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16/06/2022 | FRANCE | N°18/10314

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-2, 16 juin 2022, 18/10314


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2



ARRÊT AU FOND

DU 16 JUIN 2022



N° 2022/364













Rôle N° RG 18/10314 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCULE







[J] [O]

(AJ Totale n° BAJ 2018/005229 du 15/06/2018)



C/



SARL BHB COMMUNICATION





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



- Me Maud DAVAL-GUEDJ



- Me Romain CHERF

ILS











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de CANNES en date du 15 Mars 2018 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 2017/00154.





APPELANT



Monsieur [J] [O]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/005229 du 15/06/2018 ac...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 16 JUIN 2022

N° 2022/364

Rôle N° RG 18/10314 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCULE

[J] [O]

(AJ Totale n° BAJ 2018/005229 du 15/06/2018)

C/

SARL BHB COMMUNICATION

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me Maud DAVAL-GUEDJ

- Me Romain CHERFILS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de CANNES en date du 15 Mars 2018 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 2017/00154.

APPELANT

Monsieur [J] [O]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/005229 du 15/06/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Karine ANDRIO, avocat au barreau de NICE, plaidant

INTIMEE

SARL BHB COMMUNICATION

dont le siège social est sis, demeurant [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Laurent LIMONI, avocat au barreau de GRASSE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 27 Avril 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Muriel VASSAIL, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseiller

Madame Agnès VADROT, Conseiller rapporteur

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Juin 2022,

Signé par Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS PROCEDURES ET PRETENTIONS DES PARTIES

Le 24 novembre 2014, M. [J] [O] a créé la société SOURIS BLANCHE dont l'activité principale était la photographie pour l'enfant et sa famille.

Désireux de faire connaître son entreprise, il a pris attache avec la société BHB COMMUNICATION, agence conseil en communication et publicité, pour diverses prestations de publicité sur le net.

Le 23 juin 2016, ayant constaté que son activité était déficitaire, M. [O] a convoqué une assemblée générale qui a voté la dissolution amiable de la société SOURIS BLANCHE et l'a désigné liquidateur amiable.

Le 26 octobre 2016, l'assemblée générale de la société SOURIS BLANCHE a prononcé la clôture de la liquidation amiable aux motifs qu'aucune dette n'était due.

La société SOURIS BLANCHE a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 9 novembre 2016.

Par jugement du 5 janvier 2017, rendu sur assignation délivrée le 20 juillet 2016, le tribunal de commerce de NICE a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, condamné la société SOURIS BLANCHE, prise en la personne de son liquidateur amiable, M. [O], à payer à la société BHB COMMUNICATION :

-22 944 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation au titre de factures impayées,

-2 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive,

-les dépens et 1500 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile.

Bien que définitif, ce jugement n'a pas pu être mis à exécution en raison de la radiation de la société SOURIS BLANCHE du registre du commerce et des sociétés.

C'est la raison pour laquelle, le 15 mai 2017, la société BHB COMMUNICATION a assigné M. [O] à titre personnel devant le tribunal de commerce de CANNES en réparation de son préjudice.

Par jugement du 15 mars 2018, le tribunal de commerce de CANNES a :

-dit qu'en clôturant les opérations de liquidation de la société SOURIS BLANCHE M. [O] a commis une faute dans l'exercice de sa fonction de liquidateur amiable,

-déclaré M. [O] responsable à titre personnel du préjudice subi par la société BHB COMMUNICATION,

-débouté M. [O] de l'ensemble de ses demandes,

-condamné M. [O] à payer à la société BHB COMMUNICATION :

-22 444 euros en réparation de son préjudice,

-1 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile,

-les dépens.

Le premier juge a retenu que :

-bien que décidée le 23 juin 2016, la mention de la liquidation amiable de la société SOURIS BLANCHE n'a été publiée au RCS que le 13 septembre 2016 de sorte qu'elle n'est opposable aux tiers que depuis cette date,

-l'assignation délivrée le 20 juillet 2016 à l'adresse du siège social de la société SOURIS BLANCHE est parfaitement valable,

-en qualité de liquidateur amiable de la société SOURIS BLANCHE, M. [O] a commis une faute en clôturant la liquidation en ce que :

-même si son siège social a été modifié en raison de la liquidation amiable, il appartenait à la société SOURIS BLANCHE de prendre toutes les dispositions nécessaires pour assurer le suivi de son courrier tant que la modification n'a pas été publiée,

-informé de la demande en paiement formulée par la société BHB COMMUNICATION, M. [O] ne peut prétendre que celle-ci avait accepté la résiliation du contrat liant les parties,

-M. [O] a clôturé la procédure alors qu'il avait connaissance de l'existence d'une créance éventuellement litigieuse,

-en clôturant la procédure de liquidation amiable de la société SOURIS BLANCHE, M. [O] a privé la société BHB COMMUNICATION de la possibilité de faire exécuter le jugement rendu le 5 janvier 2017 par le tribunal de commerce de NICE,

-le préjudice de la société BHB COMMUNICATION correspond aux condamnations prononcées par le tribunal de commerce de NICE.

M. [O] a fait appel de cette décision le 20 juin 2018.

Dans ses dernières écritures, déposées au RPVA le 19 septembre 2018, il demande à la cour, au visa des articles L237-12 du code de commerce et 1343-5 du code civil, de dire et juger un certain nombre de choses qui sont autant de moyens et :

A titre principal, de :

-débouter la société BHB COMMUNICATION de l'ensemble de ses demandes,

-condamner la société BHB COMMUNICATION aux dépens avec distraction et à lui payer 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire, de :

-lui accorder les délais de paiement les plus larges,

-débouter la société BHB COMMUNICATION de ses prétentions concernant les dépens et les frais irrépétibles.

Dans ses dernières conclusions, communiquées au RPVA le 11 décembre 2018, la société BHB COMMUNICATION demande à la cour de constater un certain nombre de choses qui sont autant de moyens et de :

-confirmer en toutes ses dispositions le jugement frappé d'appel,

-débouter M. [O] de l'intégralité de ses demandes,

-condamner M. [O] à titre personnel à lui payer, avec intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2016, la somme totale de 26 842, 08 arrêtée au 1er mai 2017, à parfaire au jour de la décision à intervenir, correspondant aux montant de la condamnation mise à la charge de la société SOURIS BLANCHE,

-ordonner la capitalisation des intérêts,

-condamner M. [O] aux dépens avec distraction et à lui payer 5 000 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 17 septembre 2021, les parties ont été avisées de la fixation du dossier à l'audience du 27 avril 2022.

La procédure a été clôturée le 7 avril 2022 et, le même jour, la date de fixation a été rappelée aux parties.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il conviendra de se référer aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens de fait et de droit.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les mérites de l'appel

Comme le rappellent les deux parties, l'article L237-12 du code de commerce pose pour principe que le liquidateur est responsable, à l'égard tant de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes qu'il a commises dans l'exercice de ses fonctions.

En premier lieu, M. [O] fait grief au premier juge d'avoir retenu une faute à son encontre alors que, n'étant pas au courant de la procédure initiée par la société BHB COMMUNICATION devant le tribunal de commerce de NICE, il ne savait pas qu'il existait une créance litigieuse susceptible d'être inscrite au passif de la société SOURIS BLANCHE.

Il ne peut valablement soutenir cela alors qu'il explique en préambule de ses écritures qu'un litige l'opposait avec la société BHB COMMUNICATION sur l'efficacité de ses prestations pour la société SOURIS BLANCHE et qu'il verse aux débats (sa pièce 7) le courrier adressé le 17 mai 2016 à la société SOURIS BLANCHE, à son attention, par la société BHB COMMUNICATION en réponse à sa demande de résiliation de contrat.

Aux termes de ce courrier, qu'il ne conteste pas avoir reçu et dont il ne nie pas avoir eu connaissance, la société BHB COMMUNICATION a mis la société SOURIS BLANCHE en demeure de lui régler la somme totale de 22 944 euros TTC correspondant aux prestations qu'elle affirmait avoir réalisées.

Ce courrier précise bien qu'à défaut de paiement dans le délai de huit jours la société BHB COMMUNICATION «'sera contrainte de donner instruction à son conseil de porter cette affaire sur le plan judiciaire et prendre...toutes mesures propres à assurer la sauvegarde de ses droits.'»

Il apparaît donc que dès le 17 mai 2016, en qualité de dirigeant fondateur de la société SOURIS BLANCHE, M. [O] ne pouvait ignorer qu'il existait une créance susceptible d'être portée au passif de son entreprise.

M.[O] ne peut pas non plus valablement prétendre que la société BHB COMMUNICATION aurait commis une faute en assignant la société SOURIS BLANCHE à l'adresse de son siège social le 20 juillet 2016 sans le mettre en cause en qualité de liquidateur amiable ni un mandataire ad hoc alors que, comme le premier juge l'a souligné à juste titre :

-la liquidation amiable de la société SOURIS BLANCHE, décidée le 23 juin 2016, a été publiée au RCS seulement le 13 septembre 2016 de sorte qu'elle n'était pas opposable à la société BHB COMMUNICATION le 20 juillet 2016 lorsqu'elle a délivré son assignation,

-l'assignation du 20 juillet 2016 (pièce 4 de l'intimée) a été délivrée au siège social de la société SOURIS BLANCHE,

-même si le siège social de cette société avait été modifié, il appartenait à M. [O], en qualité de président et de liquidateur amiable, de prendre les dispositions nécessaires pour assurer le suivi de son courrier tant que la modification n'avait pas été publiée.

Au demeurant, il y a lieu de rappeler que, conformément à l'article 369 du code de procédure civile, la liquidation amiable d'une société n'interrompt par l'instance.

Toutefois, la cour constate que :

-aux termes du jugement rendu le 5 janvier 2017 c'est bien la société SOURIS BLANCHE prise en la personne de son liquidateur amiable, M. [J] [O], qui a été condamnée, ce dont il résulte que l'ouverture de la procédure amiable a été prise en compte par le tribunal de commerce qui a convoqué M. [O] ès qualités même si ce dernier ne s'est jamais manifesté auprès de la juridiction,

-ce jugement a régulièrement été signifié à M. [O] en qualité de liquidateur amiable de la société SOURIS BLANCE à sa personne le 17 janvier 2017.

Or, si comme il l'affirme ce jugement aujourd'hui définitif était irrégulier il appartenait à l'intéressé d'en relever appel, ce qu'il n'a pas fait au prétexte inopérant qu'il était dépressif et mal conseillé.

Exerçant les droits propres de la société radiée, il ne peut pas non plus légitimement prétendre que son appel n'aurait pas été recevable alors qu'il lui était à tout le moins loisible de se faire désigner mandataire ad litem.

En conséquence, le premier juge doit être approuvé en ce qu'il a retenu qu'en tant que liquidateur amiable M. [O] avait commis une faute personnelle en clôturant la procédure de liquidation amiable de la société SOURIS BLANCHE sans provisionner la créance revendiquée par la société BHB COMMUNICATION et en considérant qu'il n'existait pas de passif.

Comme le fait valoir la société BHB COMMUNICATION, cette faute a eu pour effet de la priver de toute possibilité d'exécution du jugement du 5 janvier 2017 et de recouvrer la condamnation dont elle a bénéficié.

Pour autant, considérant qu'il n'est pas contesté que la société SOURIS BLANCHE ne disposait d'aucun actif réalisable ni d'aucune trésorerie, le préjudice de l'intimée ne peut s'analyser qu'en une perte de chance qui ne peut être évaluée qu'à la somme de 5 000 euros.

L'intérêt au taux légal sera dû à compter de la présente décision et la capitalisation sera autorisée pourvu que les conditions légales soient réunies. La société BHB COMMUNICATION sera donc déboutée du surplus de ses demandes concernant le quantum de son préjudice et le point de départ des intérêts.

Le jugement frappé d'appel sera donc infirmé sur le montant de la condamnation infligée à M. [O].

Ayant déjà bénéficié de larges délais de fait en raison de la procédure d'appel, ce dernier sera débouté de sa demande de délais.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement frappé d'appel sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Les dépens de la procédure d'appel seront laissés à la charge de M. [O] qui succombe à titre principal.

Eu égard à la situation matérielle de M. [O], bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, et à l'infirmation partielle de la décision attaquée, aucune considération d'équité n'impose de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société BHB COMMUNICATION.

Elle sera déboutée de sa demande.

L'application de l'article 699 du code de procédure civile sera autorisée pour le conseil de l'intimée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, après débats publics et par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;

Infirme le jugement rendu le 15 mars 2018 par le tribunal de commerce de CANNES en ce qu'il a condamné M. [O] à payer à la société BHB COMMUNICATION la somme de 26 444 euros en réparation de son préjudice ;

Confirme en toutes ses autres dispositions, en ce compris celles relatives aux dépens et aux frais irrépétibles, le jugement rendu le 15 mars 2018 par le tribunal de commerce de CANNES ;

Statuant à nouveau du chef d'infirmation et y ajoutant :

Condamne M. [O] à payer à la société BHB COMMUNICATION la somme de 5 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision et capitalisation, en réparation de sa perte de chance de recouvrer sa créance ;

Déboute la société BHB COMMUNICATION du surplus de ses demandes concernant le quantum de son préjudice et le point de départ des intérêts ;

Déboute M. [O] de sa demande de délais de paiement ;

Déboute la société BHB COMMUNICATION de ses prétentions au titre des frais irrépétibles;

Autorise l'application de l'article 699 du code de procédure civile au bénéfice du conseil de la société BHB COMMUNICATION ;

Condamne M. [O] aux dépens d'appel.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-2
Numéro d'arrêt : 18/10314
Date de la décision : 16/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-16;18.10314 ?
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