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20/05/2022 | FRANCE | N°18/17482

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-1, 20 mai 2022, 18/17482


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1



ARRÊT AU FOND

DU 20 MAI 2022



N° 2022/194





Rôle N° RG 18/17482 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDJKC







[N] [Y]





C/





SAS MANPOWER FRANCE











Copie exécutoire délivrée

le :



20 MAI 2022



à :



Me Cedric HEULIN de la SELARL SELARL GOLDMANN, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Romain CHERFILS, avocat au barreau D

'AIX-EN-PROVENCE







































Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 28 Septembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00178.





APPELANT



Mo...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 20 MAI 2022

N° 2022/194

Rôle N° RG 18/17482 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDJKC

[N] [Y]

C/

SAS MANPOWER FRANCE

Copie exécutoire délivrée

le :

20 MAI 2022

à :

Me Cedric HEULIN de la SELARL SELARL GOLDMANN, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Romain CHERFILS, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 28 Septembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00178.

APPELANT

Monsieur [N] [Y], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Cedric HEULIN de la SELARL SELARL GOLDMANN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SAS MANPOWER FRANCE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Anne-laurence FAROUX de la SAS OLLYNS, avocat au barreau de PARIS, Me Romain CHERFILS, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Madame Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Mai 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Mai 2022

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Monsieur [N] [Y] a conclu un contrat de travail de mission avec la société d'intérim MANPOWER FRANCE le 6 mai 2013 en qualité d'ingénieur d'essai et a été mis à la disposition de la société AIRBUS HELICOPTERS, moyennnant une rémunération mensuelle de base de 2.800 € bruts. Monsieur [Y] a travaillé de façon continue au sein de la société AIRBUS HELICOPTERS jusqu'au 31 octobre 2014.

Invoquant une inégalité de traitement et sollicitant le paiement d'un rappel de salaire, de prime et d'indemnité de fin de contrat, Monsieur [Y] a saisi, par requête du 7 mars 2017, le conseil de prud'hommes de Martigues, lequel, par jugement du 28 septembre 2018 a dit et jugé que Monsieur [Y] n'avait pas été victime d'une inégalité de traitement dans le cadre de son contrat de mission temporaire de mai 2013 à octobre 2014, en conséquence, a débouté Monsieur [Y] de l'ensemble de ses demandes à titre principal, à titre subsidiaire comme à titre infiniment subsidiaire, a débouté Monsieur [Y] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, a débouté la SAS MANPOWER FRANCE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Monsieur [Y] a interjeté appel de ce jugement.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 4 janvier 2022, il demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions et statuer à nouveau,

- dire et juger que Monsieur [Y] a été victime d'une inégalité de traitement dans le cadre de son contrat de mission temporaire de mai 2013 à octobre 2014,

En conséquence :

A titre principal,

- condamner la SAS MANPOWER FRANCE à payer à Monsieur [Y] les sommes suivantes :

* 8.100 € bruts à titre de rappel de salaire, augmenté de la somme de 810 € de congés payés afférents

* 972 € bruts à titre de rappel de la prime de 13ème mois

* 907,2 € à titre de rappel de l'indemnité de fin de contrat

A titre subsidiaire,

- condamner la SAS MANPOWER FRANCE à payer à Monsieur [Y] les sommes suivantes :

* 4.500 € bruts à titre de rappel de salaire, augmenté de la somme de 450 € de congés payés afférents

* 540 € bruts à titre de rappel de la prime de 13ème mois

* 504 € à titre de rappel de l'indemnité de fin de contrat

A titre infiniment subsidiaire, dans le cadre d'un arrêt avant dire droit :

- ordonner à la SAS MANPOWER FRANCE de produire les bulletins de salaire d'intérimaires embauchés sur des missions identiques, avec un diplôme et une formation équivalents à celui du concluant, et ce sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir,

ou

- ordonner une expertise, sur le fondement des articles 10 et 143 du code de procédure civile, aux frais avancés de l'employeur, pour déterminer la somme exacte due au titre de l'inégalité de traitement.

En tout état de cause, condamner la SAS MANPOWER FRANCE à payer à Monsieur [Y] la somme 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 21 février 2019, la SAS MANPOWER FRANCE demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 28 septembre 2018 rendu par le conseil de prud'hommes de Martigues,

En conséquence,

A titre principal :

- dire et juger que le principe d'égalité de traitement a été respecté par la SAS MANPOWER FRANCE vis-à-vis de Monsieur [Y],

En conséquence,

- débouter Monsieur [Y] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la SAS MANPOWER FRANCE,

A titre subsidiaire :

- dire et juger que la demande de rappel de salaire se rapportant à la période antérieure au 14 mars 2014 est prescrite,

- limiter le montant des rappels de salaire à la somme de 377,42 € bruts, outre 37,44 € de congés payés afférents,

- limiter le montant du rappel de la prime de 13ème mois à la somme de 45,30 € bruts,

- limiter le montant du rappel l'indemnité de fin de contrat à la somme de 42,03 € bruts,

- dire et juger que Monsieur [Y] ne rapporte pas la preuve des préjudices qu'il prétend avoir subis, En tout état de cause :

- condamner Monsieur [Y] à verser à la SAS MANPOWER FRANCE la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [Y] aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître Romain CHERFILS, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX- EN- PROVENCE, Avocats Associés, aux offres de droit.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'inégalité de traitement

Il résulte du principe " à travail égal, salaire égal" que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

Il appartient au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération et à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

Monsieur [Y] conclut que par courriers du 9 avril 2014 puis du 4 juillet 2016, il a dénoncé à la SAS MANPOWER FRANCE une inégalité de traitement dont il estime avoir été victime au cours de l'exécution de son contrat d'intérim au sein de la société AIRBUS HELICOPTERS. Il soutient que sa rémunération a été inférieure aux rémunérations versées aux salariés permanents de la société AIRBUS HELICOPTERS, occupant le même poste et ayant la même ancienneté que lui.

Monsieur [Y] produit les éléments suivants :

- son contrat de travail du 6 mai 2013 selon lequel il a été mis à la disposition de la société AIRBUS HELICOPTERS et stipulant un emploi d'ingénieur, statut de cadre 4 et 4 bis, 'resp essai labo', niveau 1, coefficient 92 et un salaire de base de 2.800 €.

- son mail du 9 avril 2014 dans lequel il indique à la SAS MANPOWER FRANCE : 'Vous trouverez en PJ la grille des minimas. A ces minimas il faut ajouter une somme brute mensuelle qui dépend de l'Ecole d'ingénieurs (dixit mes collègues embauchés ainsi qu'un délégué CFDT). Cette somme est de 200, 350 ou 500 euros en fonction du type d'Ecole d'ingénieurs (A,B, ou C, la mienne étant classée B. Vu mon CV il me semble que je pourrais prétendre à l'indice 100 donc avoir une base de 2950+350 = 3300 euros bruts mensuels (au lieu de 2800 aujourd'hui)'.

- son mail du 24 avril 2014 qui indique : ' j'en profite pour vous signaler que je vous ai écrit une bétise dans le mail précédent : le traitement brut minima d'un indice 100 est de 2917 euros (et non 2950) auquel il fut ajouter 350 euros. Ma base devrait donc être 3267 euros contre 2800 aujourd'hui'.

- sa réclamation du 4 juillet 2016 dans laquelle il revendique une rémunération brute mensuelle de base de 3.200 € et évalue son préjudice à la somme de 12.052 €.

- un courriel de Monsieur [E] (du syndicat CFDT) du 21 octobre 2014 qui indique : 'après un rapide parcours auprès des RH, les cadres débutants chez Eurocopter sont recrutés au niveau 84 en forfait jours. Le barême est le suivant : mini pos 1 coeff 84 + 200 € (école C) + 350 € (écoles B) + 500 € (école A)'.

- la liste des écoles de commerce des groupes A+, A, B, C et D.

- son diplôme d'ingénieur de l'Ecole Centrale de [Localité 5] et son diplôme de docteur 'optique photonique et traitement d'images'.

- le compte rendu d'une réunion des délégués du personnel de février 2017 qui indique 'nous souhaiterions savoir à quel salaire brut est embauché un ingénieur ayant un doctorat en sciences (...) Direction : les seuils d'embauche correspondent aux minima des grilles. Après ça dépend de leurs écoles de sortie pour définir s'ils font partie de la catégorie A,B ou C. Le HRBP décide en partie, au regard de l'harminisation des services, lors de la négociation d'embauche'.

- son courrier du 31 octobre 2016 dans lequel il cite deux exemples de comparaison en ces termes:

"les deux exemples ci-dessous concernent des cas concrets d'ingénieurs embauchés par la société AIRBUS HELICOPTERS pour exercer les mêmes fonctions que les miennes, à savoir Ingénieur d'essais au sein du département ETXSl :

1- D'une part, l'exemple de M. [X] (dont je vous ai joint la première fiche de paye, datant du mois de mars 2013), ingénieur diplômé en octobre 2012, ne possédant pas de diplôme de Docteur et seulement 4 mois d'expérience professionnelle en tant qu'intérimaire au même poste: il a été embauché en mars 2013 en position 1, indice 84, au forfait jours (211 jours), pour une rémunération brute mensuelle de base de 2850€.

2- D'autre part, le cas de M. [V], qui comme moi possède un profil plus riche (également Ingénieur et Docteur en Sciences). Voici les détails de ses conditions d'embauche: également embauché au forfait jours en 2011, il a été recruté en position 2, à l'indice 100, et s'est vu proposer une rémunération brute mensuelle de 3200€.

Ces 2 exemples démontrent précisément que pour un même poste (Ingénieur d'Essais), le profil de l'ingénieur concerné (diplômes et expériences professionnelles) influe fortement sur le niveau d'embauche offert par la société AIRBUS HELICOPTERS.

Plus précisément, on constate que le Doctorat en Sciences de M. [V] lui a permis de bénéficier d'une nette majoration de son niveau de rémunération d'embauche, en comparaison de celui offert à M. [X], qui ne possédait pas le diplôme (ni l'expérience) d'un Doctorat en Sciences. En effet, l'expertise que l'on acquiert au cours d'un Doctorat en Sciences constitue une double valeur ajoutée : diplôme et expérience supplémentaires.

Pour rappel, au début de ma mission, mon profil était le suivant (cf. mon CV ci-joint) :

- Diplôme (et expérience) de Doctorat en Sciences (Université d'[3])

- Diplôme d'Ingénieur de l'Ecole Centrale [Localité 5], école classée A (alors que celle de M. [V] est classée B)

- Diplôme de Master Recherche (Université d' [3])

- Expérience professionnelle: plusieurs mois.

Au vu de mon profil (légèrement supérieur à celui de M. [V]), il est clair que la rémunération que j'aurais dû recevoir si j'avais été embauché par AIRBUS HELICOPTERS en mai 2013 aurait dû être au moins égale à celle de M. [V] au nom du principe « à travail égal. salaire égal ». Au contraire, ma rémunération a été inférieure à celle que s'est vu proposer M. [X], pourtant largement moins diplômé et moins expérimenté que moi'.

- le bulletin de salaire du mois de Mars 2013 de Monsieur [U] [K] qui indique qu'il est employé au sein de la société AIRBUS HELICOPTERS depuis le 1er mars 2013 (avec une ancienneté au 1er octobre 2012) en qualité d'ingénieur, niveau 1, coefficient 84 et perçoit, dans le cadre d'une convention de forfait en jours, une rémunération de 2.850 € bruts.

- un courrier de Monsieur [K] du 24 octobre 2017 dans lequel il atteste avoir terminé ses études d'ingénieur en Génie Mécanique à l'INSA de [Localité 4] en juin 2012, avoir été engagé en tant qu'ingénieur responsable d'essai en intérim par la société Expectra en octobre 2012 (sans expérience professionnelle d'ingénieur préalable) puis par la société AIRBUS HELICOPTERS en mars 2013, en contrat de travail à durée indéterminée, en tant qu'ingénieur d'essai.

- le bulletin de salaire du mois d'avril 2013 de Madame [R] qui indique qu'elle a été engagée le 1er octobre 2010, rémunérée sur la base d'un forfait en jours à hauteur de 3.250 € et classée au niveau II, coefficient 100.

- le diplôme de docteur de Madame [R].

- une attestation de Madame [R] qui indique que le bulletin de salaire fourni par Monsieur [Y] est le premier qui lui a été adressé par la société AIRBUS HELICOPTERS suite à son embauche en avril 2013 au poste d'ingénieur au sein du bureau d'études ; qu'elle n'a pas d'autre diplôme que celui d'ingénieur et celui de docteur en sciences ; qu'à la date d'avril 2013, elle n'avait pas d'autre expérience professionnelle et que la date d'ancienneté figurant sur le bulletin de salaire (janvier 2010) correspond à la date de son embauche de début de doctorat.

Monsieur [Y] évoque également la situation de Monsieur [H] qui est la plus proche de la sienne.

Monsieur [Y] évalue le montant du rappel de salaire à 450 € par mois (difference entre son salaire et celui du Madame [R]) ou, à titre subsidiaire à 250 € par mois (moyenne des deux salaires comparés).

Ces éléments de fait sont susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération. Il appartient donc à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

La SAS MANPOWER FRANCE fait valoir que :

- elle a fourni tousles éléments en sa possession pour justifier de la rémunération de Monsieur [Y] obtenus à la suite d'échanges avec la société utilisatrice qui a confirmé que le calcul du salaire de Monsieur [Y] était conforme.

- Monsieur [Y] ne rapporte pas la preuve de faits susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération en ce que :

* aucun des éléments rapportés par Monsieur [Y] ne prouve qu'au sein de la société utilisatrice il existerait un barème de salaire à l'embauche en fonction du diplôme du salarié (les courriels de Monsieur [E] n'émanent pas de la société utilisatrice et les affirmations qu'ils contiennent sont contredites par les grilles d'appointement minimaux annuels pour 2013 de la société utilisatrice qui font apparaître que l'embauche d'un cadre débutant sans expérience se fait au coefficient 76 et non au coefficient 84 et nécessite la justification d'une année d'expérience). Le classement évoqué par Monsieur [Y] a été établi par le site 'Letudiant.fr' et il n'est produit par Monsieur [Y] aucun document émanant de la société utilisatrice faisant état qu'elle aurait repris ce classement pour en faire sa propre grille de rémunérations des ingénieurs débutants qu'elle embauche. Le compte-rendu de la réunion des délégués du personnel de février 2017, non signé, comporte une réponse qui démontre tout au plus que les seuils d'embauche sont ceux définis par les minima et que le salaire à l'embauche fait l'objet d'une négociation entre les parties.

- concernant la situation de Monsieur [K], il n'est pas possible pour la société MANPOWER de vérifier si, comme le prétend Monsieur [Y], ce salarié avait une expérience moins importante que la sienne. Cependant, ce n'est qu'après une première expérience professionnelle en intérim que Monsieur [K] a vu son salaire passer à 2.850 € au moment de son embauche en contrat de travail à durée indéterminée et au moment du recrutement de Monsieur [Y], Monsieur [K] avait déjà plus de 7 mois d'expérience professionnelle au sein de la Société EUROCOPTERS.

Dès lors que Monsieur [Y] compare son salaire à celui d'un salarié permanent de l'entreprise utilisatrice, non pas au moment de sa première embauche en tant qu'intérimaire, mais au moment où il est embauché en CDI, après une première expérience réussie au sein de l'entreprise utilisatrice, il ne peut se prévaloir d'une inégalité de traitement.

- le seul point que pourrait soulever finalement Monsieur [Y] serait le différentiel de 50 € bruts avec Monsieur [K] bénéficiant d'un coefficient inférieur au sien mais le bulletin de paie de Monsieur [K] montre que l'ancienneté de ce salarié remonte au 1er octobre 2012, soit 5 mois avant l'édition du bulletin de paie qui correspond à une première expérience professionnelle.

* sur le deuxième bulletin de paie produit, la salariée est à la position II et au coefficient 100 avec une rémunération brute de 3.250 € et Monsieur [Y] ne peut donc pas se comparer à cette personne. Monsieur [Y] ne démontre pas non plus que cette salariée aurait exercé les mêmes fonctions que lui et aurait eu une expérience et des diplômes comparables. De plus, le bulletin de paie fait apparaître un salaire brut de 3.250 € au 31 mars 2013 alors que l'ancienneté de la salariée remonte au 1er janvier 2010, soit plus de 3 ans d'ancienneté. Ainsi, le salaire de Madame [R], en mars 2013, peut tout à fait être le fruit d'augmentations salariales venant récompenser ses compétences professionnelles mises en application pendant ces 3 années au sein de la Société EUROCOPTERS. L'attestation de Madame [R] produite en cause d'appel ne démontre pas que Monsieur [Y] était placé dans la même situation que Madame [R] dès lors qu'elle confirme avoir trois ans d'ancienneté au sein de la Société EUROCOPTERS. Le fait que ces trois années correspondent à son doctorat n'y change rien dans la mesure où cela implique un engagement en tant qu'ingénieur en janvier 2010.

* les bulletins de paie ne démontrent absolument pas l'existence d'une quelconque formule de calcul du salaire d'embauche d'un cadre en fonction des diplômes obtenus au sein de la société utilisatrice tel que le soutiennent Monsieur [Y] et le coordinateur syndical du groupe Airbus.

*étant dans une situation où elle ne pourrait pas justifier d'un tel différentiel, n'étant pas l'employeur du salarié dont la rémunération est évoquée par Monsieur [Y], ce dernier aurait dû, a minima, mettre dans la cause la société utilisatrice.

La SAS MANPOWER FRANCE produit le tableau d'appointements des minima annuels 2013 en forfait-jour de la société EUROCOPTERS, le tableau d'appointements des minima annuels 2013 avec la référence horaire de la société EUROCOPTERS et les courriels de Madame [B] (société utilisatrice) à l'agence Manpower des 22 juillet 2016 et 16 novembre 2016.

***

Par application du principe 'à travail égal, salaire égal', la rémunération du travailleur temporaire ne peut être inférieure à celle que perçoit chez l'utilisateur, après la période d'essai, un salarié de qualification équivalente, occupant le même poste. L'entreprise de travail temporaire est débitrice de cette obligation à l'égard du salarié, à charge pour elle de se retourner contre l'entreprise utilisatrice lorsqu'une faute a été commise par cette dernière.

Nonobstant l'explication soutenue par Monsieur [Y], selon laquelle la pratique au sein de la société AIRBUS HELICOPTERS consistait, lors de l'embauche, à fixer le salaire en fonction des minima salariaux auxquels était rajoutée une somme dont le montant dépendait du classement de l'école d'ingénieurs qui avait formé le salarié, dès lors que Monsieur [Y] demande un rappel de salaire dont le montant, à titre principal ou à titre subsidiaire, est calculé par comparaison avec les situation de Monsieur [K] et de Madame [R], il convient d'examiner l'existence ou non, d'une inégalité de traitement sur la base de ces deux comparaisons, Monsieur [Y] ne produisant aucune pièce relative à la situation qu'il invoque dans ses conclusions concernant Monsieur [H].

Il convient de relever que le bulletin de salaire de Madame [R] indique qu'elle est classée au niveau II, coefficient 100, de sorte que Monsieur [Y], classé au niveau I, coefficient 92 n'est pas placé dans la même situation. Par ailleurs, Madame [R] atteste bien que sa date d'entrée au sein de la société AIRBUS HELICOPTERS est le 1er janvier 2010, même si cette embauche est intervenue au début de son doctorat. Ainsi, les salariés n'ayant pas la même ancienneté, la comparaison avec la situation de Madame [R] est à écarter.

Par contre, le bulletin de salaire de Monsieur [K] indique une date d'embauche au sein de la société AIRBUS HELICOPTERS le 1er mars 2013, soit à la même époque que celle de Monsieur [Y], survenue au mois de mai 2013, Monsieur [K] expliquant que la société AIRBUS HELICOPTERS a repris son ancienneté au 1er octobre 2012 du fait de son précédent emploi d'ingénieur responsable d'essai en intérim auprès de la société Expectra.

Monsieur [K] atteste avoir travaillé, au sein de la société AIRBUS HELICOPTERS en qualité d'ingénieur essai, soit avoir exercé des fonctions similaires à celles de Monsieur [Y]. La cour constate donc une situation identique entre Monsieur [K] et Monsieur [Y] qui ont effectué un même travail d'ingénieur ou un travail de valeur égale.

Monsieur [K] a été classé au niveau 1, coefficient 84 et a perçu un salaire de base de 2.850 €, soit 50 € de plus que celui de Monsieur [Y], classé au coefficient 92.

La SAS MANPOWER FRANCE ne rapporte pas la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence et reconnaît, au contraire dans ses conclusions, l'existence de cette inégalité.

La Cour disposant de tous les éléments nécessaires pour trancher le litige - de sorte que la production d'autres pièces ou la mise en oeuvre d'expertise ne sont pas des mesures utiles - Monsieur [Y] est en droit de solliciter un rappel de salaire sur la base de 50 € par mois.

Sur la prescription

Invoquant les dispositions de l'article L. 3245-1 du code du travail, la SAS MANPOWER FRANCE soutient que, s'il existe une distinction entre la durée de la prescription de l'action et la période de réclamation des rappels de salaire, l'interprétation faite par Monsieur [Y] de la période de réclamation des salaires est erronée en ce que le salarié ne peut réclamer des créances salariales au titre des trois années précédant la rupture de son contrat que si son action est intentée dans le délai de deux ans suivant cette rupture. Monsieur [Y] a saisi le Conseil de prud'hommes de Martigues par acte du 14 mars 2017, les rappels de salaires se rapportant à une période antérieure au 17 mars 2014 sont donc prescrits. Par ailleurs, la rupture du contrat de mission de Monsieur [Y] est intervenue le 31 octobre 2014 et en saisissant le conseil de prud'hommes le 14 mars 2017, soit postérieurement au délai de 2 ans pour contester la rupture de son contrat, Monsieur [Y] ne pouvait plus se prévaloir d'un rappel de salaire remontant aux 3 dernières années précédant la rupture de son contrat.

Conscient de son erreur, Monsieur [Y] invoque ensuite un point de départ de son délai de prescription au mois de février 2017, date à laquelle il prétend avoir « eu connaissance de la position de la direction d'AIRBUS HELICOPTERS sur les rémunérations pratiquées à l'embauche » à raison d'une réunion des délégués du personnel de la société HELICOPTERS du mois de février 2017 alors que les éléments sur lesquels Monsieur [Y] fonde principalement son action étaient déjà connus de lui bien avant février 2017 puisque dès le 9 avril 2014, il a fait part de ses revendications à la société MANPOWER.

La SAS MANPOWER FRANCE demande donc de rejeter la demande de rappel de salaire couvrant la période de mai 2013 au 17 mars 2014.

Monsieur [Y] réplique que, le contrat de travail ayant été rompu en octobre 2014, il disposait d'un droit d'action en paiement du salaire jusqu'au mois d'octobre 2017. Ses demandes peuvent parfaitement porter sur la période de mai 2013 à octobre 2014, cette période étant incluse dans les trois ans précédant la rupture du contrat de travail. En toute état de cause, le point de départ du délai de prescription doit être fixé au mois de février 2017, date à laquelle il a eu connaissance de la position de la société AIRBUS HELICOPTERS sur les rémunérations pratiquées à l'embauche et de l'intégralité des éléments factuels lui permettant d'exercer son droit.

***

Selon l'article L.3245-1 du code du travail « L'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par 3 ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des 3 dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des 3 années précédant la rupture du contrat ».

Contrairement à ce qui est soutenu par le salarié, la rupture du contrat de travail ne reporte pas le point de départ de la prescription et ce qui est visé par l'article L.3245-1 du code du travail, c'est non la question de la prescription de l'action mais celle de la portée de la demande, lorsque le salarié a connaissance des faits lui permettant d'agir postérieurement à la rupture de son contrat de travail.

En l'espèce, s'agissant d'une action en paiement d'un rappel de salaire, le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible , soit à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise. Invoquant une inégalité de traitement, Monsieur [Y] ne peut prétendre qu'il ne pouvait agir qu'après avoir eu connaissance de la position de la société AIRBUS HELICOPTERS sur les rémunérations pratiquées à l'embauche et avoir eu en sa possession l'intégralité des éléments factuels lui permettant d'exercer son droit, soit selon lui en février 2017, alors même que sa première revendication écrite auprès de son employeur date du 9 avril 2014 (son mail du 9 avril 2014 cité ci-dessus).

Monsieur [Y] ayant saisi le conseil de prud'hommes par requête interruptive de prescription le 7 mars 2017, la demande en paiement des salaires antérieurs à février 2014 est prescrite.

Il convient donc de condamner la SAS MANPOWER FRANCE à payer à Monsieur [Y] la somme de 400 € (soit 50 € x 8 mois), outre les sommes de 40 € au titre des congés payés afférents, de 48€ au titre du rappel de la prime de 13ème mois (12% du salaire mensuel de base) et de 44,80 € au titre du rappel de l'indemnité de fin de contrat.

Etant saisie uniquement des prétentions mentionnées dans le dispositif des conclusions des parties, la cour n'est pas saisie de la demande présentée par Monsieur [Y] dans le corps de ses écritures au titre de dommages-intérêts pour inégalité de traitement.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront infirmées et il est équitable de condamner la SAS MANPOWER FRANCE à payer à Monsieur [Y] la somme de 2.500 € au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a engagés en première instance et en cause d'appel.

Les dépens de première instance et d'appel seront à la charge de la SAS MANPOWER FRANCE, partie succombante par application de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et en matière prud'homale,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Condamne la SAS MANPOWER FRANCE à payer à Monsieur [N] [Y] les sommes de :

- 400 € à titre de rappel de salaire,

- 40 € au titre des congés payés afférents,

- 48 € à titre de rappel de la prime de 13ème mois,

- 44,80 € à titre de rappel de l'indemnité de fin de contrat,

- 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS MANPOWER FRANCE aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-1
Numéro d'arrêt : 18/17482
Date de la décision : 20/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-20;18.17482 ?
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