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29/04/2024 | FRANCE | N°23/00019

France | France, Cour d'appel de Cayenne, Chambre civile, 29 avril 2024, 23/00019


COUR D'APPEL DE CAYENNE

[Adresse 1]



Chambre Civile





















ARRÊT N° 50 / 2024



N° RG 23/00019 - N° Portalis 4ZAM-V-B7H-BIDD





[J] [K]





C/



[U] [V] [S]









ARRÊT DU 29 AVRIL 2024





Ordonnance Au fond, origine Président du TJ de CAYENNE, décision attaquée en date du 10 Novembre 2023, enregistrée sous le n° 23/00114





APPELANT :



Monsieur [J] [K]

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représenté par Me Béatrice TORO, avocate au barreau de GUYANE





INTIMEE :



Madame [U] [V] [S]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Maurice CHOW CHINE, avocat au barreau de GUYANE







COMPOSITION DE LA COUR LO...

COUR D'APPEL DE CAYENNE

[Adresse 1]

Chambre Civile

ARRÊT N° 50 / 2024

N° RG 23/00019 - N° Portalis 4ZAM-V-B7H-BIDD

[J] [K]

C/

[U] [V] [S]

ARRÊT DU 29 AVRIL 2024

Ordonnance Au fond, origine Président du TJ de CAYENNE, décision attaquée en date du 10 Novembre 2023, enregistrée sous le n° 23/00114

APPELANT :

Monsieur [J] [K]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Béatrice TORO, avocate au barreau de GUYANE

INTIMEE :

Madame [U] [V] [S]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Maurice CHOW CHINE, avocat au barreau de GUYANE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

En application des dispositions des articles 907 et 786 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 février 2024 en audience publique et mise en délibéré au 11 avril 2024 prorogé 29 avril 2024, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Madame Aurore BLUM, Présidente de chambre

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Aurore BLUM, Présidente de chambre

Monsieur Laurent SOCHAS, Président de chambre

Madame Patricia GOILLOT, Conseillère

qui en ont délibéré.

GREFFIER :

Madame Joséphine DDUNGU, Greffière placée, présente lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 al 2 du Code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 11 mars 2022, le site d'information et d'investigation GUYAWEB publiait sur son site internet un article dans lequel était écrit : « [P] et [F] [H], [Y] [W], [A] [C] [D], [Z] [N], [J] [K], le procès en correctionnel du 10 mars (hier) concernait du beau monde ». « Quant à [J] [K], bientôt 70 ans (né le 12 avril 1952 à Cluse dans le Nord), il est poursuivi pour exercice illégal de la profession d'expert-comptable du 1er janvier 2014 au 31 octobre 2018 à [Localité 5] et sur la même période d'abus des biens ou du crédit d'une SARL par un gérant à des fins personnelles ».

Monsieur [J] [K] adressait une demande d'un droit de réponse le 15 mars 2022 par l'intermédiaire de son conseil par lettre recommandée électronique, restée sans réponse.

Le 5 mai 2022, le Tribunal correctionnel de CAYENNE rendait un jugement constatant la nullité de la procédure pénale concernant [J] [K].

Le 6 mai 2022, le même site d'information publiait un nouvel article dans lequel il était écrit : « Hormis les deux experts comptables, tout le monde comparaît devant la justice, le jeudi 24 novembre prochain ».

Monsieur [J] [K] adressait par suite une nouvelle demande d'un droit de réponse le 25 juillet 2022 par LRAR, retournée à son expéditeur avec la mention « pli avisé, non réclamé ».

Le 13 septembre 2022, le requérant faisait signifier par voie d'huissier à Madame [U] [V] [S], directrice de publication de GUYAWEB sa demande de droit de réponse aux fins d'insertion.

Monsieur [J] [K] alléguait avoir adressé à la même destinataire sa demande par lettre simple en date du 14 septembre 2022.

Par assignation signifiée à étude en date du 27 janvier 2023, Monsieur [J] [K] avait attrait Madame [U] [V] [S] en qualité de directrice de publication à GUYAWEB devant le juge des référés aux fins d'ordonner une insertion forcée de sa réponse.

Par ordonnance en date du 19 mai 2024 le juge des référés prononçait la nullité de l'assignation délivrée le 27 janvier 2023 pour défaut de notification au Ministère public par application de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881.

Par assignation signifiée à étude en date du 29 juin 2023 Monsieur [J] [K] avait de nouveau attrait Madame [U] [V] [S], aux mêmes fins avec une astreinte de 250 € par jour de retard, 8000 € au titre des dommages-intérêts pour résistance abusive et 3000 € au titre de l'article 700 du CPC.

En réponse, Madame [U] [V] [S] soulevait à titre liminaire la prescription de l'action de Monsieur [J] [K] et en tout état de cause, avait sollicité du juge des référés de débouter ce dernier de ses demandes, ainsi qu'à le condamner à verser à la défenderesse 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par ordonnance du 10 novembre 2023, le Président du tribunal judiciaire de Cayenne statuant en matière de référé disait que la présente action de Monsieur [J] [K] était prescrite et en conséquence irrecevable, condamnait le même à verser la somme de 1500 € à la défenderesse au titre de l'article 700 du CPC outre les entiers dépens et rappelait l'exécution à titre provisoire de la décision.

Par déclaration du 1er décembre 2023, Monsieur [J] [K] interjetait appel de l'ordonnance.

L'intimée s'est constituée le 6 janvier 2024.

Par conclusions reçues le 3 janvier 2024, l'appelant demandait à la Cour, au visa des articles 834,8 135,8 136,837 du CPC et de l'article 6 V et VI de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 de :

'infirmer l'ordonnance de référé entreprise en tous points,

Statuant à nouveau,

'constater l'absence de prescription de l'action,

'dire que le refus d'insérer le droit de réponse en date du 25 juillet et 13 septembre 2022 constitue un trouble manifestement illicite,

'ordonner l'insertion du droit de réponse telle que rédigée dans les présentes, à la même place en première page étant les mêmes caractères dans l'édition de GUYAWEB qui suivra le prononcé de l'arrêt, sous astreinte de 250 € par jour de retard,

'condamner l'intimée à lui verser la somme de 8000 € au titre des dommages-intérêts pour résistance abusive,

'condamner la même à lui verser la somme de 4000 € en application de l'article 700 du CPC outre les dépens.

Par conclusions reçues le 5 février 2024, l'intimée sollicitait de la Cour la confirmation de l'ordonnance du 10 novembre 2023 en toutes ses dispositions, de juger l'action irrecevable et mal fondée, de débouter en conséquence Monsieur [J] [K] de toutes ses demandes et de le condamner à verser la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du CPC outre les entiers dépens.

Sur ce, la Cour,

Sur la prescription de l'action en insertion forcée

En matière de droit de réponse, il convient de distinguer d'une part, la demande en droit de réponse et d'autre part, l'action en insertion forcée.

Cette dernière action est consécutive au refus d'insertion du droit de réponse par le directeur de la publication, fait constitutif d'une infraction de presse.

En effet, en vertu de l'article 6 IV de la loi pour la confiance dans l'économie numérique en date du 21 juin 2004, renvoyant à l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881, l'infraction de refus d'insertion consiste pour le directeur à ne pas insérer dans les 3 jours de leur réception les réponses de toute personne nommée ou désignée dans le service de communication au public en ligne, sous peine d'une amende de 3 750 Euros et sans préjudice des autres peines et dommages-intérêts encourus.

Étant précisé que cette infraction est consommée par l'abstention du directeur de publication, dès lors que la réponse n'est pas publiée dans les délais ou que la publication ne respecte pas les exigences légales.

Ainsi, le court délai de prescription de 3 mois, prévu par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, applicable à l'action publique et à l'action civile résultant des infractions de presse, s'applique également à l'action en insertion forcée.

Les règles relatives à cette prescription sont d'ordre public et contribuent à garantir la liberté de la presse.

S'agissant du point de départ du délai de prescription de l'action en insertion forcée, l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 dispose qu'il court à compter du jour où la publication aura eu lieu, soit dans les 3 jours suivant la réception de la demande d'insertion par le directeur de la publication.

En l'espèce, Monsieur [K] entend faire valoir que son action en insertion forcée n'est pas prescrite. Il précise qu'il a adressé sa demande en droit de réponse, à la directrice de publication de GUYAWEB à trois reprises :

- d'une part, par LRAR du 25 juillet 2022 avisée le 27 juillet 2022 mais non réclamée ;

- d'autre part, par signification par dépôt en étude du 13 septembre 2022,

- et enfin par lettre simple du 14 septembre 2022, sans pour autant en rapporter utilement la preuve.

Il considère que le courrier en recommandé du 25 juillet 2022, avisé à la directrice de publication le 27 juillet 2022 mais non réclamé, est resté à disposition de ce destinataire en bureau de poste jusqu'au 13 août 2022 et que l'absence de publication de sa réponse par GUYAWEB le 13 août 2022 a fait courir un nouveau délai de 3 mois jusqu'au 12 novembre 2022.

Le même argue que la signification du 13 septembre 2022 est restée à disposition du destinataire pendant trois mois, soit jusqu'au 12 décembre 2022 ; que la directrice de la publication devait publier le droit de réponse le 15 décembre 2022 ; qu'en l'absence de publication dans les 3 jours, un nouveau délai de 3 mois s'est ouvert jusqu'au 16 mars 2023.

Mais, il y a lieu de constater que l'appelant ne peut déroger à la lettre du texte en faisant courir le délai de prescription trimestrielle à compter de la date présumée de récupération du courrier recommandé et de la signification, eu regard au caractère d'ordre public de la prescription en matière de presse.

En outre, aux termes de l'article 1er du décret n°2007-1527 du 24 octobre 2007 relatif au droit de réponse applicable aux services de communication au public en ligne : « la demande d'exercice du droit de réponse est adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par tout autre moyen garantissant l'identité du demandeur et apportant la preuve de la réception de la demande ».

En l'espèce, la LRAR du 27 juillet 2022 et l'acte de signification du 13 septembre 2022 porte en réalité sur la même demande d'insertion. Il n'y a donc pas lieu de faire courir deux fois le délai trimestriel, mais une seule fois à compter de l'acte ayant effectivement porté à la connaissance du directeur de publication la demande d'insertion.

Le premier courrier recommandé ne mentionne pas expressément l'identité de Monsieur [J] [K], mais celle de son avocat Me [M] [B], ès qualité. De même, étant retourné à l'expéditeur « pli avisé et non réclamé », il pouvait subsister un doute sur la réception de cette lettre.

En revanche, en ce qui concerne l'acte de signification du 13 septembre 2022, il y a lieu d'observer que l'huissier de justice a procédé à la vérification de l'adresse de Madame [V] [S] [U], et il atteste que la destinataire demeure bien à l'adresse indiquée ; l'huissier inscrit également sur son acte qu'il a tenté plusieurs fois de contacter l'intimée par voie téléphonique.

De plus, un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l'article 655 et de l'article 656 était laissé au domicile de l'intimée, mentionnant la nature de l'acte ainsi que le nom du requérant.

De sorte que cet acte de signification apporte la preuve suffisante de la réception de la demande par la directrice de publication, qui s'est abstenue successivement de retirer la première lettre recommandée avec accusé de réception, pourtant envoyée à l'adresse vérifiée par l'huissier, puis la copie de l'acte de signification du 13 septembre 2022.

Par conséquent, l'action en insertion forcée devait être introduite à compter du 16 septembre 2022, soit dans les trois jours suivants la signification de la demande d'insertion, date à laquelle la publication aurait dû intervenir.

Or, force est de constater qu'entre la date à laquelle la publication devait intervenir, le 16 septembre 2022 et celle de la première assignation du 27 janvier 2023 entachée de nullité, il s'est écoulé plus de trois mois.

En l'espèce, en s'abstenant d'insérer la réponse de Monsieur [K], alors même qu'elle ne pouvait ignorer avoir reçu la demande en droit de réponse de ce dernier, l'intimée a commis l'infraction de refus d'insertion incriminée par la loi de la presse.

Dès lors, il appartenait à l'appelant de saisir dans le bref délai de trois mois, le juge des référés d'une action en insertion forcée.

Il ressort donc de l'ensemble de ces éléments que la prescription de l'action civile est acquise.

D'où il suit que le premier jugement sera confirmé.

Sur les demandes accessoires

Succombant, il y a lieu de condamner Monsieur [K] [J] aux dépens.

Compte tenu des circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du CPC.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi et en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe :

CONFIRME le jugement entrepris,

DIT n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du CPC.

CONDAMNE Monsieur [J] [K] aux entiers dépens,

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par la Présidente de chambre et la Greffière.

La Greffière La Présidente de chambre

Joséphine DDUNGU Aurore BLUM


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Cayenne
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/00019
Date de la décision : 29/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-29;23.00019 ?
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