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10/03/2016 | FRANCE | N°15/00145

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 10 mars 2016, 15/00145


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 10 MARS 2016



(Rédacteur : Madame Véronique LEBRETON, Conseillère)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 15/00145

















Monsieur [N] [K]



c/



SA AUCHAN FRANCE





















Nature de la décision : AU FOND







Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 sep...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 10 MARS 2016

(Rédacteur : Madame Véronique LEBRETON, Conseillère)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 15/00145

Monsieur [N] [K]

c/

SA AUCHAN FRANCE

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 septembre 2013 (R.G. n° F12/01367) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 08 janvier 2015,

APPELANT :

Monsieur [N] [K]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1]

de nationalité Française

Profession : Agent de sécurité,

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Monique GUEDON, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SA AUCHAN FRANCE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 2]

représentée par Me Jean-François DACHARRY, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 février 2016 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Marc SAUVAGE, Président,

Madame Catherine MAILHES, Conseillère,

Madame Véronique LEBRETON, Conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Florence CHANVRIT, Florence Chanvrit adjoint administratif principal faisant fonction de greffier

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

M. [N] [K] a été engagé par la société Auchan France dans le cadre d un contrat de travail à durée déterminée à compter du 24 octobre 2001 en qualité d agent de sécurité.

À l issue de ce contrat, il a été engagé dans le cadre d un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 5 janvier 2002.

Au dernier état de la relation de travail, M. [K] percevait une rémunération mensuelle brute de 2.300 \.

Suite à un incident survenu dans le magasin le 22 septembre 2011, M. [K] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 15 octobre 2011.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 octobre 2011, M. [K] a été licencié pour faute grave, pour avoir tendu un extincteur inadaptée à une personne ne sachant pas l utiliser pour éteindre un départ d'incendie.

Contestant cette décision, M. [K] a saisi le conseil de Prud hommes de Bordeaux (section commerce) le 13 juin 2012 aux fins d obtenir une indemnité compensatrice de préavis (ainsi que les congés payés afférents), une indemnité conventionnelle de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement en date du 9 septembre 2013, le conseil de Prud hommes de Bordeaux a jugé que le licenciement de M. [K] en date du 27 octobre 2011 repose bien sur une faute grave, privative de toute indemnité de rupture et l a débouté de l ensemble de ses demandes, condamnant M. [K] aux entiers dépens.

M. [K] a régulièrement interjeté appel de cette décision le 25 septembre 2013.

Par arrêt en date du 8 janvier 2015, la cour d appel de Bordeaux a radié l affaire.

Par conclusions de réinscription déposées au greffe le 8 janvier 2015 et conclusions récapitulatives n°2 du 24 juin 2015 développées oralement à l audience, M. [K] sollicite de la Cour qu elle :

réforme le jugement en toutes ses dispositions,

constate que l extincteur à eau pure n a jamais été utilisé car il s agissait d un extincteur à eau pulvérisée avec additif qui pouvait être utilisé sur une installation électrique de moins de 1000 volts dans le magasin Auchan,

constate que la société Auchan France est seule responsable de l absence de formation des techniciens du service technique,

constate qu il n a pas transmis l extincteur à CO2 à M. [P],

dise que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,

condamne la société Auchan France à lui verser les sommes suivantes :

4.600 euros au titre de l indemnité compensatrice de préavis,

460 euros au titre de l indemnité de congés payés afférente,

3.893, 20 euros au titre de l indemnité légale de licenciement,

46.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

2.500 euros sur le fondement de l article 700 du code de procédure civile,

déboute la SA Auchan France de ses demandes et la condamne aux entiers dépens.

M. [K] fait valoir que le technicien ne pouvait être exposé à aucun risque d électrocution en utilisant l extincteur qu il lui a tendu car la tension était bien inférieure à celle alléguée par la société Auchan, que de plus, l extincteur qu il a proposé était un extincteur à eau pulvérisée avec additif, pouvant être utilisé pour des feux d'origine électrique dès lors que la tension est inférieure à 1000 volts sans risque d'arc électrique, et non un simple extincteur à eau pure, de sorte qu il ne peut lui être reproché de manquement aux règles de sécurité. Il précise qu'il ignorait que les techniciens n avaient pas de formation incendie, d autant qu en l espèce, le responsable technique présent sur les lieux a donné l'extincteur à CO2 à son technicien et l'a laissé éteindre le feu, de telle sorte que la faute alléguée de ce chef ne lui est pas imputable.

Par conclusions déposées au greffe le 4 décembre 2014 et développées oralement à l audience, la SA Auchan France sollicite de la Cour qu elle :

confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de

Prud hommes,

juge que M. [K] a été régulièrement licencié pour des motifs réels et sérieux caractérisant la faute grave,

déboute M. [K] de ses demandes, fins et conclusions,

condamne M. [K] à payer à la société Auchan une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l article 700 du code de procédure civile,

condamne M. [K] aux entiers dépens.

La SA Auchan France fait valoir que M. [K] a remis à son collègue un extincteur à eau pour intervenir sur le feu d origine électrique, sur un canalis jouxtant une gaine à barre de 3x1000 ampères, l exposant ainsi à un risque d électrocution, alors qu il était chef d équipe SSIAP2 et qu'il ne pouvait se décharger de sa responsabilité sur un responsable technique, ce fait étant constitutif d une faute grave de nature à justifier un licenciement.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

Il résulte des dispositions des articles L 1232-1 et L 1235-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, et qu en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi l administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n incombe pas spécialement à l une ou l autre des parties, l employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables et la lettre de licenciement fixant les limites du litige.

Toutefois, la faute grave est celle qui résulte d un fait ou d un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d un importance telle qu elle rend impossible le maintien du salarié dans l entreprise, l employeur devant en rapporter la preuve s il l invoque pour licencier, les dispositions des articles L 1234-1 et L 1234-9 du code du travail prévoyant que lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

En l'espèce la lettre de licenciement adressée à M. [K] par la société Auchan France le 27 octobre 2011 est ainsi libellée : ' (...)le jeudi 22 septembre 2011, vous êtes appelé pour intervenir sur un départ de feu au niveau de la surface de vente. Vous expliquez, lors de l'entretien préalable que vous êtes allé chercher la nacelle, car le feu était en hauteur. Un technicien était déjà informé de ce départ de feu et se dirigeait, avec la nacelle, vers le sinistre. Arrivé sur les lieux, vous avez tendu au technicien un extincteur à eau, quand son responsable lui a crié de ne pas le prendre. C'est un extincteur à CO2 qu'il fallait utiliser dans un tel cas. Vous avez alors tendu un extincteur à CO2 que vous aviez à portée de mains.

Plusieurs fautes sont ici évoquées : 1- vous avez déclaré avoir paniqué et tendu le mauvais extincteur : le risque encouru : la mort par électrocution de votre collègue. 2- il vous appartenait de faire vous même cette manipulation d'extincteur car vous êtes ''SSIAP2'' et donc formé et habilité à cet exercice.

Lors de l'entretien, vous avez reconnu ne pas avoir donné le bon extincteur à votre collègue et vous avez expliqué que le technicien, étant déjà dans la nacelle, vous avez voulu gagner du temps. Vous avez confié un extincteur à une personne qui ne savait pas l'utiliser.

Vous avez été régulièrement formé pour intervenir dans de pareilles circonstances, et vous avez fait courir un risque énorme à ce technicien, qui sans l'intervention de son responsable serait blessé voire décédé.

Nous remettons en cause vos compétence d'agent de sécurité ''SSIAP2''(service sécurité incendie et d'aide aux personnes) et pour ces motifs nous voue licencions pour faute grave.(...) '.

M. [K] ne conteste pas avoir la qualification d'agent de sécurité ''SSIAP2'' et avoir reçu une formation relative à cette fonction, ce qui résulte du reste du compte rendu de ses entretiens d évaluation, des diplômes et certificats de recyclage produits par l'employeur, qui justifie par ailleurs que son salarié a été formé en 2005 et en 2008 à la connaissance de l électricité et de ses dangers et à la sécurité en matière d'électricité.

Son compte rendu d'intervention sur le départ de feu du 22 septembre 2011 est ainsi rédigé : '  (..) j'ai été cherché un technicien, arrivé dans le couloir de la technique, il était dans la nacelle il avait été prévenu par tél. Dans l'urgence j'ai pris un extincteur à poudre que j'ai mis dans la nacelle. Arrivé sur les lieux, je lui aurais tendu un extincteur à eau avec additif puis un CO2 car j'avais les deux en mains. Comme il était en train de monter dans la nacelle, je lui ai dit de continuer pour ne pas perdre de temps et surtout ne pas subir les mêmes de 2004. Ensuite le chef d'équipe est arrivé ainsi que le responsable de la technique. De suite le chef d'équipe a demander de couper la source électrique, cette demande a été demander plusieurs fois sans réponses et sans exécuter sa demande. (..) '.

Cette version diffère de celles résultants des personnes intervenues sur les lieux.

Tout d'abord, au travers du compte rendu d'incendie établi par M. [R], responsable exploitation technique magasin, qui indique, qu'en arrivant sur les lieux de départ d'incendie il a vu M. [P], technicien, au pied de la nacelle et un extincteur à goupille bleue (extincteur à eau) dans le panier de la nacelle, qu'il lui a immédiatement interdit de monter éteindre le feu avec cet extincteur et a demandé un extincteur CO2 aux agents de sécurité présents qu'il a dégoupillé pour le donner au technicien qui est ensuite monté éteindre le feu.

Ce déroulement des faits est corroboré ensuite par M. [E], technicien accompagnant M. [P], qui précise dans son compte rendu que M. [K] leur a tendu un extincteur à eau qu'ils ont refusé s'agissant d'un incendie d'origine électrique, l électricité n'ayant pas été coupée, que M. [R] a tendu à son collègue un extincteur CO2, que ce dernier, après avoir demandé à être accompagné car il ne savait pas s'en servir et n'avait jamais éteint d'incendie, est monté seul dans la nacelle pour vider un premier extincteur sur le boîtier en flammes puis un second extincteur avant de maîtriser l'incendie.

Il l'est également par le compte rendu de M. [P], qui indique quant à lui, qu'il est allé cherché une nacelle car un connecteur 380V était en feu et les flammes commençaient à lécher la gaine 1000A située au dessus, qu'après avoir positionné la nacelle pour intervenir, un agent de sécurité lui a donné un extincteur eau et lui a dit d'y aller, qu'il a refusé d'utiliser cet extincteur car il venait d'entendre qu'il n'était pas approprié, que M. [R] a demandé un extincteur CO2 aux agents de sécurité présents et lui en passé un après l'avoir dégoupillé, qu'il a ensuite vidé l'extincteur après avoir reçu les conseils du chef d'équipe de la sécurité arrivé sur les lieux l'enjoignant d'attaquer de biais le feu à cause du possible arc électrique, puis en a vidé un second pour refroidir la gaine 1000V.

Ces trois documents, contemporains aux faits litigieux et dont la valeur probante ne peut être sérieusement discutée, exposent de manière concordante un déroulement des faits contraires à l'argumentation de M. [K] et établissent que ce dernier a tendu un extincteur à eau à M. [P], qui ne savait pas se servir d'un extincteur n'ayant jamais eu à intervenir pour éteindre un incendie et qui l'a exprimé, et qu'il aurait pu monter dans la nacelle éteindre lui même le feu puisqu'à son arrivée sur les lieux M. [P] n'était pas dans la nacelle.

Ce faisant il a tendu à son collègue, qu'il a donc laissé intervenir, alors que compte tenu de sa qualification et de son poste il lui appartenait de le faire, un extincteur dont l'usage n'est pas recommandé pour un feu d'origine électrique puisque dans ce cas il convient d'utiliser un extincteur C02. Ceci résultant du livret de formation de base de l'agent de sécurité, M. [K] ne pouvait l'ignorer.

Il importe peu qu'il ait tendu en première intention un extincteur, non pas à eau pure mais à eau pulvérisée, dont l'utilisation est interdite sur une installation électrique seulement lorsqu'elle est de tension supérieure à 1000V, car s'agissant d'un départ d'incendie à l'évidence d'origine électrique, dans le doute sur la tension de l'installation touchée, il ne devait prendre aucun risque d'électrocution et faire usage de l'extincteur recommandé, la discussion a posteriori sur le voltage réel du boîtier de connexion et de la gaine électrique atteinte par le feu étant de ce point de vue inopérante.

Il s'ensuit que les griefs faits à M. [K] sont avérés et que, compte tenu de son emploi et des responsabilité qui sont les siennes en tant que agent de sécurité ''SSIAP2'' qui touchent la sécurité des personnes, la défaillance qu'ils révèlent sont d'une gravité telle qu'elles rendent impossible le maintien du lien contractuel et ce, immédiatement puisque l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité de résultat à l'égard de tous ses salariés et est responsable de la sécurité des lieux à l'égard de sa clientèle.

Le licenciement de M. [K] est donc fondé sur une faute grave, de sorte que le jugement déféré sera confirmé.

Il convient de mettre à la charge de M. [K] qui succombe au principal les dépens et de le débouter de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Nonobstant l issue de l appel, l équité et les circonstances économiques commandent de ne pas faire droit à la demande formée par l employeur sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré,

Déboute M. [K] et la société Auchan France de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [K] aux dépens.

Signé par Monsieur Marc SAUVAGE, Président, et par Florence

CHANVRIT Adjointe Administrative Principale faisant fonction de greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Florence CHANVRIT Marc SAUVAGE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 15/00145
Date de la décision : 10/03/2016

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°15/00145 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-03-10;15.00145 ?
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