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09/12/2022 | FRANCE | N°22/00596

France | France, Cour d'appel de Bourges, Chambre sociale, 09 décembre 2022, 22/00596


SD/SLC





N° RG 22/00596

N° Portalis DBVD-V-B7G-DOVY





Décision attaquée :

du 17 mai 2022

Origine : conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES







--------------------



M. [G] [E]





C/



S.A.R.L. A3

COORDINATIONS ET DIAGS







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Expéd. - Grosse



Me PEPIN 9.12.22



Me MERCIER 9.12.22















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COUR D'APPEL DE BOURGES



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 9 DÉCEMBRE 2022



N° 201 - 11 Pages





APPELANT :



Monsieur [G] [E]

[Adresse 2]



Représenté par Me Frédéric PEPIN de la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat au barreau de BOURGES









INTIMÉE :



S.A.R.L. A3 COORDINATIONS ET...

SD/SLC

N° RG 22/00596

N° Portalis DBVD-V-B7G-DOVY

Décision attaquée :

du 17 mai 2022

Origine : conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES

--------------------

M. [G] [E]

C/

S.A.R.L. A3

COORDINATIONS ET DIAGS

--------------------

Expéd. - Grosse

Me PEPIN 9.12.22

Me MERCIER 9.12.22

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 9 DÉCEMBRE 2022

N° 201 - 11 Pages

APPELANT :

Monsieur [G] [E]

[Adresse 2]

Représenté par Me Frédéric PEPIN de la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat au barreau de BOURGES

INTIMÉE :

S.A.R.L. A3 COORDINATIONS ET DIAGS

[Adresse 5]

Représentée par Me Philippe MERCIER de la SCP GERIGNY & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats et du délibéré :

PRÉSIDENT : Mme VIOCHE, présidente de chambre

ASSESSEURS : Mme de LA CHAISE, présidente de chambre

Mme CLÉMENT, présidente de chambre

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE

DÉBATS : A l'audience publique du 28 octobre 2022, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 9 décembre 2022 par mise à disposition au greffe.

ARRÊT : Contradictoire - Prononcé publiquement le 9 décembre 2022 par mise à disposition au greffe.

Arrêt n° 201 - page 2

9 décembre 2022

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL A3 Coordinations et Diags est spécialisée dans le secteur d'activité des analyses, essais et inspections techniques. Elle employait moins de 11 salariés au moment de la rupture du contrat.

M. [G] [E], né le 24 octobre 1972, a été embauché à compter du 2 mars 2020 par la SARL A3 Coordinations et Diags en qualité de coordonnateur SPS correspondant au coefficient 220, suivant contrat de travail à durée indéterminée du même jour, moyennant un salaire de 1 539,45 euros brut contre 35 heures de travail effectif par semaine.

Au dernier état de la relation contractuelle, son salaire mensuel de référence était de 1 967,32 euros brut pour 169 heures travaillées.

Cet emploi relève de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987.

M. [E] a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 8 avril 2021.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 16 avril 2021, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 27 avril 2021, auquel il ne s'est pas présenté, et a été mis à pied à titre conservatoire.

Sollicitant principalement la résiliation judiciaire de son contrat de travail, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Bourges le 23 avril 2021.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 30 avril 2021, le salarié a été licencié pour faute grave, l'employeur lui reprochant d'avoir proféré des menaces et des insultes à l'encontre de son supérieur hiérarchique et d'avoir fait preuve de violence en dégradant une porte lors d'une altercation survenue le 7 avril 2021.

Par requête en date du 15 octobre 2021, M. [E] a saisi à nouveau le conseil de prud'hommes de Bourges afin qu'il soit jugé que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Le conseil de prud'hommes a ordonné la jonction des deux procédures.

Par jugement en date du 17 mai 2022, le conseil de prud'hommes de Bourges a :

- débouté M. [E] de l'ensemble de ses demandes,

- dit le licenciement pour faute grave de M. [E] fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- condamné M. [E] à verser 5 683,33 euros à la société A3 Coordinations et Diags au titre du remboursement de la clause de dédit formation,

- condamné M. [E] à payer la somme de 200 euros à la société A3 Coordinations et Diags sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [E] aux entiers dépens.

M. [E] a régulièrement interjeté appel le 10 juin 2022 à l'encontre de la décision prud'homale, qui lui a été notifiée le 31 mai 2022, en l'ensemble de ses dispositions ;

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 septembre 2022, M. [E] demande à la cour d'infirmer le jugement dans son intégralité et de :

- à titre principal, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société A3 Coordinations et Diags et juger que la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- à titre subsidiaire, juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société A3 Coordinations et Diags à lui payer :

$gt; 3 645,57 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre 364,56 euros

Arrêt n° 201 - page 3

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au titre des congés payés afférents,

$gt; 666,81 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos, outre 66,68 euros au titre des congés payés afférents,

$gt; 5 000 euros au titre de la contrepartie des temps de déplacements,

$gt; 3 934,64 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

$gt; 655,77 euros à titre d'indemnité de licenciement,

$gt; 3 934,64 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 393,46 euros au titre des congés payés afférents,

$gt; 11 803,92 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

$gt; 2 194,32 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

$gt; 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société A3 Coordinations et Diags à lui remettre une attestation Pôle Emploi conforme à la décision à intervenir dans un délai de 8 jours à compter de la notification de celle-ci, sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

- juger irrecevable ou, à tout le moins, infondée la demande de la société A3 Coordinations et Diags visant à obtenir le remboursement de la clause de dédit formation,

- rejeter les demandes reconventionnelles de la société A3 Coordinations et Diags et la condamner à tous les dépens ;

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 octobre 2022, la société A3 Coordinations et Diags demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- condamner M. [E] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 octobre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées.

SUR CE

1) Sur les demandes en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents, d'indemnités pour repos compensateurs non pris et congés payés afférents et d'indemnité pour travail dissimulé :

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il appartient au salarié de présenter préalablement, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande et détermine souverainement, au vu des éléments produits par chacune des parties, l'existence d'heures de travail accomplies et la créance salariale s'y rapportant.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les

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horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments au soutien de sa demande.

En l'espèce, M. [E] soutient qu'il a, durant la relation de travail, effectué de très nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont pas toutes été réglées.

A l'appui de sa demande, il produit :

- un récapitulatif des heures supplémentaires réalisées entre la semaine 32 de 2020 et la semaine 14 de 2021, qui mentionne le nombre d'heures travaillées chaque jour et le total par semaine,

- un récapitulatif faisant apparaître que la somme de 2 131,76 euros lui resterait due au titre des heures de travail non réglées par l'employeur pour l'année 2020 et celle de 1 513,81 euros pour l'année 2021.

Contrairement à ce que soutient la Société A3 Coordinations et Diags, il importe peu que le salarié ait établi les récapitulatifs de ses heures a posteriori et non pendant la relation de travail, et ces documents, en ce qu'ils mentionnent chaque jour le nombre d'heures de travail réalisées ainsi que l'heure à laquelle le salarié aurait commencé sa journée et celle à laquelle il l'aurait terminée, constituent des éléments suffisamment précis qui peuvent être discutés par l'employeur.

La société A3 Coordinations et Diags conteste la réalité des heures supplémentaires alléguées, en faisant valoir que :

- M. [E] compte pour des heures travaillées les heures passées sur son ordinateur à des recherches personnelles ainsi que des heures de trajets pour se rendre sur les chantiers,

- il n'a jamais formulé la moindre réclamation pour que lui soient payées des heures supplémen-taires,

- il ne tient pas compte des heures supplémentaires réglées mensuellement,

- les missions confiées à M. [E] correspondaient à la durée de travail hebdomadaire rémunérée et il a été procédé au contrôle de cette durée de travail,

- la demande n'a été qu'artificiellement formulée pour justifier la résiliation judiciaire sollicitée et faire obstacle à la procédure disciplinaire engagée contre lui, dont il avait connaissance puisqu'il a saisi le conseil de prud'hommes alors qu'il venait de recevoir la convocation à l'entretien préalable.

D'une part, l'absence de réclamation ne vaut pas renonciation à un droit, de sorte qu'il est indifférent que M. [E] ne démontre pas avoir sollicité de son employeur, avant l'introduction de sa demande en résiliation de son contrat de travail, le paiement d'heures supplémentaires.

D'autre part, si l'examen des bulletins de salaire montre que 17,33 heures supplémentaires lui étaient payées chaque mois pour un total hebdomadaire de 39 heures de travail, le salarié les a bien intégrées dans le décompte produit.

Enfin, la société A3 Coordinations et Diags ne démontre pas, par le procès verbal de constat d'huissier des 11 et 17 mai 2021 reprenant notamment l'historique du navigateur google chrome d'un ordinateur présent dans l'entreprise non assujetti à un mot de passe ou identifiant de connexion, que les recherches sur des sites d'escort ont été effectuées par M. [E].

En revanche, les tableaux versés par le salarié ne comportent pas le contreseing de l'employeur qui affirme sans être démenti n'en avoir jamais eu connaissance, alors que Mme [O], secrétaire dans la société chargée de la préparation des bulletins de paie, atteste n'avoir jamais été informée que les missions confiées au salarié avaient nécessité la réalisation d'heures supplémentaires. Par ailleurs, les tableaux ne font aucune mention des tâches effectuées qui

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auraient justifié ces heures supplémentaires puisqu'ils se contentent de reprendre pour chaque jour une heure d'arrivée et de départ corrélée à un code postal. Ils ne sont en outre corroborés par aucun autre élément.

M. [E] ne passait, selon ses déclarations, qu'une journée par semaine dans l'entreprise située à [Localité 4]. Une clause de mobilité était insérée dans son contrat de travail en raison de son emploi SPS et un véhicule de fonction était notamment mis à sa disposition.

Les tableaux versés par le salarié, rapprochés de la liste des chantiers confiés par son employeur pour les mois de janvier, février, mars et avril 2021 et n'ayant appelé aucune observation de la part de ce dernier, présentent de nombreuses incohérences.

Ainsi, s'il peut être confirmé par exemple par les documents concordants que l'employé a embauché, semaine 9, le lundi 1er mars 2021 à 8 h à [Localité 4]-Augsbourg ([Localité 4]) pour enchaîner les rendez-vous toute la journée, le dernier étant à 16h15 à [Localité 1] ([Localité 1]), il paraît peu probable que M. [E] ait pris son poste à 7h du matin à [Localité 4] et jusqu'à 19 h à [Localité 4] semaine 7, soit le vendredi 19 février 2021 en l'absence de tout rendez-vous. Il en est de même semaine 10, le vendredi 12 mars 2021, et encore semaine 6, le vendredi 12 février 2021, un seul rendez-vous étant programmé à 8h à [Localité 4]. Par ailleurs, si tous concordent pour dire que le salarié a bien commencé sa journée le jeudi 18 février 2021 à 9h à [Localité 3] ([Localité 3]), son dernier rendez vous était à 14 h à [Localité 7] Belais sans aucune référence ni justification d'un déplacement nécessaire à [Localité 6] jusqu'à 17 h.

Il en résulte que la cour a la conviction que M. [E] n'a pas effectué les heures supplémentaires alléguées.

Dès lors, la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés afférents doit être rejetée.

Faute pour M. [E] d'avoir accompli les heures supplémentaires alléguées, il ne se trouve pas démontré que des repos compensateurs lui soient dus, ni que l'employeur ait dissimulé des heures de travail si bien que les demandes d'indemnités pour repos compensateurs non pris et travail dissimulé ne peuvent prospérer.

Ces chefs de demandes sont donc également rejetés par voie confirmative.

2 ) Sur la demande en paiement d'une contrepartie des temps de déplacement :

Selon l'article L.3121-4 du code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif.

Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire.

M. [E] sollicite à ce titre la somme forfaitaire de 5 000 € en soutenant avoir effectué de nombreux déplacements excédant le temps normal de trajet de son domicile à son lieu habituel de travail pour gagner les chantiers situés hors du département.

Néanmoins, à défaut de préciser son lieu de résidence, d'indiquer le temps de trajet habituel et d'identifier les jours et distances lui permettant de prétendre à l'indemnisation sollicitée, les demandes de M. [E], qui ne peut se contenter d'affirmer que l'employeur dispose des éléments nécessaires à ce calcul, seront également rejetées par voie confirmative.

3 ) Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :

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Le salarié est fondé à obtenir la résiliation judiciaire du contrat de travail s'il établit à l'encontre de son employeur des manquements suffisamment graves empêchant la poursuite de la relation contractuelle.

Si les griefs invoqués contre l'employeur sont fondés, la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec toutes conséquences de droit.

Si le salarié qui a sollicité la résiliation judiciaire est licencié en cours de procédure, la juridiction saisie doit tout d'abord statuer sur la demande de résiliation judiciaire, avant d'apprécier le bien fondé du licenciement, la résiliation judiciaire éventuellement prononcée prenant alors effet non pas à la date de la décision judiciaire mais à la date du licenciement.

Pour apprécier les manquements de l'employeur, les juges du fond peuvent tenir compte de toutes les circonstances intervenues jusqu'au jour où ils statuent ou jusqu'au jour où la résiliation judiciaire intervient et considérer qu'à cette date, les faits allégués sont ou étaient trop anciens pour empêcher la poursuite du contrat de travail, ou qu'ils ont ou avaient cessé ou qu'ils ont ou avaient été régularisés.

En l'espèce, M. [E] a saisi les premiers juges d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail en reprochant à la société A3 Coordinations et Diags de :

- ne pas lui avoir réglé toutes ses heures supplémentaires,

- ne pas avoir respecté les durées quotidiennes et hebdomadaires légales de travail, cette surcharge ayant entraîné son placement en arrêt de travail,

- ne jamais lui avoir versé de contrepartie obligatoire de repos ni indemnisé le temps de trajet dépassant le temps normal de trajet entre son domicile et son lieu de travail,

- ne pas lui avoir donné les moyens d'effectuer correctement son travail.

L'employeur conteste pour sa part tout manquement à ses obligations et réplique que la véritable cause de la saisie prud'homale par le salarié était de faire obstacle à la procédure disciplinaire engagée à son encontre.

En tout état de cause, il se déduit du rejet des demandes formulées par le salarié s'agissant du rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents, d'indemnités pour repos compensateurs non pris et congés payés afférents et d'indemnités pour dépassant le temps normal de trajet entre son domicile et son lieu de travail que ces griefs ne sont pas fondés.

Par ailleurs, l'employeur démontre avoir mis à disposition du salarié les outils nécessaires à l'accomplissement des missions entrant dans le champ de sa responsabilité, en l'occurrence un véhicule de fonction, un ordinateur portable et un téléphone mobile, M. [E] ne précisant pas en quoi ils auraient été insuffisants pour relever les différents manquements à la sécurité pouvant être constatés sur les chantiers et informer dans l'heure les organismes comme la DIRECCTE.

Enfin, M. [E] ne verse aucun document permettant d'affirmer que l'arrêt de travail établi à compter du lendemain d'un incident survenu au sein de l'entreprise le 07 avril 2021 est en lien avec une surcharge de travail.

En conséquence, faute de démonstration de la réalité des manquements allégués, la demande de résiliation judiciaire de M. [E] ne pourra prospérer ainsi que l'ont exactement décidé les premiers juges. Il doit dès lors en être débouté.

4 ) Sur la contestation du licenciement et les demandes indemnitaires subséquentes :

a) sur la cause du licenciement :

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L'article L 1235-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute existe, il profite au salarié.

La cause réelle est celle qui présente un caractère d'objectivité. Elle doit être existante et exacte ce qui oblige le juge à vérifier que d'autres faits allégués par le salarié ne sont pas la véritable cause du licenciement. La cause sérieuse est celle d'une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles.

La faute grave, enfin, est une cause réelle et sérieuse mais d'une gravité telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Seuls les manquements volontaires à une obligation professionnelle ou les erreurs profes-sionnelles consécutives à la mauvaise volonté délibérée du salarié peuvent être considérés comme fautifs.

L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement, laquelle fixe les limites du litige. Les griefs avancés doivent être fondés sur des faits exacts, précis, objectifs et matériellement vérifiables. À défaut, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

En l'espèce, aux termes de la lettre de licenciement, l'employeur a formulé à l'encontre du salarié les griefs suivants :

'Monsieur,

(...) Alors que votre supérieur hiérarchique vous rappelait l'importance d'entretenir votre véhicule de fonction et de faire les réparations en temps utiles pour éviter des coûts d'entretien plus importants, vous avez cru devoir le prendre à partie.

En effet, à la fin de votre journée de travail du 07 avril 2021 et au sein de l'entreprise, vous avez eu une violente altercation avec Monsieur [C] et au cours de laquelle des menaces verbales ont été proférées et des actes de violences ont été commis.

Devant une telle démonstration de mécontentement, vous vous êtes montré insultant envers votre hiérarchie et, plus précisément, Monsieur [C] qui a essuyé des insultes et des menaces.

C'est dans ce contexte que vous vous en êtes d'abord pris à la porte de la salle de réunion, laquelle a été dégradée en raison de la violence avec laquelle vous avez agi.

Après que Monsieur [C] vous ait fait remarquer la conséquence de votre acte et surtout votre manque de sang-froid, vous l'avez menacé physiquement.

Il ne saurait dés lors être remis en cause la violence employée et le fait que cette attitude est préjudiciable pour l'entreprise, qui ne saurait tolérer que de tels actes se produisent en son sein.

Force est de constater qu'en raison de votre absence lors de l'entretien préalable, vous n'avez pas été en mesure de nous expliquer ce comportement et n'avez, au demeurant, jamais cherché à vous en excuser. Cette situation est d'autant plus incompréhensible que depuis les faits, vous n'avez que communiqué un certificat médical vous prescrivant un arrêt maladie à compter du 08 avril 2021 et ce, plusieurs jours près.

Pendant toute cette durée, nous ignorions en effet les raisons de votre absence et nous restions dans l'attente des justificatifs utiles.

Ce n'est que le mercredi 14 avril 2021 que votre arrêt maladie nous a été communiqué par voie postale.

Des lors, vous conviendrez que cette situation n'est plus tolérable.

C'est pour l'ensemble de ces raisons que vous avez été mis à pied à titre conservatoire

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récemment.

Au demeurant et depuis cette date, vous n'avez nullement manifesté de remords au sujet du comportement que vous avez adopté le 07 avril 2021 et par la suite.

Votre absence lors de l'entretien préalable ne fait que le confirmer.

Aussi, il est démontré que vous n'entendez pas prendre conscience de la gravité de vos agissements.

Plus grave encore et malgré la demande faite, vous n'avez pas rendu le matériel mis a votre disposition qui était pourtant nécessaire à la poursuite de l'activité de l'entreprise ce qui a engendré de réelles difficultés d'organisation.

Encore très marqué par les faits dont il a été victime et surtout par peur de vos réactions, Monsieur [C] s'est en effet vu dans l'impossibilité de vous relancer pour obtenir la remise dudit matériel alors que cela était nécessaire pour s'assurer de la continuité des interventions en cours ou à venir.

Malheureusement, cette attitude ne fait que conforter le peu de respect et de considération que vous avez pour l'entreprise et/ou sa hiérarchie.

Au demeurant, vous conviendrait que votre comportement comme les actes précités sont inacceptables et que notre appréciation des faits ne peut que rester inchangée.

Par conséquent, nous vous indiquons que les faits qui vous sont reprochés sont intolérables et nous obligent à rompre votre contrat de travail pour faute grave ; Votre maintien dans notre effectif étant impossible.(...)'

Ainsi, la lettre de licenciement ne visant aucun manquement du salarié relatif à la qualité de son travail ou à l'état du matériel mis à sa disposition lors de sa restitution, les développements des parties sur le mécontentement des clients et les dégradations du véhicule ou l'ordinateur sont inopérants.

Par ailleurs, M. [E] affirme qu'il ne peut être soutenu qu'il a commis une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise dès lors que l'employeur a initié la procédure de licenciement le 16 avril 2021 pour des prétendus faits qualifiés de fautifs commis le 07 avril 2021, alors que ce délai est parfaitement cohérent avec la volonté de l'employeur d'obtenir des explications qu'il jugeait dues par le salarié, ce dernier n'ayant adressé que tardivement le 14 avril 2021 un arrêt maladie à compter du 8 avril 2021.

Pour établir la réalité des faits, l'employeur verse aux débats :

- le procès verbal d'huissier des 11 et 17 mai 2021 constatant la présence de traces sur le bâti de porte ainsi qu'un décollement du joint bloc de la porte,

- un échange d'e-mails en date des 6 et 7 mai pour convenir d'un rendez-vous le 10 mai 2021 à 9 h, afin de réaliser la restitution de l'ensemble du matériel mis à sa disposition, telle que demandée dans la lettre de convocation à l'entretien préalable.

M. [E] conteste l'ensemble des fautes qui lui sont ainsi reprochées, niant avoir eu un comportement inadapté vis à vis de son supérieur hiérarchique, soutenant avoir restitué le matériel sans difficulté et sans que l'employeur n'émette la moindre réserve sur son état.

La violente altercation alléguée, les insultes et les menaces ne sont nullement établies par le procès -verbal versé aux débats qui démontre seulement l'existence de dégradations sur une porte dont au surplus la responsabilité du salarié, qui le conteste, n'est pas avérée.

L'employeur ne rapporte donc pas la preuve de la matérialité de ce grief.

A défaut de réclamation réitérée de la part de l'employeur, le non-respect par le salarié de son obligation contractuelle de restituer le véhicule et matériel mis à sa disposition dès la cessation effective de ses fonctions n'est pas constitutif d'une faute grave.

Il constitue néanmoins un motif réel et sérieux de licenciement, la restitution n'ayant volontairement eu lieu que 10 jours après celui-ci et 19 jours après la mise à pied prononcée à

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titre conservatoire. Elle a au surplus nécessité le déplacement de l'employeur au domicile du salarié sans que celui-ci ne justifie son impossibilité de se rendre au siège de la société.

De même, la violation par le salarié de son obligation d'informer son employeur de son absence et des raisons de celle-ci, si elle ne peut constituer une faute grave dès lors que la société n'a initié aucune démarche pour les connaître, constitue également un motif réel et sérieux de licenciement, M. [E] ayant laissé, pendant sept jours, la SARL A3 Coordinations et Diags dans l'ignorance totale quant à la poursuite de la relation de travail, soit jusqu'à la réception le 14 avril 2021 de son arrêt de travail datant du 8 avril 2021.

Les fautes dont la matérialité est démontrée ont ainsi un caractère de gravité suffisant pour avoir rendue impossible la poursuite du contrat de travail.

Il s'ensuit que c'est exactement que les premiers juges ont requalifié la rupture en licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse.

b) Sur les demandes indemnitaires subséquentes :

L'article L. 1234-5, alinéas 1 et 2, du code du travail dispose que lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

L'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.

L'article 15 du titre III de la convention collective applicable prévoit qu'en cas de rupture du contrat de travail, sauf faute grave ou lourde, la durée du préavis est d'une durée d'un mois pour une ancienneté dans l'entreprise de moins de deux années.

Et aux termes de l'article L.5213-9 du code du travail, en cas de licenciement, la durée du préavis déterminée en application de l'article L. 1234-1 est doublée pour les salariés reconnus travailleurs handicapés, ce qui est le cas de M. [E], sans toutefois que cette mesure puisse avoir pour effet de porter au-delà de trois mois la durée de ce préavis.

Par ailleurs, en application de l'article L.1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement qui ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans aux termes de l'article R1234-2 dudit code du travail.

M. [E] avait au jour du licenciement une ancienneté d'une année entière.

Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.

En l'espèce, le licenciement de M. [E] étant fondé sur une cause réelle et sérieuse, il a droit à l'indemnité compensatrice de préavis et aux congés payés afférents, ainsi qu'à l'indemnité de licenciement.

L'article R. 1234-2 du même code précise que l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :

1° Un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans ;

2° Un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans.

Le salarié peut en conséquence prétendre au paiement de la somme de 3 934,64 euros au titre

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de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, soit 393,46 euros, et à la somme de 491,83 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

En revanche, le licenciement étant intervenu pour une cause réelle et sérieuse, la demande de dommages et intérêts pour licenciement injustifié formée par M. [E] sera rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

5) Sur la demande en paiement de l'indemnité compensatrice de congés payés :

Aux termes des articles L. 3141-1 et L. 3141-3 du code du travail, tout salarié a droit chaque année à un congé payé à la charge de l'employeur. Chaque mois de travail effectif ouvre droit à un congé de 2,5 jours ouvrables.

L'article L. 3141-24 du même code dispose encore que le congé annuel prévu à l'article L. 3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.

En l'espèce, il n'est pas discuté que M. [E] a acquis 32,35 jours ouvrables de congés payés au cours de la période du 3 mars 2020 au 31 mars 2021 et a pris 4 jours de congés. Il lui reste en conséquence 28,35 jours indemnisables à ce titre.

Ainsi qu'il le met exactement en avant, l'article L. 3141-7 du code du travail dispose que lorsque le nombre de jours ouvrables calculé conformément aux articles L. 3141-3 et L. 3141-6 n'est pas un nombre entier, la durée du congé est portée au nombre entier immédiatement supérieur.

La demande en paiement portant sur une somme de 2 194,32 euros, calculée sur la base d'un salaire de référence de 1 967,32 euros et de 29 jours de congés dus, est donc fondée, si bien que la SARL A3 Coordinations et Diags sera, par voie infirmative, condamnée à la lui verser au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés.

6) Sur la demande reconventionnelle de la SARL A3 coordinations et diags :

En l'espèce, l'employeur réclame au salarié paiement de la somme de 5 683,33 euros au titre du remboursement d'une formation, et les premiers juges ont fait droit à cette demande.

C'est vainement que le salarié leur reproche de l'avoir condamné au remboursement de cette somme alors que cette demande ne figurait pas dans les premières conclusions de l'employeur puisque devant le conseil de prud'hommes, la SARL A3 Coordinations et Diags pouvait utilement la former dans ses dernières conclusions récapitulatives. Elle était donc recevable.

Cependant, la rupture du contrat de travail signé par les parties le 02 mars 2020 n'intervenant ni pour démission ni pour un licenciement pour faute grave, la clause de dédit de formation prévoyant le remboursement par M. [E] du coût du stage suivi entre le 10 mars 2020 et le 15 mai 2020 ne peut recevoir application.

La SARL A3 Coordinations et Diags sera, par voie infirmative, déboutée de sa demande.

7 ) Sur les autres demandes, les dépens et les frais irrépétibles :

Il sera ordonné à la société de remettre à M. [E] une attestation Pôle Emploi conforme au présent arrêt, dans un délai de 8 jours suivant la signification dudit arrêt, sans qu'il soit néanmoins nécessaire de prononcer une astreinte à cette fin.

Le jugement querellé est infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais

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irrépétibles.

L'employeur, qui succombe en toutes ses prétentions, est condamné aux dépens de première instance et d'appel et débouté de sa demande d'indemnité de procédure.

Enfin, l'issue du litige autant que l'équité commandent de laisser à la charge du salarié les frais irrépétibles qu'il a engagés dans le litige.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,

CONFIRME la décision déférée en ce quelle a dit que le licenciement de M. [G] [E] est fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'a débouté de ses demandes en paiement d'un rappel de salaire et congés payés afférents, de la contrepartie obligatoire de repos et congés payés afférents, de la contrepartie des temps de déplacement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

L'INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la SARL A3 Coordinations et Diags à payer à M. [E] les sommes de :

- 3 934,64 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 393,46 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 491,83 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 2 194,32 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

DÉBOUTE la SARL A3 Coordinations et Diags de sa demande en paiement formée en application de la clause de dédit de formation ;

ORDONNE à la SARL A3 Coordinations et Diags de remettre à M. [G] [E] une attestation Pôle Emploi conforme au présent arrêt, dans un délai de 8 jours suivant la signification dudit arrêt mais DIT n'y avoir lieu à astreinte,

DÉBOUTE les parties de leur demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SARL A3 Coordinations et Diags aux dépens de première instance et d'appel.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

S. DELPLACE C. VIOCHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00596
Date de la décision : 09/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-09;22.00596 ?
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