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17/09/2008 | FRANCE | N°07/00867

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ct0269, 17 septembre 2008, 07/00867


RG N° 07/00867
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU MERCREDI 17 SEPTEMBRE 2008
Appel d'une décision (N° RG 06/00106) rendue par le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE en date du 25 janvier 2007 suivant déclaration d'appel du 27 Février 2007

APPELANT :

Monsieur Roger X... ...38000 GRENOBLE

Comparant et assisté par Me Jérôme SOLAL (avocat au barreau de PARIS)
INTIMÉE :
La Société ALPINE DE PUBLICATIONS prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège DPE/SAP 9, rue de l'A

rbre-Sec 69281 LYON CEDEX 01

Représentée par Me Grégoire HALPERN (avocat au barreau de PARIS)
COMP...

RG N° 07/00867
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU MERCREDI 17 SEPTEMBRE 2008
Appel d'une décision (N° RG 06/00106) rendue par le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE en date du 25 janvier 2007 suivant déclaration d'appel du 27 Février 2007

APPELANT :

Monsieur Roger X... ...38000 GRENOBLE

Comparant et assisté par Me Jérôme SOLAL (avocat au barreau de PARIS)
INTIMÉE :
La Société ALPINE DE PUBLICATIONS prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège DPE/SAP 9, rue de l'Arbre-Sec 69281 LYON CEDEX 01

Représentée par Me Grégoire HALPERN (avocat au barreau de PARIS)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre, Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, Monsieur Eric SEGUY, Conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 02 Juillet 2008, Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie (s).

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 17 Septembre 2008.
L'arrêt a été rendu le 17 Septembre 2008.
La SOCIETE ALPINE DE PUBLICATION (SAP) a été constituée en mai 1981. Roger X... en était le dirigeant et le directeur de publication.
Cette société édite ou éditait la Revue générale de sécurité, périodique issu de la fusion de plusieurs parutions dont Roger X... était directeur de publication dans le cadre d'activités salariales qu'il avait auparavant exercées depuis le 1er juin 1979 dans une autre entreprise de presse d'information spécialisée, la Société des Presses alpines (SOPRAL).
Le capital social de la société SAP a été acquis le 8 mars 1999 par la société MILLER FREEMAN ORGANISATION, filiale du groupe MILLER FREEMAN, et un contrat de travail à temps partiel (17 heures de travail hebdomadaire) a été conclu avec Roger X..., à la même date, pour les fonctions de " directeur des rédactions ", avec reprise d'ancienneté en qualité de journaliste salarié depuis 1981.
Le 8 mars 1999, un autre contrat de travail à temps partiel (18 heures hebdomadaires) et à durée indéterminée, visant à l'origine les dispositions de la convention collective des entreprises de la publicité et assimilées, puis ensuite celle des cabinets d'études, a été conclu entre Roger X... et la société MILLER FREEMAN ORGANISATION pour les fonctions de directeur de département, catégorie cadre, chargé d'assurer la direction et la coordination de plusieurs revues relatives au secteur de l'environnement et notamment les équipes commerciales et de promotion.
Le groupe MILLER FREEMAN a été cédé au groupe REED ELSEVIER en 2000.
Le contrat de travail de directeur de département entre Roger X... et la société MILLER FREEMAN, qui s'était poursuivi avec la société REED ORGANISATION, filiale de REED EXPOSITION FRANCE (REF), a été rompu et Roger X... a été licencié pour motif économique le 21 janvier 2005 avec un préavis de 3 mois.
En effet, le groupe REF avait décidé de se désengager de ses activités dans la presse professionnelle et avait cédé le 17 décembre 2004 sa filiale SAP à la société DPE Editions dont le siège est à Lyon et qui l'a acquise par fusion.
Le 7 janvier 2005, le gérant de DPE EDITIONS, Frédéric C..., devenu président de la société SAP, a informé Roger X... que ce rachat entraînait les effets d'une cession de périodique, au sens de l'article L. 761-7 du code du travail.
Les activités de la société SAP ont été transférées de GRENOBLE à LYON.
Par lettre datée du 12 mars 2005, Roger X... a informé son employeur de son intention de cesser sa collaboration et a revendiqué le bénéfice de la clause de cession prévue à l'article L. 761-7 1° du même code.
A la même date, il a saisi la commission arbitrale des journalistes prévue à l'article L. 761-5 du même code, aux fins de fixation de son indemnité de congédiement sur la base d'une ancienneté qu'il estimait supérieure à 15 années.
Il a effectué son préavis jusqu'au 3 mai 2005 ou au 15 mai 2005, selon les parties.
La société SAP a refusé de lui verser des indemnités légales de rupture, considérant qu'il avait pris acte de la rupture de son contrat de travail avec effet du 3 mai 2005 et que cette décision emportait les effets d'une démission.
Par sentence du 29 novembre 2005, la commission arbitrale des journalistes a sursis à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction de droit commun sur les difficultés liées à la nature des fonctions exercées par Roger X... et à son ancienneté.
C'est dans ce contexte que Roger X... a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble, le 30 janvier 2006, d'une demande aux fins de fixation de son ancienneté comme journaliste pour le calcul de cette indemnité de congédiement et aux fins de paiement de divers rappels à caractère salarial, dont un rappel de prime conventionnelle d'ancienneté dans les limites de la prescription.
Par jugement du 25 janvier 2007, le conseil, ne retenant une ancienneté dans la profession de journaliste qu'à compter du 8 mars 1999, a fixé son salaire à 5. 308, 18 €, a condamné la société SAP à lui verser les sommes suivantes, avec intérêts à compter du 1er février 2006 :- indemnité de congédiement mais seulement sur la période du 8 mars 1999 à la fin de son contrat de travail : 38. 674, 58 €,- rappels de salaire du 3 au 15 mai et de prorata de 13e mois : 863, 19 €,- frais de déplacements : 551, 95 €,- indemnité pour frais irrépétibles : 1. 000 €.

Le conseil l'a débouté du surplus de ses demandes et a condamné la société SAP aux dépens.
Roger X... a relevé appel le 27 février 2007.
Il demande à la cour de confirmer le constat que la rupture de son contrat de travail résulte de l'exercice de son droit de résiliation en raison de la cession de la société SAP à la société DPE, de confirmer les dispositions du jugement sur l'indemnité de congédiement et le rappel de salaire mais de l'infirmer pour le surplus, de fixer le point de départ de son ancienneté au 1er janvier 1981, de condamner son ancien employeur à lui verser :

- rappel de salaire et d'accessoires : 12, 59 € (en reprochant aux premiers juges une erreur de calcul), - rappel de prime d'ancienneté conventionnelle pour les années 2000 à 2004 : 13. 245, 06 € outre congés payés afférents, - dommages et intérêts pour résistance abusive et vexatoire : 10. 000 €, provision à valoir sur l'indemnité de congédiement qui lui sera allouée par la commission arbitrale : 79. 622 €, soit l'équivalent de 15 mois de salaire, indemnité pour frais irrépétibles : 4. 000 €, et de le renvoyer devant cette commission arbitrale pour fixation de son indemnité.

La société SAP demande à la cour d'infirmer ce jugement, de débouter Roger X... de ses prétentions, subsidiairement de confirmer que son ancienneté ne remonte qu'à 1999, plus subsidiairement de calculer le montant de son indemnité de licenciement conformément aux dispositions de droit commun de l'article R. 1234-2 du code du travail et de condamner l'appelant au paiement d'une indemnité de 5. 000 € au titre des frais irrépétibles.
Elle conteste avoir eu l'intention de se séparer de Roger X... au moment de la fusion avec la société DPE. Elle estime que la clause contractuelle de reprise d'ancienneté se heurtait, d'une part, aux dispositions d'ordre public du statut de journaliste, qui en restreint le bénéfice aux seules personnes répondant à la définition de l'article L. 7111-3 et -5 du même code et, d'autre part, aux dispositions de l'article 1128 du code civil.
Elle conteste en particulier l'exercice effectif de la profession de journaliste par Roger X... de 1981 à 1999, invoquant l'absence de tout lien de subordination, l'absence de preuve de la délivrance de la carte de journaliste, l'absence de preuve de l'exercice de fonctions techniques distinctes de celles propres au gérant et l'absence de versement d'un salaire distinct de la rémunération perçue en qualité de mandataire social. Elle invoque le fait que la qualité de directeur de la publication l'emportait sur celle de journaliste professionnel.
Subsidiairement, l'intimée soutient que Roger X... avait renoncé à percevoir une indemnité de congédiement pour une période antérieure au 9 mars 1999.
Elle reprend ces mêmes moyens pour s'opposer à la demande présentée au titre de la prime d'ancienneté conventionnelle. Elle fait observer plus subsidiairement que le salaire contractuel étant très largement supérieur aux minima conventionnels, il incluait nécessairement la prime litigieuse.
Sur quoi :
- Sur la nature des fonctions exercées par Roger X... et sur le statut revendiqué de journaliste professionnel :
Attendu que Roger X... prétend que, depuis la création de la Revue générale de sécurité dont le premier numéro avait paru en février 1981, il avait, en plus de ses fonctions de direction générale, exercé une activité journalistique au sens de l'article L. 761-2 du code du travail en ayant apporté une collaboration intellectuelle permanente dans le cadre de fonctions à la tête des rédactions des revues éditées successivement ou simultanément par la société SAP ou ses filiales, à savoir les titres Revue générale de sécurité (10 numéros annuels), Préventique (6 numéros annuels), Sécurité (10 numéros annuels), Environnement et Technique (10 numéros annuels), " Déchets sciences et techniques " (4 numéros annuels) outre deux publications sur l'internet ;
Qu'il revendique l'exercice pratique ininterrompu des fonctions de directeur de la rédaction et/ou de rédacteur en chef depuis 1981 jusqu'au mois de mai 2005, terme de son préavis, de ces diverses revues éditées d'abord par la SOPRAL puis par la SAP ;
Qu'il expose en particulier avoir été l'auteur ou le rewriter de tous les textes non signés parus dans ces publications, avoir été l'auteur des articles parus sous son nom ou sous divers pseudonymes dont ceux de " Louis A... " ou de " Julien B... " se rattachant à sa famille où à son département d'origine, avoir fixé les sommaires avec ses collaborateurs journalistes, avoir entretenu un réseau de pigistes extérieurs à la rédaction, avoir validé seul les articles avant publication et déterminé leur ordre de placement dans les publications, avoir occupé généralement le poste de secrétaire de rédaction ;
Qu'il fait observer que cette qualité de journaliste lui avait été précisément reconnue par le dirigeant du groupe MILLER FREEMAN ORGANISATION qui lui avait consenti, lors du premier rachat de la société SAP, un contrat de travail de journaliste avec reprise d'ancienneté depuis 1981 ;
Qu'il fait aussi valoir que ses fiches de paye, y compris depuis la fusion avec la société DPE Editions, comportaient comme date d'ancienneté le 1er janvier 1981 ;
Attendu qu'en application de l'article L. 761-2 du code du travail, " le journaliste est celui qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques ou dans une ou plusieurs agences de presse et qui en titre le principal de ses ressources " ;
Que l'exercice de la profession de journaliste suppose ainsi notamment l'existence d'un lien de subordination et le versement d'un salaire ;
Attendu que la société SAP, à l'origine une SARL, a été constituée le 1er mai 2001 et immatriculée le 6 mai 1981 ;
Qu'antérieurement, Roger X... était salarié de la société SOPRAL mais qu'il ne justifie pas que la qualité de journaliste lui avait été reconnue au titre de ses activités au sein de cette entreprise ;
Attendu que les extraits des délibérations des assemblées générales de la société SAP, constituée entre Roger X... (100 parts sur 200) et deux membres de sa famille (Marie-Hélène X... 80 parts et Simone X... 20 parts), font apparaître que Roger X... en était le gérant majoritaire ;
Qu'à partir de 1990, le capital social a été augmenté mais que Roger X... est resté détenteur de 250 parts sur 500 ; que cette situation est demeurée inchangée même lorsque d'autres associés, dont certains sans lien de parenté ou d'alliance avec eux, ont succédé aux fondateurs ;
Que cette société est devenue une société anonyme ; mais que le 21 mai 1993 Roger X... en a été nommé président du conseil d'administration et l'est resté ; que lors de délibération du même 21 mai 1993, le conseil d'administration a décidé de fixer à 10. 000 francs sa rémunération de président et de maintenir sa rémunération " en qualité de directeur salarié de publications " ;
Attendu qu'il résulte des procès-verbaux des délibérations des assemblées des porteurs de parts ou associés de la SAP que deux rémunérations mensuelles distinctes ont été versées à Roger X... en application des résolutions annuelles, d'une part pour ses fonctions de gérant, d'autre part pour son activité de directeur de publication outre, certaines années, un intéressement sur le chiffre d'affaires et/ou des primes de gérant ;
Attendu que l'analyse de ces délibérations, reprises dans les conclusions déposées par la société SAP au soutien de ses observations orales, fait bien apparaître que les rémunérations versées en plus de celles de gérant ou de président de la société l'ont été au titre de directeur de la publication et non au titre d'une activité spécifique de directeur de la rédaction ou de journaliste professionnel ;
Que les seuls bulletins de salaire portant la mention de " directeur des rédactions " produits par Roger X... ne remontent qu'à octobre 1998, peu de temps avant la cession ou la fusion intervenue en mars 1999 ;
Attendu qu'en raison de ses attributions de gérant puis de président du conseil d'administration de la société SAP, Roger X..., porteur de la moitié des parts de la société avait donc, jusqu'à sa démission de ses fonctions d'administrateur le 8 mars 1999, une totale indépendance dans l'exercice des fonctions invoquées par lui à l'appui de la reconnaissance d'un contrat de travail de journaliste ;
Attendu que s'il a pu exercer les activités confondues de directeur de la rédaction et de rédacteur de la publication pour chacune des revues éditées successivement ou simultanément pendant la période en litige, l'activité de directeur de la publication l'emporte sur celle de directeur de la rédaction ;
Qu'il fait valoir que ces attributions administratives n'occupaient qu'une faible partie de son temps, qu'il était secondé dans ces tâches par d'autres personnes ; mais que la société intimée réplique que c'était Roger X... qui était mentionné non seulement comme directeur de la rédaction mais aussi comme directeur de la publication dans l'ours des titres de la SAP pendant la période litigieuse ;
Attendu que Roger X... ne produit pas de carte d'identité de journaliste professionnel antérieure à 1999 ;

Attendu que Roger X... produit en revanche un récapitulatif depuis 1981 jusqu'à 2005 de ses revenus de mandataire social et de ses salaires qu'il attribue à une activité de journaliste, récapitulatif qui fait apparaître que durant deux années (1995 et 1997), son salaire a été inférieur à la rémunération de son mandat de président (24. 849 euros contre 88. 864 euros, 49. 012 euros contre 50. 500 euros) ;

Que cette rémunération de directeur de publication(s) n'a donc pas toujours constitué le principal de ses ressources pendant la période en litige ;
Qu'au demeurant, Roger X... a tiré le principal de ses ressources non pas d'une activité de journaliste ou de directeur ou de responsable de la rédaction, mais bien de directeur de la publication ;
Attendu que le contrat de travail de 1999 contenait les clauses suivantes :
" article 10 - ancienneté : dans le cadre du présent contrat, la qualité de journaliste salarié est reconnue à M. X... depuis 1981 et se poursuit à compter de ce jour ",
" article 11 - cession : Les parties conviennent expressément que ne constituent pas une cession au sens de l'article L 761-7 du Code du Travail, toute modification de la structure juridique de la société ou un changement de société, dès lors que le groupe MILLER FREEMAN, actionnaire principal à ce jour, continuera de détenir, directement ou indirectement, la majorité du capital " ;
Attendu qu'il était contradictoire, dans le cadre des conventions conclues entre Roger X... et le groupe MILLER FREEMAN au moment de la cession de tout le capital de la société SAP ou en tout cas de sa majorité à ce groupe, de prévoir d'une part une clause de reprise d'ancienneté d'une prétendue qualité de journaliste depuis 1981, donc depuis 18 ans avant la cession et de prévoir d'autre part une clause contractuelle d'exclusion de la faculté, pour ce même prétendu journaliste, de la possibilité d'opposer la clause de cession au groupe MILLER FREEMAN ;
Que ces clauses contractuelles étaient incompatibles entre elles au regard du statut d'ordre public des journalistes professionnels, qui empêche précisément au journaliste de renoncer à ses droits, l'invocation du bénéfice de la clause de cession n'étant d'ailleurs enfermé dans aucun délai ;
Qu'un article de doctrine, produit par l'appelant (in revue Légipresse, mai 2005, commentant l'arrêt de la Cour de Cassation du 30 novembre 2004 Luxey c. Radio Monte Carlo) rappelle que la clause de cession est généralement garantie par le vendeur, ce qui revient à considérer que si cet article 11 n'avait pas été introduit, Roger X... aurait financé sur le produit de la vente de ses actions le coût de sa propre clause de cession ;
Qu'en réalité, la coexistence de ces deux dispositions conventionnelles démontre le caractère purement fictif de l'ancienneté reconnue à Roger X... par les nouveaux dirigeants de la société SAP le 8 mars 1999 dans le prétendu exercice antérieur de la profession de journaliste ;
Attendu que, quels que soient les exemples d'articles de presse et les témoignages que Roger X... produit devant la cour au soutien de ses demandes, la société SAP démontre l'absence de lien réel de subordination pour la période antérieure au 8 mars 1999 et détruit la présomption de subordination résultant de l'article L. 761-2 ;
Attendu que si un rappel de prime pour janvier 2005 et des primes d'ancienneté dans l'entreprise et la profession ont été payées à partir de février 2005, apparemment sur la base d'une ancienneté de 20 ans selon le décompte reconstitué par le salarié, cette circonstance ne peut être considérée comme une reconnaissance non équivoque par l'employeur d'une même ancienneté de 20 ans dès lors que ces versements ne sont intervenus que suite à une demande formulée le 24 janvier 2005 par le salarié et que dès lors aussi que, dès le 26 janvier 2005, F. C... avait contesté cette revendication en invoquant le fait que Roger X... était dirigeant de l'entreprise jusqu'en 1999 et qu'il avait pris ensuite le statut de salarié ;
- Sur l'application de la clause de cession :
Attendu que le contrat de travail pour les fonctions de directeur des rédactions, coefficient 185 niveau VII conclu à compter du 8 mars 1999 et pour une durée indéterminée avec la société SAP, à temps partiel sur la base d'une durée mensuelle de 73, 66 mensuelles visait expressément la convention collective des journalistes ;
Qu'il attribuait à Roger X... les fonctions suivantes : "... chargé, sous l'autorité du directeur de publication... des revues détenues par la société SAP et de diriger l'équipe rédactionnelle " ;
Attendu que pour cette activité exercée par Roger X... à compter du 8 mars 1999, l'employeur ne détruit pas la présomption ;
Que Roger X... était bien fondé à invoquer les dispositions de l'article L. 761-7 1° du code du travail dès lors que la résiliation de son contrat de travail sur son initiative était motivée par la cession du périodique ;
Que même si la société qui exploitait ce périodique proteste maintenant qu'elle n'avait jamais eu l'intention de se séparer de ce salarié, son président Frédéric C... lui avait notifié personnellement, le 7 janvier 2005, que le rachat du capital de la société SAP par la SARL DPE au 17 décembre 2004 " entraîne les effets d'une cession de périodique au sens de l'article L. 761-7 " et avait donc reconnu que les conditions d'application des dispositions ci-dessus étaient réunies ;
Que dans sa lettre du 12 mars 2005 où il annonçait la cessation de sa collaboration, Roger X... revendiquait d'ailleurs expressément le bénéfice de la clause statuaire, ce qui ne peut être considéré comme une prise d'acte de la rupture ou comme une démission claire et non équivoque, même s'il expliquait les motifs de sa décision par une prétendue limitation de son temps de travail à un mi-temps et par un prétendu isolement physique consécutif à un transfert progressif des services de la société à Lyon où il reprochait à l'employeur de ne l'avoir pas invité ;
Que c'est donc à tort que la société SAP a refusé de lui verser l'indemnité légale de congédiement et que c'est également à tort qu'elle a considéré que Roger X... avait pris acte de la rupture de son contrat de travail avec effet du 3 mai 2005 et que cette décision emportait les effets d'une démission (lettre du 18 mai 2005 de Frédéric C...) ;
Attendu qu'au surplus, dans sa sentence du 29 novembre 2005, la commission arbitrale des journalistes a relevé que la rupture du contrat de travail ne résultait pas de la démission mais de l'exercice par l'intéressé du droit de résiliation que lui offre la loi à la suite de la cession ;
Que c'est donc à bon droit que le conseil de prud'hommes a jugé que Roger X... pouvait revendiquer le versement d'une indemnité de congédiement pour la période postérieure au 8 mars 1999 ;
Attendu que Roger X... a exercé une activité de journaliste depuis le 8 mars 1999 ; que la rupture est intervenue le 15 mai 2005 comme expliqué ci-après ;
Attendu que l'indemnité statutaire de congédiement ne peut être inférieure à la somme représentant un mois des derniers appointements, par année ou fraction d'année de collaboration, le maximum des mensualités étant fixé à quinze ;
Que Roger X... est bien fondé à obtenir le versement d'une provision de 6 ans (et non pas 7 ans comme retenu par le conseil de prud'hommes) X 5. 308, 18 euros + 2 / 12 de 5. 308, 18 euros = 31. 849, 08 + 884, 70 = 32. 733, 78 euros ;
- Sur le rappel de salaire du 4 au 15 mai 2005 :
Attendu que l'employeur fait valoir que le dernier jour travaillé avait été le 3 mai 2005 ;
Mais attendu que les lettres des 21 mars et 20 avril 2005 du salarié font apparaître que Roger X... avait seulement demandé que ses heures de travail consacrées à la recherche d'un emploi soient regroupées en fin de préavis afin de quitter l'entreprise le 3 mai ;
Que Roger X... ayant notifié son intention de bénéficier de la clause de cession par lettre recommandée datée du 12 mars 2005, dont la date d'envoi n'est pas lisible sur la preuve de dépôt mais qui été présentée le 15 mars 2005 à l'employeur, le terme de la relation contractuelle est bien le 15 mai 2005 compte tenu du délai de préavis de deux mois prévu à l'article L. 761-4 ;
Que le rappel de salaire s'établit donc à 734, 92 €, outre 61, 24 € de prorata de 13e mois et les congés payés afférents, à savoir 79, 62 €, soit en tout 875, 78 euros ;
- Sur le remboursement de frais :
Attendu que la société SAP a retenu sur le dernier salaire une somme de 551, 95 euros au titre de remboursement de frais de location de garage personnel, d'abonnement et de facture de téléphone portable, de facture d'essence pour les mois de janvier à avril 2005, en faisant valoir que la charge de ces frais n'incombait à la SAP " contrairement à la pratique que vous avez instituée " ;
Qu'en réalité l'employeur avait remis en cause le 15 février 2005 la pratique antérieure relative au véhicule de société dont Roger X... avait l'usage également à titre personnel et l'employeur évoquait un futur retrait de ce véhicule ; qu'il s'agit d'une modification d'un avantage acquis, laquelle ne pouvait intervenir sans l'accord de l'intéressé ;
Attendu que dans le même message du 15 février 2005, le président de la SAP avait indiqué que le système actuel du téléphone portable ne " posait pas de problème jusqu'au terme du préavis " ;
Que Roger X... est donc fondé à réclamer en outre, sur demande nouvelle en cause d'appel, le remboursement de 275, 25 euros de frais de téléphone portable, suivant factures, pour une période antérieure au 15 mai 2005 ;
- Sur le rappel de prime d'ancienneté :
Attendu que l'article 3 du contrat de travail à temps partiel du 8 mars 1999 avec la SAP stipulait qu'en contrepartie de ses fonctions, une rémunération brute forfaitaire annuelle de 360. 000 francs sera versée à Roger X... en 13 mensualités ; qu'aucune disposition contractuelle ne prévoyait que le salarié avait expressément consenti à ce que les primes d'ancienneté prévues par la convention collective nationale de travail des journalistes soient intégrées dans son salaire, quelle que soit l'importance de celui-ci par rapport aux minima conventionnels, ni que les parties avaient conclu une convention de forfait ;
Que les dispositions du jugement sur cette question seront donc infirmées ;
Qu'en fonction des barèmes minima des traitements, ramenés sur la base du temps de travail effectif de l'intéressé et compte tenu du 13e mois, Roger X..., qui a réuni 5 années d'ancienneté le 8 mars 2004, peut prétendre pour la période du 8 mars 2004 au 31 décembre 2004 dans les limites de sa réclamation sur le fondement de l'article 23 de la convention collective, à la somme de 596, 22 euros outre 59, 62 euros de congés payés afférents, au titre de la prime d'ancienneté dans la profession en qualité de journaliste (3 % pour 5 années d'exercice) et de la prime d'ancienneté dans l'entreprise en cette même qualité (2 % pour cinq années de présence) ;
Attendu que Roger X... ne justifie pas de l'existence du préjudice qu'il invoque au soutien de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et vexatoire ;
Attendu que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens et frais irrépétibles en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Roger X... de sa demande de rappel de primes d'ancienneté ;
Statuant à nouveau, condamne la SOCIETE ALPINE DE PUBLICATION à verser à Roger X... les sommes de 596, 22 euros au titre de rappel de primes d'ancienneté dans la profession et dans l'entreprise pour l'année 2004 et de 59, 62 euros au titre des congés payés afférents ;
Confirme les autres dispositions de ce jugement sauf :- à réduire à 32. 733, 78 euros le montant de la provision d'indemnité de congédiement,- à porter à 875, 78 euros le montant du rappel de salaire et d'accessoires, mis à la charge de la société SAP, le tout avec intérêts à compter du 1er février 2006 ;

Y ajoutant, condamne la SOCIETE ALPINE DE PUBLICATION à verser à Roger X... la somme de 275, 23 euros au titre de remboursement de frais professionnels ;
Renvoie Roger X... devant la commission d'arbitrage des journalistes pour fixation de son indemnité de congédiement ;
Déboute Roger X... et la société SAP de leurs autres prétentions ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens et de ses frais irrépétibles en cause d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
Signé par Monsieur DELPEUCH, président, et par Madame VERDAN greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ct0269
Numéro d'arrêt : 07/00867
Date de la décision : 17/09/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Grenoble, 25 janvier 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.grenoble;arret;2008-09-17;07.00867 ?
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