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12/01/2018 | FRANCE | N°17/00302

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 12 janvier 2018, 17/00302


ARRET N° 18/

LM/GB



COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 12 JANVIER 2018



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 17 Novembre 2017

N° de rôle : 17/00302



S/appel d'une décision

du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE VESOUL

en date du 01 février 2017

code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution



SAS EUROFEU SERVICES,

[Adresse 1]



APPELANTE



représentée par Me Henri TRUMER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant et Me

Emmanuelle HUOT, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant



M...

ARRET N° 18/

LM/GB

COUR D'APPEL DE BESANCON

- 172 501 116 00013 -

ARRET DU 12 JANVIER 2018

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 17 Novembre 2017

N° de rôle : 17/00302

S/appel d'une décision

du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE VESOUL

en date du 01 février 2017

code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

SAS EUROFEU SERVICES, [Adresse 1]

APPELANTE

représentée par Me Henri TRUMER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant et Me

Emmanuelle HUOT, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant

Monsieur [W] [S], demeurant [Adresse 2]

INTIME

représenté par Me Pascal BAUMGARTNER, avocat au barreau de HAUTE-SAONE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile l'affaire a été débattue le 17 Novembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur MARCEL Laurent, Conseiller, entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Christine K-DORSCH, Présidente de Chambre

M. Jérôme COTTERET, Conseiller

Monsieur Laurent MARCEL, Conseiller

qui en ont délibéré,

Mme Gaëlle BIOT, Greffier lors des débats

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 12 Janvier 2018 par mise à disposition au greffe.

**************

Faits, procédure et prétention des parties

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er juillet 2008, M. [W] [S] a été embauché à temps complet par la SAS Eurofeu Services en qualité de magasinier poseur. Les missions du salarié ont par la suite évoluées au sein de l'entreprise, celui-ci exerçant au jour de la rupture de son contrat de travail les fonctions de vérificateur-vendeur.

Après lui avoir délivré deux avertissements consécutifs la SAS Eurofeu Services a notifié à M. [W] [S] le 10 octobre 2014 son licenciement pour faute grave.

Contestant le bien-fondé de son congédiement M. [W] [S] a saisi le 30 mars 2015 le conseil de prud'hommes de Vesoul aux fins de le voir requalifier en licenciement dépourvu de cause réelle est sérieuse et d'entendre condamner son ex employeur à l'indemniser à ce titre.

Par jugement contradictoire rendu le 1er février 2017 le conseil de prud'hommes de Vesoul, statuant en formation de départage, a :

-dit que le licenciement de M. [W] [S] était privé d'une cause réelle et sérieuse,

-condamner la société Eurofeu Services à payer à M. [W] [S] les sommes de :

- 639,53 € à titre de rappel de salaire durant la mise à pied ainsi que les congés payés y afférents, soit la somme de 63,95 ~,

- 969,97 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 2771,36 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que les congés payés y afférents, soit la somme de 277,13 euros,

- 15'000,00 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture abusive du contrat travail,

-débouté le salarié de ses demandes faites au titre de la correction indicielle et de la garantie l'ancienneté,

- ordonné le remboursement par la SAS Eurofeu Services des indemnités de chômage servies au salarié, et ce, dans la limite de six mois en application de l'article 1235-4 du code du travail,

- condamner la SAS Eurofeu Services à payer à M. [W] [S] la somme de 1000 €au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par déclaration enregistrée le 6 février 2007 la SAS Eurofeu Services a relevé appel de la décision.

Dans ses dernières écritures déposées le 17 novembre 2017, la SAS Eurofeu Services poursuit l'infirmation de la décision entreprise sauf en ce qu'elle a débouté M. [W] [S] de ses demandes faites au titre de la correction indicielle et de la garantie ancienneté. S'agissant des autres dispositions du jugement déféré la SAS Eurofeu Services demande à la cour, statuant à nouveau, de débouter son ex-salarié de l'intégralité de ses prétentions.

À titre subsidiaire la SAS Eurofeu Services réclame une diminution à de plus justes proportions des demandes indemnitaires formées par M. [W] [S].

En tout état de cause la société appelante sollicite la condamnation de M. [W] [S] à lui payer la somme de 2.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Pour sa part M. [W] [S] demande, dans ses dernières écritures déposées le 9 juin 2017, la confirmation pure et simple de la décision querellée et la condamnation de la société Eurofeu Services à lui payer la somme de 1.500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la Cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 octobre 2017.

Motifs de la décision

Sur le caractère réel et sérieux du licenciement

Attendu que par courrier recommandé du 24 avril 2014 la SAS Eurofeu Services a délivré à M. [W] [S] un premier avertissement au motif que ce dernier n'avait pas atteint les objectifs fixés contractuellement, manifestant de la sorte un manque de motivation ; que par un courrier du 30 juillet 2014 la SAS Eurofeu Services a notifié à M. [W] [S] un second avertissement pour les motifs suivants : l'utilisation par le salarié du véhicule de service pour ses besoins personnels, un départ anticipé du travail le 11 juillet 2014 et l'inexécution ou la mauvaise exécution de tâches chez deux clients ;

Attendu M. [W] [S] a répondu à chacune de ces correspondances par deux courriers en date des 10 mai et 14 août 2014 ; que s'agissant des principaux griefs, pris de la non-réalisation des objectifs et de l'inexécution ou l'exécution partielle des prestations, M. [W] [S] se justifie longuement dans ses deux lettres dont il convient, pour la solution du litige, de reprendre pour partie les termes ;

Attendu qu'en ce qui concerne la non-réalisation des objectifs le salarié expose dans son courrier du 24 avril 2014 : ' Lorsque je vous ai indiqué que désormais je n'effectuerais plus que le strict minimum chez les clients, je parlais bien sûr des pièces détachées. Ce que je vous ai bien dit à l'entretien et que je me tenait uniquement aux procédures de maintenances constructeurs, ce qui signifie que j'arrêtais de changer des pièces détachées... alors que celles-ci n'avait rien, uniquement pour atteindre votre 'rassio sav'de 15 € moyens par extincteur que vous me demandez d'atteindre...'; qu'il ajoute ensuite : ' 'De part les pièces que j'ai pu changer, moi au moins, je les ai vraiment changées et ne me contentais pas de simples croix sur les bons de maintenances pour facturer n'importe quelles pièce, même inexistantes en stocks.. en passant un code générique';

Attendu que dans sa correspondance du 14 août 2014 M. [W] [S] se fait plus précis ; qu'il incrimine en premier lieu le travail de ses collègues : ' ' J'ai eu à refixer un nombre incalculable d'extincteurs beaucoup trop haut... Etant passé derrière plusieurs personnes, y compris des personnes encore en place à ce jour, ceux-ci auraient du traiter ces points immédiatement non ' Donc ils n'ont pas respecté les procédures de maintenance, ils devaient être plus préoccupés à ramener du chiffre d'affaires...'; qu'il achève son raisonnement ainsi : 'C'est sur qu'en faisant un travail bâclé, comme j'ai pu vous le dire ci-dessus, on parvient largement à votre 'cota' de vérification' ;

Attendu que dans le même courrier M. [W] [S] profère à l'encontre de la société dont il est le salarié les accusations suivantes : ' Que je ne mettrais plus de pièces neuves pour remplacer des pièces non défectueuses ou non inscrit sur les procédures de maintenance car je considère cela comme du vol et de l'abus de confiance en vers les clients. Ou bien changer des extincteurs non réformés, donc qui n'ont pas lieux d'être changé..'; que le salarié évoque ensuite des sur-facturations et la facturation de pièces non changées;

Attendu qu'il est établi qu'en septembre 2014 M. [W] [S] a déposé une plainte entre les mains de la gendarmerie nationale à l'encontre du responsable de l'agence de [Localité 1] de la SAS Eurofeu Services; que s'il n'est produit aux débats aucune copie de ce dépôt de plainte, il résulte des explications du responsable de l'agence, auditionné par les gendarmes, que celle-ci visait à dénoncer des pratiques telles que la modification de certains bons de livraison ;

Attendu que pour procéder au licenciement pour faute grave de M. [W] [S], la SAS Eurofeu invoque la lettre de congédiement qui fixe les termes du litige deux griefs, d'une part, les propos de 'dénigrement' tenus par celui-ci dans les deux courriers sus-évoqués, et, d'autre part le dépôt de la plainte, destiné à 'déstabiliser' l'agence de [Localité 1] ;

Attendu que s'agissant du premier grief, il convient de le replacer dans le cadre plus général de la liberté d'expression conférée à tout salarié dans l'entreprise, avec la limite qui y a été apportée par la jurisprudence, à savoir l'abus; qu'il échet de préciser que les propos litigieux étaient contenus dans des courriers en réponse à deux avertissements que le salarié considérait comme injustifiés, avec pour seul destinataire, le directeur régional de la société Eurofeu Services;

Attendu qu'il y a aussi de rappeler que M. [W] [S] évoque dans ses deux courriers des pratiques qu'il qualifie lui-même 'd'escroquerie' et 'd'abus de confiance'; que pour apprécier le caractère injurieux ou diffamatoire de tels propos, il apparaît nécessaire de s'interroger sur la véracité des pratiques dénoncées par le salarié;

Attendu qu'à cette fin M. [W] [S] verse à son dossier les attestations de trois anciens salariés de la société Eurofeu Services ; que celle-ci conteste l'impartialité des témoins expliquant que l'un d'entre eux a été licencié pour faute grave pour avoir revendu à son profit sur internet des extincteurs qu'il avait détournés et que les deux autres étaient actuellement en contentieux avec leur ex-employeur; qu'eu égard à ces éléments les déclarations écrites dont s'agit doivent être regardées avec circonspection;

Attendu que deux des attestants indiquent dans leurs témoignages que pour des raisons de rentabilité le responsable de l'agence de [Localité 1] incitait les salariés à effectuer des remplacements d'extincteurs plutôt que des changements de pièces ; que l'autre témoin évoque pour sa part des rajouts de pièces sur les bons de commandes sans autres précisions;

Attendu que pour sa part la société Eurofeu Services verse aux débats des e-mails échangés entre le responsable de l'agence de [Localité 1] et le directeur de région de la société; qu'il résulte de la lecture de ces documents que le responsable de l'agence de [Localité 1] est parvenu à fournir aux gendarmes des explications cohérentes aux faits dénoncés par M. [W] [S] puisque sa plainte n'a pas donné lieu à des poursuites pénales; qu'ainsi que le fait justement observer la société Eurofeu Services M. [W] [S] ne verse à son dossier aucun pièce démontrant un quelconque mécontentement des clients;

Attendu qu'il y a lieu, au vu des développements qui précèdent, de considérer que les allégations qui sont contenus dans les lettres des 10 mai et 14 août 2014 et qui ne peuvent être valablement regardées comme des mises en garde, comme le prétend M. [W] [S], ne sont pas établies et de dire qu'elles constituent de par leur caractère outrancier un excès à liberté d'expression du salarié;

Attendu que si la dénonciation des faits dans les deux courriers précités revêtait un caractère confidentiel, il en va différemment de la plainte déposée à la gendarmerie, laquelle avait vocation à agir comme une caisse de résonnance aux dires du salarié; que M. [W] [S] ne peut sérieusement plaider la bonne foi dès lors qu'il ne pouvait ignorer que cette plainte contre le responsable de l'agence de [Localité 1] allait nécessairement déstabiliser cette structure;

Attendu qu'il échet dans l'appréciation de la gravité de la faute commise par le salarié, de prendre en compte le contexte dans lesquels les propos litigieux ont été tenus et la plainte déposée; que M. [W] [S] a du faire face, à trois mois d'intervalle, à deux avertissements, et ce, alors qu'aux termes de ses courriers il s'estimait être un des seuls à faire du travail de qualité dans l'entreprise ; qu'il convient par ailleurs de noter la concomitance de la plainte et du licenciement; que ces circonstances conduisent à juger que les griefs énoncés dans la lettre de congédiement ne sont pas constitutifs d'une faute grave mais d'une faute simple; qu'il s'ensuit que le jugement critiqué sera infirmé en ce qu'il a dit que le congédiement de M. [W] [S] était dépourvu de cause réelle et sérieuse;

Attendu que dans sa lettre du 24 avril 2014 M. [W] [S] manifeste clairement son désaccord avec la politique commerciale de l'entreprise, n'hésitant pas en effet a écrire : ' vous dites que je n'ai plus de motivation pour mon métier, hors j'ai dit que je n'avais plus de motivation pour travailler pour Eurofeu Services'; qu'il lui appartenait alors de tirer toutes les conséquences de ce désaccord ;

Attendu qu'en l'absence de faute grave, M. [W] [S] peut prétendre à un rappel de salaire au titre de la mise à pied, à une indemnité compensatrice de préavis ainsi qu'aux congés payés y afférents et à une indemnité de licenciement; qu'eu égard à la motivation pertinente retenue par les premiers juges sur ces points, que la cour fait sienne dans sa totalité, la décision querellée sera confirmée dans ses dispositions arrêtant les sommes dues au salarié à ces divers titres ;

Sur les demandes formées au titre de la correction indicielle et de la garantie d'ancienneté

Attendu que les parties sollicitent la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [W] [S] de ses demandes faites au titre de la correction indicielle et de la garantie d'ancienneté; qu'il y a lieu de dire que ces points sont définitivement jugés;

Sur le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage

Attendu que la cour juge considéré que le licenciement de M. [W] [S] procède d'une cause réelle et sérieuse; qu'il n'y a donc pas lieu de faire application de l'article 1235-4 du code du travail; qu'il en résulte le jugement déféré sera infirmé sur ce point;

Sur les demandes accessoires

Attendu que le jugement critiqué sera infirmé dans ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens; qu'au titre de la première instance il convient de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner M. [W] [S] aux dépens;

Attendu que la SAS Eurofeu Services voit une partie de ses prétentions consacrée par la cour; que M. [W] [S] sera donc condamné à lui payer la somme de 500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel, lesdites condamnations emportant nécessairement rejet de ses prétentions formées à ces titres;

- PAR CES MOTIFS -

La cour, statuant par arrêt contradictoire, après débats en audience publique et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement rendu le 1 décembre 2016 par le conseil de prud'hommes de Vesoul sauf dans ses dispositions relatives à l'indemnité de préavis et aux congés payés y afférents, à l'indemnité de licenciement et au rappel de salaires durant la mise à pied et aux congés payés y afférents,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement de M. [W] [S] repose sur une faute et qu'il est en conséquence pourvu d'une cause réelle et sérieuse.

Déboute M. [W] [S] de sa demande d'indemnité de rupture du contrat de travail;

Dit n'y avoir lieu d'ordonner le remboursement par la SAS Eurofeu Services des indemnités servies à M. [W] [S] au titre de l'indemnisation du chômage;

Dit n'y avoir lieu à l'application, au titre de la première instance, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute M. [W] [S] de sa demande formée à hauteur de cour au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamne sur ce fondement à payer à la SAS Eurofeu Services la somme de cinq cents euros (500,00 €).

Condamne M. [W] [S] aux dépens de première instance et d'appel.

Ledit arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe le douze janvier deux mille dix huit et signé par Mme Christine K-DORSCH, Présidente de la Chambre Sociale, et Mme Gaëlle BIOT, Greffier.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17/00302
Date de la décision : 12/01/2018

Références :

Cour d'appel de Besançon 03, arrêt n°17/00302 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-01-12;17.00302 ?
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