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20/05/2022 | FRANCE | N°18/18187

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-1, 20 mai 2022, 18/18187


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1



ARRÊT AU FOND

DU 20 MAI 2022



N° 2022/198





Rôle N° RG 18/18187 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDLMG







SAS JUNGHEINRICH





C/





[K] [X]









Copie exécutoire délivrée

le :



20 MAI 2022



à :



Me Jonathan LAUNE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Me Philippe RAFFAELLI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,


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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 13 Novembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F 16/00890.





APPELANTE



SAS JUNGHEINRICH, demeurant [Ad...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 20 MAI 2022

N° 2022/198

Rôle N° RG 18/18187 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BDLMG

SAS JUNGHEINRICH

C/

[K] [X]

Copie exécutoire délivrée

le :

20 MAI 2022

à :

Me Jonathan LAUNE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Philippe RAFFAELLI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARTIGUES en date du 13 Novembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F 16/00890.

APPELANTE

SAS JUNGHEINRICH, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jonathan LAUNE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, SCP LEURENT & PASQUET, avocats au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur [K] [X], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Philippe RAFFAELLI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Thomas AUTRIC, avocat au barreau de NIMES

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Mai 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Mai 2022

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Monsieur [K] [X] a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée en date du 18 mars 1991, en qualité de technicien itinérant confirmé, au sein de la société JUNGHEINRICH, spécialisée dans le marché des chariots-élévateurs et des équipements de manutention.

Monsieur [K] [X] a évolué ensuite sur le poste de technicien itinérant spécialisé le 12 juillet 1999, puis sur le poste de technicien spécialisé système le 1er juin 2014. Il était rattaché sur le site de [Localité 4].

Lors d'une visite périodique en date du 10 décembre 2013, Monsieur [K] [X] a été déclaré inapte temporaire à son poste de travail.

Il a été arrêté dans le cadre d'un arrêt maladie du 11 décembre 2013 au 14 décembre 2015. Il était opéré à deux reprises à son épaule droite (les 5 février 2014 et 15 octobre 2014) avec complications.

Monsieur [K] [X] a être placé en invalidité de catégorie 1 à compter du 1er décembre 2015, et en a averti l'employeur par courriel en date du 20 novembre 2015.

A l'issue de son dernier arrêt de travail, Monsieur [K] [X] a été convoqué à une visite médicale de reprise en date du 18 décembre 2015, au terme de laquelle le médecin du travail l'a déclaré inapte à la reprise sur son poste de travail, avec la précision selon laquelle il pouvait être reclassé sur un poste de type administratif.

Suite à la seconde visite médicale en date du 7 janvier 2016, il a été déclaré définitivement inapte à son poste de travail (après étude de poste en date du 6 janvier 2016), mais apte pour occuper un poste de type administratif, « sans manutention de charges et sans gestes nécessitant l'élévation des membres supérieurs ».

Monsieur [K] [X] a rempli une demande de prise en charge en maladie professionnelle auprès de la CPAM, qu'il a transmis à son employeur par courriel du 29 janvier 2016.

Par mail du 24 mars 2016, la société JUNGHEINRICH a proposé deux postes de reclassement, puis un troisième le 25 mars 2016, que Monsieur [K] [X] a refusé par courrier du 30 mars 2016.

Sollicités les 12 et 26 février 2016, les délégués du personnel ont rendu un avis le 29 mars 2016 effectuant des propositions d'aménagement de poste, non retenues par la Direction en raison de leur infaisabilité, suivant courrier du 22 avril 2016.

Par courrier du 2 mai 2016, Monsieur [K] [X] a été convoqué à un entretien préalable fixé le 18 mai 2016, en vue de son licenciement.

Après convocation en date du 24 mai 2016, le Comité d'Entreprise s'est opposé au projet de licenciement de Mr [X].

Monsieur [X] ayant présenté sa candidature aux élections professionnelles le 20 octobre 2015, sans être élu, la sociéré JUNGHEINRICH a engagé une procédure de demanded'autorisation de licenciement d'un salarié protégé et l'inspecteur du travail s'est déclaré incompétent suivant décison du 13 juillet 2016, la protection de Monsieur [X] ayant expiré le 19 avril 2016.

La CPAM a refusé de prendre en charge la pathologie de Monsieur [X] au titre de la maladie professionnelle et celui ci a formé un recours dont il a informé l'employeur suivant courrier recommandé avec accusé de réception en date du 29 juin 2016.

Par lettre recommandée du 22 juillet 2016, la société JUNGHEINRICH a procédé au licenciement de Monsieur [K] [X].

Par requête du 9 décembre 2016, Monsieur [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Martigues aux fins de contester son licenciement et solliciter une indemnisation pour non respect de la procédure de consultation des délégués du personnel et non respect de l'obligation de reclassement, ainsi que pour manquement à son obligation de formation.

Par jugement en date du 13 novembre 2018, le conseil de prud'hommes de Martigues a fait droit aux demandes de Monsieur [X] visant à faire reconnaître l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle en raison de la violation par l'employeur des règles protectrices applicables aux salariés victimes de maladie professionnelle et a condamné la société JUNGHEINRICH à lui payer :

-50 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L .1226-15 du Code du travail

-1.500 € au titre de l'article 700 du CPC

Le Conseil a rejeté la demande du salarié de dommages et intérêts pour absence de formation.

La société JUNGHEINRICH a interjeté appel de cette décision le 19 novembre 2018.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 22 juillet 2019, elle demande à la Cour de :

INFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Martigues en ce qu'il a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Et statuant à nouveau :

- Dire et de juger que le licenciement de Monsieur [X] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

-Débouter Monsieur [X] de l'ensemble de ses demandes ;

-Dire que Monsieur [X] devra rembourser à la société JUNGHEINRICH la somme de 47.327,58€ qui lui a été versée au titre de l'exécution provisoire des condamnations prononcées en première instance;

-Condamner Monsieur [X] à verser à la société JUNGHEINRICH FRANCE la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

-Le condamner aux entiers dépens.

Auxtermes de ses conclusions d'intimé, Monsieur [X] demande à la cour de :

CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Martigues en date du 13 novembre 2018 en ce qu'il a dit et jugé que le licenciement de Monsieur [X] était dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de l'absence de consultation conforme des délégués du personnel et de l'absence de recherche loyale et sérieuse de reclassement,

INFIRMER le jugement en ce qu'il rejette la demande de dommages et intérêts pour absence de formation

En conséquence,

-Dire et juger que l'employeur a méconnu les dispositions légales protectrices applicables aux salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle,

-Dire et juger que l'employeur a manqué à ses obligations en matière de formation et d'adaptation des salariés à leur emploi,

-Dire et juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

Condamner la Société JUNGHEINRICH au paiement des sommes suivantes :

-50 000 € à titre d'indemnité pour violation des dispositions protectrices applicables aux salariés victimes d'une maladie professionnelle et licenciement sans cause réelle et sérieuse en l'absence de recherche loyale et sérieuse de reclassement ;

-5 000 € de dommages et intérêts pour absence de formation ;

-2 000 € au titre de l'article 700 du CPC ;

Condamner l'employeur aux entiers dépens.

La clôture de la procédure a été prononcée suivant ordonnance du 3 février 2022.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la validité de la procédure de licenciement pour inaptitude

La société JUNGHEINRICH fait valoir qu'elle a appliqué les dispositions protectrices des salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, nonobstant la décision de refus de prise en charge par la CPAM au titre de la législation sur les maladies professionnelles. Elle expose avoir respecté la procédure applicable prévue aux articles L1226-10 du code du travail, en sollicitant à deux reprises l'avis des délégués du personnels les 12 et 26 février 2016 et ce, après le second avis d'inaptitude du médecin du travail et avant d'adresser les propositions de reclassement à l'intéressé, et encore avant de procéder à son licenciement. Elle ajoute avoir sollicité en vain par deux fois l'avis du médecin du travail sur les postes de reclassement proposés. Elle explique que Monsieur [X] a refusé les propositions qui lui ont été loyalement faites car il n'était pas mobile, ce qui a restreint son périmètre de recherches d'emploi et qu'elle a effectué toutes les recherches existantes dans ce périmètre.

Monsieur [X] soutient que la procédure de licenciement est irrégulière car l'employeur n'a pas donné d'éléments suffisants pour permettre aux délégués du personnel de rendre un avis pertinent, les contraignant à solliciter des délais supplémentaires. Il expose que les postes qui lui ont été proposés par courrier du 25 mars 2016 n'ont pas été soumis à l'avis des délégués du personnel, ni à celui du médecin du travail, avant de lui être proposés. Il indique encore que l'employeur n'a pas effectué une recherche loyale et sérieuse de reclassement et a rejeté les propositions résultant de l'étude réalisée par les délégués du personnel le 16 mars 2016 remises le 29 mars 2016, sans consulter le médecin du travail, de sorte qu'il n'a pas rempli loyalement son obligation de reclassement.

***

La cour constate que la société JUNGHEINRICH reconnait devoir appliquer la procédure de licenciement régissant le régime des inaptitudes d'origine professionnelle prévue aux articles L1226-10 et suivants du code du travail.

Aux termes de l'article L 1226-10 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige, 'lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail'.

L'avis des délégués du personnel sur le reclassement du salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle doit être recueilli après que l'inaptitude ait été constatée dans les conditions légales et avant la proposition à l'intéressé d'un poste de reclassement approprié à ses capacités.

Aucune forme particulière n'est imposée pour recueillir l'avis des délégués du personnel. La convocation peut être effectuée par voie électronique.

En l'espèce, la société JUNGHEINRICH a adressé, par courrier recommandé du 25 mars 2016, à Monsieur [X] trois propositions de reclassement suite à son inaptitude : un poste de vendeur SAV à l'agence de [Localité 2], un poste d'Assistant Vente à l'agence de [Localité 4] (temps partiel) et un poste d'assistant technique à l'agence de [Localité 5].

Elle verse aux débats un email de convocation du 9 février 2016, adressé aux délégués du personnel du site de [Localité 7], à une réunion de consultation prévue le 12 février 2016 sur le reclassement après inaptitude de Monsieur [X]. Elle produit également l'email de convocation des délégués du personnel en date du 18 février 2016 pour une nouvelle réunion de consultation fixée au 26 février 2016 au sujet du reclassement de Monsieur [X].

Par courriel du 10 mars 2016, l'employeur procède à une synthèse des réunions qui se sont déroulées les 12 et 26 février, faisant état d'échanges et de suggestions formulées par les délégués du personnel (spécialiser Monsieur [X] afin qu'il forme les autres techniciens ou lui proposer un poste administratif situé à [Localité 6], en télétravail) et évoquant deux des propositions de poste de reclassement envisagées par la direction lors de ces échanges, soit celui de vendeur SAV-agence de Bordeaux et celui d'Assistant vente-agence de [Localité 4] (temps partiel 24h hebdo), rappelant qu'un délai a été accordé aux délégués du personnel pour finaliser leur avis. Par courriel en réponse du même jour, Monsieur [Y], délégué du personnel, ne conteste pas le contenu de cette synthèse.

Toutefois, s'il ressort de ces éléments que la société JUNGHEINRICH a effectivement procédé à la consultation des délégués du personnel les 12 et 26 février 2016, soit après le second avis d'inaptitude du 7 janvier 2016 sur deux des trois postes proposés et avant l'envoi des propositions de poste de reclassement à Monsieur [X] le 25 mars 2016, la cour constate que l'employeur n'a pas attendu la remise de l'étude réalisée par les délégués du personnel, formalisant leur avis le 29 mars 2016, pour adresser ces offres de reclassement au salarié inapte.

En outre, si l'avis du médecin du travail a été sollicité sur deux des trois postes proposés par courriel du 24 mars 2016, la société JUNGHEINRICH n'a pas attendu de recueillir cet avis médical avant d'adresser ces propositions de reclassement à Monsieur [X] le 25 mars 2016.

Enfin, l'employeur ne justifie pas avoir consulté les délégués du personnel ni le médecin du travail au sujet du troisième poste situé à [Localité 5].

Si Monsieur [X] a refusé les propositions de reclassement suivant courrier du 30 mars 2016, faisant valoir pour les offres de [Localité 2] et [Localité 4] qu'elles n'entraient pas dans son domaine de compétence et, pour celle située à [Localité 5], qu'elle était trop éloignée de son implantation familiale, il convient de relever que le seul refus du salarié ne suffit pas à démontrer que l'employeur a rempli son obligation de reclassement.

L'employeur est tenu d'effectuer des recherches sérieuses et loyales de reclassement.

En l'espèce, si la société JUNGHEINRICH justifie avoir adressé des courriels à ses différentes agences françaises ainsi qu'à son service international entre le 18 et le 25 janvier 2016, la cour relève que le contenu du courriel de recherche de reclassement est imprécis quant aux compétences de Monsieur [X] et ne comporte pas les restrictions apportées par le médecin du travail, évoquant simplement un reclassement possible sur un 'poste administratif'. En outre, l'employeur ne produit pas le registre d'entrée et de sortie du personnel de ses différentes entités susceptible de démontrer qu'elle a loyalement rempli son obligation de recherche de reclassement.

L'employeur est encore tenu de proposer au salarié des offres sérieuses et adaptées aux préconisations du médecin du travail, le cas échéant en envisageant des aménagements ou les formations qui permettraient de rendre les postes compatibles avec l'état de santé du salarié.

En l'espèce, la note d'étude établie par les délégués du personnel le 16 mars 2016 et remise à l'employeur le 29 mars 2016 émet la proposition suivante : 'sans devoir créer un nouveau poste, nous proposons d'adapter le poste existant de Monsieur [K] [X] en privilégiant toutes les activités ne nécessitant pas d'efforts physiques importants et en excluant les tâches mécaniques lourdes (règlage électronique, contrôle technique, mise en service chariots neufs, occasion ou location, rédaction de devis, proposition de solutions techniques etc...), la fonction spécifique de support technique de Monsieur [X] permettant largement de ne plus avoir recours à des gestes nécessitant de lever les membres supérieurs. Nous proposons d'adapter le véhicule de Monsieur [X] et d'alléger l'outillage utilisé. (...) Monsieur [X], proche de la retraite, dans le cadre d'un emploi à mi temps et fort de sa grande expérience, pourrait contribuer effecicacement à la formation d'un nouveau technicien itinérant spécialisé en vue de son remplacement'.

La société JUNGHEINRICH a répondu par courrier du 22 avril 2016 que les propositions faites ne pouvaient être mises en oeuvre, pour des motifs tenant essentiellement à l'organisation et au fonctionnement de l'entreprise, ne souhaitant pas 'créer' un poste comportant un morcellement d'activités disparates ne pouvant satisfaire ses clients.

Or s'agissant d'une adaptation du poste existant et non d'une création de poste, la cour relève que la société JUNGHEINRICH n'a pas sollicité l'avis du médecin du travail sur les aménagements recommandés par les délégués du personnel, avant de se prononcer.

Il s'ensuit que l'employeur ne justifie pas avoir sérieusement et loyalement recherché et proposé à son salarié un poste conforme aux préconisations du médecin du travail, aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de transformation de postes ou d'aménagement du temps de travail.

Dès lors, la cour constate que la société JUNGHEINRICH n'a pas respecté son obligation de reclassement, de sorte que le licenciement pour inaptitude de Monsieur [X] est dénué de cause réelle et sérieuse.

En conséquence, il y a lieu de confirmer la décision du conseil de prud'hommes de Martigues qui a considéré que l'article L 1226-10 n'avait pas été respecté et alloué à Monsieur [X] des dommages et intérêts sur le fondement de l'article L 1226-15 du code du travail, dans sa version applicable à la date du licenciement (soit 23 juillet 2016).

Aux termes de cet article, le licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte, prévues par les articles L 1226-10 à L1226-12 du code du travail, ouvre droit au salarié qui ne réclame pas sa réintégration, au versement d'une indemnité qui ne peut être inférieure à douze mois de salaires.

Compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (57 ans), de son ancienneté dans la société (25 ans), de sa qualification, de sa rémunération (3.172,91 euros), de la production d'une attestation de POLE EMPLOI mentionnant son admission à l'ARE sur la période du 1er juillet 2016 au 2 juin 2017, il y a lieu de lui allouer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La décision du conseil de prud'hommes sera confirmée de ce chef.

Il y a lieu également d'ordonner à la société JUGHEINRICH de rembourser aux organismes concernés les allocations de chômage payées à Monsieur [X] du jour du licenciement au jour du prononcé du présent arrêt dans la limite de 6 mois

Sur les dommages et intérêts pour absence de formation

Monsieur [X] soutient qu'il n'a suivi aucune formation qui lui aurait permis d'évoluer sur son poste ou sur d'autres postes de l'entreprise et aurait facilité son reclassement, et sollicite le versement d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de son employeur aux dispositions de l'article L 6321-1 du Code du travail.

La société JUNGHEINRICH, qui produit la fiche de suivi des formations effectuées ou proposées à Monsieur [X] de décembre 2003 à octobre 2016, fait valoir que la demande formée n'est ni fondée en son principe, ni en son montant et en sollicite le rejet.

***

Alors que l'employeur justifie de l'ensemble des formations effectuées par l'intimé depuis l'année 2003, ce que Monsieur [X] ne conteste pas, la cour constate que le salarié n'apporte pas d'éléments suffisants pour étayer sa demande, notamment les démarches qu'il aurait entreprises pour solliciter des formations supplémentaires au cours de sa carrière et le lien de causalité avec les difficultés de reclassement sur un poste 'administratif, lié à la dégradation de son état de santé. En outre, il y a lieu de constater que le salarié caractérise insuffisamment le préjudice qui en serait résulté.

Dès lors, il y a lieu de confirmer la décision du conseil de prud'hommes qui a débouté Monsieur [X] de sa demande de dommages et intérêts pour absence de formation.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'équité commande de confirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles, de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et d'allouer à ce titre la somme de 1500 euros à Monsieur [X].

L'employeur, qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y Ajoutant :

Condamne la société JUNGHEINRICH à payer à Monsieur [K] [X] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société JUNGHEINRICH aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-1
Numéro d'arrêt : 18/18187
Date de la décision : 20/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-20;18.18187 ?
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