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18/01/2012 | FRANCE | N°11/01577

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 18 janvier 2012, 11/01577


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 1



ARRÊT DU 18/01/2012



***



N° de MINUTE :

N° RG : 11/01577



Jugement (N° 2009-947)

rendu le 17 novembre 2010

par le Tribunal de Commerce de BOULOGNE SUR MER



REF : CP/CP





APPELANT



Monsieur [J] [E]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 4]

demeurant [Adresse 3]



Représenté par la SCP CONGOS ET VANDEND

AELE, avoués à la Cour

Assisté de Me Philippe ROBERT, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER



INTIMÉE



SAS EURONOR prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son si...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 18/01/2012

***

N° de MINUTE :

N° RG : 11/01577

Jugement (N° 2009-947)

rendu le 17 novembre 2010

par le Tribunal de Commerce de BOULOGNE SUR MER

REF : CP/CP

APPELANT

Monsieur [J] [E]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 4]

demeurant [Adresse 3]

Représenté par la SCP CONGOS ET VANDENDAELE, avoués à la Cour

Assisté de Me Philippe ROBERT, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

INTIMÉE

SAS EURONOR prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 2]

Représentée par la SCP CARLIER REGNIER, avoués à la Cour

Assistée de Me Yves BOURGAIN, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

DÉBATS à l'audience publique du 09 novembre 2011 tenue par Christine PARENTY magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Annie DESBUISSONS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Christine PARENTY, Président de chambre

Jean Michel DELENEUVILLE, Conseiller

Philippe BRUNEL, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2012 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine PARENTY, Président et Françoise RIGOT adjoint administratif assermenté faisant fonction de greffier présent lors du prononcé, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 06 octobre 2011

***

Vu le jugement contradictoire du 17 novembre 2010 du tribunal de commerce de BOULOGNE SUR MER ayant dit que les faits reprochés à Monsieur [E] n'étaient pas prescrits, dit que le licenciement repose sur une faute simple et confirmé le caractère de cause réelle et sérieuse, condamné EURONOR à payer à Monsieur [E] 21327€ au titre du préavis, 1895€ au titre de la mise à pied conservatoire, 30805€ au titre de l'indemnité légale de licenciement, débouté Monsieur [E] de sa demande de congés payés sur préavis et de sa demande de dommages et intérêts, débouté les parties de leurs demandes sur la base de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'appel interjeté le 2 mars 2011 par Monsieur [E] [J] ;

Vu les conclusions déposées le 20 avril 2011 pour Monsieur [E] ;

Vu les conclusions déposées le 17 juin 2011 pour la société EURONOR ;

Vu l'ordonnance de clôture du 6 octobre 2011 ;

Monsieur [E] a interjeté appel aux fins de réformation de la décision ; il demande à la cour de dire que le licenciement est abusif, de condamner la société EURONOR à lui payer 200 000€ à titre de dommages et intérêts, 21327€ au titre du préavis, 2132€ au titre des congés payés sur préavis, 1895 € au titre de la mise à pied conservatoire, 30 805€ au titre de l'indemnité légale de licenciement, 3000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée sollicite la réformation du jugement et demande à la cour de constater que le licenciement repose sur une faute grave ; elle demande le débouté et 5000€ sur la base de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [E] qui était le salarié de l'armement 'Le Garrec' depuis le 27 novembre 1991, aux termes d'un contrat d'engagement maritime à durée indéterminée est devenu employé de la société EURONOR en 2006 lors de la fusion de divers armements.

Le 13 novembre 2008, il était convoqué à un entretien préalable puis licencié le 21 pour faute grave.

Il conteste ce licenciement.

Il plaide tout d'abord que de nombreux faits sont prescrits en vertu de l'article L1332-4 du code du travail qui fait obstacle à la prise en considération de faits antérieurs à deux mois, que les motifs de licenciements sont purement économiques.

- Sur les résultats désastreux du Cap St Georges en mars 2006, il fait valoir : qu'il n'avait aucune clause d'objectifs à atteindre, que les résultats ne peuvent être comparés aux autres bateaux car celui -là a changé trois fois de métier, ce qui a engendré des conséquences sur le chiffre d'affaires ;

- sur la modification du matériel, qu'aucune date n'est précisée, que la prescription s'y applique, que la preuve n'est pas rapportée que cette modification ait altéré l'activité du navire, plutôt perturbée par les problèmes de treuil ;

- sur le principe du chalutage en boeufs qui implique un commandement alternatif des capitaines qu'il n'aurait pas respecté s'érigeant en chef d'expédition, qu'aucune date n'est précisée, que l'on ne sait pas si cette technique de pêche a été validée dès le départ par l'organisme officiel, que l'on sait que l'employeur en a préconisé l'arrêt brutal en 2006, preuve qu'il en connaissait les difficultés, que les faits qu'on lui impute sont prescrits, que le syndicat CFDT a saisi les affaires maritimes et l'employeur du désir de l'équipage de cesser ce type d'exploitation, voté à 91,84% ;

- sur la pêche pour les grands fonds, que les résultats de 2006 ont été en relation avec les problèmes de treuil, étant rappelé qu'aucune sanction n'a été prononcée et qu'aucun objectif n'était fixé, qu'il y a là aussi prescription ;

- sur les résultats 2007, qu'ils auraient été meilleurs en son absence pour cause d'accident alors que la comparaison ne s'effectue pas sur une même période et sur les mêmes pêches, que les chiffres sont erronés ou incomparables ;

- sur la perte d'exploitation de 2006 à mi 2008, que le chiffre avancé n'est pas justifié, que même si un déficit apparaît, il n'en est pas forcément le seul responsable ;

- sur son activité sur le Cap St Jean, qu'il n'a pas effectué les modifications qu'on lui reproche, qui ont pu être faites avant son arrivée ;

- sur les reproches sur la qualité du poisson qui n'aurait pas été glacé correctement, que l'employeur ne précise pas la date, et que si l'on se réfère à la date figurant sur la pièce 11, il y a prescription ;

- sur le reproche qu'il n'aurait pas déclaré toute sa pêche, qu'il n'y a pas de date, que cela est contraire au fait qu'à chaque retour les captures sont déclarées.

Il ajoute à tout cela qu'il a une ancienneté de 17 ans dans la société, 30 de commandement, qu'il a été distingué, que le doute lui profite.

Il plaide la perte importante de ses revenus, et réclame des indemnités en raison du caractère abusif du licenciement.

La société EURONOR lui réplique qu'un fait fautif, s'il ne peut plus être sanctionné de manière isolée après deux mois peut toujours être invoqué lorsqu'une nouvelle faute est constatée, que la prescription ne joue pas lorsque le comportement fautif se poursuit dans le temps, le dernier fait reproché étant d'octobre 2008, donc non prescrit, que le licenciement est dicté par les mauvais résultats de pêche liés à l'attitude fautive de Monsieur [E] qui ne respecte pas les consignes.

Elle précise que :

- le bateau a accusé une perte de 68 k€ en mars 2006 et de 163 k€ à la fin du second trimestre 2006, que Monsieur [E] n'a pu expliquer, alors que les autres bateaux placés en situation identiques étaient bien meilleurs ;

- que c'est la raison pour laquelle elle a proposé la solution du chalutage en boeufs et investi pour ce faire, mais que Monsieur [E] a, malgré instructions, modifié le chalut neuf installé en retirant la chaîne servant à le lester en dessous, ne la rétablissant qu'après deux jours malgré le dysfonctionnement qu'il pouvait constater via son écran, décidé de ne pas utiliser les contrepoids en mailles de grosse chaîne installés pour lester l'ensemble, préférant utiliser un 'clump' moins adapté, s'érigeant en chef d'expédition au lieu de respecter l'alternance des commandements, que l'expérience a été stoppée du fait que ses initiatives ont nui au résultat cumulé des deux bateaux, les mauvais résultats du Cap ST Georges persistant au delà ;

- que c'est seulement le 5 décembre 2006 que Monsieur [E] évoquait des problèmes de treuils qui ont été pris en charge, les essais à quai se révélant satisfaisants ;

- que les résultats du bateau se sont révélés nettement en amélioration durant l'absence de trois mois de l'appelant début 2007, l'écart de valeur avec les autres bateaux s'amenuisant à ce moment là pour reprendre à son retour, le Cap St Georges accusant une perte de 1 200 000€ sur trente mois tandis que les autres navires grands fonds sont bénéficiaires ou ont une perte raisonnable liées à des contingences d'exploitation ;

- que le 25 juin 2008, il prenait en charge le Cap St Jean mais procédait à des modifications du matériel de pêche, passant outre les instructions, ces 4 mois étant entachés de difficultés alors que le bateau n'en avait pas connu : mensonge sur la pêche, qualité du poisson non glacé correctement, régression des résultats, modifications constatées les 28 et 29 octobre contre avis de l'armement, tandis que son ancien bateau progressait.

Elle en conclut qu'il y a bien faute lourde et s'inscrit en faux contre l'argument qui consiste à dire que le licenciement serait économique.

SUR CE

Sur l'argument de prescription

La Cour fera sien l'argument du tribunal qui a considéré que si aucun fait fautif ne peut donner à lui seul lieu à engagement de poursuites disciplinaires au delà d'un délai de deux mois, cela ne fait pas obstacle à la prise en considération de faits antérieurs à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi dans le délai, qu'au cas d'espèce, l'employeur précise que le licenciement du capitaine [E] est dicté par ses mauvais résultats de pêche, le tout étant lié à l'attitude de ce dernier qui ne respecterait pas les consignes données par la direction, le dernier fait fautif relevé datant d'octobre 2008, donc non prescrit. Ainsi l'argument de prescription doit être rejeté.

Sur la qualification du licenciement

Il est reproché au capitaine [E] les mauvais résultats réalisés par le Cap St Georges qu'il commandait ; si ceux -ci ne constituent pas à eux seuls des motifs sérieux de licenciement, ils peuvent le devenir s'ils sont issus de faits objectifs imputables au salarié tenant soit à son comportement fautif, soit à une insuffisance professionnelle.

La société EURONOR fait valoir que le Cap St Georges a accusé une perte de 68 K€ en mars 206 et de 169K€ à la fin du 2 ème trimestre 2006, résultats d'autant plus inquiétants que ceux des autres chalutiers étaient bien meilleurs ; Monsieur [E] ne conteste pas véritablement cette analyse objective mais souligne qu'il n'avait pas de clause d'objectifs à atteindre et que des problèmes de treuil ont affecté son activité. Les chiffres démontrent par l'analyse comparée du rendement journalier des navires grands fonds que le tonnage journalier et le chiffre d'affaires sont inférieurs pour le bateau de Monsieur [E], ce qui fait ressortir que les mauvais résultats ne sont pas liés aux aléas de la pêche qui sont les mêmes pour tous les bâtiments ; sur l'année 2007, ils démontrent également que pendant l'absence de Monsieur [E], les résultats du St Georges sont meilleurs puisque de -19,18 % on passe à moins 8,46 % avec des résultats proches de ceux des autres bateaux ; dès son retour en juin, les résultats déclinent à nouveau pour repasser à - 14,42% ; il est dès lors difficile de ne pas attribuer la baisse du chiffre d'affaires au commandant du navire. De même l'annexe 6 illustre que les difficultés du bateau ont persisté jusqu'à mi 2008 dans une proportion très différente des deux autres. La société EURONOR ne nie pas qu'il ait existé des problèmes de treuil mais elle affirme que Monsieur [E] y aurait fait allusion pour la première fois lors d'un entretien du 5 décembre 2006 et qu'ils auraient été pris en compte. Sur la réalité de ces problèmes de fonctionnement, Monsieur [E] verse aux débats une attestation de Monsieur [W], officier mécanicien, une autre de Monsieur [G] [C] qui a suivi la construction comme chef mécanicien et surtout de [G] [H], chef mécanicien, qui affirme que les treuils ne fonctionnaient pas correctement, demandaient une surveillance constante, amenant à changer régulièrement les vannes et électrovannes hydrauliques, à régler l'installation 'scantroll', puis deux autres attestations de Messieurs [R], officier, et [Y] ; outre que ces problèmes hydrauliques semblaient provoquer principalement des problèmes de réglage ou de changement de pièces, la cour ne dispose pas de l'élément essentiel représenté par l'impact de ces difficultés, qui semblaient assorties de solutions, malgré la gêne occasionnée, sur les résultats de la pêche ; elle ne dispose pas non plus de l'élément selon lequel Monsieur [E] aurait officiellement averti sa direction de la nécessité d'y remédier et surtout du fait que le remplaçant de Monsieur [E] durant les trois mois de l'année 2007 s'en serait également plaint. Ainsi l'argument est peu étayé et l'absence d'une clause d'objectifs n'en est pas un à partir du moment où l'employeur ne doit pas se retrouver contraint à accepter de mauvais résultats faute de son existence.

La Cour est moins convaincue en ce qui concerne les reproches liés à l'abandon du principe du pilotage en boeufs ; tout d'abord ce choix qui était d'évidence financier n'a pas été décidé pour accorder une nouvelle chance à Monsieur [E] ; par la pièce trois, l'intimée vient affirmer que Monsieur [E] aurait modifié le matériel contrairement aux instructions mais la Cour observe qu'elle ne verse pas aux dossiers les dites instructions de sorte qu'il est difficile d'affirmer que Monsieur [E] y aurait contrevenu et le fait qu'il se serait érigé en chef d'expédition n'est étayé par aucune pièce. Par contre, il apparaît des pièces 6 et 33 versées par Monsieur [E] que ce système était très critiqué par les équipages, que les affaires maritimes étaient saisies du problème, que l'abandon du système ne semble pas lié à l'attitude de Monsieur [E].

En juin 2008, la barre du Cap St Jacques a été confiée à Monsieur [E] et un rapport relatif à son chalut du mois d'octobre 2008 illustre son mauvais état et le fait qu'il a subi de nombreuses modifications de juin à octobre qui compromettent son efficacité ; de ce rapport, il résulte que les modifications ont bien été apportées sous le commandement de Monsieur [E] et qu'elles lui sont forcément imputables. La Cour retiendra également la baisse des résultats du St Jacques sous son égide et le problème de la qualité du poisson mal glacé et débarqué le 29 août 2008 en mauvais état, arguments que Monsieur [E] ne contrecarre pas vraiment.

De tout cela la Cour retient que la société EURONOR qui établit une accumulation de faits continue qui se poursuivent jusqu'au mois d'octobre 2008 démontre que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse mais à l'instar du tribunal considère que ces manquements ne rendaient pas impossible le maintien de Monsieur [E] pendant la durée du préavis faute de la démonstration d'une faute grave. Le jugement mérite confirmation, sur son principe, sur le débouté partiel des demandes formulées par le salarié et sur les sommes allouées.

L'arrêt étant confirmatif, la société EURONOR sera déboutée de son appel incident et la Cour considère qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Déboute la société EURONOR de son appel incident ;

Déboute Monsieur [E] du surplus de ses demandes ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société EURONOR aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP CONGOS VANDENDAELE, avoués associés, conformément à l'article 699 du code de procédure civile

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

Françoise RIGOT Christine PARENTY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 1
Numéro d'arrêt : 11/01577
Date de la décision : 18/01/2012

Références :

Cour d'appel de Douai 21, arrêt n°11/01577 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-01-18;11.01577 ?
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