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14/04/2023 | FRANCE | N°19/10474

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-1, 14 avril 2023, 19/10474


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1



ARRÊT AU FOND

DU 14 AVRIL 2023



N° 2023/148



Rôle N° RG 19/10474 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEQKP







[H] [S]





C/





SA HSBC CONTINENTAL EUROPE







Copie exécutoire délivrée

le :



14 AVRIL 2023



à :



Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE



Me Martine DESOMBRE, avo

cat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 24 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 18/01603.



...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 14 AVRIL 2023

N° 2023/148

Rôle N° RG 19/10474 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BEQKP

[H] [S]

C/

SA HSBC CONTINENTAL EUROPE

Copie exécutoire délivrée

le :

14 AVRIL 2023

à :

Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Martine DESOMBRE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 24 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 18/01603.

APPELANTE

Madame [H] [S], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Ingrid YEBENES, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

SA HSBC CONTINENTAL EUROPE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Martine DESOMBRE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me FROMONT-BRIENS, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 09 Janvier 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Madame Emmanuelle CASINI, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Avril 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Avril 2023

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Madame [H] [S] a été engagée par l'établissement financier CREDIT COMMERCIAL DE FRANCE, devenu ultérieurement HSBC FRANCE, puis SA HSBC CONTINENTAL EUROPE, suivant contrat à durée indéterminée du 7 janvier 1991 en qualité de documentaliste de la direction de la recherche et de l'innovation.

Par avenant au contrat de travail du 11 juin 2007, elle a été nommée aux fonctions de chargée d'affaires au sein de la direction des grands clients. A compter du 1er janvier 2010, elle a été affectée au sein du CBC Méditerranée.

Par avenant du 30 décembre 2011 et à compter du 1er janvier 2012, elle a été nommée aux fonctions de chargée de relations clientèle entreprise au sein du département client management de la direction 'coverage' de 'Global Banking and Markets France'.

Le 10 août 2016, elle a sollicité le poste de 'Sales PCM CMB [Localité 3]' (Global Liquidity & Cash Management) et à compter du mois de juin 2017, elle s'est vu confier le segment de clientèle Grande Entreprise (Clientèle 'Corporate Banking - Large Corporates').

Madame [S] a été en arrêt de travail à compter du 29 janvier 2018. Par mail du 22 mars 2018 elle a sollicité de son employeur une rupture conventionnelle.

Par courrier du 6 avril 2018, elle a pris acte de la rupture du contrat de travail en ces termes :

« Madame [T],

La présente a pour objet de vous faire connaître ma décision de rompre le contrat de travail me liant à HSBC depuis le 7 janvier 1991 aux torts exclusifs de l'entreprise.

Les raisons qui m'ont conduit à cette décision se résument ainsi :

Mon état de santé s'est fortement dégradé suite aux pressions et agissements inacceptables de la part de certains membres du CBC Méditerranée à mon encontre depuis août 2017 et rendant très difficile parfois impossible l'exécution de mon travail.

Je qualifierais ces actes, au moins pour certains, d'actes de harcèlement discriminatoires.

J'ai alerté mes managers à différentes reprises à ce sujet, tout en ayant à c'ur de respecter mon devoir de réserve. L'ambiance de travail très détériorée m'a fortement impactée, générant un état de stress élevé, une perte de poids et des extrasystoles violentes. Je suis en arrêt maladie depuis le 29 janvier 2018, date à laquelle j'ai été dans l'incapacité de me rendre au CBC Méditerranée suite à un malaise cardiaque survenu dans le parking en prenant la voiture de service.

Mon état de santé ne s'améliorant pas et en l'absence de proposition de la part de mes managers pour faire en sorte que de tels agissements ne se reproduisent plus, j'ai pris la décision de faire le point avec la référente RH du métier GLCM, [MX] [A], le 13 mars dernier.

Cette discussion téléphonique a été suivie d'un entretien dans les locaux d'HSBC à [Localité 5] le vendredi 16 mars lors duquel j'ai relaté les événements vécus depuis août 2017 et remis un dossier contenant des éléments ayant trait aux agissements déjà dénoncés à ma hiérarchie directe.

Cet entretien a été excessivement pénible et Mme [A] a pu juger de mon état de santé très fragilisé.

Lors de cet entretien Mme [A] a laissé entendre qu'une solution interne pourrait être trouvée.

Depuis lors, je suis contrainte de déplorer l'absence de retour de la Direction des ressources humaines malgré mes relances. Ainsi, force est de constater que rien n'est fait pour résoudre ces graves difficultés, qui semblent ainsi couvertes.

Ceci ne fait qu'impacter davantage mon état de santé.

Je ne peux plus accepter l'insécurité qui ressort d'une telle situation et m'oblige à tirer toutes les conséquences, à savoir l'impossible retour en poste et l'impossible poursuite de la relation contractuelle, ayant perdu toute confiance.

Il est regrettable qu'HSBC France, qui se targue d'être « the best place to work » n'ait pas pris toute la mesure de ma détresse (subie d'ailleurs par d'autres salariés).

Compte tenu des circonstances, la prise d'acte entraîne la rupture immédiate du contrat.

Je vous remercie en conséquence, de faire en sorte que me soient adressés mes documents de fin de contrat.

Cependant, je considère que cette rupture ne m'est pas imputable et j'entends réserver l'intégralité de mes droits contractuels, au besoin en saisissant le Conseil de Prud'hommes ».

Par requête du 25 juillet 2018, Madame [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille pour demander de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner l'employeur à verser des indemnités de rupture et des dommages-intérêts au titre d'un harcèlement moral, notamment.

Par jugement du 24 mai 2019, le conseil de prud'hommes a :

- dit que le harcèlement moral n'est pas constitué.

- dit que la prise d'acte de la rupture par Madame [S] de son contrat de travail auprès de la SA HSBC FRANCE doit produire les effets d'une démission.

- condamné Madame [S] à verser à la SA HSBC FRANCE la somme de 14.659,14 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis non effectué.

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- dit que chaque partie supportera ses propres dépens.

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Madame [S] a interjeté appel de ce jugement.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 30 septembre 2019, elle demande à la cour de :

- recevoir Madame [S] en ses demandes et y faisant droit.

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Marseille le 24 mai 2019 dont appel en son intégralité en ce qu'il a :

- dit que le harcèlement moral n'est pas constitué.

- dit que la prise d'acte de la rupture par Madame [S] de son contrat de travail auprès de la SA HSBC FRANCE doit produire les effets d'une démission.

- condamné Madame [S] à verser à la SA HSBC FRANCE la somme de 14.659,14 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis non effectué.

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- dit que chaque partie supportera ses propres dépens.

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Et statuant à nouveau :

Sur l'exécution du contrat de travail :

A titre principal :

- dire et juger que Madame [S] a été victime d'actes constitutifs de harcèlement moral.

- dire et juger que la SA HSBC FRANCE a manqué à son obligation de prévention des actes de harcèlement moral.

En conséquence :

- condamner la SA HSBC FRANCE à verser à Madame [S] la somme de 21.000 € en réparation des préjudices moraux et physiques subis durant la relation de travail du fait des actes de harcèlement moral dont elle a été victime ainsi que des manquements de la SA HSBC à prévenir de tels actes.

A titre subsidiaire :

- dire et juger que la SA HSBC FRANCE a manqué à ses obligations d'assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de Madame [S].

En conséquence :

- condamner la SA HSBC FRANCE à verser à Madame [S] la somme de 21.000 € en réparation des préjudices moraux et physiques subis durant la relation de travail du fait des actes de harcèlement moral dont elle a été victime ainsi que des manquements de la SA HSBC à prévenir de tels actes.

En tout état de cause :

- condamner la SA HSBC FRANCE à verser à Madame [S] la somme de 667,73 € au titre de remboursement des indemnités journalières abusivement retenues et à établir le bulletin de paie de régularisation afférent et ce, sous astreinte de 250 € par jour de retard, à compter de la notification par le greffe de la requête à HSBC.

Sur la rupture du contrat de travail :

- constater que la SA HSBC FRANCE a manqué à son obligation de prévenir les actes de harcèlement moral et d'autre part de les faire cesser, ce qui a entraîné une souffrance au travail de la part de Madame [S] rendant impossible la poursuite du contrat de travail.

- constater que la SA HSBC FRANCE a manqué à son obligation de résultat d'assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de Madame [S] rendant impossible la poursuite du contrat de travail.

En conséquence :

- dire et juger que la SA HSBC FRANCE a commis des manquements graves rendant impossible la poursuite du contrat de travail.

- dire et juger que la prise d'acte du contrat produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- condamner la SA HSBC FRANCE à verser à Madame [S] les sommes suivantes :

' indemnité conventionnelle de licenciement : 83.139,59 €

' indemnité compensatrice de préavis : 14.659,14 €

' indemnité de licenciement nul ou, à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse : 116.000 €

En tout état de cause :

- ordonner la remise des documents de fin de contrat de Madame [S] à savoir son certificat de travail ainsi que son attestation pôle emploi conformes à l'arrêt à intervenir et ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document, à compter du 15ème jour suivant la signification de l'arrêt.

- dire que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par le greffe de la requête introductive d'instance.

- condamner la SA HSBC FRANCE à payer à Madame [S] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure de première instance.

- condamner la SA HSBC FRANCE à payer à Madame [S] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure d'appel.

- condamner la SA HSBC FRANCE aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître Romain, CHERFILS, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, Avocats associés, aux offres de droit.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 27 décembre 2019, la SA HSBC FRANCE, devenue la SA HSBC CONTINENTAL EUROPE, demande à la cour de :

A titre principal :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Marseille.

En conséquence :

- dire et juger que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Madame [S] doit produire les effets d'une démission.

- débouter Madame [S] de l'intégralité de ses demandes formulées à ce titre.

- condamner Madame [S] à verser à la société HSBC FRANCE la somme de 14.659,14 € au titre de l'indemnité compensatrice du préavis non exécuté.

A titre subsidiaire :

- dire et juger que Madame [S] ne justifie pas d'un quelconque préjudice.

En conséquence :

- ramener le montant des demandes de dommages-intérêts sollicités par Madame [S] a de sensiblement plus justes proportions dans la limite de trois mois, soit 14.659,14 € bruts.

En tout état de cause :

- débouter Madame [S] du surplus de ses demandes.

- débouter Madame [S] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner Madame [S] à verser à la société HSBC FRANCE 2.100 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- débouter la même aux entiers dépens.

- si la Cour devait faire droit aux demandes à caractère indemnitaire de Madame [S] : dire et juger que ces sommes s'entendent comme brutes de CSG et de CRDS.

- si la Cour devait faire droit aux demandes à caractère salarial formulées par Madame [S] : dire et juger que ces sommes s'entendent comme brutes avant précompte de charges sociales.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le harcèlement moral

Il sera rappelé que le harcèlement moral par référence à l'article L 1152-1 du code du travail est constitué par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En cas de litige, l'article L 1154-1, dans sa rédaction applicable au litige, le salarié présente des éléments de fait, appréciés dans leur ensemble, laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

A titre principal, Madame [S] soutient, d'une part, qu'elle a été victime de faits de harcèlement moral, et d'une part, que la SA HSBC CONTINENTAL EUROPE a manqué à son obligation de prévention du harcèlement moral.

Elle présente les éléments de fait suivants : ses conditions de travail se sont dégradées à compter de juin 2017, date à laquelle elle s'est vu confier le segment de clientèle Grande Entreprise en plus des autres segments. Elle a fait l'objet de vexations et de mépris de la part de Monsieur [J] [E], de Monsieur [VS] [F] et de Madame [R] [M] [Y] - salariés avec lesquels elle n'avait pas de lien de subordination - qui considéraient qu'elle n'avait pas de valeur ajoutée à apporter à l'équipe et qui dénigraient son travail auprès des autres équipes. Sa hiérarchie était parfaitement informée de la situation et n'a pas su mener les actions adéquates pour faire cesser les agissements de harcèlement moral malgré l'ensemble des moyens dont elle disposait. Notamment, l'intervention de Monsieur [K] (N+2) par mail du 20 septembre 2017, qui rappelait à Monsieur [E] dans quelles conditions le travail avec Madame [S] devait se dérouler, est largement insuffisant car il n'intervient pas sur le sujet du harcèlement moral qu'il n'a d'ailleurs pas fait cesser. Elle a accumulé un stress qui a généré des extrasystoles et qui ont justifié un arrêt de travail.

Madame [S] soutient également, par référence à l'article L.1152-4 du code du travail, que la SA HSBC CONTINENTAL EUROPE n'a pas respecté son obligation de prévention des actes de harcèlement moral qu'elle avait dénoncés. Son supérieur hiérarchique n'a pas pris les mesures qui s'imposaient puisque ses interventions, largement insuffisantes, n'ont pas permis de faire cesser les agissements. Puis, la Direction des ressources humaine n'a jamais pris la peine de prendre la moindre mesure pour vérifier que les faits dénoncés, qui lui avaient coûté un arrêt de travail prolongé, avaient cessé et faire en sorte de prévenir de nouveaux agissements. Aucune enquête n'a été diligentée, contrairement à ce que prévoit le code du travail en pareille hypothèse alors que l'employeur était parfaitement informé de la situation critique dans laquelle elle se trouvait.

Madame [S] produit les éléments suivants :

- le mail qu'elle a adressé à Monsieur [K] et Madame [X] le 8 août 2017 : 'Pour info, les relations se dégradent avec [VS] qui a été agressif à mon égard cet am, On en a discuté avec [J]' et son mail du 9 août : 'il est retors et ne m'a rien écrit directement. II a juste écrit à [J] que je ne faisais pas mon boulot ou qq chose du genre'.

- un échange de mails avec Madame [R] [M] [Y] du 11 septembre 2017.

- le mail qu'elle a adressé le 11 septembre 2017 à Monsieur [K] : 'Je viens de prendre connaissance de ton message sur le DPC d'Altrad. J'en déduis que [R] s'est plainte à [J] de mon incapacité à lui produire les CAO et documents attendus dans le délai. Tu trouveras ci-dessous le mail qui m'a été adressé ce soir par [R] et c'est comme ça depuis une semaine. [R] est hystérique et s'est mise en colère quand j'ai osé lui demander des précisions sur Altrad suite à la demande d'[V] cet am', la réponse de Monsieur [K] : '[H], du calme. Je vais régler ça a mon retour avec les équipes de [J]. Je ne veux pas que les équipes travaillent dans cet état d'esprit' et sa réponse : 'on s'est mal compris. Je reste professionnelle et je fais mon job, [R] aura comme convenu le CAO qui lui manque demain (2 ont déjà été communiqués sur 3 avant 17:30 mais [C] devait partir et n'a pu les saisir comme demandé par [R]). Et je ne pense pas être responsable de cet état d'esprit délétère'.

- le mail qu'elle a adressé à Madame [W] [D] le 14 septembre 2017 : 'Premier jet. Je vais me chercher un morceau de pizza chez Capri. Et je recommence ... j'ai hâte que la journée soit finie. J'ai de nouveau une boule au ventre, je me demande quels mauvais coup ils préparent. Je ne serai pas tranquille tant que [U] n'aura pas vu LO' et la réponse de Madame [W] [D] : 'Top pour un premier jet. Je reviens du dej la boule au ventre aussi et [Z] aussi. Ambiance dégueulasse. J'attends le couperet de mon côté'.

- le mail qu'elle a adressé à Monsieur [K] le 15 septembre 2017 : 'J'imagine que tu commences sans doute à avoir une bonne idée de la vie quotidienne au CBC mais j'ai besoin de m'exprimer un peu pour ne plus avoir à porter tout ça.

La maman de [L] est décédée la semaine dernier et les funérailles ont eu lieu mercredi am. (...) A la fin de la cérémonie, [L] en pleurs m'a dit que [J] l'avait appelé mardi pour lui demander de revenir au bureau ce vendredi parce qu'il n'y avait personne au CSc. [I] a du rassurer [L] en l'appelant pour lui que dire que ce n'était pas la peine, qu'il faisait son back-up, et qu'il s'occuperait des validations avec [B] en rentrant du RV avec CostaMagna. Pour t'éclairer davantage sur l'étendue des dégâts, [J] a montré ton message à plusieurs personnes de l'équipe en expliquant haut et fort que tu étais de son côté, et qu'il arriverait à se débarrasser d'[V] ...

On est tous dévastés, on a la boule au ventre en allant bosser. [I] m'a dit de ne pas venir à [Localité 3] vu la logorrhée agressive et insultante de [J] à mon égard. (...) Je suis désolée de t'embêter avec tout cela mais je ne suis pas équipée pour lutter contre un tel niveau d'agressivité, de malveillance et de connerie'.

- un mail que Monsieur [K] a adressé à Monsieur [J] [E] le 20 septembre 2017 : 'Comme évoque hier, j'ai vu [H] ce matin. Nous avons convenu des points suivants, l'idée étant de repartir du bon pied dans les relations GLCM/CBC :

- présence physique de [H] au CB Med 2 jours mini par semaine (qu'il y ait ou non des rdv) (...)

- une fois que les clients ont été rencontrés, c'est à [H] d'initier ensuite les contacts avec les clients (en informant les RMS) pour développer la relation.

- j'ai demandé à [H] de copier [V] et moi des échanges entre les RMS et elle sur les sujets business en cours afin de m'assurer de la réactivité sur les demandes (...)'.

- son mail du 20 septembre 2017 adressé à Monsieur [K] et Madame [X] : 'Je vous remercie tous 2 pour votre soutien. Je vous reviens avec un état des lieux et vous copierai tous 2 dorénavant sur tous les échanges comme convenu. Je m'engage à aller au CBC Med 2 jours par semaine, et ce, tant que le Directeur et certain membres du CBC sauront se comporter de façon professionnelle et avec respect d'autrui. Dans le cas contraire, je déposerai une main courante et signalerai le cas à la DRH. LD est violent et j'ai peur de lui'.

- la réponse de Monsieur [K] du même jour : 'Je viens de passer les messages et les engagements que nous avons pris à [J]. Je lui ai également demandé d'être beaucoup plus supportive sur notre métier et il s'y est engagé. J'ai également insisté sur la forme des échanges.

Je veux que nous travaillons dans un contexte positif pour le bien de tous et du business. Bien entendu remonte nous les problèmes à [V] et moi si il y en a. Je pense que si nous mettons respectivement en 'uvre ce que nous avons validé, cela devrait s'améliorer. Concentrons nous sur le business GLCM et surtout restons à l'écart des sujets internes du CBC'.

- son mail du 22 septembre 2017 adressé à Monsieur [K] et Madame [X] : 'Depuis mon retour de [Localité 5], j'ai été appelée par 2 personnes faisant partie des équipes Business Banking locales qui se sont inquiétées de savoir si tout allait bien pour moi. On leur a demandé si je faisais correctement mon travail en CBB car cela ne semblait pas être le cas en CBC. Je vous remercie de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour faire cesser cette entreprise de dénigrement. Il en va du respect de mon intégrité et de mon droit à pouvoir travailler sereinement chez HSBC'.

- le mail en réponse de Monsieur [K] du 25 septembre 2017 : 'On regarde ça avec [V] et [G]. La meilleure réponse est de se concentrer sur le job et continuer à travailler pour faire du business. Ce ne sont pas les équipes BBC et CBC qui te managent mais [V], [G] et moi. Montrons leur qu'il vaut mieux qu'ils s'occupent de leurs équipes. Bonne semaine'.

- un échange de mails avec Monsieur [F] des 10, 13 et 16 novembre 2017.

- son mail du 22 novembre 2017 adressé à Monsieur [P] : 'A part ça, c'est l'horreur. C'est très difficile de travailler avec les RM Large Corp et [J][E]. L'ambiance est détestable. En plus, [U] m'a fait comprendre qu'il n'avait pas tellement de marge de manoeuvre'.

- l'attestation de Madame [N] qui indique : « Je me souviens de la visite de Monsieur [J] [E] le 24 novembre 2017 dans nos locaux à [Localité 4] demandant à la cantonade si [H] [S] faisait correctement son travail '. Et tenant des propos inappropriés notamment sur la hiérarchie de [H]. Le 9 novembre 2017, [H] est venue dispenser une formation CELCM au BBC Côte d'Azur à laquelle j'ai assisté pour une partie. J'ai trouvé [H] amaigrie, fatiguée et stressée. Elle a évoqué à ce moment-là des difficultés avec trois membres de l'équipe du CBC MEDITERRANEE qui lui menaient une 'vie d'enfer' ».

- son mail du 4 décembre 2017 adressé à Monsieur [K] et Madame [X] : 'Je viens d'arriver chez moi après une nouvelle journée à [Localité 3], sous tension comme c'est la règle maintenant depuis trois mois. J'ai pris l'initiative de demander un entretien à [J] en fin de journée afin d'évoquer le discrédit dont je suis l'objet depuis un certain temps maintenant et que vos interventions n'ont, malheureusement, pu désamorcer. [J] a convenu qu'il prenait des renseignements sur moi auprès de diverses personnes. Je lui ai expliqué que j'avais été prévenue par un certain nombre de personnes avec qui j'avais pu travailler par le passé. Surprises qu'on les questionne à mon sujet, elles ont reconnu mes compétences ainsi que la qualité du travail fourni.

J'ai précisé à [J] que :

(i) soit il estimait que j'étais compétente et professionnelle, auquel cas il se devait de faire cesser cette campagne de dénigrement, d'autant plus que certains membres du CBC s'autorisent maintenant des réflexions malveillantes à mon égard.

(ii) soit il estimait que je n'étais pas à ma place et alors, je quittais mon poste.

[J] a reconnu que j'étais attendue avec un fusil tous les matins et que cette situation ne pouvait pas continuer comme cela.

II a confirmé qu'il me trouvait compétente et professionnelle, que la moitié de l'équipe le lui a assuré, ainsi que les personnes qu'il a pu interroger à l'extérieur du CBC.

Convaincue de ma compétence, [J] s'est engagé:

- à cesser ses interrogatoires tous azimuts à mon sujet.

- à oeuvrer pour que les relations de travail redeviennent sereines, notamment avec les RM Large Corp (il m'a demandé de le prévenir dès qu'il y avait un souci avec l'une de ces 2 personnes).

Il m'a dit aussi qu'il s'était entretenu avec [V] la semaine dernière, ce qu'il avait beaucoup apprécié car lui-même n'en aurait pas pris l'initiative. (...) J'espère que [J] sera actif dans la restauration d'une ambiance de travail sereine et respectueuse des valeurs qui sont les miennes mais aussi celles de HSBC'.

- la réponse de Monsieur [K] : 'Sois assurée que nous surveillons, [V] et moi, tout cela de très près. La discussion entre [V] et [J] la semaine dernière a été très positive et est de nature à calmer les esprits et faire repartir la collaboration sur de bonnes bases'.

- l'attestation de Monsieur [O] qui indique : « Dans les premiers jours de janvier, j'ai rencontré [H] [S] (') Constatant qu'elle n'avait pas l'air en forme, je lui ai demandé comment ça allait, elle m'a confié que la situation ne s'était pas vraiment arrangée, et au contraire, « cela rendait de plus en plus pénible son travail quotidien ».

- son mail du 31 janvier 2018 qu'elle a adressé à Monsieur [K] : ' J'ai fait un malaise dans le parking lundi matin et je n'ai pu prendre la voiture pour aller à [Localité 3]. Le médecin m'a arrêtée 15j pour surmenage. Le malaise est consécutif à des extrasystoles très marquées, dues au stress. J'ai perdu 3 kilos depuis septembre, j'ai des insomnies à répétition. Je suis au fond du trou, je ne pensais pas que ca m'arriverait'.

- son mail du 1er février 2018 qu'elle a adressé à Monsieur [O] : 'Le médecin a prolongé l'arrêt jusque début mars. J'ai envoyé un mail à [V] pour prévenir que je n'étais pas en état de reprendre mon poste. Elle était absente, alors j'ai appelé mon n+2 [U] pour l'informer et je me suis effondrée en pleurs au téléphone. Je n'arrive pas à surmonter toute cette histoire, c'est au delà de mes capacités. Merci de ton soutien [H]' et la réponse de Monsieur [O] : 'Décidément tu es vraiment affectée par ces événements. J'espère que tu vas reprendre non seulement des forces mais surtout confiance en toi car tu ne mérites pas ce qui t'arrive'.

- son mail de 8 février 2018 qu'elle a adressé à Monsieur [O] : « Pour être tout à fait transparente, ça va moyen, les extrasystoles sont toujours là. Je n'arrive pas à accumuler la tension depuis septembre. Et de voir à quel point j'en suis réduite à cause la malveillance de certaines personnes me déprime encore plus » et la réponse de Monsieur [O] « Et bien' La meilleure chose que tu pourrais, que tu dois, faire c'est de revenir encore plus forte afin de montrer à ceux qui t'ont fait du mal que c'est toi qui au final gagne ».

- son entretien annuel d'évaluation de 2017 du 9 janvier 2018 qui indique : 'Après 1 année d'exercice, je confirme un réel intérêt pour ce métier malgré les difficultés rencontrées :

(i) la gestion de 2 segments de clientèle Business Banking et Corporate ayant des process complètement différents

(ii) la charge de travail est très forte

(iii) le harcèlement de la part de certaines personnes du CB depuis début septembre 2017 (insultes proférées à l'encontre de mon manager, intimidation, dénigrement auprès d'autres collègues etc...)'.

- des arrêts de travail.

Madame [S] présente des éléments de fait qui, appréciés dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement.

Il incombe donc à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

A cet égard, la SA HSBC CONTINENTAL EUROPE fait valoir que :

- rappelant le positionnement de Madame [S], à compter du 1er janvier 2010, celle-ci a exercé les fonctions de chargée d'affaires au sein du CBC Méditerranée situé à [Localité 3] dont le directeur est Monsieur [J] [E]. En 2017, elle a bénéficié d'une mobilité fonctionnelle vers un nouveau poste comprenant le segment clientèle Entreprise au sein du CBC Méditerranée . Puis, elle a évolué vers son poste actuel dans lequel elle a pris en charge la gestion d'un portefeuille mixte 'Business Banking et Corporate'. Si elle était rattachée hiérarchiquement à Monsieur [U] [K], Madame [S] travaillait avec une hiérarchie opérationnelle présente au CBC de [Localité 3], composée notamment de Monsieur [E], le directeur du CBC Méditerranée, de Monsieur [F] et de Madame [M] [Y] et devait se conformer aux procédures en lien avec sa clientèle. Or, dès septembre 2017, Madame [S] a accumulé du retard et ne respectait pas ses 'deadlines' engendrant de nombreux échanges avec sa hiérarchie.

- Madame [S] est dans l'incapacité de décrire précisément quels sont les actes qui seraient, selon elle, constitutifs d'un harcèlement moral et elle ne dispose d'aucune pièce permettant d'attester un quelconque harcèlement moral émanant de sa hiérarchie.

- les différents courriels échangés illustrent l'absence de toute agressivité de la part de Monsieur [F] ainsi que l'absence de violence de Monsieur [E] qui n'est démontrée par aucun témoignage, dépôt de plainte ou remontée auprès du DRH.

- l'étude des pièces adverses permet d'affirmer que c'est Madame [S] qui tenait des propos calomnieux à l'égard des membres de sa hiérarchie.

- concernant le mail du 22 septembre 2017 de Madame [S] invoquant une campagne de dénigrement, aucune indication n'est donnée sur les personnes qui auraient été contactées, l'identité des personnes qui auraient dénigré Madame [S] et la date des prétendus appels.

- la hiérarchie de Madame [S], sans rentrer dans une polémique stérile, a affiché immédiatement son soutien à la salariée.

- les échanges de mails entre Madame [S], Madame [M] [Y] et Monsieur [F] soulignent, non pas une pression psychologique répétée, mais plutôt l'exercice d'un pouvoir de direction d'un supérieur hiérarchique en vue de faire respecter les délais (fixés plusieurs mois auparavant) et que Madame [S] n'était pas en mesure d'accepter un tel exercice. Alors qu'il apparaît plutôt que le travail effectué par Madame [S] semblait en partie hors sujet, celle-ci a pas hésité à remettre directement en cause les directives de son supérieur hiérarchique opérationnel. Madame [S] assimile un recadrage sur un travail qu'elle a remis à un acte de harcèlement moral.

- les éléments fournis attestent des ressentis et doléances de Madame [S] à destination de sa hiérarchie managériale et sa hiérarchie de rattachement n'a eu de cesse de la soutenir. Il convient plutôt de retenir l'inanité des éléments permettant d'attester d'une prétendue inaction de la hiérarchie de Madame [S].

- les arrêts de travail sont sans rapport avec un accident ou une maladie professionnelle et le certificat médical produit ne permet pas d'imputer à la SA HSBC CONTINENTAL EUROPE l'état de santé de Madame [S], d'autant qu'elle évoque une pathologie cardiaque préexistante (extrasystole).

La SA HSBC CONTINENTAL EUROPE produit le mail de Madame [S] du 22 mars 2018 : 'suite à nos différents échanges et notamment à mon entretien avec [MX] du 16 mars dernier, je vous confirme ma demande de rupture conventionnelle. Un retour rapide d'HSBC permettra, sans aucun doute, d'aboutir à une issue satisfaisante pour tous et d'en terminer de façon intelligente' .

*

Alors que la SA HSBC CONTINENTAL EUROPE ne produit pas de pièce spécifique, autre que le courrier de Madame [S] ci-dessus indiqué, il ressort de l'ensemble des éléments soumis à l'appréciation de la cour qu'à compter du mois d'août 2017, Madame [S] a été confrontée à une ambiance de travail délétère et détestable (mail du 22 septembre 2017) et aux comportements inappropriés de salariés, tel que Madame [M] [Y], dont elle décrit l'attitude 'hystérique' (mail du 11 septembre 2017), et Monsieur [E] dont elle décrit l'attitude agressive et insultante (mail du 15 septembre 2017) qui a provoqué un sentiment de peur chez elle (mail du 20 septembre 2017), informant également son employeur de son intention de déposer une main courante (mail du 20 septembre 2017). La SA HSBC CONTINENTAL EUROPE ne produit aucun d'élément qui démontrerait que ces agissements sont inexacts ou mal interprétés, qu'ils ne sont pas constitutifs d'un harcèlement ou qu'il sont étrangers à tout harcèlement.

Par ailleurs, Madame [S] invoque une entreprise - réitérée dans le temps - de dénigrement auprès des autres salariés, diligentée par Monsieur [E], ce dernier ayant reconnu qu'il prenait effectivement des renseignements sur Madame [S] auprès de diverses personnes - fait également confirmé par l'attestation de Madame [N] - et que Madame [S] était 'attendue avec un fusil tous les matins' (mail du 4 décembre 2017).

Il ressort également des éléments soumis à l'appréciation de la cour que les agissements répétés dénoncés ont eu pour objet et pour effet une dégradation des conditions de travail de Madame [S] et ont porté atteinte à sa dignité, ont altéré sa santé physique et mentale et ont compromis son avenir professionnel.

En effet, Madame [S] fait état, dans ses différents échanges, de son mal-être au travail et de la dégradation de son état de santé, qui sont attestés par Monsieur [O], par les échanges de mails entre ce dernier et Madame [S], par les propos qu'elle a tenus dans son mail du 31 janvier 2018 ('je suis au fond du trou') et par l'arrêt de travail du 29 janvier 2018 qui est directement en lien avec les conditions de travail de la salariée.

L'article L.1152-4 du code du travail dispose que 'l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral'. Par ailleurs, selon l'article L.4121-1 du code du travail, 'l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs' et selon l'article L.4121-2, 7°, il doit : 'Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1".

Or, il ressort des éléments produits qu'entre le mois d'août 2017 et le mois de janvier 2018, Madame [S] a alerté , à de nombreuses reprises, ses supérieurs hiérarchiques des agissements dont elle était la victime et a évoqué clairement une situation de harcèlement moral lors de son entretien d'évaluation du 8 janvier 2018.

Or, force est de constater que Monsieur [K] et Madame [X], soit n'ont pas pris la mesure de la situation de la salariée en voulant la minimiser (mails des 11 septembre 2017, mail du 25 septembre 2017, mail du 4 décembre 2017), soit ont pris des décisions totalement inopérantes qui n'ont pas permis de faire cesser les agissements harcelants (mails du 20 septembre 2017 et du 4 décembre 2017).

Ainsi, alors qu'elle était parfaitement informée de la situation de harcèlement moral dénoncée par Madame [S], la SA HSBC CONTINENTAL EUROPE ne démontre pas avoir pris les dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement moral et de protéger la santé de sa salarié.

Notamment, l'employeur n'établit pas les mesures qu'il envisageait de prendre au retour de Madame [S] à son poste de travail à l'issue de son arrêt de travail, comme la salariée l'énonce dans la lettre de prise d'acte de la rupture du contrat de travail.

En conséquence, d'une part l'employeur échoue à démontrer que les faits présentés par Madame [S] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le harcèlement moral est donc établi.

D'autre part, l'employeur ne démontre pas avoir respecté son obligation de prévenir des actes de harcèlement moral et de les faire cesser.

Compte tenu des circonstances du harcèlement subi, de sa durée, et des conséquences dommageables qu'il a eues pour Madame [S], telles qu'elles ressortent des pièces médicales produites, le préjudice qui en est résulté pour elle et qui est distinct de celui résultant de la rupture du contrat de travail, doit être réparé par l'allocation de la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts.

Sur la demande de remboursement des indemnités journalières

Madame [S] fait valoir que la SA HSBC CONTINENTAL EUROPE a été rendue destinataire par la CPAM des indemnités journalières qui lui étaient dues au titre de la subrogation, pour la période du 6 avril au 3 mai 2018, soit la somme de 898,88 €, fait confirmé par un mail de la CPAM. Or, la SA HSBC CONTINENTAL EUROPE a soldé son compte le 6 avril 2018 et ne lui a pas réglé les indemnités journalières pour la période du 7 avril au 3 mai 2018, soit la somme de 667,73 € qu'elle a donc perçue indûment et dont elle demande le paiement, sous astreinte.

La SA HSBC CONTINENTAL EUROPE conclut que le contrat de travail a été rompu le 6 avril 2018 et le remboursement des indemnités journalières par l'employeur n'est dû au salarié que jusqu'à la date de la rupture du contrat de travail.

*

Si le contrat de travail a été rompu le 6 avril 2018 par la prise d'acte de la rupture par la salariée et si, à cette date, l'employeur n'avait plus l'obligation de verser un salaire et de pratiquer la subrogation, il n'en demeure pas moins que les indemnités journalières sont dues à tout salarié qui a cotisé et que la SA HSBC CONTINENTAL EUROPE a perçu indûment, à compter du 7 avril 2018, les indemnités journalières qui revenaient à Madame [S], comme le confirme la CPAM par mail du 22 mai 2018.

Dans ces conditions, la SA HSBC CONTINENTAL EUROPE sera condamnée à rembourser à Madame [S] la somme de 667,73 € sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte, aucun élément laissant craindre une résistance de l'employeur n'étant versé au débat.

Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail

En l'espèce, invoquant les faits de harcèlement moral qui justifient la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, Madame [S] demande de dire que cette dernière produira les effets d'un licenciement nul.

*

En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue qui ne résultent pas uniquement de l'écrit par lequel il prend acte de la rupture et qui doivent constituer des manquements suffisamment graves de l'employeur à ses obligations pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Le harcèlement moral subi par Madame [S] et le manquement à son obligation de prévention du harcèlement moral constituent des manquements suffisamment graves de l'employeur à ses obligations pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

La prise d'acte de la rupture du contrat de travail du 6 avril 2018 doit donc produire les effets d'un licenciement nul, en application des dispositions de l'article L.1152-3 du code du travail.

Il convient d'accorder à Madame [S] la somme de 83.139,59 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et la somme de 14.659,14 € au titre de l'indemnité de préavis, sommes non contestées en leur montant par l'employeur et qui correspondent aux droits de la salariée.

En application des dispositions de l'article L.1235-3-1 du code du travail qui exclut l'application du barème aux licenciements nuls du fait d'un harcèlement moral , et compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (51 ans), de son ancienneté (27 ans), de sa qualification, de sa rémunération (4.886,38 €), des circonstances de la rupture mais également de l'absence de justification de sa situation professionnelle postérieurement à la rupture du contrat de travail, il convient d'accorder à Madame [S] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 35.000 €.

La demande reconventionnelle de l'employeur en paiement d'une indemnité de préavis sera rejetée.

Sur la remise des documents

La remise d'une attestation Pôle Emploi, d'un certificat de travail et d'un bulletin de salaire rectificatif conformes à la teneur du présent arrêt s'impose sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte, aucun élément laissant craindre une résistance de la SA HSBC CONTINENTAL EUROPE n'étant versé au débat.

Sur les intérêts

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de jugement, soit à compter du 8 août 2018, et les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront infirmées.

Il est équitable de condamner la SA HSBC CONTINENTAL EUROPE à payer à Madame [S] la somme de 2.500 € au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a engagés en première instance et en cause d'appel.

Les dépens de première instance et d'appel seront à la charge de la SA HSBC CONTINENTAL EUROPE, partie succombante par application de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud'homale,

Infirme le jugement déféré sauf en sa disposition relative aux astreintes,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le harcèlement moral est établi,

Dit que la SA HSBC CONTINENTAL EUROPE a manqué à son obligation de prévention des actes de harcèlement moral,

Dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail du 6 avril 2018 produit les effets d'un licenciement nul,

Condamne la SA HSBC CONTINENTAL EUROPE à payer à Madame [H] [S] les sommes de :

- 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

- 83.139,59 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 14.659,14 € au titre de l'indemnité de préavis,

- 35.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

- 667,73 € au titre du remboursement des indemnités journalières pour la période du 7 avril 2018 au 3 mai 2018,

- 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande reconventionnelle de la SA HSBC CONTINENTAL EUROPE,

Dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 8 août 2018 et les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne la remise par la SA HSBC CONTINENTAL EUROPE à Madame [H] [S] d'une attestation Pôle Emploi, d'un certificat de travail et d'un bulletin de salaire rectificatif conformes à la teneur du présent arrêt,

Condamne la SA HSBC CONTINENTAL EUROPE aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître Romain, CHERFILS, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, Avocats associés, aux offres de droit.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-1
Numéro d'arrêt : 19/10474
Date de la décision : 14/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-14;19.10474 ?
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