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20/05/2022 | FRANCE | N°18/17518

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-1, 20 mai 2022, 18/17518


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1



ARRÊT AU FOND

DU 20 MAI 2022



N° 2022/195





Rôle N° RG 18/17518 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDJON







[C] [M] épouse [W]





C/





SAS AVIAPARTNER MARSEILLE









Copie exécutoire délivrée le :



20 MAI 2022



à :



Me Thierry Laurent GIRAUD de la SCP LUCCIARDI BELLEMANIERE WATRIN GIRAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Me Mi

chel KUHN, avocat au barreau de MARSEILLE





































Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 28 Septembre 2018 enregistré au répertoire général sous l...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 20 MAI 2022

N° 2022/195

Rôle N° RG 18/17518 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDJON

[C] [M] épouse [W]

C/

SAS AVIAPARTNER MARSEILLE

Copie exécutoire délivrée le :

20 MAI 2022

à :

Me Thierry Laurent GIRAUD de la SCP LUCCIARDI BELLEMANIERE WATRIN GIRAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Michel KUHN, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 28 Septembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F17/00469.

APPELANTE

Madame [C] [M] épouse [W]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2018/13939 du 14/12/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Thierry Laurent GIRAUD de la SCP LUCCIARDI BELLEMANIERE WATRIN GIRAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SAS AVIAPARTNER MARSEILLE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Michel KUHN, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Madame Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Mai 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Mai 2022

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Madame [C] [M] épouse [W] a été embauchée par la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE suivant contrat de travail à durée déterminée du 6 mars 2017, dans le cadre d'un contrat de professionnalisation, en qualité d'agent d'accueil.

Le 23 mars 2017, la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE a mis fin à la relation contractuelle pendant la période d'essai.

Contestant la rupture du contrat de travail et invoquant une discrimination, Madame [W] a saisi, par requête du 12 juin 2017, le conseil de prud'hommes de Martigues lequel, par jugement du 28 septembre 2018, a dit et jugé que l'employeur était parfaitement en droit de procéder à la rupture du contrat de professionnalisation intervenue dans les délais légaux, a dit et jugé que les éléments apportés par la salariée ne démontrent nullement l'abus de droit de la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE et qu'aucune pièce concrète n'est produite pour justifier cet abus, en conséquence, a débouté Madame [W] de ses demandes en dommages-intérêts, a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l'une ou de l'autre des parties et a condamné Madame [W] aux dépens de l'instance.

Madame [W] a interjeté appel de ce jugement.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 4 février 2019, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Statuant a nouveau :

- vu les articles 1103 et suivants du code civil, constater l'abus de droit de l'employeur, en conséquence, en réparation du préjudice causé à la salariée, condamner l'employeur à payer à Madame [W] la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts.

- vu les dispositions de l'article L.1132-1 du code du travail, constater la discrimination de l'employeur, en conséquence, en réparation du préjudice causé à la salariée, condamner l'employeur à payer à Madame [W] la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts.

- en tout état de cause, condamner l'employeur à payer à Madame [W] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 29 avril 2019, la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE demande à la cour de confirmer le jugement, de déclarer Madame [W] mal fondée en toutes ses demandes et l'en débouter, de la condamner à payer la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail

Madame [W] soutient que la rupture du contrat de travail de la part de l'employeur, intervenue pendant la période d'essai, est abusive en ce que :

- elle connaissait déjà parfaitement les fonctions d'agent d'accueil aéroportuaire pour les avoir déjà occupées pour le compte de la compagnie Alitalia entre 2008 et 2014 et la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE ne peut prétendre qu'elle ne disposait pas des compétences pour ce poste.

- l'employeur n'a pas pu utilement juger de ses aptitudes pendant le temps de la formation dont les deux premières semaines ont été consacrées à la formation théorique, la formation pratique ayant débuté le 21 mars 2017 alors que la rupture du contrat de travail est intervenue le 23 mars suivant, soit seulement après deux jours de travail effectifs et pratiques. Elle n'a pas eu le temps de procéder à un seul embarquement qui est l'un des aspects important du métier.

- elle était en période de formation.

La SAS AVIAPARTNER MARSEILLE conclut que Madame [W] avait parfaitement connaissance de la période d'essai ; que la rupture du contrat de travail a été prononcée après 23 jours sur les 30 jours que compte ladite période d'essai ; qu'il n'y a donc pas eu de précipitation de sa part et elle a pu apprécier les compétences tant théoriques que pratiques de Madame [W] ; que Madame [W], sur qui pèse la charge de la preuve de l'abus de droit, ne produit aucune pièce et procède par affirmations ; que le fait qu'elle a travaillé pour une autre société du secteur aérien ne démontre pas en soi qu'elle était susceptible de répondre aux exigences professionnelles de la société sur un poste nécessairement incomparable.

La période d'essai permet au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent et à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail.

Durant cette phase initiale, l'un ou l'autre peut décider de rompre le contrat sans motif et sans indemnité.

Si les parties sont en principe libres de rompre le contrat de travail durant la période d'essai, l'employeur ne doit pas faire un usage abusif de ce droit. Ainsi, sont prescrits les comportements déloyaux tels que l'intention de nuire, la légèreté blâmable ou le détournement de la finalité de la période d'essai ainsi que la rupture motivée par des considérations non inhérentes à la personne du salarié.

En l'espèce, alors que Madame [W] a été engagée à compter du 6 mars 2017, la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE a mis fin à la période d'essai par lettre du 23 mars 2017 en indiquant que 'cette période d'essai ne nous ayant pas donné satisfaction, nous entendons mettre un terme à notre collaboration'.

Par courrier du 28 mars 2017 adressé à la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE, Madame [W] a demandé que lui soient expliqués les motifs de cette rupture, invoquant une annonce extrêmement brutale et difficile à comprendre dès lors qu'elle n'avait commis aucune faute ni subi aucun reproche professionnel.

Si l'employeur n'a, en droit, pas à indiquer au salarié les motifs de la rupture, Madame [W] rapporte la preuve de ce qu'elle a travaillé du 13 juillet 2007 au 28 janvier 2014 en qualité d'agent d'accueil pour le compte de la compagnie aérienne ALITALIA et qu'ainsi elle disposait des compétences requises pour le poste.

Dans le cadre de son contrat de professionnalisation, elle a suivi la formation théorique et l'a réussie avec succès comme en atteste le certificat de formation.

Par ailleurs, il n'est pas contesté par la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE que dans le cadre de la formation pratique, Madame [W] n'a travaillé que trois jours et n'a effectué que des missions d'enregistrement. Elle n'a pas été évaluée sur des missions d'embarquement qui constituent pourtant une mission essentielle de son poste, comme en atteste la fiche de métier d'hôtesse d'accueil produite par Madame [W].

Ainsi, la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE a rompu le contrat de travail alors que Madame [W] n'a pas été en mesure d'exercer effectivement l'ensemble des attributions du poste et d'avoir été évaluée sur les aspects essentiels de ses fonctions dans le cadre de sa formation.

Il en résulte que Madame [W] rapporte la preuve que, dans ces circonstances, la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE n'a pu apprécier sa valeur professionnelle avant de procéder à la rupture de la période d'essai. Dans ces conditions, la rupture de la période d'essai est abusive.

Madame [W] sollicite la somme de 10.150 € de dommages-intérêts représentant les salaires qu'elle aurait dû percevoir jusqu'à la fin du contrat de travail à durée déterminée. Cependant, selon l'article L.1242-11 du code du travail, les dispositions de l'article L.1243-4 ne sont pas applicables pendant la période d'essai.

Madame [W], qui n'a pu mener à terme sa formation, a subi un préjudice professionnel et moral qui sera indemnisé par la somme de 1.000 € de dommages-intérêts.

Sur la demande de dommages-intérêts pour discrimination

Selon l'article L1132-1 du code du travail 'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français'.

Selon l'article L1134-1 du code du travail, 'lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.'.

Madame [W] invoque une discrimination en raison de son handicap - indiquant avoir été reconnue travailleur handicapé, situation connue de l'employeur comme le mentionne le contrat de travail-, le fait qu'elle n'était pas titulaire du permis de conduire, reproche qui lui a été adressé par son supérieur hiérarchique, Monsieur [Y] qui lui a indiqué : 'je ne suis pas sur de pouvoir continuer avec vous' et le fait qu'elle a voulu faire valoir légitimement ses droits en consultant la convention collective, ce qui a déplu à Monsieur [Y] qui lui a indiqué : 'si vous croyez que vous allez faire la révolution ici'.

Pour étayer ses affirmations, elle produit notamment la notification de la décision de la MDPH de reconnaissance de travailleur handicapé du 14 juin 2016 ainsi qu'un exemplaire de la convention collective.

En l'état des explications et des pièces insuffisamment fournies par la salariée, la matérialité d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination n'est pas démontrée. La demande doit par conséquent être rejetée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront infirmées.

Il est équitable de condamner la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE à payer à Madame [W] la somme de 2.500 € au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a engagés en première instance et en cause d'appel.

Les dépens de première instance et d'appel seront à la charge de la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE, partie succombante par application de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud'homale,

Infirme le jugement déféré sauf en sa disposition ayant rejeté la demande de dommages-intérêts au titre d'une discrimination,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE à payer à Madame [C] [M] épouse [W] les sommes de :

- 1.000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive de la période d'essai,

- 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

[X] [N] faisant fonction


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-1
Numéro d'arrêt : 18/17518
Date de la décision : 20/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-20;18.17518 ?
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