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29/04/2024 | FRANCE | N°22/00217

France | France, Cour d'appel de Cayenne, Chambre civile, 29 avril 2024, 22/00217


COUR D'APPEL DE CAYENNE

[Adresse 2] - [Localité 7]



Chambre Civile





















ARRÊT N° 45 /2024



N° RG 22/00217 - N° Portalis 4ZAM-V-B7G-BBQ5

PG/JN





Etablissement Public COLLECTIVITE TERRITORIALE DE GUYANE - CTG





C/



S.A.S. ANTOINE ABCHEE & FILS (SAF) prise en la personne de son représentant légale en exercice domicilié audit siège.









ARRÊT DU 29 AVRIL 2024





Jugement Au fond, origine TJ de CAYENNE, décision attaquée en date du 06 Avril 2022, enregistrée sous le n° 20/02325





APPELANTE :



Etablissement Public COLLECTIVITE TERRITORIALE DE GUYANE - CTG

[Adresse 3]

[Localité 7]



Représentée par M...

COUR D'APPEL DE CAYENNE

[Adresse 2] - [Localité 7]

Chambre Civile

ARRÊT N° 45 /2024

N° RG 22/00217 - N° Portalis 4ZAM-V-B7G-BBQ5

PG/JN

Etablissement Public COLLECTIVITE TERRITORIALE DE GUYANE - CTG

C/

S.A.S. ANTOINE ABCHEE & FILS (SAF) prise en la personne de son représentant légale en exercice domicilié audit siège.

ARRÊT DU 29 AVRIL 2024

Jugement Au fond, origine TJ de CAYENNE, décision attaquée en date du 06 Avril 2022, enregistrée sous le n° 20/02325

APPELANTE :

Etablissement Public COLLECTIVITE TERRITORIALE DE GUYANE - CTG

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Patrick LINGIBE, avocat au barreau de GUYANE substitué par Me Christophe CARDET, avocat au barreau de GUYANE

INTIMEE :

S.A.S. ANTOINE ABCHEE & FILS (SAF) prise en la personne de son représentant légale en exercice domicilié audit siège.

[Adresse 6]

[Localité 7]

Représentée par Me Maurice CHOW CHINE, avocat au barreau de GUYANE substitué par Me Saphia BENHAMIDA, avocat au barreau de GUYANE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

En application des dispositions des articles 907 et 786 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 novembre 2023 en audience publique et mise en délibéré au 22 janvier 2024 prorogé au 29 avril 2024, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Madame Aurore BLUM, Présidente de chambre

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Aurore BLUM, Présidente de chambre

Monsieur Yann BOUCHARE, Président de chambre

Madame Patricia GOILLOT, Conseillère

qui en ont délibéré.

GREFFIER :

Madame Jessika PAQUIN, Greffière placée, présente lors des débats et Madame Joséphine DDUNGU, Greffière placée, lors du prononcé.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 al 2 du Code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon acte en date du 10 novembre 2015, une promesse de vente a été conclue entre la Collectivité Territoriale de Guyane (C.T.G) en qualité de vendeur et la société Antoine Abchee & Fils, acquéreur, concernant deux terrains nus situés à [Localité 8] sur des parcelles cadastrées AR [Cadastre 4] et [Cadastre 5] lieudit [Adresse 9], pour un montant de 569 700 euros, la promesse étant conclue pour un délai expirant au bout de trois ans à compter de la date de signature à 16 heures.

Par courrier en date du 10 décembre 2018, la société Antoine Abchee & Fils a sollicité auprès de la C.T.G. un délai supplémentaire pour procéder au versement intégral du prix , la somme de 380 683,46€ restant à verser. La C.T.G. a sollicité la communication du plan de financement du projet.

La société Antoine Abchee & Fils a procédé au cours de l'année 2019 à plusieurs versements auprès de l'étude notariale [T] et Ilmany, le prix de vente ayant finalement été soldé le 15 décembre 2019.

Par courrier du 2 juillet 2020, la C.T.G. a informé la société Antoine Abchee & Fils de ce qu'elle dénonçait la promesse de vente, considérant cette dernière comme caduque.

Le 24 juillet 2020, la société Antoine Abchee & Fils a mis en demeure la C.T.G. de procéder à la signature de l'acte authentique devant le notaire, et a adressé à cette dernière un projet d'acte authentique par courrier des 13 et 27 août 2020.

Selon acte d'huissier du 23 septembre 2020, la société Antoine Abchee & Fils a sommé la C.T.G. de procéder à l'étude notariale, à la réitération authentique de la promesse de vente, puis l'a assignée par acte du 12 novembre 2021 devant le tribunal judiciaire de Cayenne afin notamment d'obtenir l'exécution de ladite promesse de vente.

Par jugement rendu le 6 avril 2022, le tribunal judiciaire de Cayenne a :

- condamné la Collectivité Territoriale de Guyane à passer acte authentique d'acquisition au profit de la société Antoine Abchee & Fils, de deux terrains nus à [Localité 8] (Guyane [Localité 8] [Adresse 9], cadastrés AR [Cadastre 4] et [Cadastre 5] pour une surface de 2ha 51a 06ca et 01ha 48a94ca), dans un délai de deux mois à compter du jour où la décision à intervenir sera passée en force de chose jugée, par devant Maître [O] [T], notaire associée titulaire d'un office notarial à [Localité 7] (Guyane française), [Adresse 1],

- dit qu'à défaut de signature de l'acte authentique de vente dans le délai sus indiqué, le présent jugement, publié aux hypothèques, vaudra acte de vente au profit de la société Abchee & Fils, du bien immobilier désigné au prix indiqué dans le compromis visé, à charge pour la société Antoine Abchee & Fils de régler les droits d'enregistrement y afférents et de consigner le prix de vente entre les mains de Maître [O] [T], notaire, désigné comme séquestre,

- condamné la Collectivité Territoriale de Guyane à verser à la société Antoine Abchee & Fils la somme de 25 000€ au titre de la clause pénale,

- rejeté la demande de dommages intérêts formée par la société Antoine Abchee & Fils,

- condamné la Collectivité Territoriale de Guyane à payer à la société Antoine Abchee & Fils la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Collectivité Territoriale de Guyane aux entiers dépens,

- rejeté l'exécution provisoire.

Par déclaration en date du 13 mai 2022, la Collectivité Territoriale de Guyane (ci après dénommée C.T.G.) a relevé appel de l'ensemble des chefs de ce jugement.

Par avis en date 16 mai 2022, l'affaire a fait l'objet d'un renvoi devant le conseiller de la mise en état de la chambre civile de la cour d'appel.

La SAS Antoine Abchee & Fils a constitué avocat le 12 juin 2022.

Les premières conclusions de l'appelante ont été déposées le 10 août 2022, et les premières conclusions de l'intimée formant appel incident ont été déposées le 9 novembre 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions responsives en date du 3 août 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, la C.T.G. sollicite :

- l'infirmation en toutes ses dispositions du jugement rendu le 6 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Cayenne,

Et statuant à nouveau et par voie de conséquence :

- que la SAS Antoine Abchee & Fils soit déboutée de ses moyens, fins et conclusions,

- qu'il soit dit et jugé que la condition d'affectation du bien vendu mentionnée expressément dans la délibération du 20 février 2014 du conseil départemental de la Guyane n'a pas été exécutée par la SAS Antoine Abchee & Fils,

- qu'il soit dit et jugé que ce changement d'affectation du bien par la SAS Antoine Abchee Fils entraîne la résolution de la promesse de vente établie le 10 novembre 2015,

- que soit prononcée avec toutes conséquences de droit la résolution du contrat de vente conclu le 10 novembre 2015 pour inexécution de l'obligation d'affectation du bien aux fins de construction d'une usine de transformation et de valorisation des produits de la mer,

- qu'il soit dit et jugé que la non-exécution de ses obligations contractuelles par la SAS Antoine Abchee & Fils entraîne avec toutes conséquences de droit,

- que la SAS Antoine Abchee & Fils soit condamnée au paiement de la somme de 6 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la C.T.G fait valoir pour l'essentiel que le tribunal de première instance a ignoré les termes de la délibération du conseil départemental du 20 février 2014, laquelle est visée et annexée et fait corps avec la promesse de vente. Elle soutient qu'aux termes de cette délibération, la vente a été décidée en faveur de la société Abchee & Fils seulement pour construire une usine de transformation et de valorisation des produits de la mer. Elle estime que la C.T.G. a ainsi inclus une obligation de faire, et n'a autorisé cette vente que sous cette condition d'affectation du bien , celle-ci devenant une condition d'exécution impérative liée à la vente immobilière. Elle rappelle que celle-ci apparaît dans la délibération du conseil départemental du 26 avril 2013, et dans la délibération du conseil départemental du 20 février 2014 relative à l'acquisition d'un terrain départemental par la société Abchee & Fils.Elle ajoute que le rapport de présentation à l'assemblée plénière du conseil départemental mentionne cette condition d'affectation du bien immobilier, de même que l'avis du domaine du 23 janvier 2024 concernant l'évaluation de la valeur du terrain.

L'appelante ajoute que la promesse de vente du 10 novembre 2015 mentionne à la rubrique 'usage des biens' que 'Les biens sont actuellement sans usage particulier. Le bénéficiaire declare qu'il entend les utiliser à un usage industriel et commercial '

La C.T.G. soutient par ailleurs que la date de paiement butoir du prix de vente par la SAS Abchee & Fils constituait une condition butoir, soit un élément déterminant, sans laquelle la collectivité territoriale ne se serait jamais engagée.

L'appelante soutient en outre que la société Abchee & Fils n'a pas réglé les sommes dues avant le terme prévu dans la promesse de vente, raison pour laquelle elle a dénoncé ladite promesse , la société Abchee & Fils sachant parfaitement que le non paiement du prix de vente dans le délai entraînait la caducité de la promesse de vente, comme le démontre sa correspondance du 10 décembre 2018 adressée au vendeur.

Aux termes de ses conclusions d'intimé formant appel incident n°2 transmises le 17 octobre 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, la SAS Antoine Abchee & Fils sollicite, au visa des articles 1589 et 1231-5 du code civil que la cour :

in limine litis :

- déclare irrecevables les conclusions de l'appelant,

Au fond:

- déclare la SAS Antoine Abchee & Fils recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirme le jugement du tribunal judiciaire de Cayenne en date du 6 avril 2022 sauf en ce qu'il a condamné la C.T.G. à verser à la société Antoine Abchee & Fils la somme de 25 000 euros au titre de la clause pénale, et rejeté la demande de dommages et intérêts formée par la société Antoine Abchee & Fils,

Statuant à nouveau sur la clause pénale et l'indemnisation au titre du préjudice,

- condamne la C.T.G. à porter et payer à la société Antoine Abchee & Fils la somme de 59 670 euros au titre de la clause pénale,

- condamne la C.T.G. à porter et payer à la société Antoine Abchee & Fils la somme de 50 000 euros au titre de dommages et intérêts.

Sur les autres demandes :

- déboute la C.T.G. de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

En tout état de cause,

- condamne la C.T.G. à porter et payer à la société Antoine Abchee & Fils la somme de 6000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la C.T.G. en tous les dépens.

Au soutien de ses prétentions, la société Antoine Abchee & Fils expose que le compromis de vente en date du 10 novembre 2015 avait un premier délai d'exécution de 3 ans, et qu'il restait la somme de 380 683€ à régler au 19 décembre 2017. Elle indique que suite à des échanges entre les parties, la société Abchee & Fils a mis en place un échéancier mensuel de paiement du solde en 10 fois, commençant le 15 mars 2019 et soldant le prix au 15 décembre 2019, ceci ayant été accepté tacitement par le vendeur.

La société intimée fait valoir l'irrecevabilité des conclusions de l'appelante sur le fondement de l'article 954 du CPC, en ce que cette dernière ne reprend pas les chefs dans son dispositif et ne formule aucune autre prétention que de débouter l'appelant.

La société Antoine Abchee & Fils estime qu'en application des dispositions de l'article 1589 du code civil, la vente est parfaite, l'accord des parties sur la chose et sur le prix n'étant nullement contesté, et elle soutient qu'il est a dmis qu'une décision judiciaire peut remplacer le titre faisant défaut. Elle souligne qu'aucune condition suspensive ne figurait à l'acte. Elle affirme que le point de départ du délai le 10 novembre 2018 constituait le point de départ à partir duquel l'une des parties pouvait contraindre l'autre à s'exécuter. Elle précise que les parties s'étaient d'ailleurs rapprochées, et que la C.T.G. avait assuré passer l'acte authentique, différentes versions de l'acte ayant été validées et deux rendez-vous de signature ayant été fixés, les échanges des e-mail du notaire et de la CTG démontrant la volonté ferme de passer l'acte authentique.

La société intimée ajoute que le projet industriel de l'acte ne constituait pas une condition suspensive, aucune condition suspensive n'ayant été prévu à l'acte.

La société Antoine Abchee & Fils affirme enfin que la clause pénale ne présente aucun caractère excessif et ne saurait être révisée, et elle fait valoir que l'absence de réalisation du projet a arrêté le développement économique de la société, son préjudice résultant également dans le règlement des loyers à la C.T.G. et dans l'immobilisation d'une somme importante sur une période de 4 ans.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'irrecevabilité des conclusions de l'appelant

La société intimée fait valoir l'irrecevabilité des conclusions de l'appelante sur le fondement de l'article 954 du CPC, en ce que cette dernière ne reprend pas les chefs dans son dispositif et ne formule aucune autre prétention que de débouter l'appelant.

Aux termes de l'article 954 alinéas 2 et 3 du code de procédure civile, les conclusions comprennent un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. (...) La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

En l'espèce, si la société intimée affirme que l'appelante se contente de 'surseoir', constater', 'dire' dans le dispositif de ses conclusions sans formuler la moindre prétention, il ne peut qu'être constaté que le dispositif des conclusions de la C.T.G sollicite expressément l'infirmation du jugement et que la cour, statuant à nouveau, prononce notamment la résolution du contrat de vente.

Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande in limine litis de la société intimée au titre de l'irrecevabilité des conclusions de l'appelant.

Sur la demande relative à l'exécution forcée de la vente

Aux termes de l'article 1589 du code civil, la promesse de vente vaut vente lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix.

En application des dispositions de l'ancien article 1134 du code civil dans sa version applicable au présent litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

En l'espèce, il est constant que selon acte en date du 10 novembre 2015, une promesse de vente a été conclue entre la Collectivité Territoriale de Guyane en qualité de vendeur et la société Antoine Abchee & Fils, acquéreur, concernant deux terrains nus situés à [Localité 8] sur des parcelles cadastrées AR [Cadastre 4] et [Cadastre 5] lieudit [Adresse 9], pour un montant de 569 700 euros .

Ladite promesse de vente prévoit en page 5 un paragraphe intitulé 'délai' indiquant que 'La promesse est consentie pour un délai expirant au bout de trois ans à compter de la date de signature de la promesse de vente, à 16 heures. Toutefois, si à cette date, les divers documents nécessaires à la régularisation de l'acte n'étaient pas encore portés à la connaissance du notaire chargé de sa rédaction, le délai de réalisation serait automatiquement prorogé aux huit jours calendaires qui suivront la date à laquelle le notaire recevra la dernière des pièces indispensables, sans que cette prorogation puisse excéder trente jours' .

La promesse de vente précise ensuite dans un paragraphe intitulé 'exécution' que 'En cas de réalisation des conditions suspensives entraînant la perfection du contrat de vente au sens de l'article 1589 du code civil, les parties s'obligent à constater par acte authentique la réalisation définitive de la vente. Pour être valable, la réalisation définitive de la vente par acte authentique devra être accompagnée ou précédée du versement du prix selon les modalités prévues aux présentes, et du versement des frais par virement dans le délai ci-dessus entre les mains du notaire chargé de la rédaction de l'acte authentique de vente. (...) Le délai ci-dessus indiqué est constitutif du point de départ de la période à partir de laquelle l'une des parties pourra obliger l'autre à s'exécuter. Par suite, alors que la ou les conditions suspensives seraient réalisées et les documents nécessaires à la perfection de l'acte obtenus et que l'acte authentique de vente ne soit pas signé dans le délai convenu, la partie la plus diligente procédera par acte d'huissier au domicile élu aux présentes à une mise en demeure de signer l'acte authentique en l'office notarial du notaire sus-nommé.'

L'acte de promesse de vente prévoit par ailleurs en page 6 un paragraphe 'prix-conditions financières' prévoyant que 'la vente, en cas de réalisation, aura lieu moyennant le prix de cinq cent soixante neuf mille sept cent euros (569 700 EUR) correspondant au prix fixé par France Domaine dans son avis n°0012/2014 du 23 janvier 2014 avec un battement de 10%, qui sera payable comptant le jour de la constatation authentique de la réalisation de la promesse.'

S'il ressort de ces éléments, ainsi que le premier juge l'a constaté, que la promesse ne fait mention d'aucune sanction en cas de dépassement du délai indiqué, et précise que celui-ci est constitutif du point de départ à partir duquel l'une des parties pourra obliger l'autre à s'exécuter, il convient cependant de s'attacher à la volonté exprimée par les parties dans la promesse de vente, et à leur souhait relativement à l'effet de l'expiration du délai.

Or, il apparaît de façon certaine que les parties ont exprimé leur accord et leur souhait dans la promesse de vente pour que l'acte authentique réalisant définitivement la vente soit conclue avant le délai de 3 ans à compter de la date de la signature de la promesse de vente, (éventuellement avec une prorogation de 30 jours maximum si divers documents nécessaires n'étaient encore pas parvenus au notaire), en étant accompagné ou précédé du paiement comptant du prix au jour de la constatation authentique de la réalisation de la promesse.

C'est d'ailleurs en ce sens que la société Abchee & Fils, constatant qu'il lui restait à régler la somme de 380 683,46€ sur le montant global de 569700€, a sollicité par courrier du 10 décembre 2018 la C.T.G afin 'd'obtenir un délai supplémentaire relatif à la promesse de vente N° MPC/AN/OR 3980605 et portant sur l'acquisition des parcelles de terrain n°AR [Cadastre 4] et AR [Cadastre 5] situé à [Adresse 9]', en précisant avoir été confrontée à des difficultés sur la crise de la pêche, et solliciter un délai supplémentaire d'un an pour décaler le paiement de la somme due.

Il ressort des éléments versés aux débats que la C.T.G a sollicité un échéancier auprès de la société Abchee &Fils, laquelle a communiqué un échéancier de paiement qu'elle a mis en oeuvre auprès du notaire mais sans cependant attendre une réponse de la C.T.G.

C'est dans ces conditions, et après que la société Abchee & Fils ait finalement terminé les paiements prévus auprès du notaire et sollicite que la C.T.G. procède à la signature de l'acte authentique, que la C.T.G. a adressé un courrier le 2 juillet 2020 à la Société Abchee & Fils en lui indiquant qu'elle dénonçait la promesse de vente compte tenu de sa caducité, ''n'ayant pas entendu donner son accord à une prorogation de ladite promesse au-delà de son terme initial fixé au 10 novembre 2018".

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il sera constaté que la volonté commune des parties lors de la signature du compromis était de réitérer par acte authentique la vente en permettant un délai de trois ans à la Société Abchee & Fils pour procéder au règlement total des sommes dues.

En l'absence de réponse de la C.T.G rien ne permet de dire qu'elle souhaitait proroger ce délai de trois ans, aussi, en l'absence d'accord non équivoque, en présence d'une dénonciation de la ladite promesse selon son courrier en date du 2 juillet 2020, la promesse de vente n'a pu prospérer au délà du terme convenu de manière expresse entre les parties.

Dans ces conditions, et sans qu'il soit nécessaire de procéder à l'examen de la condition d'affectation alléguée du bien par la C.T.G, le jugement du tribunal judiciaire de Cayenne sera infirmé en ce qu'il a condamné la C.T.G. à signer l'acte authentique de vente, et dit qu'à défaut le jugement vaudrait acte de vente et la SAS Abchee & Fils sera deboutée de ses demandes en ce sens.

Sur la demande au titre de la clause pénale

Par voie de conséquence, et au vu de la solution du présent litige, la SAS Abchee & Fils sera déboutée de sa demande au titre de la clause pénale, le jugement étant ainsi infirmé.

Sur les demandes de dommages et intérêts

En l'absence de faute contractuelle, faute d'avoir démontré l'existence d'un engagement conforme à la volonté des parties, aucune demande de dommages et intérêts ne saurait aboutir.

La SAS Abchee & Fils est par suite déboutée de ce chef demande.

Sur les demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Au regard de la solution apportée au règlement du litige en cause d'appel, les demandes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et à hauteur d'appel seront rejetées.

Les parties conserveront la charge de leurs propres dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Cayanne en date du 6 avril 2022 en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau des chefs infirmés,

Vu le courrier de la C.T.G en date du 2 juillet 2020 adressé à la société Abchee & Fils et dénonçant valablement la promesse de vente en date du 10 novembre 2015, sans qu'il y ait lieu à prononcer a résolution de cette promesse de vente,

DEBOUTE la société Antoine Abchee & Fils de sa demande tendant à la condamnation de la C.T.G à signer l'acte authentique d'acquisition des deux terrains sis à [Adresse 9] cadastrés n°AR[Cadastre 4] et [Cadastre 5],

DEBOUTE la société Antoine Abchee & Fils de sa demande tendant à ce qu'à défaut de signature de l'acte authentique de vente, le jugement vale acte de vente,

DEBOUTE la société Antoine Abchee & Fils de sa demande en paiement au titre de la clause pénale,

DEBOUTE la société Antoine Abchee & Fils de sa demande de dommages et intérêts,

Et y ajoutant,

DEBOUTE les parties de leurs demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civie au titre des frais exposés en première instance et en appel,

CONDAMNE chacune des parties à supporter la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel,

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par la Présidente de chambre et la Greffière.

La Greffière La Présidente de chambre

Joséphine DDUNGU Aurore BLUM


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Cayenne
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/00217
Date de la décision : 29/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-29;22.00217 ?
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