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15/01/2013 | FRANCE | N°10/02959

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre sociale, 15 janvier 2013, 10/02959


COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 15 Janvier 2013

ARRÊT N
BAP/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02959
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 04 Novembre 2010, enregistrée sous le no 09/ 00687

ARRÊT DU 15 Janvier 2013

APPELANTE :
Mademoiselle Marina X...... 17100 SAINTES
présente,

INTIMEE :
Société ALBEA COSMETICS FRANCE venant aux droits de MT PACKAGING Zone Industrielle 56680 PLOUHINEC
représentée par Maître Emilie

BEGUIN, avocat au barreau de PARIS, en présence de Monsieur Y..., responsable d'exploitation

COMPOSITION DE L...

COUR D'APPEL D'ANGERS Chambre Sociale
ARRÊT DU 15 Janvier 2013

ARRÊT N
BAP/ AT
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 02959
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire du MANS, décision attaquée en date du 04 Novembre 2010, enregistrée sous le no 09/ 00687

ARRÊT DU 15 Janvier 2013

APPELANTE :
Mademoiselle Marina X...... 17100 SAINTES
présente,

INTIMEE :
Société ALBEA COSMETICS FRANCE venant aux droits de MT PACKAGING Zone Industrielle 56680 PLOUHINEC
représentée par Maître Emilie BEGUIN, avocat au barreau de PARIS, en présence de Monsieur Y..., responsable d'exploitation

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 Septembre 2012 à 14 H 00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de :
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président Madame Brigitte ARNAUD-PETIT, assesseur Madame Anne LEPRIEUR, assesseur
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame LE GALL, greffier

ARRÊT : du 15 Janvier 2013, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par madame ARNAUD PETIT, conseiller, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *******
FAITS ET PROCÉDURE
Mme Marina X... a été engagée sur l'établissement de Challes (72250) de la société MT Packaging, qui a son siège à Plouhinec (56680), dans le cadre, tout d'abord, d'une mission temporaire, puis, d'un contrat de travail à durée déterminée du 5 février 2001, enfin, d'un contrat de travail à durée indéterminée du 3 décembre 2001, à effet du même jour. Suivant ce dernier contrat, elle a été recrutée en tant qu'" opératrice VSD + Jours fériés ", coefficient 145, échelon C, niveau I, de la convention collective de la transformation des matières plastiques, contre une rémunération brute mensuelle de 1 039, 75 euros pour 156 heures de travail.
L'unité de Challes fabrique des bouchons et habillages en plastique injecté destinés à la parfumerie.
Par avenant du 23 décembre 2004 faisant suite à l'accord d'établissement relatif à la durée et à l'aménagement du temps de travail signé le 9 décembre 2004, il a été convenu que Mme X... exercerait les fonctions d'opérateur, en équipe de jour, ou de nuit, ou de samedi/ dimanche (SD), contre un salaire de base brut mensuel de 1 154, 21 euros pour une durée de travail de référence de 151 heures 67, outre une indemnité de temps de pause brute mensuelle de 82, 42 euros pour un temps de pause mensuel de référence de 10 heures 83, soit un total brut mensuel de 1 236, 63 euros par mois, ces nouvelles conditions entrant en application le 1er mars 2005.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 juin 2006, la société MT Packaging a confirmé à Mme X... son affectation en tant qu'opérateur en équipe SD, celle-ci s'étant portée volontaire dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi mis en place dans l'entreprise dans le cadre de la procédure de licenciements pour motif économique entamée, et de ce qu'un nouvel avenant n'était pas nécessaire, le précédent prévoyant déjà cette possibilité de travail en équipe SD.
Mme X... a, parallèlement, exercé des mandats de représentant du personnel, d'abord, à compter de juin 2006, de membre suppléante au CE élue sur les listes CFDT, dont elle a démissionné le 26 février 2007, puis, à compter d'octobre 2009, de déléguée syndicale CFTC, dont elle a démissionné le 18 février 2010.
Le 23 novembre 2009, Mme X... a saisi le conseil de prud'hommes du Mans à l'encontre de son employeur, la société MT Packaging. Tout en retirant la demande qu'elle avait formulée au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, elle a sollicité, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, que :- soit prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur,- il soit dit et jugé que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,- en conséquence, la société MT packaging soit condamnée à lui verser les sommes suivantes o 25 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, o 2 508, 42 euros d'indemnité compensatrice de préavis et 250, 84 euros de congés payés afférents, o 2 403, 90 euros d'indemnité de licenciement, o 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- soit ordonnée la remise de l'attestation Assedic et du certificat de travail,- la société MT packaging soit condamnée aux dépens.
Par jugement du 4 novembre 2010 auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, le conseil de prud'hommes a débouté Mme X... de l'intégralité de ses demandes, les disant non fondées, et l'a condamnée aux entiers dépens.
Cette décision a été notifiée à Mme X... le 6 novembre 2010 et à la société MT Packaging le 8 novembre suivant.
Mme X... en a formé régulièrement appel, par courrier recommandé avec accusé de réception posté le 1er décembre 2010.
* *
Le 15 novembre 2009, Mme X... a été placée en arrêt de travail, régulièrement renouvelé par la suite.
La visite médicale de reprise en deux examens, les 31 janvier 2011 et 10 février 2011, a conduit le médecin du travail à conclure à une inaptitude au poste d'opératrice.
Comme Mme X... avait établi une déclaration de maladie professionnelle auprès de la caisse primaire d'assurance maladie, comme suite au certificat médical de son médecin traitant en date du 5 novembre 2010, la société MT Packaging a procédé à la consultation des délégués du personnel le 14 mars 2011.
Mme X... a été convoquée, le 7 avril 2011, à un entretien préalable en vue d'un licenciement, fixé au 15 avril suivant, puis licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 29 avril 2011, qui lui a été distribuée le 30 avril suivant.
L'attestation Assedic et le certificat de travail datent du 30 juin 2011, terme de la relation contractuelle.
* *
Mme X... a souscrit le 9 novembre 2010 une déclaration de maladie professionnelle auprès de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Sarthe pour " douleur cervicale + scapulaire gauche ", médicalement constatées pour la première fois le 5 novembre 2010.
La CPAM a refusé la prise en charge de cette affection au titre de la législation relative aux risques professionnels, refus dont Mme X... a saisi la Commission de recours amiable qui a confirmé ce rejet, Mme X... ayant alors porté son recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil, juridiction qui, le 15 décembre 2011, a ordonné, avant dire droit, une expertise médicale avec pour mission de :- dire si l'état de santé de Mme Marina X..., concernant la douleur cervicale et scapulaire gauche, est stabilisé,- dans l'affirmative, fixer le taux d'IPP.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
À l'audience, Mme Marina X... sollicite, abandonnant ses prétentions émises en première instance relatives à la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur avec les conséquences financières corollaires, de même que sa demande d'indemnité de procédure, que :- le harcèlement moral dont elle a été victime soit reconnu et que la société MT Packaging soit condamnée à lui verser 25 000 euros de dommages et intérêts de ce chef,- la société MT Packaging soit également condamnée à lui verser ses salaires au titre des mois de janvier, février et mars 2011 qu'elle n'a pas perçus, et alors qu'elle n'a pas non plus bénéficié d'indemnités journalières sur cette même période.
Elle fait valoir qu'elle a été victime de paroles blessantes, notamment au plan de sa couleur,- elle est noire-, de la part d'un de ses collègues de travail, M. Z..., le neveu de l'ancien directeur, qu'après ses autres collègues se sont ligués contre elle, tout étant fait afin de lui créer des difficultés dans l'exécution de son travail, qu'elle s'en est ouvert à son chef d'équipe, M. A..., mais devant l'absence de modification de la situation, elle a, cette fois, alerté la direction de l'entreprise. Malgré cela, les comportements de ses collègues de travail ont continué, à savoir des injures ou des propos racistes-de nombreuses allusions aux personnes de nationalité étrangère-, une mise à l'écart, d'autant qu'elle a été accusée d'être allée se plaindre à la direction. Aussi, alors qu'elle souffrait de douleurs de type sciatique et que son poste consistait à appuyer sur des pédales, ce qui lui était impossible, le chef remplaçant de M. A... a refusé le changement de poste qu'elle lui demandait.
* * * *
Par conclusions enregistrées au greffe le 18 septembre 2012 et reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, la société MT Packaging, nouvellement dénommée Albea cosmetics France, sollicite la confirmation du jugement déféré et que Mme Marina X... soit déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Elle réplique qu'elle n'a commis aucun manquement à ses obligations contractuelles, que le licenciement prononcé pour inaptitude et impossibilité de reclassement est pleinement justifié, et que, subsidiairement, les demandes indemnitaires formulées par Mme X... sont manifestement disproportionnées. Sur les faits de harcèlement moral dénoncés, elle explique que :- ceux-ci ne sont pas établis par Mme X..., contrairement à l'obligation que lui fait la loi ; toutes les pièces qu'elle produit, soit émanent d'elle, soit ne font relater que sa vision des choses, outre qu'elles ne permettent pas de déterminer précisément les agissements qu'elle dit avoir subis,- et quant à un exemple plus explicité, qui a donné lieu d'ailleurs à réponse de la part de l'entreprise, il ne peut, par sa nature, constituer un acte de harcèlement moral,- Mme X... prête au fax de l'employeur, du 15 juin 2009, une portée qu'il n'a pas ; en effet, l'entreprise, bien que ne disposant pas d'éléments précis, n'a voulu que rassurer sa salariée et rappeler aux autres qu'aucun propos à caractère raciste ne serait toléré ; il est évident que, si la preuve de propos racistes tenus par ses collègues de travail à l'endroit de Mme X... avait été établie, l'employeur aurait sanctionné les auteurs de tels propos,- il ne peut être non plus question d'une quelconque jalousie au prétexte qu'elle a obtenu de travailler en équipe du samedi et dimanche, alors que les supposés harceleurs travaillent également en équipe du samedi et dimanche,- elle n'a commis aucune faute et a toujours exécuté loyalement le contrat de travail ; elle produit, d'ailleurs, un grand nombre de pièces venant attester de l'absence de réalité du comportement raciste dont Mme X... prétend être l'objet,- Mme X... tente, uniquement, d'instrumentaliser la justice, alors que c'est elle qui s'est brusquement isolée de ses collègues de travail avec lesquels elle avait toujours eu d'excellents rapports, au point d'avoir été témoin au mariage de M. Z... qu'elle accuse désormais de racisme, attitude qui est plus sûrement à relier à des difficultés personnelles, ainsi au plan financier, faisant régulièrement l'objet, à l'époque où elle a lancé la procédure prud'homale, d'avis à tiers détenteurs de la part du Trésor public.

MOTIFS DE LA DÉCISION
Il convient de constater que la cour n'est plus saisie par Mme Marina X... de demandes tendant à ce que soit prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur, la société MT Packaging, aujourd'hui Albea cosmetics France, et que cette dernière soit condamnée à lui verser 2 508, 42 euros d'indemnité compensatrice de préavis, 250, 84 euros de congés payés afférents, 2 403, 90 euros d'indemnité de licenciement, et 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
En l'absence d'appel incident de la société MT Packaging, aujourd'hui Albea cosmetics France, qui sollicite, au contraire, la confirmation du jugement déféré sur ces points, la cour n'étant dès lors saisie d'aucun moyen de ces chefs, les dispositions de la décision des premiers juges qui ont débouté Mme X... des demandes susvisées doivent être confirmées.
* * * *
Sur le harcèlement moral
Mme Marina X... sollicite, désormais, que lui soit accordée une somme de 25 000 euros de dommages et intérêts, non plus sur le fondement d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais sur celui du harcèlement moral.
* *
L'article L. 1152-1 du code du travail indique qu'" Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".
En cas de litige, les règles de preuve sont aménagées par l'article L. 1154-1 du code du travail, qui précise : "... le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ".
Il résulte de ces dernières dispositions que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant, selon lui, un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement, et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Lorsqu'il est ainsi question de " décision " de l'employeur, il convient d'ores et déjà de préciser que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise en vertu de l'article L4121-1 du code du travail, doit également répondre, dans le cadre de l'exécution de cette obligation, des agissements de harcèlement moral exercés sur un salarié par d'autres sur le lieu de travail.
* *
Mme X... cite les comportements et phrases suivants illustrant, selon elle, le harcèlement moral qu'elle a subi de la part de ses collègues de travail : " le 07/ 02/ 2009... une de ses collègues lui a dit qu'elle était privilégiée par rapport à d'autres personnes et de toute façon si Vincent croit qu'il va me faire bosser comme une négresse il rêve ; lors des pauses café... les collègues avaient des conversations portant sur les personnes de couleur ou les étrangers ; un jour un de ses collègues lui a dit je me demande de quelle couleur est la chatte à Marina ; des moqueries ou des brimades, et des connotations racistes, principalement de la part de M. Z..., tous les week-ends ; elle a décidé de refaire un courrier à la direction, elle a été convoquée le 13/ 06 auprès de la Direction, suivie par M. Z..., par la suite, le 20/ 06/ 2009, elle a été convoquée par M. A... (son chef d'équipe) qui lui a dit c'est quoi ces conneries, elle lui a demandé si c'était la Direction qui lui avait demandé cette confrontation, par la suite on lui a remis une note de service signée par le directeur d'établissement... hélas, cela continuait de plus belle, notamment depuis juin 2009, les collègues ne lui parlent plus ; un fait a eu lieu à la suite d'une réunion, elle boitait, elle a ressenti une profonde douleur, elle a demandé à son chef d'atelier de rentrer... elle est sortie... et avait du mal à marcher, alors qu'Olivier et Vincent étaient dehors, personne n'est venue l'aider, elle est restée seule dans le hall qu'on vienne la chercher, or Olivier et Vincent sont secouristes, elle s'est rendue au Pôle Santé Sud et a été perfusée pour la douleur ; elle a été nommée DS CTFC, le 18/ 10/ 2009 son chef d'équipe lui a dit que la Direction n'avait pas le choix d'accepter la nomination de DS, le 23/ 10/ 2009 elle en parle avec la RH... en lui demandant si c'était moi ou l'étiquette, celle-ci a répondu... que la CFTC était une institution reconnue ; le 15/ 10 avec la RH lors d'un autre RV celle-ci a mentionné que la CFTC a créé un fossé entre elle et ses collègues car elle est pour les travailleurs chrétiens ".
Elle verse, au soutien un certain nombre de pièces qui, si elles ne figurent pas toutes à son dossier mais auxquelles elle fait alors allusion, se retrouvent dans le dossier de son employeur. Elles seront reprises ci-après :
- lettre du 2 juin 2009 de sa part à son employeur : " Monsieur, Il y a quelques mois j'ai eu un entretien avec vous, concernant des problèmes de comportement de la part de mes collègues à mon égard. Depuis cet entretien, je constate pour ma part que les choses n'ont pas changé, en outre j'estime avoir le droit dans l'exercice de mes fonctions à un minimum de respect de leur part et ne plus avoir à supporter une charge de travail évidente par rapport à mes collègues point que j'ai déjà abordé avec vous lors du dernier entretien et Mr A...... (illisible) travail, mais qui aujourd'hui n'est toujours pas résolu. J'aimerai toute fois que vous trouviez une solution pour ne plus avoir à supporter ces comportements, car je pense avoir toujours bien rempli mes fonctions au sein de l'entreprise, mes résultats le prouve. Je vous remercie de votre compréhension et vous prie... ",
- note de service du 15 juin 2009 de M. Y..., directeur d'établissement, à son intention, avec copie à M. A..., son chef d'équipe : " Objet : CR de notre entretien du 13 juin Madame, Conformément à notre entretien du 13 juin, qui s'est tenu en présence de Vincent A..., je vous confirme m'être entretenu avec Monsieur Arnaud Z... et Madame Ghislaine B... à votre sujet. J'ai indiqué à Monsieur Arnaud Z... que je ne tolèrerai plus les plaisanteries ambigües à connotation raciale dont vous faites l'objet. J'ai également indiqué à Madame Ghislaine B... que je ne tolèrerai plus les remarques désobligeantes faites à votre sujet au reste de l'équipe. Je souhaite vivement que ces entretiens permettront un retour à une situation normale dès à présent ".
- lettre du 22 juin 2009 de sa part à son employeur : " Monsieur, Ayant bien reçu par Mr A... votre compte rendu de notre entretien, je tiens par cette lettre à vous exprimer ma gratitude concernant l'intérêt que vous avez porté aux remarques désobligeants dont je faisait l'objet depuis quelques mois. J'espère moi aussi que cela permettra le retour à une situation normale, car j'estime avoir toujours fait mon travail correctement. Toutefois, je tiens à vous faire part que le samedi 20 juin 2009 alors que j'étais à mon poste de travail, j'ai été l'objet d'une convocation immédiate dans le bureau par Mr A... pour une confrontation avec Mr Z.... Pendant cet entretien les deux protagonistes présent m'ont exprimé leur mécontentements, Mr Z... me stipulant je cite les propos (c'est quoi les conneries que tu racontes, et, ce n'est pas de ma faute si tu te sens persécutée, etc...). J'ai donc mis fin à cet entretien douteux en demandant à Mr A... si cette convocation était l'objet de votre demande à cela il m'a répondu non, c'était à sa propre initiative. Je ne comprend donc pas qu'après votre intervention pour rétablir les choses que Mr A... et Mr Z... se permettent de me convoquer sur le champ sans autorisation de votre part, alors que chacun d'entre nous c'est déjà entretenu avec vous. Je vous remercie encore une fois pour votre intervention et vous prie... ",

- lettre du 16 novembre 2009 de sa part à la responsable ressources humaines : " Bonjour Hélène, Lors de notre entretien imprévu début novembre... je vous ai fait part des propos tenus dans le week-end de 23-24/ 10/ 09 par Mr A... mon chef d'équipe qui je cite m'a dit (De toute façon Jean-René Y... n'avait pas le choix, il était obligé d'accepter tan nomination en tant que déléguée syndicale de la CFTC) et que là je lui ai répondu (que si Jean-René avait le choix, il pouvait dire non). Vous m'avez rassurée et je vous en remercie en me disant qu'il n'y avait aucun problème de votre côté car la CFTC est une institution reconnue et qu'il n'y avait aucune raison de refuser. Mais comme je vous l'avais dit je voulais savoir si c'était moi ou l'étiquette le problème pour Mr A... ? Aussi lui en avez vous fait part pour qu'à l'avenir ce genre de réflexion ne se reproduise plus. Veuillez agréer... ",
- lettre du 23 novembre 2009 de sa part à la responsable ressources humaines : " Bonjour Hélène, Je ne veux pas accabler mon chef d'équipe et mes collègues, mais il y a des comportements envers moi que je ne comprend pas. Samedi lors de la réunion de 16h, vous vous êtes aperçus que je boitais... Je pensais tenir toute la nuit mais après avoir passé deux heures assise, quand je me suis levée, la douleur était plus forte, donc j'ai préféré demander au chef de rentrer et j'ai appelé pour que l'on vienne me chercher. Vers 20h15, je suis sortie de l'atelier je souffrais, j'avais du mal à marcher, Vincent A... et Olivier C... étaient dehors.... J'attendais qu'on vienne me chercher dans le hall, 5 minutes après Vincent et Olivier sont rentrés, Olivier s'est dirigé vers la salle de pause ou il y avait Dominique et Gislaine B..., puis il est reparti dans l'atelier, entre temps Vincent s'est arrêté et m'a dit : " Marina, je ne sais pas quand je vais te revoir, bon courage ". Je lui ai répondu " ben le week-end " prochain " et il est rentré dans l'atelier. Je suis restée seule à attendre dans le hall que l'on vienne me chercher, j'ai pointé et je suis sortie dehors, j'ai récupéré mes papiers dans le local CE, puis voyant que j'avais de plus en plus mal en étant debout et que j'avais froid, j'ai décidé d'aller m'installer dans ma voiture toujours en boitant et sans l'aide de personne. Si je vous raconte çà, car je me demande pourquoi ni Olivier, ni Vincent qui sont je cite (secouriste) voyant que j'avais beaucoup de mal à marcher, ils ne sont pas restés avec moi. Avec la douleur que j'avais, j'aurais pu tombé, car j'ai mis du temps en boitant à aller jusqu'à ma voiture. Bien que depuis cette histoire avec Mr Z... ils se sont trouvé froissé et sont devenu plus froid à mon égard, je ne leur en veut pas, mais je pense qu'il y a un minimum, faire autant de différence n'est pas normal, car au mois de juin 2009 le samedi 20 plus précisément, Mme B... pleurait sur son poste de travail, ils sont allés la consoler, moi qui souffre, et qui a du mal à marcher " pas une aide de mes collègues " " pas un secouriste à mes côtés ". C'est honteux un comportement pareil et pas normal. Je me suis rendu au pôle sud et j'ai été perfusé pour la douleur ",
- lettre du 30 novembre 2009 de M. Y..., directeur d'établissement, à son intention " Madame, Nous avons pris bonne note de vos courriers des 16 et 23 novembre 2009, et voici les éléments de réponse que nous pouvons vous apporter : Nous vous réaffirmons notre volonté de travailler avec chaque organisation syndicale, quelle que soit cette organisation. Nous n'avons à aucun moment fait de commentaire sur la nomination d'une déléguée syndicale CFTC, ni partagé avec Monsieur A... une réflexion contraire. Chaque organisation syndicale a sa place, nous n'avons aucun intérêt vis-à-vis des salariés à en contester la nomination. Les dispositions légales étant très techniques, il est fort probable que le commentaire de Monsieur A..., s'il était confirmé par celui-ci, ne soit dû qu'à une méconnaissance des textes de loi, les chefs d'équipe n'étant pas des spécialistes. Nous vous confirmons que Monsieur A... n'a aucun problème particulier ni avec la CFTC, ni avec vous-même. D'autre part le commentaire de ce dernier n'est pas à caractère diffamatoire pour vous-même et la CFTC. Au sujet du samedi du 20 novembre 2009 : en cas de sortie pour raison médicale, en principe la personne doit être évacuée par un VSL, dont le coût est remboursé par l'entreprise. Exceptionnellement, la personne peut se faire raccompagner par un membre de sa famille. Le secouriste n'a pas l'obligation de rester avec la personne, sauf si son état le justifie. On peut penser que compte tenu de votre douleur à la jambe, Messieurs C... et A... aient considéré qu'ils pouvaient vous laisser seule à attendre qu'on vienne vous chercher. D'un point de vue de l'application de la procédure, rien ne peut leur être reproché. Hélène D... ou moi-même ne pouvons pas interférer dans les relations personnelles entre les membres d'une même équipe, que ce soit au titre de notre fonction ou à titre personnel. Plusieurs membres de votre équipe nous ont signalé une mise à l'écart de votre part, à votre initiative, et ce bien avant votre nomination en tant que Déléguée Syndicale. Nous ne comprenons pas comment cette mise à l'écart a bien pu se produire, mais nous faisons le constat que la situation ne peut perdurer dans le temps, dans l'intérêt de tous. Nous ne pouvons intervenir que si des faits avérés de harcèlement se produisaient, ce qui ne semble pas être le cas. Vous avez déjà eu l'occasion de nous signaler un sentiment de harcèlement racial à votre encontre, pour lesquels un entretien avait eu lieu entre moi-même, Messieurs A..., Z... et Madame B.... Ils avaient alors farouchement défendu leur vision de la situation, à savoir qu'il n'en était rien. Nous vous invitons, ainsi que le chef d'équipe, à discuter de ce sujet ensemble, éventuellement avec le reste de l'équipe si vous le jugez nécessaire. Une copie de ce courrier sera envoyée à Monsieur A... qui a été informé de son contenu de vive voix par Hélène D.... Souhaitant que la situation revienne à la normale le plus rapidement possible, je vous prie d'agréer, Madame, l'expression de mes salutations respectueuses ",
- trois avis d'arrêt de travail délivrés par son médecin traitant, en date des 3 et 18 décembre 2009, 22 janvier 2010, sur lesquels il est respectivement noté o " anxiété généralisée, harcèlement moral au w ", o " état dépressif réactionnel (harcèlement au travail), retentissement physique (RGO) ", o " syndrome dépressif réactionnel ",
- l'expertise technique réalisée par le docteur E..., médecin psychiatre, à sa demande le 4 mars 2010, avec rapport du 6 mars suivant, après réception d'un courrier de la caisse primaire d'assurance maladie du 27 janvier 2010 lui précisant que " le repos observé depuis le 22/ 11/ 2009 ne sera plus médicalement justifié à compter du 08/ 02/ 2010 ", rapport rédigé en ces termes : "... Cette expertise avait été motivée par courrier de l'assurée du 02. 02. 2010, contestant une notification de fin d'indemnités journalières qui lui fut faite au 07. 02. 2010 avec aptitude à exercer une activité professionnelle quelconque à compter du 08. 02. 2010. Avec pour mission de dire si l'état de santé présenté par Madame X... pouvait être considéré comme compatible avec la prise d'une activité professionnelle quelconque le 08. 02. 2010. Examinée par Madame le Docteur F... médecin conseil de la caisse le 25. 01. 2010, Cette assurée en arrêt de travail depuis le25. 11. 2009, pour syndrome anxieux réactlonnel à des propos racistes qu'aurait tenu à son encontre l'un de ses collègues de travail aurait déposé plainte par devant le conseil de prud'hommes (jugement prévu le 20. 05. 2010). Madame X... indiquait ne plus vouloir retourner dans son entreprise, jusqu'à éventuellement souhaiter être licenciée pour faute, et précisait souffrir de troubles du sommeil. Elle prenait du Zolpidem 10 aux fins de mieux s'endormir. Par ailleurs, le reste de l'examen clinique était sans particularité, sans signe dépressif franc (pas de prise d'antidépresseur), mais faisait ressortir une évidente souffrance au travail. Expertise du 04. 03. 2010. En notre cabinet : Madame Marina X... se présentera ponctuellement au rendez-vous. A notre demande, elle nous montrera un permis de conduire attestant de son identité.... S'exprimant clairement, en pleine compréhension de l'objet de l'entretien ainsi que du contenu et du sens de nos questions, elle acceptera sans réticence aucune de nous informer sur sa situation, son ressenti, ses difficultés psychologiques et après un bref retour anamamnestique se montrera toutefois de plus en plus émotive à l'évocation des « brimades » dont elle affirmera avoir été victime à son travail. Il s'agit d'une grande femme, mince, soignée, spontanée. Elle serait la benjamine d'une fratrie de dix enfants et indiquera avoir rejoint la France avec sa mère en 1984. Elle n'aurait à ses dires souffert d'aucune carence, affective ou socio-familiale durant l'enfance ou l'adolescence. Sa scolarité aboutira à l'obtention d'un BEP d'administration commerciale et de comptabilité, puis elle aurait entrepris une pré qualification d'Aide Médico-Psychologique. Elle vécut ensuite maritalement, devint mère de deux jumelles nées en 1994 puis d'un fils né en 1997. Depuis 2007, séparée, elle vivrait seule. Elle aurait fait carrière à MT Packaging depuis 2000 en qualité d'opératrice, d'abord en équipe de nuit (elle précisera que son fils aurait été diagnostiqué épileptique vers l'âge de deux ans) d'où finalement sa décision de travailler en S. D. de sorte à pouvoir conjuguer rôles maternel et professionnel. Elle serait suivie médicalement par le Docteur G.... Elle aurait présenté comme antécédent un souffle cardiaque modéré des suites d'un R. A. A. mais cette pathologie serait aujourd'hui amendée. Il existe un tabagisme actuellement augmenté par la problématique anxieuse. Sur les faits à l'origine de son malaise psychologique actuel, elle nous dira avoir supporté des brimades à tonalité raciste de la part de ses collègues, puis après s'en être ouverte à la direction avoir été mise à l'écart par de nombreux employés. Elle aurait intenté une procédure prud'homale. Elle estimerait l'origine des vexations directement liée au fait qu'elle ait pu obtenir un travail en S. D., ce qui aurait attisé la jalousie d'autres employés. Désormais, elle s'isolerait des camarades de travail, ne communiquerait plus, intérioriserait cette blessure narcissique, souffrirait de nausées avant d'aller exercer son activité, présenterait des troubles de l'endormissement. Elle nous indiquera ne pas souffrir d'idéation morbide ou suicidaire (se dirait d'un tempérament volontaire, dynamique de nature). Actuellement, elle ne prendrait plus de Zolpidem, mais de la Dompéridone de sorte à minimiser l'impact nauséeux. Elle aurait pris un temps du Stresam, aujourd'hui stoppé. En réalité, elle aurait repris son activité professionnelle depuis quinze jours, toujours en S. D., comprenant que l'issue de sa réhabilitation personnelle ne pouvait transiter par un arrêt prolongé signifiant une fuite, d'où un réinvestissement dans l'action aux prud'hommes sans d'ailleurs quérulence particulière, mais seulement dans le sens d'une reconnaissance du traumatisme subi. Elle serait allée consulter à SANTE 72 Madame le Docteur H... hier, le 03. 03. 2010. Nous pourrons voir l'avis du médecin du travail : " aptitude temporaire à reprendre sur son poste pour un mois, à revoir début avril ". Madame le Docteur H... lui aurait par ailleurs proposé une consultation spécialisée au C. H. U. d'Angers dans le Service des pathologies professionnelles (souffrance au travail) auprès de Madame le Docteur I.... C'est à l'évocation de cette consultation psychiatrique qu'elles'effondrera en larmes avant de vite se reprendre mais nous noterons une souffrance morale intense ainsi qu'une forte tension intérieure. Le dynamisme de sa personnalité, exempte de traits névrotiques majeurs, sera pour cette assurée un appui propre à sa réhabilitation et elle commencerait à percevoir l'inutilité de démissionner de son emploi. Il s'agit d'une jeune femme touchée en son intégrité psychique mais susceptible d'accéder à une reconstruction progressive grâce à des entretiens psychiatriques de soutien et de mobilisation positive. En conclusion, les constatations réalisées lors de l'expertise démontreraient la réalité du traumatisme moral subi ainsi que des répercussions fortes sur l'équilibre émotionnel d'une jeune femme indemne auparavant de toute structuration psychique pathologique et sans antécédent connu de décompensation pour affection psychiatrique. Le discours sera considéré comme authentique de la part d'une personne de bonne foi flouée en son amour-propre, mais ensuite ne recherchant ni bénéfice secondaire post-traumatique, ni entrée en phase de quérulence procédurière inadaptée. L'arrêt de travail initial était légitime compte tenu de l'impact émotionnel important dont elle a souffert et pour asseoir une mise à distance d'un contexte psychologiquement déstructurant et anxiogène. Une fois la métabolisation post-traumatique effectuée, la consolidation de l'état psychique réalisée, ce dans un délai raisonnable de plus de deux mois, nous pouvons estimer que cette assurée était ensuite apte à reprendre une activité professionnelle quelconque à la date du 08 Février 2010. La réhabilitation et la réparation du préjudice moral présenté comme ayant été subi passent désormais par l'action juridique qui a été diligentée vers l'institution prud'homale ".
Au regard de l'ensemble des éléments ainsi énoncés, il ne suffit pas de dire du côté de la société MT Packaging, aujourd'hui Albea cosmetics France, que Mme X... se constitue des preuves à elle-même, alors que celle-ci établit la matérialité de faits précis et concordants tenant à des propos et/ ou des comportements d'autres salariés de l'entreprise, qui répétés dans le temps, et alors qu'un médecin psychiatre, saisi dans un tout autre cadre, vient encore attester de la crédibilité de Mme X... dans la plainte qu'elle émet d'une souffrance au travail, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail.
* *

Il appartient, dès lors, à l'employeur de démontrer que les agissements évoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement.
Il apparaît, effectivement, que Mme X... ne peut parler de harcèlement moral qui se serait manifesté par le désintérêt, manifestation d'une mise à l'écart, dont elle aurait été victime de la part de MM. A... et C..., dans la scène qu'elle relate, où victime de douleurs et ayant des difficultés à marcher, elle a été obligée de quitter son poste de travail, et a dû attendre qu'un tiers, qu'elle avait contacté, vienne la chercher afin de l'emmener subir des soins. Si MM. A... et C... étaient bien présents ce soir-là et ont vu Mme X... dans l'état qu'elle décrit, de même qu'ils sont bien secouristes, ce que confirme l'employeur, le fait qu'ils aient regagné leur poste de travail ne signe pas pour cela cette manifestation d'une mise à l'écart évoquée. Mme X... l'indique elle-même, M. A... a émis des mots d'encouragement à son endroit, tandis que M. C..., que jamais par ailleurs Mme X... n'a désigné comme l'un des salariés ayant pu avoir des attitudes et des propos déplacés à son égard, lui avait manifesté son soutien dans un mail du 24 juin 2009 produit aux débats, même s'il est antérieur aux faits dont s'agit.
Pas plus, Mme X... ne peut, alors que dans le dossier qu'elle a pu déposer, elle-même parlait de " discrimination syndicale ", moyen qu'elle n'a, non plus, aucunement soulevé à l'audience, évoquer la question de sa désignation, un temps, comme déléguée syndicale CFTC, et les éventuelles réactions qui auraient pu y être attachées, sans certitude par ailleurs, en tant que faits caractérisant un harcèlement moral.
En revanche, et quoique la société MT Packaging, aujourd'hui Albea cosmetics France, tente de laisser accroire, la note de service du 15 juin 2009 qu'elle a adressée à Mme X..., avec copie à son chef d'équipe, M. A..., démontre la réalité des propos dénigrants tenus par d'autres salariés à l'encontre de Mme X... et dénoncés par cette dernière. Les termes de cette note de service sont parfaitement clairs et non susceptibles d'interprétation, en ce que le directeur de l'établissement y écrit avoir indiqué :- d'une part, à M. Z... qu'il ne tolérerait plus les plaisanteries ambigües dont Mme X... fait l'objet,- d'autre part, à Mme B... qu'il ne tolérerait plus les remarques désobligeantes faites au sujet de Mme X... au reste de l'équipe. Et, s'il s'agissait comme vient le soutenir la société MT Packaging, aujourd'hui Albea cosmetics France, d'un " rappel des bons principes à suivre dans une entreprise ", l'on ne comprend pas, et les tournures employées qui ne sont assorties d'aucun conditionnel, de même que la désignation nominative de salariés, alors même qu'il est ensuite affirmé par l'entreprise, très postérieurement tout de même, soit au mois de novembre 2009, que les salariés en question avaient totalement nié les faits lors de l'enquête menée au mois de juin précédent. Par conséquent, les écrits de MM. J... et K... en date des 21 et 23 décembre 2009, selon lesquels, durant leur temps d'emploi au sein de la société MT Packaging, aujourd'hui Albea cosmetics France, ils n'ont ni été victimes, ni témoins, de manifestations de racisme, tout comme le mail de la responsable des ressources humaines du 21 décembre 2009 dans le même sens, sont insuffisants à contredire la note de service rappelée, en ce que celle-ci reconnaît les propos déplacés dont a eus à souffrir Mme X... dans le cadre de l'entreprise.
Pas plus ne peuvent être considérés comme des éléments de preuve les neuf écrits de salariés réalisés entre les 5 et 10 janvier 2010, visiblement sur leur lieu de travail, et en ce qu'ils sont identiques, au mots près, dans leur formulation.
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Dans ces conditions, l'employeur manque à faire la preuve de ce que sa salariée n'a pas été victime de la part d'autres salariés, sur le lieu de travail, de harcèlement moral, au moins en lien avec des propos répétés, qui par leur contenu, à connotation raciste ou dénigrants, ont bien eu pour effet une dégradation des conditions de travail de Mme X..., portant atteinte à sa dignité et ayant également altéré sa santé, puiqu'ayant dû être placée dans les suites de ses agissements en arrêt de travail.
On l'a rappelé, l'employeur est tenu à une obligation de sécurité et de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des salariés qu'il emploie. Quand bien même il aurait pris des mesures afin de faire cesser le harcèlement moral dont un salarié est victime sur son lieu de travail par d'autres salariés, quand bien même il n'aurait pas, lui-même, commis de faute, cela ne suffit pas à l'exonérer de sa responsabilité. Le harcèlement moral subi révèle un manquement de sa part à son obligation de sécurité et de résultat, dont il doit répondre.
Certes, la situation de Mme X... est actuellement très dégradée, mais la société MT Packaging, aujourd'hui Albea cosmetics France, ne peut être tenue pour responsable de cette évolution négative, d'autant que l'expertise menée en mars 2010, dans le cadre du " contentieux sécurité sociale " existant par ailleurs, faisait apparaître, certes des conséquences en termes de traumatisme pour Mme X... suite aux faits de harcèlement moral, mais aussi de réelles capacités de sa part à renouer avec un parcours positif.
Dès lors, la société MT Packaging, aujourd'hui Albea cosmetics France, sera condamnée à verser à Mme X... la somme de 2 500 euros de dommages et intérêts au titre des faits de harcèlement moral, par voie d'infirmation du jugement déféré et par substitution de motifs.
Sur le rappel de salaires
Mme Marina X..., formant une nouvelle demande par rapport à la première instance, demande le paiement de ses salaires pour les mois de janvier, février et mars 2011 qu'elle affirme ne pas lui avoir été réglés par la société MT Packaging, aujourd'hui Albea cosmetics France, et alors qu'elle n'aurait pas perçu, par ailleurs, d'indemnités journalières.
La visite de reprise, dont le premier examen a eu lieu le 31 janvier 2011, met fin à la suspension du contrat de travail du salarié. Lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, il ne peut plus occuper son poste de travail et prétendre donc à une rémunération. Mme X... a été déclarée inapte à son poste d'opérateur, lors de la visite de reprise en deux examens, les 31 janvier 2011 et 10 février 2011. Conformément à l'article L. 1226-4 du code du travail, à défaut de reclassement ou de licenciement à l'issue du délai d'un mois, qui court à compter du second examen de la visite de reprise, l'employeur, doit verser au salarié, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi qu'il occupait avant la suspension de son contrat de travail.
La société MT Packaging, aujourd'hui Albea cosmetics France, avait par voie de conséquence, avant d'être dans l'obligation de verser à nouveau son salaire à sa salariée, jusqu'au 10 mars 2011 pour reclasser ou licencier cette dernière.
La société MT Packaging, aujourd'hui Albea cosmetics France, ayant licencié Mme X... le 29 avril 2011, elle doit donc à cette dernière son salaire du 12 au 31 mars 2011, ainsi que celle-ci le réclame, Mme X... devant, en revanche, être déboutée de sa demande pour ce qui est des mois de janvier et de février 2011 au bénéfice des précédentes observations.
Le salaire à verser par l'employeur doit comprendre l'ensemble des éléments constituant la rémunération de l'intéressé. L'employeur ne peut opérer aucune réduction sur les sommes dues ; ainsi ne peuvent être déduites les prestations de sécurité sociales et de prévoyance versées au salarié concerné.
La consultation du bulletin de salaire de Mme X... édité par la société MT Packaging, aujourd'hui Albea cosmetics France, fait apparaître que celle-ci devait à sa salariée la somme, pour un mois entier, de 1 726, 93 euros brute. Dès lors, la société MT Packaging, aujourd'hui Albea cosmetics France, se devait de verser à Mme X..., pour la période allant du 12 au 31 mars 2011, la somme de 1151, 28 euros brute, outre celle de 155, 12 euros de congés payés afférents. La demande de Mme X... est accueillie pour les sommes susvisées, sous déduction des sommes qui lui ont d'ores et déjà été réglées par son employeur.

PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme Marina X... de ses demandes tendant à ce que soit prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur, la société MT Packaging, aujourd'hui Albea cosmetics France, à ce que cette dernière soit condamnée à lui verser 2 508, 42 euros d'indemnité compensatrice de préavis, 250, 84 euros de congés payés afférents, 2 403, 90 euros d'indemnité de licenciement, et 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que Mme Marina X... a été victime de harcèlement moral,
Condamne la société Albea cosmetics France, anciennement MT Packaging, à lui verser 2 500 euros de dommages et intérêts à ce titre,
Déboute Mme Marina X... de sa demande de rappel de salaires pour les mois de janvier et février 2011, ainsi que du 11 au 12 mars 2011,
Condamne la société Albea cosmetics France, anciennement MT Packaging, à verser à Mme Marina X... la somme de 1151, 28 euros brute de rappel de salaire pour la période du 12 au 31 mars 2011, outre celle de 155, 12 euros de congés payés afférents, sous déduction des sommes qui lui ont d'ores et déjà été réglées,
Condamne la société Albea cosmetics France, anciennement MT Packaging, aux entiers dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/02959
Date de la décision : 15/01/2013
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.angers;arret;2013-01-15;10.02959 ?
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