dépenses de santé actuelles et non pas futures.

Comme souligné par le premier juge, Mme [V] ne rapporte pas la preuve de ce que les sommes versées au docteur [Z] soient réellement liées aux actes de soins pratiqués par M. [N]. Elle sera donc déboutée au titre de sa demande de la somme de 5.270,00 €.

En revanche, les rapports circonstanciés rédigés en langue française par le docteur [D] établissent bien le lien entre ses interventions et les actes pratiqués par M. [N]. Il lui sera donc alloué le montant demandé de 77.027,00 € provenant de la conversion de la somme de 83.950,67 francs suisses à laquelle a procédé Mme [V] le 17/03/2020. Compte tenu de la dépréciation de l'euro intervenue depuis cette date, le montant de 56.867,94 € avancé par M. [N] et la SA La Médicale de France est manifestement erroné.

En revanche, M. [N] et la SA La Médicale de France s'opposent à juste titre à ce que Mme [V] demande simultanément paiement de la somme de 28.000,00 € à M. [N] (28 couronnes x 1.0000,00 €) et le remboursement des soins qu'elle a fait effectuer par le docteur [D].'

Par courrier du 13/01/2020, la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Isère représentée par celle du Rhône a indiqué n'avoir aucune créance à faire valoir.

Par courrier électronique du 01/03/2022 adressé au conseil de Mme [V], la mutuelle Swiss Life a également indiqué n'avoir aucune créance à faire valoir.

Frais divers (FD)': rejet

Ils sont représentés par'les frais de déplacement pour se rendre aux divers examens et consultations médicales. Mme [V] en demande le remboursement à hauteur de la somme de 1.584,00 €, outre des frais de traduction à hauteur de la somme de 1.242,00 €. Elle ne justifie pas de l'imputabilité à voire de l'existence des dépenses invoquées. La demande est rejetée.

b) préjudices patrimoniaux permanents après consolidation

Dépenses de santé futures (DSF)': 66.457,80 €

Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation et incluent les frais liés soit à l'installation de prothèses soit à la pose d'appareillages spécifiques nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique.

Le rapport du docteur [G] du 29/01/2015 admet (page 13) la nécessité de prendre en compte les nouvelles réhabilitations et fixe la période de renouvellement dans une fourchette de 10 à 15 ans. Il précise que, sur les 28 dents, le fait que quatre dents (21, 26, 36 et 47) étaient préalablement mortifiées n'a pas de réelle conséquence sur le plan de traitement puisque toutes les dents ont été extraites. Le nombre de dents en cause n'est pas de 28, cependant, mais de 27, car la dent 17 a été conservée pulpée par le docteur [N] ainsi que souligné par M. [N] et la SA La Médicale de France.

En retenant une durée de renouvellement des 27 couronnes sur une période de 15 années, le montant de l'arrérage annuel est de 27 x 1.000,00 € / 15 ans = 1.800,00 €. Sur cette base, le montant des arrérages échus depuis la date de consolidation est de 1.800,00 € x 7,863 années, soit 14.153,40 €. Le montant des arrérages à échoir est quant à lui de 1.800,00 € x 29,058 (prix de l'euro de rente viagère pour une femme âgée de 56 ans à la date de liquidation selon barème Gazette du Palais du 15/09/2020, taux 0,30%) = 52.304,40 €. Soit un montant total de 66.457,80 € restant à la charge personnelle de Mme [V].

II. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

a) préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Déficit fonctionnel temporaire (DFT)': 1.500,00 €

Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence ainsi que le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

Il doit être réparé sur la base d'environ 810 € par mois de déficit fonctionnel temporaire total, soit 27 € / jour, sauf à proratiser en fonction du taux de déficit fonctionnel temporaire partiel, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie.

Mme [V] sollicite la somme de 1.500,00 € par référence à un taux de déficit fonctionnel temporaire de 5'% pendant trois ans, période minimum retenue tant par le dernier rapport de 2016 que par le précédent de 2015. Cette somme de 1.500,00 € lui sera accordée.

Souffrances endurées (SE)': 7.000,00 €

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime. Évalué à 2,5/7 par l'expert, il a donné lieu à l'attribution d'une somme de 4.500,00 € par le premier juge.

Mme [V] sollicite en appel une somme de 7.000,00 € que M. [N] et la SA La Médicale de France entendent abaisser à 4.000,00 €. Il convient de tenir compte dans le chiffrage de ce poste de préjudice de ce que la consolidation est intervenue particulièrement tard (près de onze ans après la fin des traitements de M. [N], comme souligné par le docteur [G]). Ce poste sera évalué à la somme de 7.000,00 €.

Préjudice esthétique temporaire (PET)': 3.000,00 €

Ce poste vise à réparer le préjudice né de l'obligation pour la victime de se présenter temporairement avant consolidation au regard des tiers dans une apparence physique altérée en raison de ses blessures.

Mme [V] sollicite la somme de 3.000,00 €. M. [N] et la SA La Médicale de France concluent à la confirmation de la somme de 1.500,00 € allouée par le premier juge.

Le docteur [G] ne se prononce pas expressément dans son troisième rapport sur l'existence d'un préjudice esthétique temporaire. En tout état de cause, la qualité d'une dentition concourt de façon déterminante au sourire et à l'expressivité d'un visage. Ce poste de préjudice sera estimé à hauteur de la somme de 3.000,00 €.

b) préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)

Déficit fonctionnel permanent (DFP)': 14.000,00 €

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence personnelle, familiale et sociale.

Les séquelles conservées, le taux d'incapacité et l'âge de la victime déterminent le quantum de l'évaluation du poste déficit fonctionnel permanent.

Mme [V] conclut sur la base du quatrième rapport à un taux de déficit fonctionnel permanent de 14'% qu'elle évalue à 22.400,00 € et non à 20.000,00 € comme décidé par le premier juge.

Le troisième rapport du docteur [G], que la cour d'appel retient, conclut (page 14) qu'en dépit des mortifications dentaires, l'extraction de toutes les dents (sauf la 17), la pose d'implants et la pose de deux prothèses implanto-portées a permis de rétablir un coefficient masticatoire satisfaiant. La qualité de la réhabilitation ne permet pas de conclure à l'existence d'un état séquellaire.

En tout état de cause, M. [N] et la SA La Médicale de France proposent une somme de 14.000,00 € qui sera attribuée à Mme [V] afin de ne pas méconnaître l'objet du litige.

* * *

Le préjudice corporel global subi par Mme [V] s'établit ainsi à la somme de 168.984,80 €. Soit, après imputation de la somme de 50.000,00 € déjà réglée à titre provisionnel, une somme de 118.984,80 € au paiement de laquelle M. [N] et la SA La Médicale de France seront condamnés in solidum.

I ' A Préjudices patrimoniaux temporaires

Dépenses de santé actuelles

77 027,00 €

Frais divers

rejet

I ' B Préjudices patrimoniaux permanents

Dépenses de santé futures

66.457,80 €

II ' A Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

Déficit fonctionnel temporaire

1 500,00 €

Souffrances endurées

7 500,00 €

Préjudice esthétique temporaire

3 000,00 €

II ' B Préjudices extra-patrimoniaux permanents

Déficit fonctionnel permanent 12 %

14 000,00 €

Préjudice corporel de la victime

168 984,80 €

Prestations servies par le tiers payeur

0,00 €

Somme revenant à la victime

168 984,80 €

Imputation des provisions versées à la victime

50 000,00 €

Solde revenant à la victime

118 984,00 €

Sur les demandes annexes':

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime doivent être confirmées.

Mme [V] ayant été contrainte de constituer avocat pour préserver ses droits, M. [N] et la SA La Médicale de France seront condamnés in solidum à lui régler la somme de 3.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité justifie en revanche de condamner in solidum M. [N] et la SA La Médicale de France au paiement des dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris, hormis'sur le montant de l'indemnisation de la victime et les sommes lui revenant.

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Condamne in solidum M. [N] et la SA La Médicale de France à payer à Mme [V] après imputation des provisions payées à hauteur de 50.000,00 € (cinquante mille euros) la somme de 118.984,80 € (cent dix huit mille neuf cent quatre vingt quatre euros).

Condamne in solidum M. [N] et la SA La Médicale de France à payer à Mme [V] la somme de 3.000,00 € (trois mille euros) au titre des frais irrépétibles qu'elle a engagés en cause d'appel.

Condamne in solidum M. [N] et la SA La Médicale de France aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-6
Numéro d'arrêt : 19/15269
Date de la décision : 12/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-12;19.15269 ?
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