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03/05/2022 | FRANCE | N°19/01216

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 03 mai 2022, 19/01216


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 03 MAI 2022



RP





N° RG 19/01216 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K42A









[F] [S]



c/



Etablissement Public SNCF MOBILITES

CAISSE LOCALE DELÉGUEE POUR LA SECURITE SOCIALE DES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS

RAM-GAMEX

























Nature de la décision : AU

FOND























Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 16 janvier 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 6, RG : 10/05316) suivant déclaration d'appel du 04 mars 2019





APPELANT :



[F] [S]
...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 03 MAI 2022

RP

N° RG 19/01216 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K42A

[F] [S]

c/

Etablissement Public SNCF MOBILITES

CAISSE LOCALE DELÉGUEE POUR LA SECURITE SOCIALE DES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS

RAM-GAMEX

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 16 janvier 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 6, RG : 10/05316) suivant déclaration d'appel du 04 mars 2019

APPELANT :

[F] [S]

né le [Date naissance 4] 1942 à [Localité 6]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assisté de Maître Pierre SIRGUE de l'ASSOCIATION BERREBI - SIRGUE, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

Etablissement Public SNCF MOBILITES, pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis [Adresse 5]

représenté par Maître LANCON substituant Maître Eric DASSAS de la SCP CABINET LEXIA, avocats au barreau de BORDEAUX

CAISSE LOCALE DELÉGUEE POUR LA SECURITE SOCIALE DES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS venant aux droits et obligations de la CAISSE RSI AUVERGNE, agissant pour le compte de la caisse RSI AQUITAINE, prisee en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 1]

non représentée, assignée à personne habilitée

RAM-GAMEX, pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 3]

non représenté, assigné à personne habilitée

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 mars 2022 en audience publique, devant la cour composée de :

Roland POTEE, président,

Vincent BRAUD, conseiller,

Bérengère VALLEE, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

M. [F] [S] a été victime d'un grave accident le 16 mai 1980. Alors qu'il montait dans un train au départ de bordeaux à destination de Lyon, il a chuté et est passé sous le train qui démarrait.

Il s'en est suivi un traumatisme crânien, l'amputation de la jambe droite et du bras droit, diverses fractures et l'amputation distale de deux orteils du pied gauche.

Par ordonnance du 23 janvier 1987, le juge des référés a ordonné une expertise et désigné le professeur [L] qui a déposé son rapport le 30 mars 1987, fixant la consolidation au 31 décembre 1982 et une incapacité permanente partielle à 95 %, l'expert précisant qu'il existait une possibilité d'aggravation pour l'avenir.

Par actes des 2, 17 et 18 janvier 2001, M. [S] a assigné devant le tribunal de grande instance de Bordeaux la SNCF, la Caisse des artisans et commerçants d'Aquitaine, la RAM et l'AVA Nord. Par jugement du 1er octobre 2003, le tribunal a déclaré son action irrecevable, plus de 10 ans s'étant écoulés depuis l'accident mais également entre la date de la procédure de référé et celle de l'acte introductif d'instance.

M. [S] a consulté le 23 décembre 2008 le docteur [Y] qui a constaté une aggravation de son état de santé et notamment du pied gauche blessé lors de l'accident.

Par actes des 6, 7 et 11 mai 2010, M. [S] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Bordeaux la SNCF, le RSI Aquitaine et la société RAM-GAMEX pour obtenir l'indemnisation de son entier préjudice, et avant dire droit une expertise médicale.

Par jugement du 27 juin 2012, le tribunal a sursis à statuer sur ses demandes, sur la prescription de son action et sur la responsabilité de la SNCF et a ordonné une expertise médicale confiée au professeur [I] pour déterminer notamment si les lésions s'étaient aggravées depuis la précédente expertise.

M. [S] a relevé appel de ce jugement le 5 juin 2014 et par arrêt du 14 novembre 2016, la cour d'appel de Bordeaux a déclaré son appel irrecevable.

Par acte du 14 mai 2013, M. [S] a mis en cause l'ONIAM, faisant valoir qu'au cours des interventions rendues nécessaires pour soigner ses blessures, il avait contracté le virus de l'hépatite C. Les deux instances ont été jointes.

Par conclusions d'incident du 11 février 2014, l'ONIAM a demandé au juge de ma mise en état de se déclarer incompétent au profit du tribunal administratif de Bordeaux et par conclusions d'incident du même jour, M. [S] a sollicité l'extension de la mission confiée au professeur [I] à l'ONIAM.

Par ordonnance du 3 avril 2014, le juge de la mise en état a constaté que le tribunal de grande instance de Bordeaux étai incompétent pour statuer sur la demande introduite contre l'ONIAM et sur la demande tendant à lui voir étendre les opérations d'expertise.

Par jugement du 16 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- déclaré irrecevable l'action de M. [S] ainsi que celle de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [S] aux dépens.

M. [S] a relevé appel de ce jugement le 4 mars 2019 et par dernières conclusions déposées le 3 août 2021, il demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé son appel à l'encontre du jugement entrepris,

- infirmer en toutes ses dispositions ledit jugement,

- juger qu'il est recevable et fondé à solliciter la réparation de l'intégralité de son préjudice,

- déclarer la SNCF responsable du préjudice subi par [F] [S] lors de l'accident du 16 mai 1980,

- la condamner à l'indemniser de son entier préjudice et en l'état au paiement d'une provision de 100.000 € à valoir sur ses préjudices non soumis à recours,

- désigner avant-dire-droit tel expert qu'il plaira avec mission de rendre un avis sur le préjudice subi conformément à la nomenclature Dintilhac,

- voir la Caisse RSI Aquitaine Gironde et la Ram Gamex prendre telles conclusions qui leur plairont,

- débouter la SNCF de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- la condamner au paiement d'une somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions déposées le 30 août 2019, l'établissement public SNCF Mobilités demande à la cour de :

I- A titre liminaire et principal

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- juger que l'action en indemnisation de l'aggravation de M. [S] se heurte à la prescription de l'action en responsabilité et en réparation ayant donné lieu au jugement du 1er octobre 2003 ayant autorité de la chose jugée,

En conséquence,

- déclarer M. [S] irrecevable et par voie de conséquence, l'action de la caisse,

II- Subsidiairement au fond,

- juger l'appel de M. [S] mal fondé :

* au regard de l'absence de matérialité des faits concernant l'accident du 16 mai 1980,

* également en raison de la faute de la victime exonératoire de responsabilité,

En conséquence,

- débouter M. [S] ainsi que les organismes sociaux de l'ensemble de leurs demandes,

III- A titre infiniment subsidiaire,

- prononcer un partage de responsabilité entre la SNCF et M. [S] et fixer une part de responsabilité pour l'appelant qui ne saurait être inférieure à 75%,

- débouter M. [S] de sa demande de contre-expertise comme étant non fondée,

- juger que le chiffrage du préjudice sera cantonné au seul préjudice d'aggravation sur le plan orthopédique sur la base du rapport du Docteur [I],

- surseoir à statuer dans l'attente du chiffrage par M. [S] de son préjudice en aggravation,

IV- En tout état de cause,

- rejeter l'ensemble des demandes plus amples ou contraires de M. [S] en les déclarant non fondées et débouter de la même façon la caisse RSI d'Aquitaine,

- condamner M. [S] à verser à la SNCF Mobilités la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants et la RAM-GAMEX n'ont pas constitué avocat. Elles ont été régulièrement assignées à personne.

L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 15 mars 2022.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 1er mars 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

M. [S] fait grief en premier lieu au jugement de considérer que l'autorité de chose jugée le 1er octobre 2003 lui interdirait d'agir en réparation des préjudices non réclamés lors de la précédente procédure dès lors que l'action en réparation du préjudice d'origine était prescrite alors que l'autorité de chose jugée ne s'attache qu'à l'identité d'objet, qu'il n'était pas tenu de présenter dans la même instance toutes ses demandes fondées sur le même fait et que le jugement du 1er octobre 2003 ne rend pas irrecevables ses nouvelles demandes portant sur des préjudices dont il n'avait pas demandé l'indemnisation.

La SNCF réplique que l'action en responsabilité, préalable nécessaire aux actions en indemnisation de tout préjudice, qu'il soit nouveau ou résultant d'une aggravation, est définitivement frappée d'une prescription reconnue par une décision de justice revêtant l'autorité de la chose jugée, ce qui suffit à rendre toute demande irrecevable quelle qu'elle soit, sans qu'il y ait lieu de faire la distinction entre les chefs de préjudice prétendument initiaux qui avaient fait l'objet des demandes jugées irrecevables et de prétendus nouveaux chefs de préjudice initiaux et que l'action actuelle est donc prescrite en ce qu'elle a bien le même objet que celle déclarée irrecevable en 2003 puisqu'il s'agissait déjà de faire reconnaître la responsabilité de la SNCF pour le préjudice subi lors de l'accident de 1980 et d'obtenir indemnisation de ce préjudice.

En application des articles 480 du code de procédure civile et 1351 ancien du code civil, l'autorité de chose jugée dont dispose le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal ou qui statue sur une exception de procédure, une fin de non recevoir ou tout autre incident, n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement et si la chose demandée est la même, si la demande est fondée sur une même cause, entre les mêmes parties et formées par elles et contre elles en la même qualité.

En l'espèce, le tribunal de grande instance de Bordeaux avait été saisi en janvier 2001 par M. [S] de demandes dirigées contre la SNCF aux fins de la voir déclarer responsable de l'accident dont il a été victime le 16 mai 1980 et en conséquence de condamner la SNCF à réparer son entier préjudice.

Par jugement rendu le 1er octobre 2003, le tribunal a déclaré irrecevable comme prescrite l'action de M. [S], constatant que plus de dix ans s'étaient écoulés entre la date de l'accident et également entre la date de procédure de référé et l'acte introductif d'instance.

Dans le cadre de la présente procédure, M. [S] forme exactement les mêmes demandes que les précédentes, aux termes du dispositif de ses dernières conclusions par lesquelles il prie la cour de déclarer la SNCF responsable du préjudice subi par lui lors de l'accident du 16 mai 1980 et de la condamner à l'indemniser de son entier préjudice.

L'appelant qui ne précise pas quels sont les préjudices initiaux dont il n'aurait pas réclamé l'indemnisation lors de la précédente procédure, n'est donc pas recevable en son action déclarée prescrite par le jugement précité revêtu de l'autorité de la chose jugée, rendu entre les mêmes parties et portant ainsi sur le même objet et la même cause.

C'est en conséquence à bon droit que le jugement déféré a considéré que l'action en responsabilité elle même ayant été définitivement jugée prescrite, M. [S] ne peut arguer de demandes d'indemnisation nouvelles au titre du préjudice initial qui n'auraient pas été tranchées par le tribunal.

Le débat auquel M. [S] invite la cour sur la contestation de la prescription de son action au titre des préjudices initiaux non invoqués lors de la première procédure, tenant à la date de consolidation, à la méconnaissance de son dommage et à son droit d'accès au juge, apparaît ainsi sans objet.

En second lieu, l'appelant reproche au jugement entrepris d'avoir considéré que l'autorité de la chose jugée en 2003 lui interdirait aussi d'agir en réparation d'une aggravation de son préjudice dès lors que l'action en réparation du préjudice d'origine était atteinte par la prescription alors que l'aggravation est un dommage nouveau, donnant naissance à un droit à réparation distinct, lui-même susceptible d'être mis en 'uvre par l'effet d'une action autonome de sorte que la prescription de l'action relative au dommage initial ne serait pas opposable à la victime, recevable à agir en aggravation compte tenu de la date de consolidation de l'aggravation fixée au 15 juillet 2014 par le professeur [I].

La SNCF estime pour sa part que l'action en indemnisation de l'aggravation en tant que nouveau préjudice n'est recevable que s'il existe un tiers responsable , que cette action ne peut prospérer en l'absence d'identification du tiers responsable et qu'elle ne peut plus aboutir du fait de la prescription définitivement acquise que l'aggravation ne peut anéantir.

Il est exact, comme l'a rappelé le premier juge, que si l'article 2226 du code civil ouvre un nouveau délai de prescription de 10 ans en cas d'aggravation du préjudice, une telle action ne peut être accueillie que si la responsabilité de l'auteur prétendu du dommage et le préjudice initialement indemnisé ont pu être déterminés (Civ 1ére 14 janvier 2016 n° 14-30.086) alors qu'en l'espèce, la responsabilité de la SNCF n'a pas été établie et le préjudice initial n'a pas été déterminé en raison de la prescription de l'action définitivement constatée le 1er octobre 2003.

Le tribunal doit ainsi être approuvé en ce qu'il déclare M. [S] également irrecevable en son action en aggravation.

Les circonstances de l'espèce ne justifient pas l'octroi d'indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelant supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement entrepris;

Dit n'y avoir lieu à indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Dit que M. [S] supportera les dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/01216
Date de la décision : 03/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-03;19.01216 ?
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