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10/03/2016 | FRANCE | N°15/01323

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 10 mars 2016, 15/01323


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------









ARRÊT DU : 10 MARS 2016



(Rédacteur : Madame Catherine MAILHES, Conseillère)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 15/01323















[Établissement 2]

Monsieur [K] [J]





c/



[Établissement 2]

Monsieur [K] [J]





















Nature de la d

écision : AU FOND







Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 10 MARS 2016

(Rédacteur : Madame Catherine MAILHES, Conseillère)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 15/01323

[Établissement 2]

Monsieur [K] [J]

c/

[Établissement 2]

Monsieur [K] [J]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 octobre 2013 (R.G. n° F10/3291) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Agriculture suivant déclaration d'appel du 21 octobre 2013,

APPELANT ET INTIME :

Monsieur [K] [J]

né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 1]

de nationalité Française

Profession : Gardien,

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Florian BECAM, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE ET APPELANTE :

[Établissement 2]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

N° SIRET : [Établissement 2]9

représentée par Me Christophe BIAIS de la SELARL BIAIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 février 2016 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Marc SAUVAGE, Président,

Madame Catherine MAILHES, Conseillère,

Madame Véronique LEBRETON, Conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Florence CHANVRIT adjoint administratif principal faisant fonction de greffier

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

M. [K] [J] a été engagé par le [Établissement 3]

Martin à [Localité 2] suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 15 décembre 2005 en qualité de gardien agent d'entretien et jardinage au coefficient C de la convention collective des exploitations agricoles de la Gironde. Le contrat de travail a été repris par la SCEA [Établissement 2].

Il percevait un salaire mensuel brut de 1.365,03 € pour 151h67 de travail.

Son contrat de travail présentait deux volets :

- le premier concernant l'activité de M. [J] consistant en un travail d'entretien et de jardinage d'une durée de 151h67 par mois pour un salaire de 1.251,68 €,

- le second concernant une clause de gardiennage établie en échange de la fourniture d'un logement de 48m² équipé d'un séjour cuisine plus chambre et salle de bain, situé au [Adresse 3].

Un avertissement a été remis en mains propres à M. [J] le 21 avril 2008.

Le 12 août 2009, après avoir quitté son domicile sans en avoir informé son employeur le 8 août 2009, un deuxième avertissement a été notifié à M. [J].

Après s'être absenté dans la nuit du 3 au 4 juillet 2010, M. [J] a reçu un nouvel avertissement le 9 juillet 2010.

Le 23 septembre 2010, à la suite d'une altercation entre M. [J] et M. [G], ce dernier s'est emporté et a planté une pioche sur la table de travail du chef d'exploitation, son supérieur hiérarchique.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 23 septembre 2010,M. [J] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 4 octobre 2010 avec mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 1er octobre 2010, M. [J] s'est excusé de son comportement.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 7 octobre 2010, M. [J] a été licencié pour faute grave, son employeur lui reprochant une détérioration volontaire du matériel à coups de pioche, des coups et blessures sur son supérieur hiérarchique et des menaces.

Contestant cette décision, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux (section agriculture) le 14 décembre 2010 aux fins d'obtenir le paiement de ses heures supplémentaires (ainsi que les congés payés afférents), la contrepartie obligatoire en repos, une indemnité compensatrice de préavis (ainsi que les congés payés afférents), une indemnité de licenciement, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 8221-5 alinéa 2 du code du travail et un rappel de salaire durant la mise à pied (ainsi que les congés payés afférents).

Par jugement en date du 3 octobre 2013, le conseil de Prud'hommes de Bordeaux a :

condamné la SCEA [Établissement 2] à requalifier le licenciement de M. [J] en licenciement pour cause réelle et sérieuse et à lui payer les sommes suivantes :

1.332 € au titre du rappel pour mise à pied,

133,20 € à titre d'indemnité de congés payés relative à cette mise à pied,

1.415 € à titre d'indemnité de licenciement,

2.830,06 € à titre d'indemnité de préavis,

283 € à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

580 € au titre de l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté M. [J] du surplus de ses demandes,

débouté la SCEA [Établissement 2] de sa demande reconventionnelle,

condamné la SCEA [Établissement 2] aux entiers dépens.

M. [J] a régulièrement interjeté appel de cette décision le 21 octobre 2013, cet appel étant enregistré sous le numéro RG 13/6228. L'appel a été limité au rejet de ses demandes portant sur le rappel de salaires lié aux heures supplémentaires et indemnité de congés payés afférente, les dommages et intérêts fondés sur l'article L. 8221-5 du code du travail, la contrepartie obligatoire en repos et la remise d'un certificat de travail rectifié sous astreinte.

La SCEA [Établissement 2] a également interjeté appel de cette décision le 30 octobre 2013, sous le numéro RG 13/6345 sur le tout.

Les affaires ont été jointes par mention au dossier sous le n° 13/6228.

Par arrêt en date du 26 février 2015, la cour d'appel de Bordeaux a radié l'affaire en raison du dépôt tardif des conclusions de l'appelant.

Par conclusions de remise au rôle déposées au greffe le 2 mars 2015 et développées oralement à l'audience, M. [J] sollicite de la Cour qu'elle :

infirme partiellement la décision dont appel,

juge que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

condamne la SCEA [Établissement 2] à lui verser les sommes suivantes :

1.332 € au titre des rappels de salaire sur mise à pied, ainsi que 133,20 € au titre des congés payés afférents,

1.415 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

17.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

2.830,06 € au titre de l'indemnité de préavis, outre 283 € au titre des congés payés afférents,

166.255,80 € au titre des heures supplémentaires, outre 16.625,57 € au titre des congés payés afférents,

102.412,95 € au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

8.500 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles L. 8221-5 alinéa 2 et suivants du code du travail,

10.000 euros de dommages et intérêts pour manquement à la réglementation en matière de durée du travail,

2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamne la SCEA [Établissement 2] aux entiers dépens.

Par conclusions déposées au greffe le 6 janvier 2016 et développées oralement à l'audience, la SCEA [Établissement 2] sollicite de la Cour qu'elle :

juge que le licenciement pour faute grave de M. [J] est régulier en la forme et parfaitement justifié,

réforme partiellement le jugement qui a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

juge que le licenciement s'est exécuté loyalement et sans omission des règles de sécurité et confirme le jugement sur ce point,

juge que le salarié a été intégralement rémunéré pour ses heures de travail,

déboute M. [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

condamne M. [J] à verser à la société [Établissement 2] la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamne M. [J] aux entiers dépens.

Sur l'exécution du contrat de travail:

M. [J] soutient que l'employeur n'a pas respecté la réglementation d'ordre public en matière de durée du travail et qu'il a droit à des repos compensateurs pour le travail de nuit et les jours fériés outre au paiement d'heures supplémentaires et repos compensateurs pour dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires.

Il expose qu'il était chargé en journée de travailler 7 heures au moins au titre de ses tâches d'entretien et de jardinage pour le compte de la SCEA [Établissement 2] sur le site de l'exploitation mais aussi pour la résidence [Établissement 1] et se trouvait en prise à des directives contradictoires de M. [G] d'une part et de Mme [E] d'autre part ; il assurait ses fonctions de gardiennage en soirée et la nuit pour le château [Établissement 2], faisant office de relais alarme pour la société de sécurité, étant chargé de la vérification des verrouillages des portes et fenêtres et de la mise sous alarme lors des absences de M. [G] et faisant des patrouilles.

Il était également chargé de la sécurité du château [Établissement 1] dans les mêmes conditions. Il ne recevait en contrepartie de ces tâches qu'un logement de fonction évalué à la somme mensuelle de 50 euros au titre de l'avantage en nature.

Il prétend qu'en application des dispositions de l'article 44 de la convention collective des exploitants agricoles de la Gironde la contrainte de gardiennage ne pouvait pas être évaluée à plus de 25 heures par mois alors même qu'il était présent toutes les nuits en semaine et tous les week-end jours et nuits et qu'il n'était pas soumis à un système d'heures d'astreintes ou d'équivalence dès lors qu'il n'était pas prévu à la convention collective, et que l'employeur n'avait pas requis le consentement du salarié ni même informé les délégués du personnel et l'inspection du travail de la mise en place d'une telle organisation en sorte que ces heures de gardiennage, au cours desquelles il se tenait à la disposition permanente de son employeur doivent être considérées comme des heures de travail effectif.

La SCEA fait valoir qu'aucune clause n'était imposée au salarié afin de rester en permanence sur le lieu de travail, la clause n'ayant pour seul but qu'il avertisse de ses absences au cours des week-ends et jours fériés pour assurer une présence humaine sur le Château. Un système de télésurveillance avait été mis en place et M. [J] n'avait pas à être présent en permanence sur son lieu de travail comme il l'allègue. Il ne lui avait pas plus été demandé de vérifier les verrouillages des portes et fenêtres ou d'assurer la mise sous alarme des locaux ou d'effectuer des rondes et il n'en rapporte pas la preuve.

Sur le licenciement :

M. [J] soutient que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse au motif que le comportement qu'il a adopté le jour des faits résulte de l'état de stress et de burn-out ou quasi-harcèlement dans lequel il se trouvait à raison de ses conditions de travail, soit des agissements de l'employeur qui n'a pas pu assurer une prise en charge de sa santé physique et mentale, violant son obligation de sécurité de résultat.

La SCEA [Établissement 2] fait valoir que le tribunal correctionnel a requalifié les faits de violences volontaires en blessures involontaires ayant entraîné une ITT inférieure à 3 mois et qu'il a exclu toute altération du discernement et rejeté la demande d'expertise médicale de M. [J] en sorte que la cour est tenue par l'autorité de la chose jugée au pénal, s'agissant de faits fautifs et ne saurait retenir les motifs du conseil de prud'hommes. Elle dénie tout fait de harcèlement moral, faisant valoir que M. [J] n'en a jamais fait état avant l'altercation et qu'il n'en rapporte pas la preuve ; elle estime qu'il n'y avait aucune circonstance atténuante au comportement qu'il a adopté et que le licenciement pour faute grave est bien justifié.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'exécution du contrat de travail

1/ Sur le manquement à la réglementation en matière de durée du travail

M. [J] a été engagé en qualité de gardien agent d'entretien jardinier. La convention de mise à disposition d'un logement annexée au contrat de travail prévoit en son article 1er que M. [J] s'engage donc à assurer une présence aussi permanente que possible au Château [Établissement 1] compatible avec les nécessités de son travail, de sa vie privée et de l'organisation de ses congés qu'il accepte en tout état de cause de soumettre à l'accord du groupement.

La SCEA [Établissement 2] prétend qu'aux termes de cette clause, M. [J] avait uniquement l'obligation d'avertir l'employeur de ses éventuelles absences prolongées au cours des week-ends et jours fériés afin d'assurer une présence humaine continue sur le Château [Établissement 1] et qu'elle n'imposait aucune contrainte horaire.

Effectivement, une société de télésurveillance était mandatée pour effectuer la télésurveillance des lieux et entretenir le système.

Il ressort de l'attestation de M. [C], responsable de cette entreprise qu'il avait pour consigne depuis 2005 en ce qui concerne Chateau [Établissement 1], d'appeler M. et Mme [E], les propriétaires des lieux et gérants de la SCEA et en cas d'absence de réponse de leur part d'appeler M. [J], et en cas d'absence de réponse de ce dernier d'envoyer un agent et que depuis que M. [J] n'avait plus accepté de sortir de son logement à l'arrivée d'un agent, (date non définie) il avait été décidé de n'appeler M. [J] que pour son logement et d'appeler M. [G] si M. et Mme [E] ne répondaient pas.

Toutefois au regard des avertissements infligés les 12 août 2008 et 9 juillet 2010 à M. [J], il était noté par l'employeur 'nous avons ... constaté que votre obligation contractuelle de présence, telle que définie à l'article 1er du contrat n'avait pas été respectée et ce sans que vous ayez consulté votre employeur Mme [E] ou le chef d'exploitation M. [G]' s'agissant d'une absence le dimanche 8 août 2009 et d'une autre dans la nuit du samedi 3 au dimanche 4 juillet 2010. Ainsi les consignes données au responsable de l'agence de sécurité sont sans incidence sur la nature de l'obligation pesant sur M. [J].

M. [G], responsable d'exploitation au sein de la SCEA [Établissement 2], a indiqué aux termes de son attestation qu'il n'a jamais exigé la présence de M. [J] sur la propriété mais seulement qu'il informe de ses absences de longue durée dans le but d'éviter des incendies lorsque personne ne se trouve sur les lieux pour réagir au plus vite, qu'il n'y avait aucun planning de présence hormis le planning des congés payés puisque rien n'était imposé si ce n'est l'information.

Or la clause contractuelle est claire et impose une obligation de présence quasi permanente, corroborée au demeurant par les motifs de l'avertissement infligé au salarié, et non une simple obligation d'avertir l'employeur de ses éventuels absences, nonobstant l'existence d'un contrat avec une société de télésurveillance et les aménagements effectués dans son exécution.

Cette obligation de présence ne peut être analysée en astreinte dès lors que, d'une part, ce système n'est pas prévu par la convention collective des exploitants agricoles de la Gironde et, d'autre part, que l'employeur n'a pas respecté l'obligation d'information de l'inspecteur du travail issue des dispositions de l'article L. 3121-7 du code du travail pour pouvoir mettre en place de façon unilatérale un tel système.

Elle ne correspond pas plus à la mise en place d'un système d'équivalence, s'agissant d'une exception qui ne peut être appliquée en dehors des activités ou des emplois visés par les textes réglementaires et les conventions collectives.

En conséquence, cette obligation de présence qui met le salarié, engagé notamment comme gardien, à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être rémunérée comme du travail effectif.

Ce faisant, l'employeur a méconnu la réglementation en matière de durée du travail. Ce manquement de l'employeur cause nécessairement un préjudice au salarié, lequel en sera totalement indemnisé par la somme de 3.000 euros de dommages et intérêts.

Il sera ajouté au jugement, s'agissant d'une demande nouvelle en appel.

2/ Sur les heures supplémentaires

L'ensemble des heures effectuées au-delà de la durée hebdomadaire de travail de 35 heures doit être assimilée à des heures supplémentaires.

Le salarié considère que cette obligation de présence correspond à des horaires d'un minimum de 35 heures par semaine en sus des horaires effectués en journée, soit 7 heures en soirée et par nuit au moins. Ainsi il décompte au regard de son tableau récapitulatif, soit 14 heures de travail par jour, soit 16 heures ou 18 heures, ôtant donc pour ces deux cas la période de sommeil de 8 heures ou de 6 heures.

Il verse aux débats un décompte hebdomadaire de ses heures de présence à compter de l'année 2006 qui au regard de l'obligation contractuelle, caractérise un élément précis pour venir étayer sa demandes d'heure supplémentaires, permettant à l'employeur de répondre.

Il est constant et établi que les plannings formalisés par l'employeur n'intègrent pas les heures de présence du salarié. Ainsi, même s'ils ont été signés par ce dernier, ils ne peuvent être considérés comme des relevés fiables des horaires effectués dans le cadre de son obligation de présence.

Peuvent néanmoins être ôtées des décomptes du salarié, les heures de présence concernant les jours pour lesquels il a été sanctionné en raison de son absence, s'agissant au demeurant de sanctions qu'il ne conteste pas judiciairement, soit ses absences le dimanche 8 août 2009 et dans la nuit du 3 au 4 juillet 2010. Dix-huit heures et douze heures seront ainsi ôtées de ce décompte sur les semaines considérées.

M. [J] ne peut en outre à la fois prendre ses congés payés et travailler. Il ressort de ses bulletins de salaire qu'il a pris ses congés payés, en sorte que seront également déduites des heures correspondant aux périodes de congés payés lors de ces cinq années.

Ainsi, il ressort des éléments fournis aux débats que M. [J] a effectué les heures supplémentaires suivantes :

2.529 heures supplémentaires en 2006,

3.068 heures supplémentaires en 2007,

3.124 heures supplémentaires en 2008,

3.012 heures supplémentaires en 2009,

1.178 heures supplémentaires en 2010.

En fonction des majorations applicables de 25% pour les huit premières heures et de 50% pour les suivantes, affectées au salaire de base applicable depuis janvier 2006 et de ses augmentations, la rémunération des heures supplémentaires s'élève à la somme de 156.222,23 euros.

Le salarié a néanmoins bénéficié d'un logement, qu'il admet correspondre à 25 heures de travail par mois en fonction de la convention collective applicable, correspondant donc à un avantage en nature de 12.186,75 € brut de 2006 à 2010.

Il a dores et déjà perçu à ce titre, un avantage en nature limité à 50 euros par mois, soit 2.850 euros pour la période litigieuse. Une somme de 9.336,75 euros doit donc être déduite de la rémunération restant lui devoir au titre des heures supplémentaires.

Ainsi, la SCEA [Établissement 2] reste devoir à M. [J] une somme de 146.885,48 euros au titre des heures supplémentaires outre la somme de 14.688,55 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté M. [J] de sa demande à ce titre.

3/ Sur les repos compensateurs pour dépassement du contingent d'heures supplémentaires

Les dispositions de l'article L. 3121-11 du code du travail prévoient dans leur rédaction issue des dispositions de la loi n°2008-789 du 20 août 2008, que :

Une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ...fixe l'ensemble des conditions d'accomplissement d'heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel, la majoration des heures supplémentaires étant fixée selon les modalités prévues à l'article L 3121-22... A défaut d'accord collectif, un décret détermine ce contingent annuel et les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel.

Selon les dispositions de l'article 18-IV de la loi sus visée, la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent est fixée à 50% pour les entreprises de vingt salariés au plus et à 100% pour les entreprises de plus de vingt salariés.

La SCEA [Établissement 2] comptait vingt salariés au plus.

Selon la convention collective applicable le contingent annuel d'heures supplémentaires est fixé à 180 heures.

Tout salarié dont le contrat est rompu avant qu'il ait pu bénéficier d'un repos compensateur reçoit une indemnité en espèce correspondant à ses droits acquis.

En considération des heures supplémentaires accomplies au delà du contingent annuel de 180 heures, du droit à repos compensateur équivalent à 50% de ces heures et des salaires bruts en fonction des années en cause M. [J] est en droit de bénéficier d'une indemnité de 56.327,12 € ainsi calculée :

20068,25 euros x 2.349 H x 50%

20078,32 euros x 2.888 H x 50%

20088,63 euros x 2.944 H x 50%

20098,71 euros x 2.832 H x 50%

20108,95 euros x 998 H x 50 %

Total : 51.206,47 euros

Droits acquis : 51.206,47 euros + 5.120,64 euros

que la SCEA [Établissement 2] sera condamnée à lui payer.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté M. [J] de sa demande à ce titre.

Sur la rupture du contrat de travail

Sur les motifs de la rupture

La lettre de licenciement dont les motifs énoncés fixent les limites du litige est motivée comme suit:

'Le 23 septembre 2010 entre 8 heures 10 et 8 heures 20, vous vous êtes présenté au bureau du directeur suite à la demande de la cogérante, dans le but de faire le point sur le planning de la semaine en cours.

Au cours de cet entretien, le directeur vous a rappelé que vous deviez suivre le planning des travaux qui vous était indiqué et à propos duquel je vous avais déjà écrit.

En quittant le bureau, vous avez protesté en soufflant et le directeur vous a indiqué que tout le monde devait faire son travail selon les directives données.

Quelque minutes plus tard, vous êtes revenu dans le bureau du directeur, avec une pioche.

Vous avez donné un premier coup de pioche sur le bureau. Le directeur s'est écarté précipitamment pour éviter le deuxième coup de pioche.

Le directeur s'est alors levé du bureau et est parvenu à vous retirer la pioche des mains. Dans l'action, vous lui avez alors porté deux coups, l'un à la hauteur de la jambe droite et l'autre au côté droit.

La secrétaire comptable, installée dans le bureau voisin, est arrivée au moment où le directeur tentait de vous retirer la pioche.

Uns fois désarmé, vous avez quitté le bureau en disant notamment : 'je ne suis pas ton larbin, tu le paieras', le reste de votre phrase n'ayant pas été entendu par le directeur et la secrétaire comptable.

Vous avez détérioré le bureau, le disque dur externe de l'ordinateur et du matériel de classement.

Vous avez blessé le directeur qui souffre d'un hématome et d'une côte fêlée.

En conséquence, je vous licencie pour détérioration volontaire de matériel à coup de pioche, coups et blessures sur votre supérieurs hiérarchique et menaces. Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, il ne m'est pas possible de poursuivre nos relations contractuelles même pour une courte durée sans risque pour l'entreprise et les personnes.

Votre licenciement repose sur une faute grave et vous prive de l'indemnité de licenciement et du préavis...

Vous devenez occupant sans titre du dit logement à réception de la présente. Cependant, je vous laisse jusqu'au 5 novembre 2010 au plus tard pour le libérer...'

Aux termes de l'article L 1235-1 du code du travail, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des griefs invoqués et de former sa conviction au vu des éléments fournis pas les parties, le doute profitant au salarié.

Toutefois, la charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l'employeur et tel est le cas d'espèce.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

En l'espèce, M. [J] a été poursuivi devant la juridiction correctionnelle pour avoir à [Localité 2], le 23 septembre 2011 volontairement commis des violences avec usage ou menace d'une arme sans ITT sur la personne de M. [G] et pour avoir dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, volontairement détruit, dégradé ou détérioré un ordinateur et un disque dur externe au préjudice de M. [E], lesdits faits n'ayant causé qu'un dommage léger.

Par jugement du 21 novembre 2012, devenu définitif, le tribunal correctionnel de Bordeaux a :

rejeté la demande d'expertise psychiatrique sollicitée par M. [J],

requalifié les faits de violence avec usage d'une arme sans incapacité en faits de blessures involontaires avec incapacité inférieure à trois mois,

déclaré M. [J] coupable des faits de dégradation ou détérioration volontaire du bien d'autrui causant un dommage léger et des blessures involontaires avec incapacité inférieure ou égale à trois mois.

Ainsi les faits reprochés à M. [J] aux termes de la lettre de licenciement sont avérés, les fautes civiles étant identiques aux fautes pénales.

Le certificat médical du Dr [D] du 1er octobre 2010, aux termes duquel elle a constaté chez M. [J] un état psychologique fragile avec beaucoup de stress, d'angoisse, d'émotivité, liés selon lui à des contraintes et exigences professionnelles, et a précisé que cet état psychologique avait pu être responsable d'accès de violence incontrôlables, est postérieur à la date des faits. En l'absence de tout autre élément relatif à son état de santé antérieur aux faits et à toute doléance de sa part auprès de l'employeur sur ses conditions de travail, il est insuffisant pour établir que les faits reprochés au salarié résultent de ses conditions de travail.

Au demeurant, ces faits d'une particulière gravité ne sauraient être justifiés ni même excusés par les manquements de l'employeur aux règles en matière de durée légale du travail. Ils caractérisent une violation des obligations du contrat d'une gravité telle qu'elle rend impossible la poursuite du contrat de travail et justifient le licenciement pour faute grave, privatif des indemnités de rupture outre la mise à pied conservatoire.

C'est à tort que les premiers juges ont requalifié la faute grave en cause réelle et sérieuse et le jugement entrepris sera infirmé à ce titre et en ce qu'il a condamné la SCEA [Établissement 2] au paiement des indemnités de rupture et au paiement du salaire pendant la période de mise à pied conservatoire. Il sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [J] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le travail dissimulé

La demande de M. [J] au titre du travail dissimulé s'analyse en une demande fondée sur les dispositions de l'article L.8223-1 du code du travail qui dispose qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L.8221-5 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-1 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l'occurrence, en regard de l'insertion au sein du contrat de travail d'une clause de présence aussi permanente que possible, en contrepartie d'un logement de 48 m² déclaré représenter un avantage en nature de 50 euros par mois, alors qu'au regard de la convention collective, l'avantage représente au moins 25 heures de travail par mois, l'employeur a volontairement mentionné un nombre d'heures inférieur à celui réellement accompli.

M. [J] bénéficiait d'un salaire de 1.415,03 euros brut mensuel, sans prise en compte des heures supplémentaires impayées.

M. [J] est donc en droit de bénéficier d'une indemnité forfaire d'un montant de 8.500 euros telle que sollicitée. La SCEA [Établissement 2] sera en conséquence condamnée à lui verser la dite somme et le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il l'a débouté de cette demande.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La SCEA [Établissement 2] succombant sera condamnée aux entiers dépens. Elle sera déboutée de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de faire bénéficier M. [J] de ces dispositions et de condamner la SCEA [Établissement 2] à lui verser une indemnité complémentaire de 1.500 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [J] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu'il a condamné la SCEA [Établissement 2] aux dépens et à verser à M. [J] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Infirme le jugement entrepris sur le surplus,

Statuant à nouveau dans cette limite,

Dit que le licenciement de M. [J] est justifié par la faute grave ;

Condamne la SCEA [Établissement 2] à verser à M. [J] les sommes suivantes :

3.000 euros de dommages et intérêts pour manquement à la réglementation en matière de durée du travail,

146.885,48 euros au titre des heures supplémentaires outre la somme de 14.688,55 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente,

56.327,12 euros d'indemnité au titre des repos compensateurs,

8.500 euros d'indemnité au titre du travail dissimulé ;

Y ajoutant,

Condamne la SCEA [Établissement 2] à verser à M. [J] une indemnité complémentaire de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toues autres demandes ;

Condamne la SCEA [Établissement 2] aux entiers dépens de l'appel.

Signé par Monsieur Marc SAUVAGE, Président, et par Florence

CHANVRIT Adjointe Administrative Principale faisant fonction de greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Florence CHANVRIT Marc SAUVAGE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 15/01323
Date de la décision : 10/03/2016

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°15/01323 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-03-10;15.01323 ?
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