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30/11/2005 | FRANCE | N°04/01373

France | France, Cour d'appel de Lyon, 30 novembre 2005, 04/01373


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE R.G : 04/01373 X... C/ ASSOCIATION AGEMETRA APPEL D'UNE DÉCISION DU : Conseil de Prud'hommes de LYON du 15 Janvier 2004 RG :

02/03806 COUR D'APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2005 APPELANT : Monsieur François X... 8 rue des Chavannes 69660 COLLONGES AU MONT D'OR comparant en personne, assisté de Maître MICHAL DUPOIZAT, avocat au barreau de LYON substitué par Me Julien MICHAL, avocat au barreau de LYON INTIMÉE :

ASSOCIATION AGEMETRA (Association de Gestion Interentreprises de Médecine du Travail) 39 rue Vaubecour 69287 L

YON CEDEX 02 représentée par Maître Gabrielle MILLIER, avocat au bar...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE R.G : 04/01373 X... C/ ASSOCIATION AGEMETRA APPEL D'UNE DÉCISION DU : Conseil de Prud'hommes de LYON du 15 Janvier 2004 RG :

02/03806 COUR D'APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 30 NOVEMBRE 2005 APPELANT : Monsieur François X... 8 rue des Chavannes 69660 COLLONGES AU MONT D'OR comparant en personne, assisté de Maître MICHAL DUPOIZAT, avocat au barreau de LYON substitué par Me Julien MICHAL, avocat au barreau de LYON INTIMÉE :

ASSOCIATION AGEMETRA (Association de Gestion Interentreprises de Médecine du Travail) 39 rue Vaubecour 69287 LYON CEDEX 02 représentée par Maître Gabrielle MILLIER, avocat au barreau de LYON substitué par Maître Jérôme CHOMEL DE VARAGNES, avocat au barreau de LYON

PARTIES CONVOQUÉES LE : 14 février 2005 DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 28 septembre 2005 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DELIBERE : Monsieur Didier JOLY, Président Monsieur Dominique DEFRASNE, Conseiller Madame Aude LEFEBVRE, Conseiller Assistés pendant les débats de Mme Ingrid Y..., Greffier. ARRÊT :

CONTRADICTOIRE Prononcé publiquement le 30 novembre 2005, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Signé par Monsieur Didier JOLY, Président, et par Madame Yolène Z..., Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

[*************]

LA COUR,

Statuant sur l'appel interjeté le 10 février 2004 par François X... d'un jugement rendu le 15 janvier 2004 par le Conseil de Prud'hommes de LYON (section encadrement) qui a : - dit et jugé que la procédure de licenciement était régulière, - dit et jugé que le motif du licenciement était réel et sérieux, - dit et jugé que François X... avait été licencié dans des circonstances vexatoires, - en conséquence, condamné l'AGEMETRA à payer à François X... une somme de 25 000 ç à titre de dommages-intérêts pour licenciement dans des conditions vexatoires et blessantes, - condamné l'AGEMETRA à verser à François X... la somme de 700, 00 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,- débouté François X... du surplus de ses demandes ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 28 septembre 2005 par François X... qui demande à la Cour de : 1o) réformer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de LYON le 15 janvier 2004, 2o) dire et juger que le licenciement de François X... ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse, 3o) dire et juger que François X... a été licencié de manière abusive dans des circonstances particulièrement brutales et vexatoires, 4o) en conséquence, condamner l'AGEMETRA à payer à François X... la somme de 131 307, 00 ç à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, 5o) dire et juger que l'AGEMETRA a porté atteinte à la dignité de François X... en portant à la connaissance de l'ensemble du personnel, et sans motif légitime, son licenciement, 6o) condamner, en conséquence, l'AGEMETRA à payer à François X... la

somme de 43 764, 00 ç, 7o) condamner l'AGEMETRA à payer à François X... la somme de 3 000, 00 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales par l'Association de gestion interentreprises de médecine du travail (AGEMETRA) qui demande à la Cour de : - confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement de François X... reposait sur une cause réelle et sérieuse, - l'infirmer pour le surplus, - débouter François X... de l'intégralité de ses demandes ;

Attendu que François X... a été engagé le 15 décembre 1976 par l'Association de gestion interentreprises de médecine du travail (AGEMETRA) qui applique la convention collective du personnel des services interentreprises de médecine du travail ; qu'à dater du 11 février 1998, il a assumé les fonctions de comptable-responsable paie (catégorie cadre, position II B), moyennant un salaire mensuel brut moyen de 3 647, 00 ç (23 922, 75 F) ;

Que par lettre remise en main propre le 23 juillet 2002, l'AGEMETRA a convoqué François X... le 26 août en vue d'un entretien préalable à son licenciement pour faute grave ; que le salarié a bénéficié de congés payés du 24 juillet au 16 août 2002 ; que par lettre recommandée du 2 août 2002, l'employeur a invité François X... à rester à son domicile pendant la semaine du 19 au 23 août 2002, au cours de laquelle son salaire lui serait maintenu ; qu'après l'entretien préalable, le salarié s'est expliqué sur les griefs qui lui étaient faits dans deux lettres des 26 et 28 août 2002 ;

Que par courrier électronique du 28 août 2002, l'AGEMETRA a transmis à l'ensemble du personnel la note d'information suivante :

A l'issue d'un contrôle de la paie effectué par le commissaire aux comptes, nous avons estimé, le président POURPRIX et moi-même, qu'il

n'était plus possible non seulement de maintenir monsieur X... à son poste mais également de poursuivre toute forme de collaboration avec ce dernier.

Vous voudrez bien, durant la vacance du poste, adresser toutes questions concernant la gestion du personnel directement à Mme A... par messagerie.

Que par lettre recommandée du 2 septembre 2002, l'employeur, après avoir rappelé "l'ensemble d'erreurs particulièrement grossières et donc absolument inadmissibles de la part d'un cadre ayant son ancienneté et son niveau de compétence", commises par François X..., a proposé à ce dernier, compte tenu de sa situation personnelle et sur la suggestion du délégué syndical, une sanction alternative à son licenciement, à savoir une rétrogradation à un poste d'employé administratif (coefficient 190), moyennant un salaire mensuel brut de 2 069 ç (13 571, 75 F) ; qu'il a donné au salarié un délai de dix jours pour faire connaître sa décision ; que par lettre du 9 septembre 2002, celui-ci a refusé la modification disciplinaire de son contrat de travail ;

Que par courrier électronique du 9 septembre 2002, l'AGEMETRA a transmis à l'ensemble du personnel la note suivante :

Il y a un certain nombre de rumeurs totalement infondées qui circulent concernant le départ de Monsieur X...

Afin d'y mettre un terme, je vous informe que le motif principal de cette décision provient du constat que, depuis plus d'un an, les remboursements d'arrêts maladie auprès de la CPAM et des institutions de prévoyance n'étaient plus demandés. Ceci entraînant un préjudice pour l'AGEMETRA supérieur à 500 000 francs.

Enfin, il convient de noter qu'une proposition d'affectation à un autre poste a été soumise à Monsieur X...

Que par lettre recommandée du 17 septembre 2002, l'AGEMETRA a notifié à François X... son licenciement en raison des graves erreurs suivantes, commises par le salarié dans l'accomplissement de ses fonctions, certaines d'entre elles ayant eu en outre des conséquences désastreuses vis à vis du personnel et étant susceptibles d'entraîner une grave détérioration du climat social : - absence de suivi de remboursement des salaires auprès de la CPAM, - absence de suivi de remboursement des salaires auprès de l'institution CRI, - absence de suivi de remboursement des salaires auprès de l'institution MICIL/APICIL, - déclaration ASSEDIC de Monsieur B... fausse, double de sa rémunération réelle, - absence de salaire, en juillet 2002, de Mme C... en congés annuels sur ce mois, - erreur de calcul de l'absence pour maladie de Mme D... (traitée à temps complet et non à temps partiel), - relance le 5 juillet avec A R de l'APICIL pour déclaration annuelle des salaires 2001 non-conforme, avec menace de contentieux, - gestion des congés de Madame E... fausse, jours non déduits, - erreur sur calcul prime Mme E..., - absence de règlement des heures de nuit du Docteur F... pour le mois de juin, - absence de règlement des heures de nuit du Docteur G... pour le mois de juin, - non prise en compte du changement d'horaire de Mme H... qui est passée à temps partiel au mois de janvier 2002. Bulletins faux de janvier à août. - tickets restaurants : solde 2001 non justifié, non déclaré,

- absence de suivi des jours de RTT Direction ;

Que le 27 septembre 2002, François X... a saisi le Conseil de Prud'hommes qui a rendu le jugement entrepris ; Sur la date de la rupture :

Attendu que les courriers électroniques adressés à l'ensemble du personnel les 28 août et 9 septembre 2002 ne constituaient pas la notification individuelle à François X... d'une décision irrévocable de rompre son contrat de travail ; qu'en effet, quatre jours seulement après le premier de ces courriers, l'AGEMETRA a adressé à François X... une proposition de modification disciplinaire de son contrat de travail, démontrant qu'il existait une alternative à la rupture ; que le moyen pris d'un licenciement non motivé, antérieur à la lettre du 17 septembre 2002, est donc inopérant ; Sur la prescription :

Attendu que s'il résulte des dispositions de l'article L 122-44 du code du travail qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, la prescription ne court qu'autant que l'employeur a une connaissance exacte et complète des faits susceptibles d'être sanctionnés ;

Qu'en l'espèce, l'AGEMETRA a demandé à Jacques MOINIER, commissaire aux comptes, par lettre du 24 juin 2002, d'effectuer un audit sur les dysfonctionnements supposés du service paie ; que seul le rapport du commissaire aux comptes daté du 17 juillet 2002 a donné à l'employeur une connaissance pleine et entière de l'étendue et des conséquences préjudiciables du principal fait fautif imputé à François X... ; que la prescription n'était donc pas acquise le 23 juillet 2002, date d'engagement de la procédure de licenciement disciplinaire ; Sur les motifs du licenciement :

Attendu qu'il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige et de former sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, conformément aux dispositions de l'article L 122-14-3 du code du travail ;

Que le commissaire aux comptes de l'AGEMETRA a procédé au rapprochement systématique des feuilles d'arrêt-maladie, des heures d'absence mentionnées sur les fiches de paie, des attestations de salaires (quand elles avaient été établies) et des remboursements reçus des différentes Caisses primaires d'assurance-maladie ainsi que des organismes de prévoyance (CRI et APICIL) sur la période du 1er juillet au 31 décembre 2001 ; qu'il en est ressorti d'une part que des attestations de salaires n'avaient pas été établies ni transmises aux C.P.A.M., d'autre part que les demandes d'indemnités complémentaires n'avaient pas été adressées à la CRI (employés) ou à l'APICIL (cadres), alors que l'AGEMETRA avait maintenu 90% du salaire en cas de maladie ; que le montant des indemnités non réclamées aux différentes caisses ou organismes s'élevait sur la seule période vérifiée à 56 979 ç (373 756 F), minorant d'autant le résultat avant impôt de l'exercice clos le 31 décembre 2001 ; qu'ayant poursuivi ses sondages sur l'année 2002, Jacques MOINIER a constaté que les formalités de demande de remboursement des indemnités journalières, dont l'AGEMETRA avait fait l'avance, n'étaient même plus adressées à la C.P.A.M. ; que le Groupe APICIL, qui avait émis le 10 avril 2002 la déclaration annuelle des salaires de l'exercice 2002, a rappelé à l'AGEMETRA, par lettre recommandée du 5 juillet 2002, que l'absence des documents relatifs à cette déclaration ne lui permettait ni d'apurer le compte de cotisations ni de mettre à jour le compte de points de ses salariés ; que si la surcharge de travail alléguée peut excuser un certain nombre d'erreurs ou d'omissions visées dans la lettre de licenciement, et dont la matérialité n'est pas contestée, elle ne peut expliquer le délaissement complet et prolongé, à l'insu de l'employeur, du contrôle interne et du suivi des indemnités journalières consécutives aux absences pour maladie ; que l'ancienneté et l'expérience de François X..., qui ne pouvait

ignorer l'impact de son inertie sur la trésorerie de l'association, ne permettent pas de considérer que ce grief relève de l'insuffisance professionnelle ; que les faits mentionnés par le commissaire aux comptes justifiaient à eux seuls le licenciement disciplinaire de François X... ; qu'en conséquence, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a retenu l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement ; Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement dans des conditions vexatoires :

Attendu que le fait de porter à la connaissance du personnel, sans motif légitime, les agissements d'un salarié nommément désigné constitue une atteinte à la dignité de celui-ci de nature à lui causer un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi ; qu'il en est ainsi, en l'espèce, des deux courriers électronique adressés à l'ensemble du personnel avant la notification de son licenciement à François X... ; qu'en revanche, il y a lieu de tenir compte de ce que les informations divulguées par l'AGEMETRA étaient exactes et le licenciement justifié pour réduire le montant des dommages-intérêts alloués à François X... par le Conseil de Prud'hommes, excessifs au regard du préjudice moral effectivement causé au salarié ; qu'une indemnité de 10 000 ç sera allouée à ce dernier ; Sur les frais irrépétibles :Sur les frais irrépétibles :

Attendu qu'il est équitable de laisser chacune des parties supporter les frais qu'elle a exposés devant la Cour et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS,

Reçoit l'appel régulier en la forme,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a : - dit et jugé que la procédure de licenciement était régulière, - dit et jugé que le motif

du licenciement était réel et sérieux, - dit et jugé que François X... avait été licencié dans des circonstances vexatoires, - condamné l'Association de gestion interentreprises de médecine du travail (AGEMETRA) à verser à François X... la somme de 700,00 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, - condamné l'Association de gestion interentreprises de médecine du travail (AGEMETRA) aux dépens de première instance ;

Infirme le jugement sur le quantum des dommages-intérêts alloués,

Statuant à nouveau :

Condamne l'Association de gestion interentreprises de médecine du travail (AGEMETRA) à payer à François X... la somme de dix mille euros (10 000 ç) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral consécutif aux circonstances vexatoires du licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2004, date du jugement ;

Déboute François X... du surplus de ses demandes,

Le condamne aux dépens d'appel.

LE GREFFIER

LE PRÉSIDENT

Y. Z...

D. JOLY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 04/01373
Date de la décision : 30/11/2005
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2005-11-30;04.01373 ?
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