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20/05/2022 | FRANCE | N°18/11113

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-1, 20 mai 2022, 18/11113


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

Chambre 4-1



ARRÊT AU FOND

DU 20 MAI 2022



N°2022/192



Rôle N° RG 18/11113 -

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCWRI







[Y] [Z]





C/





[V] [L] SARL ASSISTANCE NETTOYAGE SERVICE (ANS)

CGEA











Copie exécutoire délivrée le :



20 MAI 2022



à :



Me Roger VIGNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Tristane BIUNNO, avocat au barreau d

'AIX-EN-PROVENCE



Me François ARNOULD, avocat au barreau de MARSEILLE





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section CO - en date du 02 Septembre 2013, enregistré au répert...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 20 MAI 2022

N°2022/192

Rôle N° RG 18/11113 -

N° Portalis DBVB-V-B7C-BCWRI

[Y] [Z]

C/

[V] [L] SARL ASSISTANCE NETTOYAGE SERVICE (ANS)

CGEA

Copie exécutoire délivrée le :

20 MAI 2022

à :

Me Roger VIGNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Tristane BIUNNO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me François ARNOULD, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section CO - en date du 02 Septembre 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/2111.

APPELANTE

Madame [Y] [Z], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Roger VIGNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Maître [V] [L] commissaire à l'exécution du plan de la société ASSISTANCE NETTOYAGE SERVICE, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Tristane BIUNNO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SARL ASSISTANCE NETTOYAGE SERVICE (ANS), demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Tristane BIUNNO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

CGEA, demeurant [Adresse 4]

représenté par Me François ARNOULD, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 14 Février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Madame Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Mai 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Mai 2022

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'arrêt du la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 29 octobre 2021 qui a ordonné la réouverture des débats à l'audience du 14 février 2022 aux fins d'interroger les parties sur l'existence d'un contrat de travail du 3 novembre 2009 jusqu'au 8 septembre 2011 et sur les conséquences qui s'en sont suivies;

Vu les conclusions déposées par Madame [Z] et visées à l'audience du 14 février 2022 par lesquelles elle présente les demandes suivantes :

- recevoir l 'appel de Madame [Z] et le dire bien fondé,

- réformer le jugement déféré et statuant à' nouveau,

- constater que Madame [Z] a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 8 septembre 2011, en raison des manquements gravement fautifs et réitérés de la SARL ANS,

- dire que cette rupture à' l'initiative de la salariée produit les effets d'un licenciement nul et de nul effet du fait de sa situation de salariée protégée,

Vu l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à' l'encontre de la SARL ANS,

Vu le plan de continuation accordé à la SARL ANS,

- condamner la SARL ANS à payer à Madame [Z] les sommes suivantes, ou fixer en tant que de besoin au passif de la SARL ANS, les créances de Madame [Z] aux sommes suivantes :

* 20.000 € à titre d'indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur,

* 15.030 € à titre de rappel de salaire du 23.12.2010 au 08.09.11,

* 1.503 € à' titre d'incidence congés payés sur l'indemnité précitée,

* 3.340 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 334 € à titre d'incidence congés payés sur l'indemnité précitée,

* 3.006 € € à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 15.000 € à' titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

* 15.000 € à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale,

* 16.700 € à titre de dommages-intérêts pour nullité du licenciement,

- dire et juger, en tant que besoin, que les créances ainsi fixées seront opposables aux organes de la procédure collective et garanties par les AGS dans le cadre et limite des dispositions légales et réglementaires,

- condamner la SARL ANS à payer à Madame [Z] la somme de 2.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tant pour les frais de première instance que d'appel,

- fixer en tant que de besoin au passif de la SARL ANS la somme de 2.500 € à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tant pour les frais de première instance que d'appel,

- ordonner la délivrance à' Mme [Z] des documents suivants :

* attestation destinée au POLE EMPLOI mentionnant pour motif de la rupture du contrat de travail : "prise d'acte produisant les effets d'un licenciement"

* bulletin de paie mentionnant les rappels de salaire et incidences judiciairement fixés

* certificat de travail rectifié des mêmes chefs

- ordonner d'avoir à' régulariser, du chef des rappels de salaire judiciairement fixés, la situation de la concluante auprès des organismes sociaux au bénéfice desquels ont été prélevées les cotisations figurant sur les bulletins de salaire édités par l'employeur,

- dire et juger que les créances de Madame [Z] à caractère salarial produiront intérêts de droit à'compter de la demande en justice et les créances indemnitaires à compter de la décision de la Cour, le tout avec capitalisation conformément aux dispositions légales et ce jusqu'au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire,

- condamner la SARL ANS aux entiers dépens.

Vu les conclusions soutenues et déposées par la SARL ASSISTANCE NETTOYAGE SERVICE, (dite SARL ANS), représentée par son commissaire à l'exécution du plan, la SELARL [L] et Associés, et visées à l'audience du 14 février 2022, par lesquelles elle présente les demandes suivantes :

In limine litis et à titre principal,

- dire et juger que les demandes indemnitaires de Madame [Z] sont irrecevables au regard du principe de l'unicité de l'instance du fait de l'arrêt rendu le 18 décembre 2015 dans l'affaire opposant Madame [Z] à la SARL ANS,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que du fait de l'arrêt d'appel rendu le 18 décembre 2015 dans l'affaire opposant Madame [Z] à' la société NERA PROPRETE LITTORAL, aucun transfert du contrat de travail conclu avec la société NERA PROPRETE LITTORAL vers la société ANS n'a pu intervenir,

En conséquence,

- débouter la salariée de la globalité de ses demandes,

A titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger que la SARL ANS n'a commis aucun manquement contractuel,

- dire et juger que les manquements invoqués par Madame [Z] sont anciens et ne pouvaient plus être soulevés dans le cadre de sa prise d'acte de rupture,

- dire et juger que la prise d'acte de la rupture de Madame [Z] doit s'analyser en une démission,

En conséquence,

- débouter Madame [Z] de l'ensemble de ses demandes,

Et en tout état de cause,

- condamner Madame [Z] au remboursement des sommes suivantes auprès de la SARL ANS :

* 3.254,45 € correspondant à' l'indemnité de licenciement versée à l'occasion du licenciement économique notifié le 23 décembre 2011 suite à' l'autorisation de l'inspection du travail,

* 3.337,96 € correspondant à'l'indemnité compensatrice de préavis non exécuté, et la somme de 333,79 € à'titre de congés payés y afférents, versées à l'occasion du licenciement économique notifié le 23 décembre 2011 suite à' l'autorisation de l'inspection du travail,

- condamner Madame [Z] au paiement de la somme de 4.000 € à titre de frais de procédure ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu les conclusions déposées par l'UNEDIC, délégation AGS CGEA de Marseille, à l'audience du 14 février 2022 dans lesquelles elle demande à la cour de :

- vu les articles L.3253-6 à L.3253-21 du code du travail, L.624-4 du code de commerce, 6 et 9 du code de procédure civile, vu la mise en cause de l'AGS-CGEA par Mme [Y] [Z] sur le fondement de l'article L. 625-3 du code de commerce,

- donner acte au concluant de ce qu'il s'en rapporte sur le fond à' l'argumentation développée par l'employeur de Madame [Z] représenté par son mandataire judiciaire,

- débouter Madame [Z] de l'ensemble de ses demandes,

- en tout état, rejeter les demandes infondées et injustifiées et ramener à'de plus justes proportions les indemnités susceptibles d'être allouées à la salariée,

- débouter Madame [Z] de toute demande de condamnation sous astreinte ou au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de code de procédure civile et, en tout état, déclarer le montant des sommes allouées inopposable à l'AGS - CGEA,

- en tout état, constater et fixer en deniers ou quittances les créances de Madame [Z] selon les dispositions des articles L.3253 -6 à L. 3253-21 et D.3253 - 1 à' D.3253-6 du code du travail,

- dire et juger que l'AGS ne devra procéder à' l'avance des créances visées aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-19 et L.3253-17 du code du travail , limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail, plafonds qui incluent les cotisations et contributions sociales et salariales d'origine légale ou d'origine conventionnelle imposées par la loi, ainsi que la retenue à la source prévue à' l'article 204 A du code général des impôts,

- dire et juger que les créances fixées seront payables sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire judiciaire et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à' leur paiement en vertu de l'article L.3253-20 du code du travail,

- dire et juger que le jugement d'ouverture de la procédure collective a entraîné l'arrêt des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l'article L.622-28 du code de commerce.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud'hommes et aux écritures des parties déposées et réitérées oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail

En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue qui ne résultent pas uniquement de l'écrit par lequel il prend acte de la rupture et qui doivent constituer des manquements suffisamment graves de l'employeur à ses obligations pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

En l'espèce, par courrier du 8 septembre 2011, Madame [Z] a pris d'acte de la rupture de son contrat de travail et, dans ses écritures, invoque les griefs suivants :

- non-respect des fonctions et responsabilités attachées au poste de chef d'équipe antérieurement occupé.

- modification brutale et unilatérale du contrat de travail, sans autorisation préalable et en contradiction avec les décisions rendues par l'inspecteur et le ministre du travail.

- rétrogradation.

- non fourniture de travail.

- procédures de licenciements abusives d'abord, pour faute, puis pour un prétendu motif économique toutes rejetées.

- mise au placard.

- discrimination liée au mandat de déléguée syndicale détenu par la salariée.

- refus de réintégration de la salariée à son poste de travail nonobstant la décision d'annulation de son licenciement pour motif économique.

- non-reprise du paiement des salaires malgré l'annulation du licenciement prononcée par le ministre du travail.

- suppression de son poste antérieur nonobstant la décision du ministre du travail et de l'emploi du 30 juin 2011.

- refus de réintégration au poste de travail antérieurement occupé.

- modification du contrat de travail sans l'accord préalable de l'inspecteur du travail etc...

Ainsi Madame [Z] fait valoir que :

- sans nouvelle de la SARL ANS, malgré ses relances téléphoniques, elle a écrit à son employeur le 17 novembre 2009 pour lui confirmer qu'elle se tenait à sa disposition depuis le 1er novembre 2009, date de l'autorisation de son transfert par le ministre du travail. Par lettre du 23 novembre 2009, la SARL ANS l'informait qu'elle entendait contester la décision ministérielle devant le tribunal administratif et, à compter de cette date, elle ne lui a fautivement fourni aucun travail. Ce n'est que par courrier du 3 mars 2010 que la SARL ANS lui a demandé de reprendre son travail à compter du 8 mars suivant en lui adressant un contrat de travail avec prise d'effet rétroactive au 1er novembre 2009.

- le jour de sa prise de poste le 8 mars 2010, elle a dénoncé le changement de ses conditions de travail et demandait le maintien de la précédente organisation, à savoir 3 heures de travail oeuvrantes et 4 heures non-oeuvrantes.

- à compter de cette date, l'employeur lui de nouveau demandé de ne plus se présenter à son poste de travail et lui a présenté, le 22 mars 2010, quatre propositions de postes emportant une modification de son contrat de travail sur les éléments essentiels, propositions qu'elle refusera par courrier du 1er avril 2020.

- aux termes d'un avenant adressé le 4 mai 2010, elle a été affectée sur le site de la caserne du [Localité 6] et, le jour de la reprise le 10 mai 2010, elle a constaté plusieurs anomalies (tâches demandées incompatibles avec ses fonctions de chef d'équipe, présence d'un nouveau chef d'équipe sur le chantier, interdiction par le client de pénétrer sur le site, absence de local réglementaire...). Le 12 mai 2010, elle a fait établir un constat d'huissier pour attester que son nom ne figurait pas sur la liste des personnes autorisées à pénétrer sur le site de la caserne du [Localité 6] et donc de l'impossibilité d'accéder à son poste.

- en riposte, l'employeur a engagé une procédure disciplinaire, le 12 mai 2010, aux motifs d'une altercation à l'entrée de la caserne avec le directeur, l'inspectrice et le chef d'équipe et d'un refus d'exécuter son travail les 10, 11 et 12 mai 2010. L'inspecteur du travail a refusé de donner l'autorisation de la licencier.

- le 17 août 2010, la SARL ANS lui a proposé un nouvel avenant au contrat de travail qui modifiait encore ses conditions de travail.

- par lettre du 21 septembre 2010, la SARL ANS a engagé une procédure de licenciement économique la concernant, l'inspecteur du travail a donné l'autorisation de procéder à son licenciement pour ce motif le 17 décembre 2010, la SARL ANS a précipitamment notifié son licenciement le 23 décembre 2010 et par décision du 30 juin 2011, le ministre du travail a refusé de délivrer l'autorisation de la licencier.

- par courrier du 5 juillet 2011, elle a demandé sa réintégration immédiate à son poste et la régularisation de ses salaires. La SARL ANS ne l'a pas réintégrée et, par courrier du 7 juillet, l' a informée que son poste n'existait plus, a rejeté sa demande de paiement de salaire au motif que celle-ci serait 'prématurée' et lui a présenté un nouvel avenant emportant des modifications du contrat de travail.

***

Il a été jugé par la cour que, même si le ministre du travail a, par décision du 3 novembre 2009, autorisé le transfert du contrat de travail de Mme [Z] auprès de la SARL ANS, dès lors que postérieurement à la décision du ministre, la Cour d'appel, dans son arrêt à ce jour définitif du 18 décembre 2015, a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail conclu entre Mme [Z] et la société NERA PROPRETE LITTORAL, à effet de cette même date du 3 novembre 2009, il convenait de considérer que le contrat de travail entre Mme [Z] et la société NERA PROPRETE LITTORAL a été résilié le 3 novembre 2009 et qu'ainsi il ne pouvait plus donner lieu à exécution dans le cadre d'un transfert auprès de la SARL ANS.

Néanmoins, une relation salariale s'est engagée entre Madame [Z] et la SARL ANS dès lors que cette dernière s'est comportée comme l'employeur de Madame [Z] en lui demandant de reprendre le travail, en lui adressant plusieurs avenants, en l'affectant sur le site de la caserne du [Localité 6] et en engageant deux procédures de licenciement à son encontre. L'existence d'une relation de travail entre Madame [Z] et la SARL ANS est donc caractérisée pour la période du 3 novembre 2009 au 8 septembre 2011.

Ainsi, si Madame [Z] ne saurait invoquer des manquements de la SARL ANS liés au transfert du contrat de travail conclu avec la société NERA PROPRETE LITTORAL et à ses conséquences sur d'éventuelles modifications de ses conditions de travail, elle justifie, alors que la SARL ANS l'avait affectée, depuis le 10 mai 2010, sur le site de la caserne du [Localité 6], n'avoir pas pu accéder à son poste, fait constaté par le procès-verbal du 11 mai 2010, établi par Maître [U], huissier de justice, qui indique 'Monsieur [H], ainsi déclaré agent de sécurité, nous confirme que notre requérante s'est bien présentée au poste de la caserne du [Localité 6] le 10 mai 2010 à 10h30 environ pour prendre ses fonctions mais qu'il lui a interdit le passage après avoir vérifié les documents en sa possession et où le nom de cette personne ne figurait pas. Il nous indique également que ce jour, notre requérante s'est bien présentée à 10h30 environ et que son nom ne figurant toujours pas sur la liste des personnes de la SARL ANS, il a du la refouler et que depuis elle patiente sur le parking en attendant notre accédit'.

Ces faits ont également été retenus par l'inspecteur du travail dans sa décision du 26 juillet 2010 aux termes de laquelle il a refusé de donner l'autorisation de licencier pour faute Madame [Z], en indiquant les motifs suivants : ' Qu'il ne peut être reproché à la salariée de ne pas avoir exécuté des tâches ne correspondant pas aux dispositions de son contrat de travail. De plus, que la salariée n'a jamais refusé, les 10, 11 et 12 mai 2010, d'exécuter les dispositions de son contrat de travail en date du 1er novembre 2009 et signé le 31 mars 2010, mais qu'elle n'a jamais pu se rendre sur son lieu de travail du fait de l'interdiction d'entrer au CTAC posée par l'adjudant RIEN. Par conséquent, que le fait de n'avoir pas travaillé aux dates précitées ne peut être une faute imputable à la salariée'.

La SARL ANS conteste ce fait en indiquant que le site de la caserne du [Localité 6] était divisé entre plusieurs bâtiments et que Madame [Z] a sollicité de pénétrer dans le bâtiment CTAC qui est interdit d'accès avant 14 heures et alors même qu'elle était affectée au bâtiment CIR-AEM. Cependant, ni l'attestation de l'adjudant RIEN, ni le procès-verbal d'huissier du 15 juillet 2010 produit par la SARL ANS, qui comporte les déclarations que Monsieur [P], agent de sécurité, ni les différentes attestations de salariés qui déclarent avoir vu Madame [Z] 'errer dans la cour de la caserne', sans mentionner l'endroit précis où celle-ci se trouvait, ne suffisent à contredire le fait que, les 10 et 11 mai 2010, Madame [Z] s'est vu refuser l'accès à son poste de travail en raison de l'absence de son nom sur la liste détenue par les agents de sécurité. Le manquement est donc établi.

De plus, les éléments du dossier indiquent que la SARL ANS a engagé deux procédures de licenciement à l'encontre de Madame [Z], l'une pour faute et l'autre pour motif économique, et pour lesquelles les autorisations administratives ont été refusées, et notamment, concernant la seconde procédure, par le ministre du travail qui a estimé, dans sa décision du 30 juin 2011, que le fondement économique n'était pas établi.

Alors que par courrier du 5 juillet 2011, Madame [Z] a sollicité d'être réintégrée au sein de la SARL ANS, cette dernière explique que Madame [Z], n'ayant jamais travaillé pour le compte de la SARL ANS, elle est partie du postulat que la réintégration devait s'opérer sur la base du dernier avenant au contrat de travail conclu avec la société NERA PROPRETE LITTORAL sur le site de la caserne du Muy, au bâtiment CTAC. Or, ce poste n'existait plus au sein de la SARL ANS et elle a proposé, par courrier du 7 juillet 2011, une possibilité de réintégration sur un poste équivalent sur le chantier du Grand Port Maritime de [Localité 5] (GPMM).

Néanmoins, il est constant que par contrat de travail du 4 mai 2010, Madame [Z] a été affectée sur le site de la caserne du Muy au bâtiment CIR-AEM et la SARL ANS ne justifie pas que cet emploi n'existait plus ou qu'un emploi équivalent disponible, sur ce même site, ne pouvait pas être proposé à Madame [Z].

Au contraire, en proposant à Madame [Z] un poste sur un autre établissement avec des horaires qu'elle savait incompatibles avec les exigences familiales de la salariée - exigences plusieurs fois rappelées par celle-ci et encore dans ses courriers du 13 juillet 2011 et de prise d'acte du 8 septembre 2011- la SARL ANS a volontairement et fautivement manqué à son obligation de réintégration dans les conditions de l'article L.2422-1 du code du travail et à son obligation de fournir à la salariée une prestation de travail.

Ces faits caractérisent une exécution déloyale du contrat de travail par la SARL ANS, manquement invoqué par la salariée sur le fondement de l'article L.1222-1 du code du travail.

Madame [Z] invoque également un harcèlement moral. Pourtant, force est de constater qu'elle ne développe pas cette demande, ni en droit ni en fait, et ne vise aucun fait précis qu'elle entendrait évoquer à l'appui de sa prétention. Ce chef de préjudice doit donc être écarté.

Il convient d'allouer à Madame [Z] la somme de 2.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi par Madame [Z] du fait de l'exécution fautive et déloyale du contrat de travail.

Ainsi, les manquements de l'employeur à ses obligations sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Ces manquements sont également concomitants à la rupture du contrat de travail et peuvent donc être invoqués à l'appui d'une demande de prise d'acte.

Ainsi, la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par la salariée produit les effets d'un licenciement nul dès lors qu'elle intervient dans le cadre de la violation du statut protecteur de Madame [Z].

Dès lors que le défaut de réintégration de la salariée résulte du comportement fautif de l'employeur, Madame [Z] est en droit de réclamer une indemnisation du fait de la perte de salaire soit, pour la période du 23 décembre 2010 au 8 septembre 2011, la somme de 15.030 €, outre la somme de 1.503 € au titre des congés payés afférents.

Nonobstant le fait que Madame [Z] ait perçu, dans le cadre du licenciement économique qui a été annulé par le ministre du travail, une indemnité de licenciement et une indemnité de préavis, dans le cadre de la rupture du contrat de travail intervenue le 8 septembre 2011 du fait de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, Madame [Z] est en droit de solliciter la somme de 1.670 € au titre de l'indemnité de préavis, au vu de son ancienneté inférieure à deux ans, la somme de 167 € au titre des congés payés afférents et la somme de 612,33 € au titre de l'indemnité de licenciement.

S'agissant d'une déléguée syndicale dont la rupture du contrat équivaut à un licenciement nul, elle a droit à une indemnité correspondant à la période de protection prévue par l'article L.2411-3 code du travail, égale à 12 mois de salaire à compter de son éviction de l'entreprise. Il convient donc de condamner la SARL ANS à payer à Madame [Z] la somme de 20.040 € (équivalent à 12 mois de salaire et somme demandée par la salariée dans le corps de ses écritures) au titre de l'indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur, somme contestée en son principe par la SARL ANS mais non subsidiairement en son montant.

Compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (35 ans), de son ancienneté (un an et dix mois), de sa qualification, de sa rémunération (1.670 €), des circonstances de la rupture mais également de l'absence de justification de sa situation professionnelle après la rupture du contrat de travail, il convient d'accorder à Madame [Z] la somme de 10.100 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.

Sur la discrimination syndicale

Madame [Z] sollicite enfin des dommages-intérêts pour discrimination syndicale en ce qu'elle a fait l'objet d'un nombre important d'entraves à l'exercice normal de sa prestation contractuelle et que ces entraves coïncident avec sa désignation en qualité de déléguée syndicale en novembre 2009. Elle invoque les multiples procédures administratives et de licenciements donc elle a fait l'objet.

La SARL ANS conclut que Madame [Z] est parfaitement vague dans ses accusations de discrimination syndicale et qu'au contraire, c'est la salariée qui a obtenu une désignation syndicale concomitamment à son transfert au sein de la SARL ANS afin d'obtenir une protection particulière. Le lien entre les procédures de licenciement et le mandat syndical n'a pas été retenu par l'administration et la salariée n'a exercé concrètement aucune action syndicale (aucune heure de délégation n'a été prise).

Cependant, Madame [Z] a fait l'objet de deux procédures de licenciement qui ont été rejetées par l'autorité administrative et d'une proposition de réintégration mise en oeuvre de mauvaise foi de la part de l'employeur.

Ces éléments de fait laissent supposer l'existence d'une discrimination syndicale à l'encontre de la salariée.

Même si l'autorité administrative n'a pas fait de lien avec le mandat de la salariée, la SARL ANS ne produit pas d'élément susceptible de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, notamment celle concernant la mise en oeuvre de la proposition de réintégration.

Compte tenu des circonstances de la discrimination subie, de sa durée, et des conséquences dommageables qu'elle a eues pour la salriée, le préjudice en résultant pour elle sera indemnisé par la somme de 2.000 € de dommages-intérêts.

*

La remise d'une attestation Pôle Emploi, d'un certificat de travail et d'un bulletin de salaire rectificatif conformes à la teneur du présent arrêt s'impose ainsi que la régularisation auprès des organismes sociaux au bénéfice desquels ont été prélevées des cotisations figurant sur les bulletins de salaire.

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation, soit à compter du 14 septembre 2010, et les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt. Il convient également d'ordonner la capitalisation des intérêts. Il convient toutefois de rappeler que l'ouverture de la procédure collective de la SARL ANS a entraîné l'arrêt des intérêts légaux et conventionnels.

Sur la garantie de l'AGS

Il convient également de rappeler que l'obligation du CGEA, gestionnaire de l'AGS, de procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail se fera dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19 et L. 3253-17 du code du travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L. 3253-17 et D.3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L.3253-20 du code du travail.

Le présent arrêt devra être déclaré opposable à l'AGS et au CGEA de Marseille.

Sur les demande reconventionnelle de la SARL ASSISTANCE NETTOYAGE SERVICE

La SARL ANS rappelle qu'elle a versé une indemnité de licenciement et une indemnité de préavis à Madame [Z] suite à son licenciement pour motif économique notifié le 23 décembre 2011. En raison de l'annulation, par le ministre, de l'autorisation de procéder au licenciement économique de la salariée donnée par l'inspecteur du travail, Mme [Z] a été réintégrée dans la société, de sorte que les sommes qui ont été versées dans le cadre de ce licenciement annulé doivent être remboursées par Mme [Z].

Mme [Z] ne conclut pas sur cette prétention.

Dès lors que la décision de l'inspecteur du travail du 17 décembre 2010, autorisant le licenciement économique de Mme [Z], a été annulée par le ministre le 30 juin 2011 et que Mme [Z] a perçu, au titre de ce licenciement prononcé le 23 décembre 2010, une indemnité de licenciement et une indemnité compensatrice de préavis, celle-ci doit être condamnée à rembourser à la SARL ANS les sommes de 3.254,45 € versée au titre de l'indemnité de licenciement, de 3.337,96 € versée au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de 333,79 € versée au titre des congés payés afférents, perçues indûment.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront infirmées. Il est équitable de fixer la créance de Madame [Z], au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à la somme de 2.500 € pour les frais non compris dans les dépens qu'elle a engagés en première instance et en cause d'appel.

Les dépens de première instance et d'appel seront à la charge de la procédure collective de la SARL ANS, partie succombante par application de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud'homale,

Vu le jugement du conseil de prud'hommes du 2 septembre 2013,

Vu l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 18 décembre 2015 (RG n°15/16837),

Vu l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 29 octobre 2021,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes du 2 septembre 2013,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que l'action de Madame [Y] [Z] est recevable,

Fixe la créance de Madame [Y] [Z] à inscrire au passif de la procédure collective de la SARL ASSISTANCE NETTOYAGE SERVICE aux sommes suivantes :

- 15.030 € à titre de rappel de salaire,

- 1.503 € au titre des congés payés afférents,

- 20.040 € à titre d'indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur,

- 1.670 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 167 € au titre des congés payés afférents,

- 612,13 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 2.000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du code du travail,

- 2.000 € à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale,

- 10.100 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

- 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d'appel,

Ordonne la remise par les représentants de la SARL ASSISTANCE NETTOYAGE SERVICE à Madame [Y] [Z] d'une attestation Pôle Emploi, d'un certificat de travail et d'un bulletin de salaire rectificatifs conformes à la teneur du présent arrêt ainsi que la régularisation auprès des organismes sociaux au bénéfice desquels sont prélevées des cotisations figurant sur les bulletins de salaire,

Dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2010 et que les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par la loi,

Rappelle que l'ouverture de la procédure collective de la SARL ASSISTANCE NETTOYAGE SERVICE a entraîné l'arrêt des intérêts légaux et conventionnels,

Condamne Madame [Y] [Z] à payer à la SARL ASSISTANCE NETTOYAGE SERVICE les sommes de :

- 3. 254,45 € au titre de l'indemnité de licenciement perçue indûment dans le cadre de la procédure de licenciement pour motif économique annulée,

- 3. 337,96 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis perçue indûment dans le cadre de la procédure de licenciement pour motif économique annulée,

- 333,79 € au titre des congés payés afférents,

Dit la présente décision opposable au CGEA-AGS de Marseille,

Dit que l'AGS devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-8 et suivants du code du travail dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-19 et L. 3253-17 du code du travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L.3253-20 du code du travail,

Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge de la procédure collective de la SARL ASSISTANCE NETTOYAGE SERVICE.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-1
Numéro d'arrêt : 18/11113
Date de la décision : 20/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-20;18.11113 ?
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