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19/12/2007 | FRANCE | N°05/00813

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 19 décembre 2007, 05/00813


RG No 06/01761

No Minute :



Notifié le :
Grosse délivrée le :



COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU MERCREDI 19 DECEMBRE 2007

Appel d'une décision (No RG 05/00813)
rendue par le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE
en date du 30 mars 2006
suivant déclaration d'appel du 19 Avril 2006



APPELANTE :

Madame Valérie X...


...

38100 GRENOBLE

Comparante et assistée par Me Michèle BLANC (avocat au barreau D'ANNECY)


INTIMEES :

LA FONDATION SANTE DES ETUDIA

NTS DE FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
8 rue Emile Deusch de la Meurthe
75664 PARIS

Représentée...

RG No 06/01761

No Minute :

Notifié le :
Grosse délivrée le :

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU MERCREDI 19 DECEMBRE 2007

Appel d'une décision (No RG 05/00813)
rendue par le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE
en date du 30 mars 2006
suivant déclaration d'appel du 19 Avril 2006

APPELANTE :

Madame Valérie X...

...

38100 GRENOBLE

Comparante et assistée par Me Michèle BLANC (avocat au barreau D'ANNECY)

INTIMEES :

LA FONDATION SANTE DES ETUDIANTS DE FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
8 rue Emile Deusch de la Meurthe
75664 PARIS

Représentée par Me Philippe GAUTIER (avocat au barreau de LYON) substituée par Me BORGEOT (avocat au barreau de LYON)

LE CONSEIL GENERAL DE L'ISERE
Hôtel du Département
7 rue Fantin Latour
38000 GRENOBLE

Représenté par la SCP M. FESSLER - A. FESSLER (avocats au barreau de GRENOBLE)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre,
Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller,
Madame Hélène COMBES, Conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.

DEBATS :

A l'audience publique du 21 Novembre 2007,
Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 19 Décembre 2007.

L'arrêt a été rendu le 19 Décembre 2007.

****RG No 06/1761 HC

EXPOSE DU LITIGE

Le 30 septembre 1986, Valérie X... a été embauchée en qualité d'assistante sociale par la Fondation Santé des Etudiants de France.

Au dernier état des relations contractuelles, elle était assistante sociale chef au service autonome pour personnes handicapées (SCAPH 38) à Saint-Martin d'Hères.

Le 8 juillet 2005, Valérie X... a saisi le conseil de Prud'hommes de Grenoble d'une demande de requalification de ses fonctions en cadre administratif de niveau 3 et de paiement du rappel de salaires correspondant.

Par jugement du 30 mars 2006, le conseil de Prud'hommes l'a déboutée de toutes ses demandes et elle a relevé appel le 19 avril 2006.

En cours de procédure, les activités du SCAPH 38 ont été transférées à la Maison Départementale des Personnes Handicapées de l'Isère (MDPHI) en application de la loi du 11 février 2005 relative à l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

En arrêt maladie à compter du 16 août 2006, Valérie X... a été déclarée inapte par le médecin du travail les 29 septembre et 13 octobre 2006.

En application de la loi du 26 juillet 2005, le Conseil Général de l'Isère lui a proposé le 8 décembre 2006 son intégration en tant que cadre administratif au sein de la Maison Départementale des Personnes Handicapées de l'Isère, à compter du 1er janvier 2007 ce qu'elle a refusé par lettre du 12 décembre 2006.

Le 12 janvier 2007, le Conseil Général de l'Isère licenciée pour motif économique en raison de son refus de la proposition de reprise de son contrat de travail.

Au cours des débats qui se sont tenus devant la cour d'appel le 7 juin 2007, Valérie X... a maintenu ses demandes de rappel de salaires telles que formulées en première instance.

Elle a également contesté son licenciement et sollicité réparation du harcèlement moral dont elle disait avoir été victime au cours de l'année 2006.

Dans un arrêt du 4 juillet 2007 auquel il est fait référence, la Cour a dit que Valérie X... peut revendiquer la qualification de cadre administratif de niveau 3 à compter du 1er janvier 2003, l'a invitée à produire un décompte pour la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2005 et a condamné la Fondation Santé des Etudiants de France à lui payer la somme provisionnelle de 15.000 euros à valoir sur le rappel de salaires.

Avant dire droit sur ses demandes à compter du 1er janvier 2006, la Cour a ordonné la réouverture des débats pour qu'il soit statué en présence de la Maison Départementale des Personnes Handicapées de l'Isère que Valérie X... a fait citer le 30 juillet 2007 pour l'audience du 21 novembre 2007.

A ce stade de la procédure, Valérie X... sollicite le paiement des sommes suivantes :

- par la Fondation Santé des Etudiants de France la somme de 30.311,30 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2005 et 3.334,20 euros au titre des congés payés afférents.

- par la Fondation Santé des Etudiants de France et la Maison Départementale des Personnes Handicapées de l'Isère solidairement la somme de 11.476 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2006 et 1.263 euros au titre des congés payés.

- par la Fondation Santé des Etudiants de France, le Conseil Général de l'Isère et la Maison Départementale des Personnes Handicapées de l'Isère solidairement la somme de 100.872 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- par la Fondation Santé des Etudiants de France, le Conseil Général de l'Isère et la Maison Départementale des Personnes Handicapées de l'Isère solidairement la somme de 13.064 euros à titre de complément de l'indemnité de préavis.

- par la Fondation Santé des Etudiants de France, le Conseil Général de l'Isère et la Maison Départementale des Personnes Handicapées de l'Isère solidairement la somme de 34.942,52 euros à titre de complément de l'indemnité de licenciement.

- par la Fondation Santé des Etudiants de France, le Conseil Général de l'Isère et la Maison Départementale des Personnes Handicapées de l'Isère la somme de 50.436 euros au titre du harcèlement moral.

- par les mêmes, la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Elle rappelle que dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi du 11 février 2005, les activités du SCAPH 38 ont été transférées à la Maison Départementale des Personnes Handicapées de l'Isère gérée sous forme d'un groupement d'intérêt public à compter du 1er janvier 2006;

que dès lors, elle s'est vu retirer l'intégralité de ses prérogatives et attributions à mesure que les salariés du SCAPH 38 étaient intégrés dans les nouvelles équipes constituées dans le département ;

que dès le 4 juillet 2006, le médecin du travail interpellait le SCAPH 38 sur son inactivité;

que la situation difficile qu'elle a vécue du fait de cette inactivité, a eu des répercussions sur son état de santé et qu'elle a été en arrêt maladie à compter du 16 août 2006 ;

que c'est dans ces conditions qu'elle a été déclarée inapte par le médecin du travail suivant avis des 25 septembre et 13 octobre 2006.

Elle indique qu'au mépris des dispositions de l'article L122-24-4 du code du travail, la Fondation Santé des Etudiants de France l'informait de son affectation en tant que cadre administratif au sein de la Maison Départementale des Personnes Handicapées de l'Isère à compter du 20 novembre 2006 sans tenir compte de l'avis d'inaptitude ;

qu'au cours d'une réunion d'information le 8 décembre 2006 il lui était indiqué que son contrat de travail devait nécessairement s'inscrire dans le cadre d'un contrat de droit public, ce qu'elle refusait le 12 décembre 2006 à la suite de quoi elle était licenciée pour motif économique le 12 janvier 2007.

1 - Sur le rappel de salaire, elle indique avoir procédé au calcul conformément au dispositif de l'arrêt du 4 juillet 2007 en tenant compte des dispositions spécifiques applicables aux cadres qui bénéficient d'un taux majoré du point.

S'agissant de l'année 2006, elle sollicite la condamnation solidaire de la Fondation Santé des Etudiants de France et de la Maison Départementale des Personnes Handicapées de l'Isère dont la collusion est établie et qui l'ont maintenue dans un statut particulièrement flou tout au long de l'année 2006.

2 - Sur le licenciement, elle rappelle que son contrat de travail devait être transféré au département de l'Isère à compter du 1er janvier 2007 en application des dispositions de l'article L 122-12 du code du travail.

Elle soutient que le conseil général l'a licenciée pour motif économique et que cette qualification s'impose ;

que la rupture des relations contractuelles est nécessairement dépourvue de cause réelle et sérieuse dès lors que le département de l'Isère lui a imparti un délai de 15 jours et non d'un mois pour se prononcer et qu'il l'a convoquée à l'entretien préalable le 20 décembre 2006 alors que la proposition de modification lui avait été remise le 8 décembre ;

que la rupture des relations contractuelles n'a en outre été précédée d'aucun examen des possibilités de reclassement.

3 - Sur le harcèlement moral, elle fait valoir que dès lors qu'il y avait un avis d'inaptitude, l'employeur devait faire application de l'article L 122-24-4 du code du travail, rechercher les possibilités de reclassement et lui proposer un poste compatible avec sa santé et à défaut, engager la procédure de licenciement ;

que la Fondation Santé des Etudiants de France s'est cependant déchargée de toute responsabilité sur la Maison Départementale des Personnes Handicapées de l'Isère et qu'elles ont attendu le mois de novembre 2006 pour envisager son intégration.

Elle fait valoir que l'attitude adoptée par son employeur du mois de janvier au mois de novembre 2006, caractérise la discrimination et le harcèlement dont elle a été victime, ce qui justifie l'octroi de dommages-intérêts.

Elle soutient à cet égard que c'est en raison de l'instance prud'homale engagée qu'elle a été tenue à l'écart du transfert d'activité du SCAPH 38 à la Maison Départementale des Personnes Handicapées de l'Isère.

La Fondation Santé des Etudiants de France réplique que le Conseil Général de l'Isère est devenu l'employeur de Valérie X... à compter du 1er janvier 2006 en application de l'article L 122-12 du code du travail.

Elle fait valoir sur ce point que le SCAPH 38 était une entité économique autonome soit un ensemble organisé de personnes et de matériel ayant un objectif propre.

Elle rappelle que la loi du 26 juillet 2005 a réglé dans son article 20 le sort des salariés de droit privé en cas de reprise de l'activité par une personne publique.

Elle invoque les dispositions de la convention conclue entre elle et la Maison Départementale des Personnes Handicapées de l'Isère à compter du 1er janvier 2006, convention aux termes de laquelle tout le personnel du SCAPH 38 passait sous la direction fonctionnelle du directeur de la Maison Départementale des Personnes Handicapées de l'Isère.

Elle en conclut qu'aucune demande ne peut prospérer contre elle au titre des salaires de l'année 2006, du licenciement ou du prétendu harcèlement moral.

Elle soutient sur ce dernier point que Valérie X... ne verse aux débats aucun élément laissant présumer l'existence d'un harcèlement qui ne peut en tout état de cause résulter d'une situation déstabilisante ou de contraintes de gestion.

Elle précise que les raisons pour lesquelles Valérie X... n'a pas eu d'affectation avant le mois de novembre 2006 sont imputables à des retards pris dans la livraison des locaux que le conseil général avait fait aménager et conteste tout rapport avec la procédure engagée devant le conseil de Prud'hommes.

Elle ajoute qu'elle est même intervenue à plusieurs reprises auprès du directeur de la Maison Départementale des Personnes Handicapées de l'Isère pour accélérer le règlement de la situation de Valérie X....

Elle précise encore qu'elle ne pouvait plus tenir compte de la déclaration d'inaptitude de la salariée, n'étant plus son employeur aux mois de septembre et octobre 2006.

Oralement le jour de l'audience, elle a indiqué que la demande de rappel de salaire pour la période allant du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2005 ne pouvait excéder la somme de 25.097,81 euros, Valérie X... intégrant à tort dans sa demande pour chaque mois de salaire une prime décentralisée de 7,5 % de la masse salariale, alors que cette prime est de 5 % et qu'elle est versée par semestre.

Le département de l'Isère et la Maison Départementale des Personnes Handicapées de l'Isère concluent au rejet de toutes les demandes de Valérie X... et réclament 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Ils exposent que la loi du 11 février 2005 a créé dans chaque département une maison des personnes handicapées (MDPH) chargée d'accueillir, d'informer, d'accompagner et de conseiller les personnes handicapées et leurs familles ;

que par l'effet de ces dispositions, les activités précédemment confiées à la Fondation Santé des Etudiants de France, employeur de Valérie X... sont devenues une compétence légale de la Maison Départementale des Personnes Handicapées de l'Isère dont le processus de création a été engagé conformément à la loi du 11 février 2005.

Ils indiquent que l'affectation des agents de la Fondation Santé des Etudiants de France et plus précisément ceux du SCAPH 38 s'est faite progressivement au cours de l'année 2006, la première phase concernant l'affectation des personnels sociaux à laquelle Valérie X... a d'ailleurs collaboré ;

qu'au mois de novembre 2006, la quasi-totalité des personnels mis à disposition de la Maison Départementale des Personnes Handicapées de l'Isère par la Fondation Santé des Etudiants de France avait reçu une affectation, seules quelques situations restant à régler comme celle de Valérie X....

Ils précisent à cet égard que l'intégration des cadres de direction nécessitait une adaptation de l'organigramme.

Le département de l'Isère fait valoir que c'est dans le respect des principes énoncés par l'article 20 de la loi sus-visée qu'il a proposé à chacun des 33 salariés de la Fondation Santé des Etudiants de France un contrat de travail à durée indéterminée, reprenant les conditions substantielles du précédent contrat y compris sur la rémunération ;

que Valérie X... a comme sept autres salariés refusé son intégration.

Il soutient que du fait du refus opposé par Valérie X... et pour lequel elle n'a fourni ni explication, ni motivation, il n'avait d'autre possibilité que de procéder à son licenciement, à l'occasion duquel elle a perçu la somme globale de 53.276,16 euros au titre de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de licenciement.

Le département de l'Isère et la Maison Départementale des Personnes Handicapées de l'Isère soutiennent qu'au cours de l'année 2006, Valérie X... est restée salariée de la Fondation Santé des Etudiants de France avec laquelle le lien de subordination a subsisté tant sur le plan administratif que fonctionnel ;

que ce n'est qu'au mois de novembre 2006 que la Fondation Santé des Etudiants de France a finalisé l'affectation de Valérie X... auprès du département.

Ils contestent l'existence d'une pratique discriminatoire ou d'un harcèlement qui ne sont établis par aucune des pièces produites.

Le département soutient encore qu'il ne pourrait être tenu pour responsable d'un quelconque harcèlement alors que Valérie X... n'a jamais travaillé pour lui et qu'il ne peut nullement être contraint d'assumer les obligations du précédent employeur ;

qu'il ignorait tout de la situation de Valérie X... quant à son inaptitude et que celle-ci était d'ailleurs sans incidence sur l'obligation qui lui était faite de poursuivre le contrat de travail.

Il fait valoir enfin que l'argumentation de Valérie X... sur les dispositions de l'article L 321-1-2 du code du travail est inopérante, aucune modification de son contrat de travail pour motif économique ne lui ayant été proposée ;

que le refus opposé par la salariée concerne le seul principe du transfert et du changement de statut.

DISCUSSION

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;

Attendu que la loi 2005-102 du 11 février 2005 "pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées", a prévu dans son article 64 la création des maisons départementales des personnes handicapées constituées sous la forme de groupements d'intérêt public dont le département assure la tutelle administrative ;

Attendu que les maisons départementales des personnes handicapées doivent offrir aux personnes handicapées un accès unique aux droits et prestations à compter du 1er janvier 2006 ;

qu'entre autres missions, leur sont confiées l'accueil et l'information des personnes handicapées ainsi que le fonctionnement et l'organisation du travail de l'équipe pluridisciplinaire chargée notamment d'évaluer les besoins de compensation du handicap et les besoins d'accompagnement ;

Attendu que c'est dans ce cadre que le département de l'Isère a décidé de reprendre les activités des associations partenaires et d'intégrer leurs personnels au sein de la maison départementale des personnes handicapées de l'Isère (MDPHI) ;

Attendu qu'afin de fixer les conditions et modalités de participation du personnel de la Fondation Santé des Etudiants de France à l'équipe pluridisciplinaire de la Maison Départementale des Personnes Handicapées de l'Isère et aux mission de la MDPHI pour l'année 2006, une convention a été conclue entre elles pour une durée d'un an à compter du 1er janvier 2006 ;

Attendu que si cette convention prévoit en ses articles 1 et 4 et 6 que les personnels de la Fondation Santé des Etudiants de France participent au fonctionnement de l'équipe pluridisciplinaire et concourent à la bonne exécution de l'ensemble de ses missions, qu'ils sont soumis au règlement intérieur de la MDPHI et relèvent de l'autorité fonctionnelle de son directeur, l'article 5 dispose que "Le personnel de la fondation reste sous l'autorité hiérarchique de la fondation qui est l'employeur. Il reste soumis à la convention collective du 31 octobre 1951." ;

Attendu qu'il résulte de ces dispositions claires et dépourvues d'ambiguïté qu'au cours de l'année 2006, le lien de subordination a subsisté entre la Fondation Santé des Etudiants de France et ses salariés qui devaient d'ailleurs utiliser les moyens matériels de la fondation (article 1er de la convention) ;

Attendu que c'est à tort que la Fondation Santé des Etudiants de France qui a continué de payer les salaires de Valérie X... et qui avait conservé son pouvoir disciplinaire conclut au transfert d'une entité économique autonome à compter du 1er janvier 2006 ;

qu'au cours d'une réunion qui s'était déroulée le 3 octobre 2005 entre les représentants de la Fondation Santé des Etudiants de France et ceux du conseil général, il avait déjà été précisé que "pour l'année 2006, le SCAPH 38 ne pourra qu'être mis à disposition.";

Attendu que dans ce contexte de transition entre un régime de droit privé et un régime de droit public, la Fondation Santé des Etudiants de France est demeurée l'employeur de Valérie X... au cours de l'année 2006 ;

1- Sur la demande au titre du rappel des salaires

Attendu qu'il résulte de ce qui précède, que la Fondation Santé des Etudiants de France est seule redevable des rappels de salaire dus en raison de la requalification de Valérie X... au niveau 3 des cadres administratifs pour la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2006 ;

Attendu que les parties sont d'accord sur les éléments de base servant à déterminer le salaire ;

que la différence entre les sommes réclamées par Valérie X... et les sommes reconnues par la Fondation Santé des Etudiants de France provient de l'intégration par la salariée dans sa rémunération mensuelle d'une prime décentralisée de 7,5 % lissée sur 12 mois (pièce 101) ;

Attendu qu'hormis les tableaux qu'elle verse aux débats et la pièce 111 dans laquelle elle explique les conditions d'attribution de cette prime, Valérie X... ne produit aucun document confirmant l'intégration dans la rémunération mensuelle d'une prime décentralisée de 7,5 % ;

Attendu que la Fondation Santé des Etudiants de France produit pour sa part un protocole d'accord du 11 juin 2003 selon lequel la prime décentralisée versée aux salariés de la catégorie de Valérie X... est égale à 5% du salaire brut ;

Attendu que le calcul fait par la Fondation Santé des Etudiants de France doit être retenu de sorte que le montant du rappel de salaire de Valérie X... s'établit ainsi :

- du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2005 : 25.097,81 euros
- pour l'année 2006 : 10.419,98 euros

Soit au total : 35.517,79 euros (brut) outre 3.551,77 euros (brut) au titre des congés payés afférents;

que la Fondation Santé des Etudiants de France devra payer cette somme sous déduction de la provision versée en exécution de l'arrêt du 4 juillet 2007 ;

2 - Sur la demande au titre du harcèlement moral et de la discrimination

Attendu que les décrets d'application de la loi du 11 février 2005 ont été publiés le 19 décembre 2005 soit avec plusieurs mois de retard sur le calendrier prévu par la loi elle-même ;

Attendu qu'il résulte des pièces produites aux débats de part et d'autre, qu'afin de donner à la Maison Départementale des Personnes Handicapées de l'Isère la possibilité d'assurer dans les meilleurs délais ses missions au travers du travail de l'équipe pluridisciplinaire, le département de l'Isère a par priorité intégré les travailleurs sociaux et les ergothérapeutes en leur proposant de nouvelles affectations géographiques ;

Attendu que le transfert progressif des salariés du SCAPH 38 vers la MDPHI a eu un incontestable retentissement sur l'activité de Valérie X... qui en sa qualité de coordinatrice adjointe gérait, animait et encadrait l'équipe pluridisciplinaire et qui s'est retrouvée sans attribution lorsque tous les travailleurs sociaux ont rejoint la MDPHI ;

Attendu que dans deux courriers des 4 et 10 juillet 2006 adressés à la Fondation Santé des Etudiants de France par l'intermédiaire du SCAPH, le médecin du travail et le contrôleur du travail ont attiré l'attention de l'employeur sur le fait que Valérie X... se trouvait en situation de sous-charge de travail voire d'inactivité totale ;

Attendu qu'il résulte du compte rendu de la séance du comité d'établissement du centre médico-universitaire Daniel Douady, géré par la Fondation Santé des Etudiants de France, qu'au mois de juin 2006, il ne restait plus que deux salariés de l'ex-SCAPH - dont Valérie X... - dans l'ignorance de leur nouvelle affectation, ce qui confirme qu'elle n'avait plus aucun travail à effectuer ;

Attendu que cette situation a eu une incontestable répercussion sur son état de santé puisqu'à l'issue d'un arrêt de travail qui a débuté le 16 août 2006, le médecin du travail l'a déclarée inapte à la reprise de son travail ;

Attendu qu'interrogée par Valérie X... depuis le début de l'année 2006 sur son avenir professionnel et sur les conditions d'exercice de ses fonctions, la Fondation Santé des Etudiants de France n'a non seulement pas pris la mesure du problème, mais a de surcroît contribué à l'accentuer ;

qu'ainsi, elle n'a pas tenu Valérie X... informée de la nouvelle affectation des salariés placés jusque là sous sa responsabilité (voir courrier du 19 janvier 2006 adressé au directeur du SCAPH), et l'a déchargée du recrutement interne (voir courrier électronique du 6 mars 2006 et courrier du 15 mars 2006)

qu'elle a en outre attendu le mois de juillet 2006 pour répercuter à la Maison Départementale des Personnes Handicapées de l'Isère les inquiétudes de sa salariée ;

qu'enfin, elle n'a tenu aucun compte des deux avis d'inaptitude du médecin du travail et n'a recherché aucune solution de reclassement comme elle devait le faire en tant qu'employeur ;

Attendu que même si pendant la période transitoire de l'année 2006, la Fondation Santé des Etudiants de France n'avait pas la maîtrise du rythme des intégrations de ses salariés au sein de la Maison Départementale des Personnes Handicapées de l'Isère, il lui appartenait de prendre toutes dispositions pour que sa salariée ne se trouve pas dans une situation de souffrance parce que privée de ses responsabilités et de toute activité pendant plusieurs mois ;

Attendu que Valérie X... est bien fondée à soutenir qu'en se déchargeant de toute responsabilité sur la Maison Départementale des Personnes Handicapées de l'Isère et en tolérant voire en favorisant une situation inadmissible, la Fondation Santé des Etudiants de France lui a fait subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail ;

que le préjudice qu'elle a subi sera réparé par la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

3 - Sur le licenciement

Attendu que la loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique comporte en son article 20 des dispositions spécifiques au transfert à une personne publique de l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé ;

que cet article prévoit que sauf disposition législative ou réglementaire contraires, la personne publique propose aux salariés concernés un contrat reprenant les clauses substantielles du contrat dont ils sont titulaires, en particulier en ce qui concerne la rémunération ;

qu'en cas de refus des salariés d'accepter les modifications de leur contrat, la personne publique procède à leur licenciement dans les conditions prévues par le droit du travail et leur contrat ;

Attendu que par courrier du 7 décembre 2006 reçu le 8 décembre, le conseil général de l'Isère a adressé à Valérie X... un projet de contrat de droit public en lui demandant de faire connaître sa position avant le 22 décembre ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que ce projet de contrat reprend les clauses substantielles du contrat de travail liant Valérie X... à la Fondation Santé des Etudiants de France, notamment en ce qui concerne la rémunération ;

Attendu que par courrier du 12 décembre 2006, Valérie X... a fait connaître au conseil général son refus de la proposition d'intégration qui lui était faite ;

que le conseil général l'a donc convoquée à un entretien préalable fixé au 27 décembre 2006 et lui a notifié son licenciement par courrier du 12 janvier 2007 ;

Attendu que nonobstant l'emploi du terme "licenciement économique" dans la lettre de licenciement, il ressort de l'énonciation des motifs que la rupture du contrat de travail n'est pas dictée par des difficultés économiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité, mais uniquement par le refus qu'a exprimé Valérie X... sur la proposition de reprise de son contrat de travail ;

Attendu que son licenciement est régulièrement intervenu en application de l'article 20 de la loi du 26 juillet 2005, le conseil général n'ayant d'autre solution que de la licencier dès lors qu'elle refusait de faire partie de ses effectifs ;

que c'est à tort que Valérie X... soutient qu'elle n'a pas disposé du délai de réflexion d'un mois prévu par l'article L 321-1-2 du code du travail, inapplicable en l'espèce, alors de surcroît qu'elle a manifesté son refus quatre jours après la réception de la proposition et dix jours avant l'expiration du délai fixé par le conseil général ;

Attendu que le licenciement de Valérie X... est fondé sur une cause réelle et sérieuse;

Attendu qu'elle ne peut en outre reprocher au conseil général d'avoir méconnu la déclaration d'inaptitude du médecin du travail, le département de l'Isère ne pouvant prendre des mesures en vue d'un éventuel reclassement tant que Valérie X... n'avait pas rejoint ses effectifs ;

***

Attendu que Valérie X... a perçu la somme de 40.711,48 euros au titre de l'indemnité de licenciement et celle de 13.570,48 euros outre les congés payés afférents, au titre de l'indemnité de préavis ;

Attendu que la Fondation Santé des Etudiants de France a défini dans un document actualisé au 1er janvier 1998 les modalités d'application de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation dans ses établissements et services;

Attendu qu'il résulte de ce document que Valérie X... qui ne justifie pas de sa nomination par le conseil d'administration de la Fondation Santé des Etudiants de France, ne peut revendiquer l'application de l'article 22.3 qui renvoie aux dispositions dérogatoires de la convention collective applicables à certains cadres, mais celles de l'article 22.2 ;

Attendu que l'indemnité de licenciement doit donc être calculée sur la base d'un mois de salaire par année de service dans la limite de 12 mois, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre les années accomplies en qualité de cadre et les années accomplies en qualité de non cadre ;

que sur la base d'un salaire de 4.203 euros reconnu par les deux parties, Valérie X... peut prétendre à une indemnité de licenciement de 50.436 euros soit un solde de 9.124,52 euros en sa faveur ;

Attendu que l'indemnité de préavis sur la base de 4 mois de salaire aurait dû être de 16.812 euros soit un solde de 3.242 euros outre 324,20 euros au titre des congés payés afférents ;

que le département de l'Isère sera condamné au paiement de ces sommes ;

Attendu qu'il sera alloué à Valérie X... la somme de 2.800 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu l'arrêt du 4 juillet 2007,

- Condamne la Fondation Santé des Etudiants de France à payer en deniers ou quittances à Valérie X... la somme de 35.517,79 euros outre 3.551,77 euros au titre des congés payés afférents au titre des rappels de salaire du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2006.

- Ajoutant au jugement du 30 mars 2006, condamne la Fondation Santé des Etudiants de France à payer à Valérie X... la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral.

- Condamne le conseil général de l'Isère à payer à Valérie X... :

la somme de 9.124,52 euros au titre du solde dû sur l'indemnité de licenciement
la somme de 3.242 euros au titre du solde dû sur l'indemnité de préavis outre 324,20 euros au titre des congés payés afférents.

- Condamne in solidum la Fondation Santé des Etudiants de France, la Maison Départementale des Personnes Handicapées de l'Isère et le conseil général de l'Isère à payer à Valérie X... la somme de 2.800 euros au titre des frais irrépétibles.

- Les condamne aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

Signé par Monsieur DELPEUCH, président, et par Madame VERDAN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Numéro d'arrêt : 05/00813
Date de la décision : 19/12/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Grenoble


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-12-19;05.00813 ?
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