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02/05/2024 | FRANCE | N°22/01964

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 02 mai 2024, 22/01964


C 9



N° RG 22/01964



N° Portalis DBVM-V-B7G-LL2V



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET



la SELARL LEXAVOUE [Localité 5] - CHA

MBERY

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 02 MAI 2024





Appel d'une décision (N° RG 19/00070)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de grenoble

en date du 21 avril 2022

suivant déclaration d'appel du 19 mai 2022





APPELANTE :



Madame [I] [E]

née le 07 Juin 1972 à [Localité 5]

de nationali...

C 9

N° RG 22/01964

N° Portalis DBVM-V-B7G-LL2V

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET

la SELARL LEXAVOUE [Localité 5] - CHAMBERY

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 02 MAI 2024

Appel d'une décision (N° RG 19/00070)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de grenoble

en date du 21 avril 2022

suivant déclaration d'appel du 19 mai 2022

APPELANTE :

Madame [I] [E]

née le 07 Juin 1972 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Laure GERMAIN-PHION de la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

S.A.S. GE HYDRO FRANCE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me Bérangère DE NAZELLE, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

M. Jean-Yves POURRET, Conseiller,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 mars 2024,

Frédéric BLANC, conseiller faisant fonction de président chargé du rapport et Jean-Yves POURRET, conseiller, ont entendu les parties en leurs conclusions, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 02 mai 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 02 mai 2024.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [I] [E] a été embauchée par la société Alstom Hydro France, devenue la société par actions simplifiée GE Hydro France, en qualité de technical tendering engineer, statut cadre, au sein de l'établissement de [Localité 5] selon contrat à durée indéterminée du 14 février 2012.

Au dernier état de la relation contractuelle, elle exerçait les fonctions de système intégrateur position II, indice 130 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie en contrepartie d'une rémunération brute mensuelle à hauteur de 4314,00 euros.

Le 26 décembre 2017, la société GE Hydro France a présenté à la DIRECCTE une demande d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi.

Le 12 janvier 2018, la DIRECCTE a refusé d'homologuer le document unilatéral au motif que les définitions des catégories professionnelles ne lui paraissaient pas assez précises.

Le 26 février 2018 Mme [E] a été placée en arrêt maladie sans discontinuité.

Le 22 mai 2018, un accord collectif sur le plan de sauvegarde de l'emploi a été conclu avec l'ensemble des organisations syndicales représentatives de la société.

Ledit accord a fait l'objet d'une homologation par la DIRECCTE le 1er juin 2018.

Le 11 juin 2018, a débuté la phase de départs volontaires en application de cet accord.

Le 22 juin 2018, Mme [E] a déposé une candidature au départ volontaire dans le cadre du PSE (création ou reprise entreprise).

Le 28 juin 2018, le cabinet Ergonomia a remis les conclusions de son rapport d'expertise préconisant un accompagnement des salariés dans le cadre de la nouvelle organisation post plan de sauvegarde de l'emploi, une vigilance accrue sur les risques psychosociaux ainsi qu'un accompagnement des salariés qui quittent la société dans le cadre dudit plan.

Le 05 juillet 2018, l'employeur, visant l'avis de la commission de suivi, a écrit à Mme [E] pour lui indiquer que sa candidature a été rejetée en regard de l'application des critères d'ordre.

En novembre 2018, Mme [E] a sollicité une rupture conventionnelle auprès de son employeur qui s'y est opposé.

Le 21 décembre 2018, Mme [E] a adressé un email à la direction des ressources humaines de la société intitulée 'point sur ma situation' dans lequel elle s'est plainte du fait que ses conditions de travail étaient à l'origine de la dégradation de son état de santé.

Le 23 janvier 2019, Mme [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur.

La Cpam de l'Isère a accordé à compter du 01er mai 2020 à Mme [E] une pension d'invalidité de catégorie 2.

Le 20 juillet 2020 dans le cadre d'une visite de reprise, la salariée a été déclarée inapte au poste de travail par le médecin du travail qui a dispensé l'employeur de son obligation de reclassement au motif que l'état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Par lettre du 29 juillet 2020, la société GE Hydro France a informé Mme [E] de l'impossibilité de procéder à son reclassement.

Par lettre du 06 août 2020, Mme [E] a été convoquée à un entretien préalable prévu le 25 août 2020.

Par courrier du 27 août 2020, la société GE Hydro France a notifié à Mme [E] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

La société GE Hydro France s'est opposée aux prétentions adverses.

Dans le dernier état de ses prétentions, Mme [E] a sollicité à titre principal, la résiliation judiciaire de son contrat de travail se prévalant d'une exécution fautive du contrat de travail ainsi que d'un manquement de l'employeur à son obligation de prévention et de sécurité et subsidiairement, que son licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse. Elle a également conclu au débouté de la demande reconventionnelle adverse.

La société GE Hydro France s'est opposée aux prétentions de la salariée et a sollicité à titre reconventionnel, le remboursement d'un trop perçu sur le solde de tout compte s'agissant du paiement de l'indemnité spéciale de licenciement et de l'indemnité équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis.

Par jugement du 21 avril 2022, le conseil de prud'hommes de Grenoble a':

- dit que la société GE Hydro France n'a pas manqué à ses obligations découlant du contrat de travail,

- dit que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement est parfaitement fondé,

- débouté Mme [I] [E] de l'intégralité de ses demandes,

- dit que le solde de tout compte réglé en septembre 2020 résulte d'une erreur qui n'est pas créatrice de droit

- condamné Mme [I] [E] à verser à la société GE Hydro France les sommes suivantes':

10614,12 euros net au titre de l'indemnité de licenciement doublée par erreur

5248,25 euros net au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

Lesdites sommes avec intérêts de droits à compter du 12 mai 2021

- rappelé que les sommes à caractère salariale bénéficient de l'exécution provisoire de droit, nonobstant appel et sans caution, en application de l'article R 1454-28 du code du travail dans la limite de 9 mois de salaire,

- limité à ces dispositions l'exécution provisoire du présent jugement,

- débouté la société GE Hydro France de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que chaque partie conservera à sa charge ses propres dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception distribués le 24 avril 2022 pour la société GE Hydro France et à une date illisible pour Mme [E].

Par déclaration en date du 19 mai 2022, Mme [E] a interjeté appel.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 17 février 2023 auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [E] sollicite de la cour de':

Vu l'article 1222-1 du code du travail,

Vu l'article L4121-1 du code du travail,

Vu les articles 1217 du code civil,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces versées aux débats,

REFORMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la SAS GE Hydro France de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau,

JUGER que la société GE Hydro France a manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail,

JUGER que la société GE Hydro France a manqué à son obligation de sécurité et de prévention,

En conséquence,

A titre principal,

PRONONCER la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [E],

A titre subsidiaire,

JUGER le licenciement de Mme [E] pour inaptitude et impossibilité de reclassement notifié par courrier en date du 27 août 2020 dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

CONDAMNER la société GE Hydro France à verser à Mme [E] les sommes suivantes:

- 10 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, - 15 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat,

- 12 942 brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 294,20 euros brut au titre des congés payés afférents,

- 10 614,12 euros net à titre de solde d'indemnité spéciale de licenciement,

- 45 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DEBOUTER la société GE Hydro France de l'intégralité de ses demandes.

CONDAMNER la société GE Hydro France à verser à Mme [E] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER la même aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 18 octobre 2023, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la société GE Hydro France sollicite de la cour de':

Vu les articles 6, 9, 122, 561, 564, 700, 910-4, 954 du code de procédure civile,

Vu les articles L 1226-4 al.3, L 1235-3, L 1235-7-1 et L 1471-1 du code du travail,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces versées aux débats,

À TITRE PRINCIPAL :

DECLARER irrecevable la nouvelle demande au titre d'un solde d'indemnité spéciale de licenciement;

CONFIRMER le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble du 21 avril 2022 ;

En conséquence :

DEBOUTER Mme [E] de l'ensemble de ses demandes ;

CONDAMNER Mme [E] au paiement des sommes suivantes à la société GE Hydro France en restitution du trop-perçu de solde de tout compte :

- 10.614,12 euros net au titre de l'indemnité de licenciement doublée par erreur ;

- 5.248,25 euros net au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

CONDAMNER Mme [E] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dpens.

À TITRE SUBSIDIAIRE :

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

LIMITER le montant des dommages et intérêts à de plus justes proportions ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité

LIMITER le montant des dommages et intérêts à de plus justes proportions ;

Sur les demandes au titre de la rupture du contrat de travail

Si par extraordinaire, la cour devait faire droit à la demande de résiliation judiciaire, il lui est demandé de bien vouloir :

LIMITER le montant des condamnations aux sommes suivantes :

- indemnité compensatrice de préavis : 12.942 euros brut ;

- congés payés afférents : 1294,20 euros ;

- indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse : 12.942 euros ;

DEBOUTER Mme [E] du surplus de ses demandes.

Si par extraordinaire, la cour devait juger à titre infiniment subsidiaire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, il lui est demandé de bien vouloir :

LIMITER le montant des condamnations aux sommes suivantes :

- indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse : 12.942 euros ;

DEBOUTER Mme [E] du surplus de ses demandes.'

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 14 décembre 2023.

L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 06 mars 2024, a été mise en délibéré au 02 mai 2024.

EXPOSE DES MOTIFS':

Sur la fin de non-recevoir au titre de la demande alléguée comme nouvelle':

Mme [E] qui a perçu, en cours de procédure contentieuse, sur initiative de son employeur lors de son licenciement une indemnité de licenciement correspondant au double de l'indemnité légale, n'avait certes pas demandé la condamnation de la société GE Hydro France à lui verser la somme de 10614,12 euros net à titre de reliquat de l'indemnité spéciale de licenciement devant le conseil de prud'hommes.

Toutefois, il ne saurait s'agir d'une demande nouvelle à hauteur d'appel au sens de l'article 564 du code de procédure civile dans la mesure où la société GE Hydro France a obtenu des premiers juges la condamnation de Mme [E] à lui rembourser cette somme qu'elle a dit avoir réglée par erreur, étant observé que la salariée n'aurait pas été fondée à solliciter la condamnation de son employeur à lui verser une somme qu'il lui avait déjà payée indépendamment du contentieux en cours sur la résiliation judiciaire du contrat.

Or, Mme [E], qui n'a certes pas à solliciter particulièrement le remboursement d'une somme réglée en exécution du jugement entrepris par provision dès lors que l'arrêt d'appel constitue en soi un titre exécutoire permettant une telle restitution de sorte que sa demande de condamnation est superfétatoire, sollicite bien, par réformation du jugement entrepris, le débouté des demandes reconventionnelles formées par la société GE Hydro France, notamment au titre de l'indemnité de licenciement'; ce que lui permet expressément l'article 564 précité.

Il s'ensuit qu'il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la société GE Hydro France à raison d'une demande nouvelle alléguée à hauteur d'appel de Mme [E] au titre de l'indemnité spéciale de licenciement.

Sur l'exécution fautive du contrat de travail, le défaut d'adaptation au poste et la mauvaise exécution du plan de sauvegarde de l'emploi':

Premièrement, l'article L 1222-1 du code du travail énonce que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Il appartient en principe au salarié se prélavant d'une exécution fautive et/ou déloyale par son employeur dudit contrat d'en rapporter la preuve.

Deuxièmement, l'article L 6321-1 du code du travail dispose que':

L'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail.

Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.

Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de développement des compétences mentionné au 1° de l'article L. 6312-1. Elles peuvent permettre d'obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l'acquisition d'un bloc de compétences.

L'employeur supporte la charge de la preuve qu'il a rempli son obligation d'adaptation au poste.

Troisièmement, sauf engagement de l'employeur de s'y soumettre, celui-ci n'est pas tenu de mettre en oeuvre les dispositions légales ou conventionnelles relatives à l'ordre des licenciements lorsque la rupture du contrat de travail pour motif économique résulte d'un départ volontaire du salarié dans le cadre d'un plan de départ volontaire prévu après consultation des institutions représentatives du personnel. (Soc., 1 juin 2017, pourvoi n° 16-15.456, Bull. 2017, V, n° 97).

Pour autant, l'adoption d'un plan de départ volontaire oblige l'employeur (soc., 28 octobre 2015, n 14-15682).

Il appartient à l'employeur de justifier de son refus de faire bénéficier le salarié des dispositions du plan. (Soc.30 mai 2001 n°99-42602'; Soc., 10 mars 2010, n°09-40907'; Soc., 7 juin 2018, pourvoi n°16-28.678).

D'une première part, la société GE Hydro France se prévaut dans la partie discussion de ses conclusions du fait que le moyen au titre de la critique par Mme [E] de son évaluation pour l'année 2015 au soutien de sa demande pour exécution déloyale du contrat de travail est prescrit, précisant bien en page n°8/30 § 8 de ses conclusions d'appel qu'elle ne demande pas la prescription de la demande de dommages et intérêts.

Ce moyen est inopérant dès lors que la société GE Hydro France ne tire pas les conséquences de la prescription qu'elle allègue dans le dispositif de ses conclusions qui seul lie la cour d'appel par application de l'article 954 du code de procédure civile puisque la seule fin de non-recevoir qu'elle soulève a trait à la demande de Mme [E] au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement, qu'elle demande à titre principe la confirmation du jugement entrepris en ce que Mme [E] a été déboutée de toutes ses demandes, en celle nécessairement au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail et à titre subsidiaire, de limiter le montant de la condamnation.

Pour autant, Mme [E] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe par la seule production d'un courriel qu'elle a adressé le 21 décembre 2018 à la responsable RH, Mme [L], du fait que son supérieur hiérarchique aurait voulu lui attribuer de manière injustifiée la note la plus basse lors de son évaluation de l'année 2015 à raison d'un arrêt maladie et de l'obligation dans laquelle se trouvait son supérieur hiérarchique de respecter des quotas lors de l'attribution des notes. L'évaluation professionnelle de l'année 2015 n'est pas même produite aux débats et il n'est pas justifié des échanges allégués par la salariée avec son supérieur à ce sujet.

Ce grief n'est pas retenu.

D'une seconde part, quoique Mme [E] sollicite une prétention indemnitaire unique au titre de l'exécution alléguée comme fautive par son employeur de son contrat de travail, elle développe plusieurs griefs à ce titre dont l'un au titre de l'obligation d'adaptation au poste lors son évolution vers le poste d'ingénieur système intégrateur en mai 2017, dont la preuve du respect incombe à l'employeur.

Il est tout d'abord observé à la suite de la salariée qu'il est indifférent que ce changement de poste ait été opéré à la demande de Mme [E] comme le prétend l'employeur dès lors qu'il ne s'agit aucunement d'une cause d'exonération de l'obligation d'adaptation au poste incombant à ce dernier.

Nonobstant l'attestation de M. [M], un autre salarié ayant intégré cette équipe et le courriel qu'a adressé Mme [E] le 21 décembre 2018 à Mme [L], la société GE Hydro France établit de manière suffisante qu'elle a rempli son obligation d'adaptation au poste lorsque Mme [E] est devenue en mai 2017 ingénieur système intégrateur après avoir occupé de 2012 à 2017 le poste d'ingénieur avant-projet mécanique impliquant plus particulièrement comme nouvelle compétence la gestion budgétaire de projets dans la mesure où la salariée a bénéficié de points réguliers avec son supérieur hiérarchique et qu'elle n'a manifestement rencontré aucune difficulté particulière dans l'accomplissement de ses nouvelles missions à tout le moins concernant les compétences mises en 'uvre au vu du résumé de ses contributions effectuées le 30 janvier 2018 par son supérieur, M. [G], observant son attitude professionnelle, sa bonne adaptation à son nouveau rôle et le fait qu'elle était un très bon élément de l'équipe.

Surtout, l'employeur développe à juste titre d'après le curriculum vitae de Mme [E] que dans ses précédents emplois, cette dernière assumait la gestion budgétaire de projets.

En revanche, l'employeur reste taisant sur le fait que M. [M] et Mme [E] n'ont pas bénéficié de formation au nouveau logiciel Enovia, la circonstance que Mme [E] ait disposé des compétences relatives à la gestion budgétaire ne dispensant pas la société de dispenser une formation aux nouveaux outils spécifiques mis à la disposition de la salariée pour l'exécution de ces missions.

Il s'ensuit un manquement au moins partiel de l'employeur à son obligation d'adaptation au poste.

D'une troisième part, la circonstance que l'employeur ait refusé en novembre 2018 une demande de rupture conventionnelle formulée par la salariée ne saurait être considérée comme une exécution fautive du contrat de travail peu important que Mme [E] ait indiqué dans son courriel précité du 21 décembre 2018 à la responsable des ressources humaines qu'il s'agissait pour elle de mettre fin à sa situation de souffrance au travail, dès lors qu'indépendamment de l'obligation de prévention et de sécurité à laquelle la société GE Hydro France est soumise et qui fait l'objet d'une prétention distincte, les parties sont et doivent être libres d'accepter ou de refuser une rupture conventionnelle.

D'une quatrième part, dans le cadre du plan de départ volontaire contenu dans le plan de sauvegarde de l'emploi résultant d'un accord majoritaire en date du 22 mai 2018, homologué par la DIRRECTE le 01 juin 2018, la société GE Hydro France s'est engagée à appliquer des critères d'ordre inversés (page 15 de l'accord) en cas notamment de concours de candidatures entre plusieurs bénéficiaires directs.

Les critères d'ordre sont énoncés en pages n°10 à 13 de l'accord.

La candidature au départ volontaire direct de Mme [E] formulée le 22 juin 2018 a été refusée le 05 juillet 2018 au motif de l'application des critères d'ordre.

Si la société justifie suffisamment de la liste nominative des personnels ingénieur système ou gestion de programme/de plateforme appartenant à la même catégorie professionnelle que Mme [E] ainsi que du nombre de points attribués et du fait que le plan de départ volontaire ne prévoyait que deux départs volontaires avec trois candidatures déposées, elle ne fournit en revanche pas les éléments qu'elle est seule à détenir permettant de vérifier que la salariée avait bien un nombre de points inférieurs aux deux autres volontaires puisque l'identité de ces deux derniers est ignorée et qu'il n'est pas produit aux débats les justificatifs fournis.

La société GE Hydro France ne saurait prétendre qu'elle n'avait pas à fournir ces éléments au motif qu'il s'agit de données personnelles alors que ceux-ci apparaissent comme déterminants et strictement nécessaires afin de permettre à la cour d'appel de vérifier le respect des critères d'ordre conventionnels entre les trois salariés dans le cadre de la mise en 'uvre du plan de départ volontaire.

L'employeur ne fait en réalité qu'affirmer que la commission de suivi a strictement appliqué les dispositions du PSE.

La société Hydro France justifie en revanche avoir respecté les stipulations relatives à la candidature ultérieure indirecte au départ volontaire qui a fait l'objet d'un refus le 09 octobre 2018 dès lors que l'employeur a publié le 16 juillet 2018 une vacance sur le poste de Mme [E] et que cette dernière, sans inverser la charge de la preuve, ne prétend pas qu'un ou plusieurs candidats auraient répondu à cette offre d'emploi.

Eu égard au fait que l'employeur a au moins en partie manqué à son obligation d'adaptation au poste et ne justifie pas avoir respecté à l'égard de Mme [E] les dispositions du plan de départ volontaire, s'agissant de la candidature directe, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la société GE Hydro France à payer à Mme [E] la somme de 5000 euros net à titre de dommages et intérêts tenant compte du préjudice moral résultant du fait d'avoir dû recourir à un nouveau logiciel sans la moindre formation ainsi que d'avoir fait l'objet d'un refus dans le cadre d'un plan de départ volontaire sans qu'il ne soit justifié par les conditions figurant dans l'accord majoritaire le prévoyant, le surplus de la demande de ce chef étant rejeté.

Sur l'obligation de prévention et de sécurité':

L'employeur a une obligation s'agissant de la sécurité et de la santé des salariés dont il ne peut le cas échéant s'exonérer que s'il établit qu'il a pris toutes les mesures nécessaires et adaptées énoncées aux articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail ou en cas de faute exclusive de la victime ou encore de force majeure.

L'article L4121-1 du code du travail énonce que :

L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et (version avant le 24 septembre 2017: de la pénibilité au travail) (version ultérieure au 24 septembre 2017 : y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1);

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'article L4121-2 du code du travail prévoit que :

L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

L'article L 4121-3 du même code dispose que :

L'employeur, compte tenu de la nature des activités de l'établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l'aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail. Cette évaluation des risques tient compte de l'impact différencié de l'exposition au risque en fonction du sexe.

A la suite de cette évaluation, l'employeur met en oeuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il intègre ces actions et ces méthodes dans l'ensemble des activités de l'établissement et à tous les niveaux de l'encadrement.

Lorsque les documents prévus par les dispositions réglementaires prises pour l'application du présent article doivent faire l'objet d'une mise à jour, celle-ci peut être moins fréquente dans les entreprises de moins de onze salariés, sous réserve que soit garanti un niveau équivalent de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat après avis des organisations professionnelles concernées.

L'article R4121-1 du code du travail précise que :

L'employeur transcrit et met à jour dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l'article L. 4121-3.

Cette évaluation comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l'entreprise ou de l'établissement, y compris ceux liés aux ambiances thermiques.

L'article R4121-2 du même code prévoit que :

La mise à jour du document unique d'évaluation des risques est réalisée :

1° Au moins chaque année ;

2° Lors de toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, au sens de l'article L. 4612-8 ;

3° Lorsqu'une information supplémentaire intéressant l'évaluation d'un risque dans une unité de travail est recueillie.

L'article R4121-4 du code du travail prévoit que :

Le document unique d'évaluation des risques est tenu à la disposition :

1° Des travailleurs ;

(version avant le 1er janvier 2018 : 2° Des membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou des instances qui en tiennent lieu) ; (version après le 1er janvier 2018 : 2° Des membres de la délégation du personnel du comité social et économique)

3° Des délégués du personnel ;

4° Du médecin du travail ;

5° Des agents de l'inspection du travail ;

6° Des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale ;

7° Des agents des organismes professionnels de santé, de sécurité et des conditions de travail mentionnés à l'article L. 4643-1 ;

8° Des inspecteurs de la radioprotection mentionnés à l'article L. 1333-17 du code de la santé publique et des agents mentionnés à l'article L. 1333-18 du même code, en ce qui concerne les résultats des évaluations liées à l'exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants, pour les installations et activités dont ils ont respectivement la charge.

Un avis indiquant les modalités d'accès des travailleurs au document unique est affiché à une place convenable et aisément accessible dans les lieux de travail. Dans les entreprises ou établissements dotés d'un règlement intérieur, cet avis est affiché au même emplacement que celui réservé au règlement intérieur.

6. La loi du 14 juin 2013 a prévu que le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi qui doit être établi en cas de licenciement d'au moins dix salariés sur une période de trente jours est fixé par un accord collectif majoritaire ou, à défaut, par un document élaboré par l'employeur. En vertu de l'article L. 1233-57-1 du code du travail, cet accord ou ce document est transmis à l'autorité administrative pour validation ou homologation. Selon l'article L. 1235-7-1 de ce code, les litiges relatifs à la décision de validation ou d'homologation relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux, sans que l'accord collectif, le document élaboré par l'employeur, le contenu du plan de sauvegarde de l'employeur, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 de ce code ni la régularité de la procédure de licenciement collectif ne puissent faire l'objet d'un litige distinct.

7. En vertu des articles L. 1233-57-2 et L. 1233-57-3 du code du travail, le contrôle de la régularité de la procédure d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel ainsi que des mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi incombe à l'autorité administrative, lors de sa décision de validation ou d'homologation.

8. Dans le cadre d'une réorganisation qui donne lieu à élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'autorité administrative de vérifier le respect, par l'employeur, de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; à cette fin, elle doit contrôler, tant la régularité de l'information et de la consultation des institutions représentatives du personnel que les mesures auxquelles l'employeur est tenu en application de l'article L. 4121-1 du code du travail au titre des modalités d'application de l'opération projetée, ce contrôle n'étant pas séparable de ceux qui sont mentionnés au point 7. Il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître de la contestation de la décision prise par l'autorité administrative.

9. Le juge judiciaire est pour sa part compétent pour assurer le respect par l'employeur de son obligation de sécurité lorsque la situation à l'origine du litige, soit est sans rapport avec le projet de licenciement collectif et l'opération de réorganisation et de réduction des effectifs en cours, soit est liée à la mise en 'uvre de l'accord ou du document ou de l'opération de réorganisation.

(Tribunal des Conflits, 08/06/2020, C4189)

En l'espèce, d'une première part, si l'employeur doit justifier qu'il a mis en place une organisation et des moyens adaptés, Mme [E] ne fait qu'affirmer qu'elle a exercé de mai à juillet 2017 à la fois son poste d'ingénieur mécanique et son nouveau poste d'ingénieur système d'intégrateur'; ce qui ne saurait être déduit du seul silence de l'employeur sur ce point à son courriel précité du 21 décembre 2018, soit plus d'un an après cette période.

Contrairement à ce qu'indique Mme [E], M. [M] n'évoque pas de manière évidente cette situation temporaire de double poste dans son attestation mais décrit ses conditions de travail dans son nouveau poste.

Il n'est dès lors pas retenu de manquement de l'employeur à ce titre, à défaut de base factuelle au titre d'un double poste à titre temporaire.

D'une seconde part, indépendamment de la mise en 'uvre du projet de restructuration économique, alors que Mme [E] s'est expressément plainte de ses conditions de travail mais a encore explicité ses problèmes de santé de manière précise (gonflement des articulations et incident cardiaque) dans un courriel du 21 décembre 2018 à la directrice des ressources humaines notamment depuis son passage à son nouveau poste en juillet 2017 en faisant part de carences managériales, la société Hydro GE France ne verse pas aux débats son document unique d'évaluation des risques professionnels. Il est tout au plus fait état d'un nouveau plan d'actions contre les RPS (risques psycho-sociaux) dans le rapport d'activité du service social de l'entreprise pour l'année 2017 sans que le contenu précis n'en soit révélé par les seules pièces produites.

Il est d'ailleurs significatif que dans le rapport rendu le 28 juin 2018 à la demande du CHSCT, il a notamment été préconisé la remise à jour du document unique en intégrant les RPS'; ce dont il peut effectivement se déduire que ceux-ci en étaient absents ou insuffisamment pris en compte.

Le rapport précité du service social pour l'année 2017 fait au demeurant état d'une dégradation générale des conditions de travail dans l'établissement dans les termes suivants': «'L'année 2017 aura été marqué par l'annonce d'un projet de PSE conséquent, puisque touchant 345 emplois (presque 50 % de l'effectif) sur le site de [Localité 5]. Dans une situation où la souffrance au travail augmentait déjà d'année en année, cette annonce ne pouvait pas améliorer la situation. Le pôle médico-social a donc vu sa fréquentation augmenter après cette annonce (').'».

La circonstance que Mme [E] ait été en arrêts de travail depuis 26 février 2018 lorsqu'elle s'est plainte de ses conditions de travail n'exonérait pas l'employeur de l'informer des mesures mises en 'uvre au titre des risques psychosociaux, a fortiori alors qu'un projet de réorganisation économique de l'entreprise était en cours et qu'il existait avant même celui-ci le constat d'une augmentation de la souffrance au travail d'après un document édité en 2017 par le service social et versé aux débats par l'employeur lui-même.

La convocation de la salariée à une visite médicale à la médecine du travail au début de l'année 2019 ne saurait constituer une mesure suffisante et nécessaire dès lors que Mme [E] a fait état auprès de Mme [L] de carences managériales et organisationnelles qui relèvent avant tout des prérogatives de l'employeur, qui doit mettre en 'uvre, dans le cadre de son obligation de prévention et de sécurité, une organisation et des moyens adaptés.

Par ailleurs, la société GE Hydro France soutient certes à juste titre que s'agissant des mesures relatives à la prévention des risques psycho-sociaux, la décision d'homologation de la DIRRECTE du 01 juin 2018 qui a considéré que les mesures nécessaires avaient été prises en la matière à l'autorité de la chose décidée.

Toutefois, la société GE Hydro France n'a pas cru produire sa réponse du 12 novembre 2017 à l'injonction formulée le 23 octobre 2017 par l'administration du travail de sorte que la juridiction n'a pas connaissance du document explicitant l'impact du projet de réorganisation sur la charge de travail, les conditions de travail, la sécurité, les missions et organisations cibles et risques psychosociaux visé par la décision du 01 juin 2018 d'homologation de l'accord majoritaire portant plan de sauvegarde de l'emploi si bien qu'elle est placée dans l'impossibilité de vérifier que Mme [E], dans la mise en 'uvre du plan de sauvegarde de l'emploi selon accord majoritaire a bien bénéficié des mesures justifiées par l'employeur auprès de l'administration.

Il apparait qu'une cellule d'écoute psychologique a été mise en place le 19 octobre 2017.

L'employeur ne prouve pas que Mme [E] a été informée de son existence puisque n'étant pas une des destinataires du mailing du 19 octobre 2017.

Il en est de même s'agissant de la cellule RPS.

La société GE Hydro France se prévaut également de sessions de formation à l'égard des managers, notamment pour la détection et la prévention des risques psychosociaux.

Pour autant, les documents produits n'établissent aucunement que M. [G], basé au Canada et qui encadrait la salariée depuis mai 2017, a pu y participer.

Son nom ne figure ainsi pas sur le suivi d'actions BPI.

Il s'ensuit que l'employeur ne justifie pas suffisamment avoir rempli son obligation de prévention des risques tant dans le cadre qu'indépendamment du projet de réorganisation économique à l'égard de Mme [E].

Le jugement est réformé sur ce point, un manquement étant retenu.

Si Mme [E] ne saurait sous couvert d'une demande indemnitaire au titre de l'obligation de prévention et de sécurité obtenir en réalité l'indemnisation d'une éventuelle maladie professionnelle, il n'en demeure pas moins qu'elle a incontestablement subi un préjudice moral pour avoir été soumise pendant plusieurs mois à des conditions de travail dégradées qu'il y a lieu d'indemniser à hauteur de 5000 euros.

La société GE Hydro France est condamnée au paiement de cette somme par infirmation du jugement entrepris, le surplus de la demande de ce chef étant rejeté.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail':

Conformément aux articles 1224 et suivants du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement, la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté peut demander au juge la résolution du contrat.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée.

En cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce, sauf si le salarié a été licencié dans l'intervalle de sorte qu'elle produit alors ses effets à la date de l'envoi de la lettre de licenciement.

Les manquements de l'employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail et pour répondre à cette définition, les manquements invoqués par le salarié doivent non seulement être établis, mais ils doivent de surcroît être suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

En'l'espèce, les manquements de l'employeur sont suffisamment graves pour avoir empêché la poursuite du contrat de travail en ce que la société GE Hydro France n'a pas apporté de réponse appropriée et utile au reproche circonstancié de Mme [E] s'agissant de la dégradation de ses conditions de travail et qu'il est retenu une inexécution fautive à l'égard de la salariée du plan de départ volontaire, celle-ci s'étant vu opposer un refus n'étant pas justifié par des éléments objectifs en application de l'accord conventionnel prévoyant ledit plan.

Infirmant le jugement entrepris, il convient de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [E] aux torts de la société GE Hydro France produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à effet du 27 août 2020, date de la notification du licenciement.

Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail':

Premièrement, dès lors que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, par infirmation du jugement entrepris et peu important que la salariée n'ait pas été en capacité d'exécuter le préavis, il convient de condamner la société GE Hydro France à payer à Mme [E] la somme de 12942 euros brut à titre d'indemnité conventionnelle compensatrice de préavis, outre 1294,20 euros brut au titre des congés payés afférents, déduction à faire de la somme de 5348,25 euros net que la société GE Hydro France doit par ailleurs restituer de plein droit en vertu du présent arrêt à Mme [E] dès lors qu'elle est déboutée de sa demande de répétition de l'indu par infirmation du jugement entrepris.

Deuxièmement, au visa de l'article L 1235-3 du code du travail, au jour de son licenciement injustifié, Mme [E] avait un salaire de l'ordre de 4314 euros et une ancienneté de plus de 8 années.

Elle justifie d'un classement en invalidité catégorie 2 rendant ses perspectives de retour à l'emploi particulièrement difficiles voire compromises.

Il convient, au vu de ces éléments, de condamner la société GE Hydro France à payer à Mme [E] la somme de 34512 euros brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le moyen tiré de l'inconventionnalité du plafond d'indemnisation n'étant pas opérant dès lors que la cour d'appel a souverainement apprécié le préjudice subi dans les limites du barème.

Le surplus de la demande à ce titre n'est pas accueilli.

Sur la demande de répétition de l'indu':

Au visa des articles 1302 et suivants du code civil, il incombe à celui qui prétend avoir fait un paiement indu d'en rapporter la preuve. (Soc., 20 octobre 1998, pourvoi n°96-41698 ; Soc., 27 janvier 2016, pourvoi n° 14-11860).

En l'espèce, il apparait que suite à la notification de licenciement pour inaptitude en date du 27 août 2020, l'employeur a édité le 28 septembre 2020 une attestation Pôle emploi faisant état d'un licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle, un bulletin de paie de décembre 2020 avec deux mois d'indemnité compensatrice de préavis et un solde de tout compte le 31 août 2020 mentionnant une indemnité de licenciement doublée'; ce qui correspond à une indemnité spéciale de licenciement au sens de l'article L 1226-14 du code du travail.

Par lettre du 20 janvier 2021, l'employeur a demandé à Mme [E] le remboursement des sommes de 10614,12 euros net versée lors du solde de tout compte en septembre 2020 et celle de 5248,25 euros net payée en décembre 2020 en considérant qu'il s'agissait d'un trop perçu et ce, sans la moindre explication, éditant de manière contemporaine une nouvelle attestation Pôle emploi et un solde de tout compte rectifiés faisant état d'un licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle.

Par l'intermédiaire de son conseil, Mme [E] a refusé, par lettre du 26 février 2021, cette restitution, estimant avoir été remplie de ses droits.

La société GE Hydro France inverse la charge de la preuve lorsqu'elle soutient à hauteur d'appel (page 26/30 des conclusions d'appel) que Mme [E] ne démontre pas à quel titre elle peut réclamer le paiement d'un préavis et d'une indemnité de licenciement doublée à l'exception des documents de fin de contrat erronés édités en septembre 2020 alors même qu'il appartient à l'employeur de prouver la réalité de l'indu étant observé que Mme [E] développe des moyens au titre de l'origine professionnelle de son inaptitude fondant son licenciement et invoque l'applicabilité des dispositions de l'article L 1226-14 du code du travail.

La seule circonstance que les arrêts maladie de Mme [E] aient été pour maladie simple ne permet pas de caractériser la preuve d'une erreur par l'employeur dans le paiement des indemnités de rupture en ce que le régime de l'inaptitude professionnelle est autonome par rapport à celui des maladies professionnelles relevant du code de la sécurité sociale.

Surtout, il est observé que le licenciement pour inaptitude est intervenu le 27 août 2020 alors même que Mme [E] avait initié une procédure de résiliation judiciaire de son contrat de travail en se prévalant d'un manquement de l'employeur à son obligation de prévention et de sécurité ayant eu pour effet allégué une dégradation de son état de santé'; ce dont elle a expressément fait part à son employeur par courriel du 21 décembre 2018 alors qu'elle se trouvait en arrêt maladie depuis de nombreux mois.

La lettre de licenciement ne comporte aucune indication sur l'origine de l'inaptitude, de même que l'avis d'inaptitude du 20 juillet 2020.

La nature des échanges entre le médecin du travail et l'employeur en date du 20 juillet 2020 préalable à cette déclaration d'inaptitude, est ignorée, la société GE Hydro France, ne fournissant aucun élément à ce titre.

Sauf à inverser la charge de la preuve, il ne saurait être exigé de Mme [E], qui fournit divers documents médicaux sur lesquels l'employeur développe des moyens en défense, qu'elle établisse, dans le cadre de la répétition de l'indu que son inaptitude a au moins en partie et de manière certaine une origine professionnelle et que l'employeur en était informé.

Les circonstances de l'espèce permettent au demeurant de considérer que la condition de l'information était remplie puisque la salariée s'était prévalue de la dégradation de son état de santé à raison de ses conditions de travail avant sa déclaration d'inaptitude et la cour d'appel reste en définitive dans l'ignorance des motifs ayant déterminé le médecin du travail a prononcé l'inaptitude définitive au poste, le fait que le médecin du travail ait pu considérer que ladite inaptitude avait au moins en partie une origine professionnelle ne pouvant être écarté.

Enfin, la cour d'appel ne peut qu'observer que l'employeur ne donne aucune explication au fait qu'il a considéré à au moins deux périodes distinctes que Mme [E] pouvait obtenir des sommes correspondant aux indemnités de l'article L 1226-14 du code du travail, à savoir en août/septembre 2020 puis de nouveau en décembre 2020 en éditant un bulletin de salaire.

Aucune pièce n'explique son changement de position en janvier 2021 et ce alors que la demande reconventionnelle en répétition de l'indu n'a été formée qu'aux termes des conclusions n°3 du 12 mai 2021.

Enfin, le fait qu'il soit en définitive prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail n'est pas un obstacle à l'applicabilité de l'article L 1226-14 du code du travail. (Soc. 15 sept. 2021 n° 19-24.498).

Infirmant le jugement entrepris, il convient en conséquence de débouter la société GE Hydro France en sa demande de remboursement des sommes de 10614,12 euros net au titre d'un trop perçu allégué d'indemnité de licenciement et celle de 5248,25 euros net au titre d'un trop perçu d'indemnité compensatrice de préavis.

La demande de Mme [E] tendant à voir condamner la société GE Hydro France à lui payer la somme de 10614,12 euros net à titre de solde de l'indemnité de licenciement est déclarée sans objet dès lors qu'elle en obtient la restitution en vertu du présent arrêt par l'infirmation prononcée au titre de la demande reconventionnelle de la société GE Hydro France.

Sur les demandes accessoires':

L'équité commande de condamner la société GE Hydro France à payer à Mme [E] une indemnité de procédure de 2500 euros.

Le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejeté.

Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner la société GE Hydro France, partie perdante, aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS';

La cour, statuant publiquement contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi';

REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la société GE Hydro France à raison de la demande alléguée comme nouvelle de Mme [E]

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau,

DIT que la société GE Hydro France a exécuté de manière déloyale le contrat de travail

DIT que la société GE Hydro France a manqué à son obligation de prévention et de sécurité

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [E] aux torts de la société GE Hydro France avec effet au 27 août 2020, produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

CONDAMNE la société GE Hydro France à payer à Mme [E] les sommes suivantes':

- douze mille neuf cent quarante-deux euros (12942 euros) brut à titre d'indemnité conventionnelle compensatrice de préavis, outre mille deux cent quatre-vingt-quatorze euros et vingt centimes (1294,20 euros) brut au titre des congés payés afférents, déduction à faire de la somme de 5348,25 euros net que la société GE Hydro France doit par ailleurs restituer de plein droit en vertu du présent arrêt

Outre intérêts au taux légal sur ces deux sommes à compter du 29 décembre 2020 (date de la demande en justice)

- cinq mille euros (5000 euros) net au titre de l'exécution fautive du contrat de travail

- cinq mille euros (5000 euros) net au titre du manquement à l'obligation de prévention et de sécurité

- trente-quatre mille cinq cent douze euros (34512 euros) brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Outre intérêts au taux légal sur ces trois sommes à compter du prononcé de l'arrêt

DÉBOUTE la société GE Hydro France de ses prétentions au titre de la répétition de l'indu pour les sommes de 10614,12 euros net et de 5248,25 euros net

RAPPELLE que le présent arrêt constitue de plein droit un titre exécutoire pour la restitution des sommes réglées en vertu de dispositions exécutoires par provision infirmées

DÉCLARE sans objet la demande de Mme [E] tendant à voir condamner la société GE Hydro France à lui payer la somme de 10614,12 euros net à titre de solde de l'indemnité de licenciement

DÉBOUTE Mme [E] du surplus de ses demandes au principal

CONDAMNE la société GE Hydro France à payer à Mme [E] une indemnité de procédure de 2500 euros

REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société GE Hydro France aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 22/01964
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;22.01964 ?
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