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26/02/2008 | FRANCE | N°06/03711

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre civile 1, 26 février 2008, 06/03711


AFFAIRE : N RG 06 / 03711
Code Aff. :
ARRET N
J B C G

ORIGINE : DECISION du Tribunal de Grande Instance de CAEN en date du 22 Novembre 2006- RG no 05 / 3146

COUR D' APPEL DE CAEN
PREMIERE CHAMBRE- SECTION CIVILE
ARRET DU 26 FEVRIER 2008

APPELANT :

Monsieur François X...
...

représenté par Me Jean. TESNIERE, avoué
assisté de Me LAFORGE (Cabinet FIDAL), avocat au barreau de CAEN

INTIME :

M. LE DIRECTEUR DES SERVICES FISCAUX DU CALVADOS
Hôtel des Finances 6 Place Gambetta 14034 CAEN CEDEX

représe

nté par la SCP MOSQUET MIALON D' OLIVEIRA LECONTE, avoués
et par M. A..., Inspecteur des Impôts, spécialement habilité

COMP...

AFFAIRE : N RG 06 / 03711
Code Aff. :
ARRET N
J B C G

ORIGINE : DECISION du Tribunal de Grande Instance de CAEN en date du 22 Novembre 2006- RG no 05 / 3146

COUR D' APPEL DE CAEN
PREMIERE CHAMBRE- SECTION CIVILE
ARRET DU 26 FEVRIER 2008

APPELANT :

Monsieur François X...
...

représenté par Me Jean. TESNIERE, avoué
assisté de Me LAFORGE (Cabinet FIDAL), avocat au barreau de CAEN

INTIME :

M. LE DIRECTEUR DES SERVICES FISCAUX DU CALVADOS
Hôtel des Finances 6 Place Gambetta 14034 CAEN CEDEX

représenté par la SCP MOSQUET MIALON D' OLIVEIRA LECONTE, avoués
et par M. A..., Inspecteur des Impôts, spécialement habilité

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

M. BOYER, Président de Chambre, rédacteur
Madame BEUVE, Conseiller,
M. VOGT, Conseiller,

DEBATS : A l' audience publique du 10 Janvier 2008

GREFFIER : Madame GALAND

ARRET prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 26 Février 2008 et signé par M. BOYER, Président de Chambre, et Madame GALAND, Greffier

Par jugement du 22 novembre 206, le tribunal de grande instance de Caen a statué ainsi :
" Déclare recevable la demande de Monsieur François X...
Déboute Monsieur François X... de sa demande en dégrèvement de l' impôt de solidarité sur la fortune acquitté par Monsieur François X... et Madame Yolaine X... pour les années 2002, 2003 et 2004 ;
Rejette toutes demandes plus amples ou contraires... "

Le tribunal relatait :

" Monsieur et Madame X... ont été assujettis à l' impôt de solidarité sur la fortune (ISF) sur l' ensemble de leur patrimoine ;
Madame X... étant décédée en avril 2004. Monsieur X... seul, par courrier du 22 décembre 2004 a soulevé le caractère confiscatoire et illégal de l' ISF et sollicité le remboursement des droits acquittés à ce titre pour les années 2002 à 2004 à hauteur des montants suivants :
- année 2002 613. 046 euros
- année 2003 424. 786 euros
- année 2004 436. 914 euros
Par lettre du 8 juin 2005, l' Administration a notifié au requérant le rejet total de sa réclamation ;.
Par acte d' huissier en date du 27 juillet 2005, Monsieur X... a assigné devant ce Tribunal le Directeur des Services Fiscaux du Calvados pour solliciter, sous le bénéfice de l' exécution provisoire :
- que soit prononcé le dégrèvement de l' impôt sur la fortune acquitté par Monsieur et Madame X... au titre des années 2002 à 2004... "

Le tribunal a minutieusement analysé la recevabilité de la demande, la conformité de l' Impôt de Solidarité sur la Fortune au droit communautaire, le caractère confiscatoire allégué tant en ce qu' il était fondé sur la contribution aux charges communes en proportion des facultés de chacun que sur le respect du droit de propriété, pour conclure que ces références ne permettaient pas de faire droit à la demande de dégrèvement.

M. X... conclut à l' infirmation du jugement et demande de :
" Dire et juger que la charge fiscale supportée par les époux X... était au titre des années 2002, 2003 et 2004 manifestement confiscatoire dans la mesure où l' ISF qu' ils ont dû supporter était de plus de quatre fois supérieur au montant de leurs revenus imposables, contrairement aux dispositions résultant de l' article 13 de la Déclaration des Droits de l' Homme et du Citoyen, ainsi qu' aux dispositions prévoyant le respect du droit de propriété.
Dire et juger que l' impôt dont s' agit présente un caractère confiscatoire.
En conséquence,
Ordonner le dégrèvement de l' impôt perçu au titre des années 2002 à 2004 et fixer le montant du remboursement qui doit leur être consenti par le Trésor Public à la somme de 1. 474. 746 €, et dire qu' il doit être fait application des intérêts moratoires prévus à l' article L 208 du Livre des Procédures Fiscales. "

Il rappelle l' imposition contestée et étudie l' interdiction pour un Etat de procéder à une imposition qui aurait un caractère confiscatoire, notamment en application de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui, selon lui, limite le prélèvement à au montant des revenus effectivement perçus, et la limite du plafonnement édicté par le législateur, comme une application du principe d' égalité devant les charges publiques.

Il rappelle aussi le caractère constitutionnel du droit de propriété et l' atteinte qu' y porterait un impôt qui obligerait le contribuable à vendre son bien pour l' acquitter, assortie de l' obligation d' apprécier in concreto relevée par la Cour de Cassation pour conclure qu' un impôt qui excède manifestement la capacité contributive d' un individu ou qui s' établit à un niveau tel qu' elle revêt un caractère confiscatoire, n' est pas conforme aux principes essentiels de notre droit.

Il décrit le patrimoine familial :
" Madame Yolaine X... (aujourd' hui décédée) et Monsieur Guy D...sont les enfants de Jacqueline D..., fille de Léonor E...F..., l' un des fondateurs du groupe « Promodès » fusionné avec le Groupe « Carrefour » en 1999.
Le patrimoine des époux X... est donc, pour l' essentiel composé de titres « Carrefour » qui proviennent de la mère de Madame Yolaine X....
Ce patrimoine a été organisé, comme celui de son frère, de manière à préserver le contrôle familial des titres « Carrefour » que détenait originellement la mère de Madame Yolaine X....
L' élément essentiel du patrimoine des époux X... est donc constitué par la SAS Neptis dont ils détiennent la quasi- totalité du capital et que Madame préside (présidait). La participation dans cette société est estimée entre 37 et 40 M € suivant les années dans les déclarations, la valorisation de Neptis étant étroitement corrélée à celle du groupe « Carrefour ».
La société Neptis a donc pour finalité essentiellement de permettre à Madame Yolaine X... de contrôler personnellement ou avec son frère 6 150 000 titres Carrefour représentant 0. 87 % du capital de cette société au 31 décembre 2004 et sensiblement 1. 40 % des droits de vote.
L' autre société constituée autour de Neptis est la suivante :
La SAS « Intendance » détient l' usufruit de 2 140 000 titres Carrefour dont la nue- propriété appartient à différentes sociétés civiles (Franloge, Pieloge, Isaloge, Ludologe, Vicpaille, Enguepaille, Elepaille et DaupaiIle) dont Monsieur X... est le gérant. Ces 2 140 000 titres font partie des 6 150 000 titres cités précédemment.
Au passif de la société Neptis figure essentiellement l' emprunt souscrit afin de permettre le rachat de titres « Carrefour » qui appartenaient aux parents de Madame X..., aujourd' hui décédés.
On observera que cet emprunt contracté auprès de la Société Générale est garanti par un nantissement de titres « Carrefour » figurant à l' actif de cette société, au profit de cet établissement bancaire.
La structure du patrimoine familial que l' on vient de décrire dans ses grandes lignes répond donc à un objectif essentiel : celui d' assurer la conservation de la participation que Guy et Yolaine D...ont hérité ou acquis auprès de leur mère et d' en assurer la transmission à chacun de leurs enfants tout en préservant leurs enfants pour qu' il n' en ait la jouissance qu' ultérieurement. "

Il décrit ses revenus composés d' une part des revenus de son travail, d' autre part des dividendes, mais fait valoir que depuis trois ans, la société Neptis n' a pas pu verser de dividendes, après acquittement de l' impôt sur les sociétés et remboursement du passif de la société.

Il fait valoir la gestion de bon père de famille qu' il affirme avoir mise en oeuvre.

Il insiste également sur la baisse de la valeur du titre annulant tous les reports à nouveau positifs précédents et décrit les prélèvements que son épouse et lui ont dû opérer sur leur patrimoine afin d' acquitter l' impôt :

" La créance que détient (détenaient) les époux X... à l' encontre de la société « Neptis » a donc été amputée de façon continue ce qui s' analyse indéniablement comme une diminution du patrimoine des requérants.

Afin d' illustrer cette démonstration, il convient d' analyser le tableau ci- après :

2002
2003
2004

Immobilier
1. 180. 261
1. 201. 618
1. 201. 618

Groupement forestier
315. 112
315. 112
315. 112

Liquidités- valeurs
mobilières- autres meubles
(hors titres Neptis)

25. 666. 499

24. 855. 430

23. 695. 609

* Dont comptes courants
Neptis / Nepotès
19. 121. 938
13. 995. 143
7. 553. 738

Valeurs titres Neptis
58. 158. 158
37. 891. 307
39. 649. 431

* La société Nepotès détient 99. 99 % d' une filiale, la SNC Nepotès valorisée avec la société Neptis. Les comptes courants détenus par Madame X... doivent être globalisés.

Il ressort clairement de ce tableau que l' ensemble des liquidités, diminue constamment de 2002 à 2004, ce qui corrobore à l' évidence l' amputation du patrimoine en raison de l' ISF acquitté chacune de ces années. "

Il s' explique ensuite sur le quantum des remboursements demandés.

Le Directeur des Services Fiscaux conclut à la confirmation du jugement et au rejet des prétentions de M. X....

Il rappelle la motivation des premiers juges et les principes gouvernant l' impôt de solidarité sur la fortune, notamment les mécanismes de plafonnement appliqués à l' espèce selon la législation en vigueur, la constitutionnalité de cet impôt et les limites du droit de propriété au regard de l' intérêt général.

Il conteste qu' en l' espèce M. X... ait subi un appauvrissement de son patrimoine dû à la nécessité d' acquitter l' impôt de solidarité sur la fortune, la baisse de valeur du patrimoine résultant selon lui de la baisse de valeur des titres Carrefour détenus et d' un choix délibéré consistant à conserver ces valeurs quels que soient les aléas du marché.

Il fait également remarquer que M. X... a réemployé une partie des sommes en compte courant dans la souscription d' un contrat d' assurance- vie pour une valeur déclarée de 4. 366. 445 euros en 2003 et 9. 745. 879 en 2004.

Il faIt remarquer que le tableau annexé en page 17 des conclusions d' appel montre que le bénéfice de l' année 2003 de NEPTIS s' établit à 11. 484. 585 € et qu' un solde affecté en réserve de + 1. 105. 871 € a pu être dégagé en fin d' exercice. En outre, M X... a précisé dans ses écritures que " la participation dans cette société est estimée entre 37 et 40 millions d' euros selon les années dans les déclarations ".

Par ordonnance du 12 décembre 2007, le juge de la mise en état en a ordonné la clôture.

Les parties l' ont dispensé de rapport à l' audience.

SUR QUOI

Attendu que l' argumentation de M. X... suppose que le paiement de l' impôt l' ait obligé à vendre des parts de société ou utiliser les liquidités provenant de ces sociétés d' une manière anormale par rapport à une gestion tendant à la conservation du patrimoine répondant à la gestion de père de famille qu' il allègue ;

Attendu que le paiement d' un impôt, qui s' analyse en une contribution aux charges de la collectivité et ne peut donc faire l' objet d' une contrepartie comptable constitue nécessairement en un appauvrissement du patrimoine au sens juridique de ce terme ;

Attendu qu' un impôt excessif au regard des facultés du contribuable suppose donc plus qu' un appauvrissement momentané, mais une atteinte à la consistance de l' actif patrimonial et à sa pérennité ;

Attendu qu' il appartient au contribuable de démontrer cette atteinte ;

Attendu que l' absence de versement de dividendes par une société dont le contribuable détient des parts et au sein de laquelle il exerce une influence assez importante pour infléchir les décisions ne peut justifier l' allégation de revenus insuffisants si cette décision répond à des choix de gestion et de constitution de patrimoine ;

Qu' il faut, conformément aux conclusions de M. X..., apprécier les faits in concreto, sans s' en tenir aux formes juridiques ;

Que selon les écritures de M. X..., son épouse était gérante de la société Neptis dont le seul associé était son frère ;

Qu' il en situe la gestion dans le choix familial de conserver ces titres ;

Que la gestion de la société Neptis correspond donc bien aux choix des époux X... ;

Attendu que l' imposition peut excéder les revenus disponibles ; que par exemple, il est admis qu' une personne ayant acquis un immeuble au moyen d' un crédit subisse une imposition sur les revenus de l' immeuble, même si ses revenus ne suffisent pas à payer le crédit et l' impôt cumulés ;

Attendu qu' eu égard à la complexité du droit fiscal et du patrimoine considéré, la seule comparaison du revenu disponible, et encore moins du revenu imposable avec la charge de l' impôt, ne suffit pas à établir le caractère excessif de l' imposition, tant au regard du droit de propriété que des principes gouvernant la contribution à la charge publique ;

Attendu qu' en l' espèce, le directeur des services fiscaux souligne le choix de conserver les actions dans la famille ;

Que ce choix a entraîné le rachat des parts de la mère de Mme X... au moyen de la souscription d' un emprunt qui, selon les écritures du contribuable, participe à la décision de ne pas verser de dividende ;

Que la conformité de ce choix à une gestion de bon père de famille n' est pas critiquable ;

Mais que cette conformité ne permet pas d' échapper au paiement de l' impôt de solidarité sur la fortune ;

Attendu que M. X... mentionne la baisse des titres Carrefour parmi les causes de la baisse du patrimoine ; mais que la contribution de cette baisse des titres à la dévalorisation globale du patrimoine n' est pas analysée ;

Attendu que si la société Audit Synthèse atteste des versements de la société Neptis au compte courant des époux X..., ce document n' atteste que ces versements et n' apporte aucun élément sur la situation globale de la société Neptis dont les documents comptables ne sont pas fournis ;

Qu' aucune analyse globale sur l' atteinte au patrimoine alléguée n' est donc possible à propos de la société Neptis ;

Attendu par ailleurs que le tableau figurant dans les conclusions de M. X... montre une situation patrimoniale diversifiée ;

Que M. X... ne conteste pas les affirmations du directeur des services fiscaux à propos de l' assurance sur la vie qui figure en effet dans les annexes de ses déclarations 2003 et 2004 ;

Qu' eu égard à ces données la présentation du tableau précité et les écritures de M. X... ne permettent pas d' appréhender le patrimoine familial et l' incidence de l' impôt de solidarité sur la fortune sur ce patrimoine ;

Que les autres données, notamment la souscription d' assurance sur la vie et le rachat des parts montre la capacité financière d' y procéder ;

Attendu en conséquence que, non seulement M. X... ne prouve pas que l' imposition ait désorganisé son patrimoine et revêtu un caractère confiscatoire, ni altéré la règle de l' égalité devant l' impôt, mais que, au contraire, le directeur de services fiscaux fait ressortir l' existence d' investissements supposant des liquidités qui ne sont pas compatibles avec ces affirmations ;

Attendu en conséquence qu' il faut confirmer la décision frappée d' appel ;

PAR CES MOTIFS

statuant contradictoirement

Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Caen le 22 novembre 2006,

Déboute M. François Loge de toutes ses demandes,

Le condamne aux dépens avec application de l' article 699 du Nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

C. GALAND J. BOYER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 06/03711
Date de la décision : 26/02/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Caen, 22 novembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.caen;arret;2008-02-26;06.03711 ?
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