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28/01/2021 | FRANCE | N°16/01564

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 28 janvier 2021, 16/01564


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE


1ère CHAMBRE CIVILE


ARRÊT No 68 DU 28 JANVIER 2021




R.G : No RG 16/01564 - CF/EK
No Portalis DBV7-V-B7A-CXTL


Décision déférée à la Cour : jugement au fond, origine tribunal de grande instance de BASSE TERRE, décision attaquée en date du 08 octobre 2016, enregistrée sous le no 13/00292




APPELANTE :


S.C.I. LES FREGATES CARAIBES
[Adresse 1]
[Localité 1]


Représentée par Me Michaella MIGNOT-BOUDAREL, (TOQUE 101) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BA

RT




INTIMÉE :


S.C.I. LA RUCHE
[Adresse 2]
[Localité 2]


Représentée par Me Jan-marc FERLY, (TOQUE 26) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST M...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT No 68 DU 28 JANVIER 2021

R.G : No RG 16/01564 - CF/EK
No Portalis DBV7-V-B7A-CXTL

Décision déférée à la Cour : jugement au fond, origine tribunal de grande instance de BASSE TERRE, décision attaquée en date du 08 octobre 2016, enregistrée sous le no 13/00292

APPELANTE :

S.C.I. LES FREGATES CARAIBES
[Adresse 1]
[Localité 1]

Représentée par Me Michaella MIGNOT-BOUDAREL, (TOQUE 101) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE :

S.C.I. LA RUCHE
[Adresse 2]
[Localité 2]

Représentée par Me Jan-marc FERLY, (TOQUE 26) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 décembre 2020, en audience publique, devant la cour composée en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile de Mme Claudine FOURCADE, présidente de chambre, magistrate chargée du rapport, en présence de Mme Valérie MARIE-GABRIELLE, conseillère, ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés. Elles en ont rendu compte à la cour dans son délibéré composé de :

Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre,
Mme Valérie MARIE GABRIELLE, conseillère,
Madame Christine DEFOY, conseillère,
qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 28 janvier 2021.

GREFFIER :

Lors des débats : Mme Esther KLOCK, greffière

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de
l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. Signé par Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre, et par Mme Esther KLOCK, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

La société LA RUCHE SCI est propriétaire d'une parcelle cadastrée AB 434, située sur la commune de Bouillante (Guadeloupe) et formant le lot no14 du lotissement « la Réserve », section Malendure.

La société LES FREGATES CARAIBES SCI est propriétaire d'une parcelle cadastrée AB [Cadastre 1] et formant le lot no29 de ce même lotissement, se trouvant en contrebas de la parcelle AB 434 et en étant séparée de celle-ci par une voie du lotissement.

Suivant permis de construire obtenu le 9 juin 2010, la société LES FREGATES CARAIBES a entrepris sur son lot la construction d'une maison.

Invoquant le non respect des règles d'urbanisme et du permis de construire, outre une mauvaise implantation de la construction, la société LA RUCHE a saisi, le 17 juin 2011, le juge des référés du tribunal de grande instance de BASSE-TERRE qui, par ordonnance du 11 octobre 2011, a ordonné une expertise judiciaire et a commis pour y procéder l'expert [V] [R].

L'expert judiciairement désigné, [V] [R], ingénieur en bâtiment, assisté de [U] [K], géomètre-expert, a déposé son rapport le 12 décembre 2012.

Par acte en date du 19 février 2013, la société LA RUCHE a assigné la société LES FREGATES CARAIBES afin de voir constater que la construction que cette dernière a fait édifier n'est pas conforme au permis de construire ni au règles d'urbanisme, ce qui lui cause préjudice et d'ordonner la démolition de la maison.

Le 16 octobre 2014, le maire de la commune de [Localité 3] a délivré une attestation de non contestation de la conformité pour la totalité des travaux.

Par ordonnance du 19 mars 2015, le juge de la mise en état a ordonné un complément d'expertise confié à M. [R] pour, notamment, lui demander si la construction réalisée par la SCI LES FREGATES CARAIBES est conforme au plan modificatif accordé le 6 février 2014, dans la négative, préciser en quoi.

Le 25 septembre 2015, l'expert a déposé un rapport.

Par jugement du 8 septembre 2016, le tribunal de grande instance a :
- dit que la société LES FREGATES CARAIBES a construit sur la parcelle AB no449, sur la commune de BOUILLANTE, une construction qui n'est pas conforme au permis de construire délivré et aux règles du droit de l'urbanisme,
- dit que la société FREGATES CARAIBES n'a pas régularisé la situation,
- ordonné la démolition de la construction édifiée par la société LES FREGATES CARAIBES sur la parcelle cadastrée AB no449, située sur la commune de BOUILLANTE,
- condamné la société LES FREGATES CARAIBES à payer à la société LA RUCHE la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La société LES FREGATES CARAIBES a interjeté appel de la décision, le 24 octobre 2016.

La société LA RUCHE a constitué avocat et a conclu.

La clôture est intervenue le 19 février 2018.

Par arrêt en date du 23 avril 2020, la cour de céans a :
- ordonné un complément d'expertise, tous droits et moyens des parties réservés, et commis pour y procéder [V] [R]
- réservé la cause et les dépens.

L'expert judiciairement désigné a déposé son rapport le 13 août 2019.

L'ordonnance de clôture, qui est intervenue le 23 novembre 2020 a fixé l'audience de plaidoiries le 7 décembre 2020, date à laquelle l'affaire a été mise en délibéré jusqu'au 28 janvier 2021 pour son prononcé par mise à disposition au greffe.

PRETENTIONS ET MOYENS

- L'APPELANTE:

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 16 octobre 2020 aux termes desquelles la société LES FREGATES CARAIBES, outre des demandes de voir « constater » ne constituant pas des prétentions sur lesquelles il n'y a lieu de statuer, demande à la cour de :
* infirmer la décision du tribunal de grande instance de Basse-Terre du 8 septembre 2016 en toutes ses dispositions, et :
o à titre principal
- dire qu'il n'est pas établi de lien direct et certain entre les non-conformités à l'égout de toit et le préjudice de perte de vie et que les inconvénients de la construction de sa villa pour la société LA RUCHE n'excèdent pas ceux d'une construction conforme au P.O.S,
- dire qu'il n'y a pas lieu à ordonner la démolition même partielle de sa villa,
- dire que la société LA RUCHE ne subit aucun préjudice et qu'il n'y a pas lieu d'ordonner une réparation en dommages et intérêts
o subsidiairement
- dire que le préjudice de perte de vue évoqué par l'expert de 15 à 20% de la valeur vénale de la villa de la société LA RUCHE n'est pas démontré et que l'estimation des dommages et intérêts n'est pas justifiée;
- ordonner une contre-expertise,
- dire qu'au regard du principe de proportionnalité, il y a lieu, d'ordonner une réparation de celui-ci par l'intermédiaire de dommages et intérêts proportionnés à la perte de vue réellement constatée,
* en tout état de cause

o condamner la société LA RUCHE à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
o condamner la société LA RUCHE aux entiers dépens à recouvrer conformément aux disposition de l'article 699 du code de procédure civile, pour ceux dont Michaëlla BOUDAREL MIGNOT, avocat du barreau de la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy a fait l'avance sans avoir reçu provision,

- L'INTIMEE:

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 21 septembre 2020 par lesquelles la société LA RUCHE sollicite de voir :
* à titre principal
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Basse-Terre le 8 septembre 2016,
* à titre subsidiaire
- condamner la société LES FREGATES CARAIBES à lui payer la somme de 12 000 euros à titre de dommages et intérêts
* condamner la société LES FREGATES CARAIBES à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et les entiers dépens,

MOTIFS

Attendu que les particuliers peuvent invoquer, à l'appui d'une demande de démolition, la violation des règles d'urbanisme et des prescriptions du permis de construire à la condition de prouver l'existence d'un préjudice direct personnel ;

Qu'en outre, si la construction ne respecte pas les prescriptions du permis de construire, les dispositions de l'article L.480-13 du code de procédure civile ne peuvent trouver à s'appliquer.

Qu'enfin, la délivrance par le maire d'un certificat de conformité ne valant pas présomption irréfragable de la conformité de l'ouvrage aux prescriptions du permis, il est loisible aux parties, comme en l'espèce, de tenter de rapporter la preuve de la non-conformité de la construction au permis délivré ;

Attendu qu'en l'espèce, il ressort du rapport d'expertise que la construction réalisée par la société LES FREGATES CARAÏBES, au moins en trois points (repère A - angle pignon droit/façade principale: dépassement de 3,24 m, repère B - angle avancé façade principale: dépassement de 2,25 mètres et repère E - égout tour: dépassement de 2,21 mètres) dépassent les hauteurs tolérées de l'égout de toit par le plan d'occupation des sols pour la zone INAb, par rapport au terrain naturel, avec adaptation du terrain en pente à plus de 20% de 2,50 mètres par rapport au 3 mètres de terrain plan et que la construction n'est pas conforme à la demande de permis de construire, mentionnant une hauteur d'égout de toit de trois mètres et un faîtage de 6 mètres, ni au document d'urbanisme de la commune ;

Que suite à la décision avant dire droit ayant ordonné un complément d'expertise, l'expert a indiqué qu'à l'égard du dénivellé du terrain de la société LES FREGATES CARAIBES, la majoration de hauteur du bâti était portée à un maximum de 5,5 mètres en tout point de la construction, ; que le contrôle de la hauteur du pignon Est d'une longueur de 17 mètres sur 4 points entre le terrain naturel et l'égout supérieur confirme le dépassement de hauteur du bâti au delà des 5,5 mètres autorisés par le P.O.S en ses articles 10.1 à 10.3 et 10.43, par rapport au terrain naturel, avec adaptation du terrain en pente à plus de 20% sur les trois points déjà identifiés correspondant à l'érection du belvédère avec des dépassements supérieurs à 3, 50 mètres et n'est pas conforme au permis de construire délivrée par la mairie de [Localité 3] le 30 avril 2010 ;

Que l'expert a également relevé, que la vue de la société LA RUCHE, à partir de son rez de chaussée et de la plage de sa piscine qui bénéficiait d'une vue sur la totalité de la baie BOUILLANTE est de ce fait partiellement occultée du fait de la construction, que la mise en conformité nécessiterait une démolition avec reconstruction, qu'une partie de la vue occultée pourrait être retrouvée par la démolition partielle limitée au belvédère et que le dépassement crée un préjudice lié à une perte de plus-value d'environ 15 à 20% correspondant à la diminution de la majoration vue sur mer directe ;

Que la société LES FREGATES CARAIBES, qui contestent le caractère probant de l'expertise et de son complément, ne produit aucune pièce de nature à combattre les mesures prises par l'expert sur les points de relevé avec mentions des altitudes du terrain naturel et de l'égout du toit, de la hauteur à l'égout du toit, et des dépassements mis en exergue par rapport aux règles d'urbanisme prescrites dans la zone de construction et du permis de construire; qu'ainsi, aucun erreur des prescriptions afférentes aux modalités de ces relevés ne peut être imputée à l'expert; que de même, au titre de la mission complémentaire confiée à l'expert judiciaire, les seules mesures prises dépassant de plus de 3 m 50 les hauteurs réglementaires, s'agissant du belvédère, en démontrent les conséquences sur la diminution de vue sur mer dont bénéficiait antérieurement la société LA RUCHE, par rapport à une construction qui aurait été érigée dans les règles d'urbanisme, étant précisé qu'ainsi que l'expert le note les autres points de repère se situe en revanche dans la tolérance pour terrain en pente ;

Que dès lors, sans nécessité d'organiser une nouvelle mesure d'instruction, les constats, analyses et conclusions de l'expert constituent une base d'appréciation valable sur laquelle la cour peut appuyer sa décision ;

Qu'ainsi, au regard des dits constats non remis en cause par d'autres éléments, la violation des règles d'urbanisme et la non conformité à ces règles lors de la construction d'une partie de la construction - à savoir le belvédère - au permis de construire ont nécessairement réduit, quand bien même ce n'est que pour partie la vue sur la baie de [Localité 3], ce qui est à l'origine d'un préjudice direct et personnel pour la société LA RUCHE ;

Que cependant, en ce qui concerne l'appréciation du préjudice, la société LA RUCHE maintient, en cause d'appel, à titre principal sa demande de démolition de la construction, et subsidiairement sollicite l'octroi de dommages et intérêts ;

Que la réparation ordonnée doit proportionnée au préjudice résultant du manquement effectivement réalisé ; qu'en l'espèce, la société LA RUCHE ne pourrait prétendre bénéficier sur un lotissement permettant la construction de villas individuelles d'un droit de vue sur la mer en sa qualité de premier constructeur amont à l'égard du constructeur sur la parcelle voisine en aval ; qu' en dépit du dépassement lié à l'élévation irrégulière du belvédère, la société LA RUCHE, qui a construit au sein du lotissement la Réserve, conserve une vue sur la plage, la mer et sur partie de la baie de [Localité 3] ; que dès lors, dans ces circonstances, la démolition de l'ouvrage litigieux est disproportionnée, ce qu'avait au demeurant relevé l'expert, même s'il n'en chiffre pas le montant ; qu'une telle démolition, qui s'avère ainsi en disproportion avec le préjudice effectivement subi, n'a pas lieu d'être ordonnée ;

Que sur la demande subsidiaire de dommages et intérêts, la société LA RUCHE sollicite dans les motifs de ses écritures une somme correspondant à 20 % de la valeur vénale de sa villa qu'elle estime à 650 000 euros; que toutefois, il sera observé que l'expert judiciaire, sans évaluer la valeur de la construction à la date de l'expertise - ce qui ne rentrait pas dans sa mission - a expliqué que pouvait être retenue une moins-value de 15 % à 20 % non de la valeur vénale du bien, mais de la plus-value de l'ordre de 20 % se rajoutant à la construction lorsque cette dernière bénéficie d'une vue directe sur la mer ; qu'ici, il sera retenu que la société LA RUCHE bénéficie toujours d'une vue panoramique laquelle n'a été que partiellement rompue en rez de chaussée de villa que par le belvédère irrégulièrement construit ; que dans ces conditions, il est de juste appréciation de fixer la réparation à hauteur de la somme de 10 000 euros ;

Sur les mesures accessoires

Attendu qu'en application de l'article 696 du code de procédure civile, la société LES FREGATES CARAIBES, qui succombe, sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel;

Qu'en cause d'appel, elle sera également condamné à payer à la société LA RUCHE la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Que les dispositions de première instance seront sur ces points confirmées ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par décision contradictoire, mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré du tribunal de grande instance de Basse-Terre en date du 8 septembre 2016 en ce qu'il a ordonné, en réparation du préjudice subi par la société LA ROCHE, la démolition de la construction édifiée par la société LES FREGATES CARAIBES sur la parcelle cadastrée AB [Cadastre 1] située sur la commune de Bouillante,

Statuant à nouveau sur ce point,

Déboute la société LA RUCHE de sa demande de démolition de la construction édifiée par la société LES FREGATES CARAIBES sur la parcelle cadastrée AB [Cadastre 1] située sur la commune de [Localité 3],

Condamne la société LES FREGATES CARAIBES à payer à la société LA RUCHE une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la réduction de la vue depuis sa villa sur la baie de [Localité 3], causé par le dépassement illégal en hauteur du belvédère érigé par la société LES FREGATES CARAIBES,

Confirme le jugement déféré pour le surplus,

Condamne également la société LES FREGATES CARAIBES à payer à la société LA RUCHE une somme de 2 000 euros pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Condamne la société LES FREGATES CARAIBES aux dépens d'appel.

Et ont signé le présent arrêt.

Le greffierLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Numéro d'arrêt : 16/01564
Date de la décision : 28/01/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-28;16.01564 ?
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