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07/03/2024 | FRANCE | N°22/04616

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 4, 07 mars 2024, 22/04616


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 8 SECTION 4



ARRÊT DU 07/03/2024





****





N° de MINUTE :24/211

N° RG 22/04616 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UQOF



Jugement (N° 1121000943) rendu le 30 Août 2022 par le Juge des contentieux de la protection d'Arras







APPELANTE



Madame [T] [Y]

née le 16 Décembre 1962 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[

Adresse 1]



Représentée par Me Anne Painset Beauvillain, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat constitué

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/22/008722 du 07/10/2022 accordée par le bureau...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 4

ARRÊT DU 07/03/2024

****

N° de MINUTE :24/211

N° RG 22/04616 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UQOF

Jugement (N° 1121000943) rendu le 30 Août 2022 par le Juge des contentieux de la protection d'Arras

APPELANTE

Madame [T] [Y]

née le 16 Décembre 1962 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Anne Painset Beauvillain, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat constitué

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/22/008722 du 07/10/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)

INTIMÉE

Madame [S] [V]

née le 01 Août 1984 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Antoine Le Gentil, avocat au barreau d'Arras, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 19 décembre 2023 tenue par Emmanuelle Boutié magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Véronique Dellelis, président de chambre

Emmanuelle Boutié, conseiller

Catherine Menegaire, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 07 mars 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Véronique Dellelis, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 3 novembre 2023

****

Par acte sous seing privé en date du 5 avril 2021, Mme [S] [V] a donné à bail à Mme [T] [Y] un logement à usage d'habitation situé [Adresse 1] moyennant le versement d'un loyer mensuel révisable de 450 euros.

Par acte d'huissier en date du 25 août 2021, Mme [V] a fait délivrer à Mme [Y] un commandement d'avoir à justifier d'une assurance locative et de payer pour un arriéré en principal de 1437 euros, ledit commandement visant la clause résolutoire prévue au contrat de bail.

Par acte d'huissier de justice en date du 6 octobre 2021, Mme [V] a fait assigner Mme [Y] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d'Arras aux fins de voir :

- constater le jeu de la clause résolutoire contractuelle pour défaut de paiement des loyers, se désistant de sa demande au titre de l'absence d'assurance locative et subsidiairement, ordonner la résiliation judiciaire du contrat,

- dire que les lieux devront être libérés par Mme [T] [Y] et à défaut ordonner l'expulsion de Mme [Y],

- condamner Mme [Y] au paiement de la somme de 3621 euros au titre des loyers et indemnités d'occupation échus impayés arrêtés au 30 avril 2022 avec intérêts au taux légal sur la somme de 1437 euros à compter du 25 août 2021,

- fixer l'indemnité d'occupation mensuelle équivalente au montant du loyer plus charges subissant les mêmes variations,

- débouter Mme [Y] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme [Y] au paiement d'une somme de 2000 euros en réparation des préjudices financiers et moraux,

- condamner Mme [Y] au paiement d'une indemnité de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens comprenant notamment le coût des commandements de payer.

Par jugement en date du 30 août 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d'Arras a :

- constaté la recevabilité des demandes de Mme [S] [V],

- constaté que le bail ayant pris effet entre les parties le 5 avril 2021 s'est trouvé de plein droit résilié le 26 octobre 2021 aux torts et griefs de Mme [Y] pour défaut de paiement des loyers par application de la clause résolutoire contractuelle,

- dit que faute pour Mme [Y] de ne pas avoir quitté les lieux de sa personne, de ses biens et de tous occupants de son chef, deux mois après la notification d'un commandement d'huissier de quitter les lieux portant mention de la présente décision, il sera procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef avec l'assistance de la force publique et au transport des meubles laissés dans les lieux, dans tout local qu'il plaira à Mme [V] aux frais et risques de Mme [Y],

- condamné Mme [Y] à payer à Mme [V] une indemnité d'occupation mensuelle égale à 300 euros commençant à courir à compter du 26 octobre 2021 jusqu'au départ effectif des lieux,

- condamné Mme [Y] à payer à Mme [V] la somme de 2721 euros au titre de la dette de loyers, charges et indemnités d'occupation due au 30 avril 2022 et cela avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer du 25 août 2021 sur la somme de 1437 euros et à compter de la présente décision pour le surplus,

- débouté Mme [Y] de sa demande de délais de paiement, de condamnation de Mme [V] au paiement de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices financiers, matériel et moraux, de suspension de l'obligation de payer les loyers et de réalisation des travaux sous astreinte,

- débouté Mme [V] de sa demande de condamnation de Mme [Y] au paiement de dommages et intérêts,

- rejeté les demandes d'indemnités en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [Y] aux dépens qui comprendront notamment le coût des commandements de payer et de justifier d'une assurance du 25 août 2021,

- rappelé l'exécution provisoire de la présente décision,

- dit que le présent jugement sera transmis par les soins du greffe à Monsieur le Préfet du [Localité 6].

Mme [T] [Y] a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 3 octobre 2022.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 juin 2023, Mme [T] [Y] demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel interjeté le 3 octobre 2022,

- la recevoir dans ses demandes,

Y faisant droit,

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

* constaté la recevabilité des demandes de Mme [S] [V],

* constaté que le bail ayant pris effet entre les parties le 5 avril 2021 s'est trouvé de plein droit résilié le 26 octobre 2021 aux torts et griefs de Mme [Y] pour défaut de paiement des loyers par application de la clause résolutoire contractuelle,

*dit que faute pour Mme [Y] de ne pas avoir quitté les lieux de sa personne, de ses biens et de tous occupants de son chef, deux mois après la notification d'un commandement d'huissier de quitter les lieux portant mention de la présente décision, il sera procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef avec l'assistance de la force publique et au transport des meubles laissés dans les lieux, dans tout local qu'il plaira à Mme [V] aux frais et risques de Mme [Y],

*condamné Mme [Y] à payer à Mme [V] une indemnité d'occupation mensuelle égale à 300 euros commençant à courir à compter du 26 octobre 2021 jusqu'au départ effectif des lieux,

*condamné Mme [Y] à payer à Mme [V] la somme de 2721 euros au titre de la dette de loyers, charges et indemnités d'occupation due au 30 avril 2022 et cela avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer du 25 août 2021 sur la somme de 1437 euros et à compter de la présente décision pour le surplus,

* débouté Mme [Y] de sa demande de délais de paiement, de condamnation de Mme [V] au paiement de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices financiers, matériel et moraux, de suspension de l'obligation de payer les loyers et de réalisation des travaux sous astreinte.

- Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

* débouté Mme [V] de sa demande de condamnation de Mme [T] [Y] au paiement de dommages et intérêts,

* rejeté la demande d'indemnités en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

- débouter Mme [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre principal,

- suspendre le paiement des loyers dus par Mme [Y] pour le logement sis [Adresse 1] à compter de janvier 2022 jusqu'à son départ effectif du logement le 7 mars 2023,

- condamner Mme [V] à payer à Mme [Y] la somme de 41 euros au titre d'un trop-perçu de loyer ;

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité d'occupation due par Mme [Y] à la somme de 300 euros mensuels à compter du 26 octobre 2021 jusqu'à son départ effectif des lieux, soit le 7 mars 2023,

- arrêter la dette locative due par Mme [Y] à Mme [V] à la somme de 3926,74 euros,

- accorder à Mme [V] un délai de paiement de 36 mois pour rembourser sa dette locative à hauteur de 3926,74 euros à Mme [V],

En tout état de cause,

- condamner Mme [V] à payer à Mme [Y] la somme de 1500 euros en réparation de son préjudice financier,

- condamner Mme [V] à payer à Mme [Y] la somme de 1000 euros en réparation de son préjudice matériel,

- condamner Mme [V] à payer à Mme [Y] la somme de 2000 euros en réparation de son préjudice moral et de santé,

- condamner Mme [V] à payer à Mme [Y] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 mars 2023, Mme [S] [V] demande à la cour de :

- constater que le départ de Mme [Y] des lieux loués a permis leur restitution à Mme [V] le 7 mars 2023,

- de dire ne plus avoir à statuer sur l'expulsion de Mme [Y],

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme [Y] à payer à Mme [V] la somme de 2721 euros au titre de la dette de loyers, charges et indemnités d'occupation due au 30 avril 2022 et cela avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer du 25 août 2021 sur la somme de 1437 euros et à compter de la décision de première instance pour le surplus,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme [Y] à payer à Mme [V] une indemnité mensuelle de 300 euros commençant à courir à compter du 26 octobre 2021 jusqu'au départ effectif des lieux,

- condamner Mme [Y] à payer à Mme [V] la somme de 8222,61 euros arrêtée au 7 mars 2023 au titre des loyers et charges impayés, avec intérêts au taux légal sur la somme de 1437 euros à compter du 25 août 2021 jusqu'au paiement effectif de la dette,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [V] de sa demande de condamnation de Mme [Y] au paiement de dommages et intérêts,

- condamner Mme [Y] à payer à Mme [V] la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices financiers et moraux,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [V] de sa demande d'indemnité de procédure en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [Y] à payer Mme [V] la somme de 1000 euros à titre d'indemnité de procédure,

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [Y] à payer à Mme [V] la somme de 2000 euros à titre d'indemnité devant la cour d'appel,

- confirmer la décision pour le surplus,

- condamner Mme [Y] aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux conclusions pour un exposé détaillé des demandes et des moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Sur la résiliation du bail :

L'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 dispose que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux, le commandement de payer devant satisfaire aux conditions de forme définies dans la suite de cet article.

Il résulte des pièces produites aux débats que par acte d'huissier de justice en date du 25 août 2021, Mme [V] a fait commandement à Mme [Y] d'avoir à lui payer la somme de 1437 euros au titre des loyers et charges échus en se prévalant de la clause de résiliation de plein droit incluse au bail.

Ce commandement de payer n'a été argué d'aucune irrégularité en la forme ou au fond, et la cour ne relève elle-même aucune contravention à une disposition d'ordre public et qu'elle aurait à relever d'office.

Il convient toutefois d'examiner le moyen tiré de l'exception d'inexécution soulevée par les locataires qui soutiennent qu'à compter d'une certaine date, les loyers n'étaient plus exigibles en raison de l'état du logement.

L'article 9 du code de procédure civile dispose qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Il résulte des dispositions de l'article 1719 du code civil que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :

1° De délivrer au preneur la chose louée, et s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent,

2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée,

3° D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail,

(...)

Aux termes des dispositions de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d'espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation. Un décret en Conseil d'Etat définit le critère de performance énergétique minimale à respecter et un calendrier de mise en oeuvre échelonnée.

(...)

Le bailleur est obligé :

a) De délivrer au locataire le logement en bon état d'usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement ; toutefois, les parties peuvent convenir par une clause expresse des travaux que le locataire exécutera ou fera exécuter et des modalités de leur imputation sur le loyer ; cette clause prévoit la durée de cette imputation et, en cas de départ anticipé du locataire, les modalités de son dédommagement sur justification des dépenses effectuées ; une telle clause ne peut concerner que des logements répondant aux caractéristiques définies en application des 1er et 2ème alinéas. L'article 9 du code de procédure civile dispose qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En outre, l'article 1 du décret du 30 janvier 2002 relatif au logement décent dispose qu'un logement décent est logement qui répond aux caractéristiques du présent décret et l'article 2 du même texte ajoute que le logement doit satisfaire aux conditions suivantes, au regard de la sécurité physique et de la santé des locataires :

1- Il assure le clos et le couvert. Le gros oeuvre du logement et de ses accès est en bon état d'entretien et de solidité et protège les locaux contre les eaux de ruissellement et les remontées d'eau. Les menuiseries extérieures et la couverture avec ses raccords et accessoires assurent la protection contre les infiltrations d'eau dans l'habitation. Pour les logements situés dans les départements d'outre-mer, il peut être tenu compte pour l'appréciation des conditions relatives à la protection contre les infiltrations d'eau, des conditions climatiques spécifiques à ces départements ;

2- Il est protégé contre les infiltrations d'air parasite. Les portes et fenêtres du logement ainsi que les murs et parois de ce logement donnant sur l'extérieur ou des locaux non chauffés présentent une étanchéité à l'air suffisante. Les ouvertures des pièces donnant sur des locaux annexes non chauffés sont munies de portes ou de fenêtres. Les cheminées doivent être munies de trappes. Ces dispositions ne sont pas applicables dans les départements situés outre-mer ;

3- Les dispositifs de retenue des personnes, dans le logement et ses accès, tels que garde-corps des fenêtres, escaliers, loggias et balcons, sont dans un état conforme à leur usage ;

4- La nature et l'état de conservation et d'entretien des matériaux de construction, des canalisations et des revêtements du logement ne présentent pas de risques manifestes pour la santé et la sécurité physique des locataires ;

5- Les réseaux et branchements d'électricité et de gaz et les équipements de chauffage et de production d'eau chaude sont conformes aux normes de sécurité définies par les lois et réglements et sont en bon état d'usage et de fonctionnement,

6- le logement permet une aération suffisante. Les dispositifs d'ouverture et les éventuels dispositifs de ventilation des logements sont en bon état et permettent un renouvellement de l'air et une évacuation de l'humidité adaptés aux besoins d'une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements,

7- Les pièces principales, au sens du troisième alinéa de l'article R.111-1 du code de la construction et de l'habitation, bénéficient d'un éclairement naturel suffisant et d'un ouvrant donnant à l'air libre ou sur un volume vitré donnant à l'air libre.

En l'espèce, Mme [Y] soutient que le logement loué présente de nombreux désordres le rendant insalubre et inhabitable et justifiant la suspension du paiement des loyers à partir du mois de janvier 2022 jusqu'à son départ des lieux intervenu le 7 mars 2023.

Au soutien de sa demande, la locataire produit aux débats un courrier daté du 7 juin 2021 et adressé à Mme [V] aux termes duquel elle fait état de plusieurs désordres affectant le logement loué :

- la douche ne fonctionne pas,

- la porte de la salle d'eau est cassée,

- les wc sont bouchés et non raccordés,

- la fenêtre de la chambre est cassée,

- la véranda comporte des traces d'humidité,

- la porte-fenêtre est abîmée en raison de l'humidité du logement,

- la porte d'entrée est cassée.

En outre, Mme [Y] produit un courrier de la Direction départementale des territoires et de la mer datée du 11 août 2021 faisant état de plusieurs manquements aux caractéristiques de décence relevés dans le cadre du Relevé d'Observations Logement (ROL), s'agissant d'un diagnostic visant à caractériser un logement dégradé à partir d'un constat visuel des désordres susceptibles de relever de l'application du décret relatif aux caractéristiques du logement décent, à l'occasion de la visite du logement loué effectuée le 27 juillet 2021, s'agissant :

- du mauvais état de la fenêtre de la chambre : problème de fermeture,

- de la douche non fonctionnelle ; bonde non raccordée,

- toilettes et lavabo non scellés,

- raccordement des toilettes non fonctionnel ;

- obstruction ou refoulement fréquent et récurrent du sanibroyeur, évacuation non conforme,

- présence d'humidité dans le bas du mur de la véranda,

- l'absence de détecteur avertisseur autonome de fumée.

Alors que ce courrier invite le bailleur à faire connaître son avis sur la situation exposée et à communiquer des justificatifs des travaux réalisés ou de l'intention de faire des travaux avec le délai de réalisation envisagé, un nouveau courrier daté du 11 septembre 2021 fait état de l'intention de Mme [V] de réaliser des travaux ainsi que des difficultés rencontrées pour obtenir, précisant qu'une intervention a été réalisée le 11 avril 2021 pour remédier à la fuite présente sur le ballon d'eau chaude sanitaire.

Toutefois, la seule attestation établie par M. [I] [V], père de Mme [V], faisant état d'une intervention pour réparer le ballon d'eau chaude et de l'absence de fuite au niveau de la douche, est insuffisante à justifier des travaux réalisés en vue de remédier aux désordres dénoncés par la locataire et par la Direction départementale des territoires et de la mer.

De la même manière, si les attestations établies par M. [L] [W] et M. [K] [W] faisant état de ce que la maison louée était saine et avait été entièrement refaite et l'attestation établie par M. [U] [C], ancien locataire du logement indiquant que le logement était en très bon état, la douche et les sanitaires étant décrits comme étant en parfait état et fonctionnels, ne sauraient suffire à justifier ni de l'absence des désordres dénoncés par la locataire ni de l'efficience des travaux réalisés, aucune facture n'étant produite aux débats.

De la même manière, si le procès-verbal de constat tenant lieu d'état des lieux établi le 7 mars 2023 de sorte ne fait pas état de dysfonctionnements au niveau de la douche, du sanibroyeur, des radiateurs électriques et du ballon d'eau chaude, précisant s'agissant de ces appareils 'sous réserve de fonctionnement', l'huissier de justice mentionne toutefois la présence d'humidité et de moisissures dans la salle de douche ainsi que la présence de traces d'humidité dans la chambre ainsi que de traces noires sur les murs de la véranda et de lés de tapisserie qui se décollent dans la cuisine.

En outre, la réalité et la persistance des désordres sont confortées par l'attestation établie par le Maire de la commune d'[Localité 4] le 28 juin 2022 indiquant qu'en septembre 2021, il a pu constater que le toilette avait du jeu ainsi que le meuble du lavabo, qu'un siphon était posé sur le sol de la douche et que le volet d'une pièce était resté bloqué en position fermée ainsi que par le courrier de l'association Aide aux sans abris, foyer d'hébergement d'urgence, daté du 14 janvier 2022 faisant état de ce qu'à l'occasion d'un passage dans le logement le 31 décembre 2021, ils ont constaté que les radiateurs étaient dysfonctionnels, ne permettant pas de chauffer le domicile et causant de l'humidité dans le logement et que le wc est inutilisable, ce qui les a conduit à proposer à Mme [Y] un accueil de nuit au sein de leur centre d'hébergement d'urgence.

Toutefois, c'est à juste titre que le tribunal a retenu que la locataire ne justifie pas du caractère inhabitable des lieux loués alors qu'il ressort du relevé d'informations logement que si Mme [Y] a évoqué l'existence de difficultés avec la douche, elle a indiqué choisir de ne pas utiliser les chauffages électriques pour ne pas payer de factures trop importantes mais n'a pas fait état de leur défectuosité.

Ainsi, si la preuve de l'existence d'un manquement du bailleur à son obligation de délivrer un logement décent est rapportée en l'espèce, Mme [Y] ne justifie pas du caractère inhabitable des lieux loués, seul de nature à l'autoriser à suspendre le paiement des loyers.

Dès lors, il convient pour la cour de rejeter l'exception d'inexécution.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire étaient réunies à la date du 26 octobre 2021.

Dès lors, il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a réduit à 300 euros par mois le montant de l'indemnité d'occupation mise à la charge de la locataire.

Sur la demande de délais de paiement

Aux termes des dispositions de l'article 24 V de la loi du 6 juillet 1989, le juge peut même d'office, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l'article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative.

C'est à juste titre que le tribunal a retenu que Mme [Y] ne justifie avoir réalisé aucun versement au titre du loyer alors même qu'elle ne rapporte pas la preuve du caractère totalement inhabitable des lieux loués, seule circonstance pouvant la dispenser totalement du réglement de l'entièreté du loyer.

En outre, l'importance de la dette et son ancienneté ne permet pas d'envisager son apurement dans le délai maximal de trois années prévu par la loi.

En conséquence, il y a lieu de rejeter la demande de délais de paiement formée par Mme [Y], le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.

La résiliation du bail est ainsi définitivement acquise à la date du 26 octobre 2021, la demande au titre de l'expulsion de la locataire étant toutefois devenue sans objet compte tenu de son départ des lieux loué intervenu le 7 mars 2023.

Sur les demandes indemnitaires formulées par Mme [Y]

S'il résulte des développements précédents que Mme [Y] justifie avoir subi un préjudice de jouissance résultant des désordres affectant les lieux loués et de l'absence de travaux efficients réalisés par Mme [V] permettant d'y remédier, elle ne justifie pas de l'existence d'un préjudice financier résultant des frais de déménagement exposés ni de celle d'un préjudice matériel, la photographie de son matelas présentant des traces et d'un devis au titre de l'oxydation de son ordinateur n'étant pas suffisants à démontrer l'existence d'un lien de causalité avec les désordres constatés.

Elle sera donc déboutée de ses demandes indemnitaires au titre de la réparation de son préjudice financier et de son préjudice matériel.

Toutefois, la preuve de la réalité du préjudice de jouissance subi par Mme [Y] étant caractérisée en l'espèce, il y a lieu de lui allouer la somme de 1000 euros à ce titre que Mme [V] sera condamnée à lui verser, la décision entreprise étant infirmée de ce chef.

Sur la dette locative et l'indemnité d'occupation

Alors que la charge de la preuve du versement des loyers appartient à la locataire, force est de constater que Mme [Y] ne justifie pas de sa libération, les seules photographies de talons de chèque ou de virements réalisés par internet ne justifiant pas du caractère effectif des versements intervenus au profit de Mme [V], celle-ci produisant ses relevés de compte pour la période comprise entre le mois de mars 2021 et le mois de février 2022.

En conséquence, en l'absence de décompte actualisé produit en cause d'appel, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a condamné Mme [Y] au paiement de la somme de 2721 euros au titre des loyers impayés au 30 avril 2022 ainsi qu'au paiement d'une indemnité d'occupation d'un montant de 300 euros jusqu'à la complète libération des lieux loués intervenue le 7 mars 2023.

Sur la demande indemnitaire formulée par Mme [V]

Mme [V] sollicite la condamnation de Mme [Y] au paiement de la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts, faisant valoir que le non-paiement des loyers lui a causé des difficultés financières alors qu'elle doit régler les échéances du prêt immobilier qui lui a permis d'acquérir le bien et qu'elle a dû déposer plainte à l'encontre de la locataire à la suite d'une manipulation qui lui a fait perdre l'octroi de l'allocation logement pendant quelques mois.

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a retenu, d'une part, que Mme [V] n'établit pas de préjudice distinct du retard de paiement indemnisé par les intérêts au taux légal et qu'elle ne prouve pas les difficultés financières invoquées, ses relevés bancaires ne faisant apparaître ni solde débiteur ni rejet des prélèvements et, d'autre part, qu'elle ne démontre pas l'issue de la procédure pénale à la suite de son dépôt de plainte à l'encontre de Mme [Y] pour usurpation d'identité.

Il y a donc lieu de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a déboutée Mme [V] de sa demande d'indemnitaire.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives à la charge des dépens et à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Chaque partie succombant partiellement dans le cadre de l'instance d'appel, il y a lieu de dire que chacune conservera la charge de ses propres dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

De la même manière, l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté Mme [T] [Y] de sa demande de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne Mme [S] [V] à payer à Mme [T] [Y] la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

Le greffier

Harmony POYTEAU

Le président

Véronique DELLELIS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 8 section 4
Numéro d'arrêt : 22/04616
Date de la décision : 07/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-07;22.04616 ?
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