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27/02/2009 | FRANCE | N°08/01135

France | France, Cour d'appel de Lyon, Ct0535, 27 février 2009, 08/01135


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R. G : 08 / 01135

X...

C / Me André-Charles Y...- Mandataire liquidateur de SARL CARAIBE SARL CARAIBE AGS CGEA DE PARIS AGS CGEA DE CHALON-SUR-SAONE

APPEL D'UNE DÉCISION DU : Conseil de Prud'hommes de SAINT-ETIENNE du 21 Janvier 2008 RG : F 06 / 00517

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 27 FEVRIER 2009

APPELANT :

Jean-Pierre X...... 42100 SAINT-ETIENNE

comparant en personne, assisté de Monsieur Gérard Z..., délégué syndical ouvrier
INTIMÉS :
Maître André-Char

les Y..., es qualité de liquidateur de SARL CARAIBE... ...

représenté par Maître Hélène CROCHET, avocat au barreau de...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R. G : 08 / 01135

X...

C / Me André-Charles Y...- Mandataire liquidateur de SARL CARAIBE SARL CARAIBE AGS CGEA DE PARIS AGS CGEA DE CHALON-SUR-SAONE

APPEL D'UNE DÉCISION DU : Conseil de Prud'hommes de SAINT-ETIENNE du 21 Janvier 2008 RG : F 06 / 00517

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 27 FEVRIER 2009

APPELANT :

Jean-Pierre X...... 42100 SAINT-ETIENNE

comparant en personne, assisté de Monsieur Gérard Z..., délégué syndical ouvrier
INTIMÉS :
Maître André-Charles Y..., es qualité de liquidateur de SARL CARAIBE... ...

représenté par Maître Hélène CROCHET, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

AGS CGEA DE CHALON-SUR-SAONE 4 rue de Lattre de Tassigny B. P 338 71108 CHALON SUR SAONE CEDEX

représenté par la SCP DESSEIGNE ET ZOTTA, avocats au barreau de LYON substitué par Maître Cécile ZOTTA, avocat au même barreau
PARTIES CONVOQUÉES LE : 28 novembre 2008
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 27 Janvier 2009
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Bruno LIOTARD, Président Hélène HOMS, Conseiller Marie-Claude REVOL, Conseiller

Assistés pendant les débats de Radia GRAIRI, Adjoint administratif faisant fonction de greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 27 Février 2009, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Bruno LIOTARD, Président, et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
************* EXPOSE DU LITIGE

Jean-Pierre X... a été embauché par la S. A. R. L. CARAÏBE en qualité de commercial du 2 mai au 23 juin 2006 selon un contrat de travail à durée déterminée puis, à compter du 10 juillet 2006, selon un contrat nouvelle embauche ; par lettre recommandée du 5 octobre 2006, l'employeur a notifié la rupture du contrat de travail au 22 octobre 2006 ;
Le 4 juillet 2007, le Tribunal de commerce de SAINT-ETIENNE a prononcé la liquidation judiciaire de la S. A. R. L. CARAÏBE et a désigné maître Y... en qualité de liquidateur ;
Jean-Pierre X... a contesté la rupture du contrat de travail devant le Conseil des prud'hommes de SAINT-ETIENNE et a réclamé l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité de précarité, des dommages et intérêts et une indemnité au titre des frais irrépétibles ;
Par jugement du 21 janvier 2008, le conseil des prud'hommes a débouté Jean-Pierre X... de l'ensemble de ses prétentions, a rejeté la demande présentée par la S. A. R. L. CARAÏBE au titre des frais irrépétibles et a laissé les dépens de l'instance à la charge de Jean-Pierre X... ;
Le jugement a été notifié le 24 janvier 2008 à Jean-Pierre X... qui a interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 15 février 2008 ;
Par conclusions reçues au greffe le 26 novembre 2008 maintenues et soutenues oralement à l'audience, Jean-Pierre X... :- fait valoir que le contrat nouvelle embauche n'est pas conforme à la convention 158 de l'Organisation Internationale du Travail et demande sa requalification en contrat de travail à durée indéterminée,- soutient le caractère abusif de la rupture du contrat de travail qui n'est pas motivée et réclame la somme de 5. 817, 24 € à titre de dommages et intérêts,- soutient l'irrégularité de la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail qui n'a pas été précédée d'un entretien avec l'assistance d'un conseiller et réclame la somme de 2. 000 € à titre de dommages et intérêts ;

Par conclusions reçues au greffe les 22 et 26 janvier 2009 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la S. A. R. L. CARAÏBE, représentée par son liquidateur :- admet que le contrat nouvelle embauche a été abrogé par la loi de modernisation du marché du travail no 2008-596 du 25 juin 2008 et a été invalidé par un arrêt rendu le 1er juillet 2008 par la Cour de Cassation,- souligne que l'abrogation du contrat nouvelle embauche ne peut pas être rétroactive,- explique s'être scrupuleusement conformée aux prescriptions de l'ordonnance no 2005-893 du 2 août 2005 sur le contrat nouvelle embauche en vigueur au moment de la rupture du contrat de travail,- prétend que l'ordonnance précitée constitue un fait justificatif l'exonérant de toute responsabilité dans la rupture du contrat de travail,- ajoute que la requalification du contrat nouvelle embauche en contrat de travail à durée indéterminée par la loi du 25 juin 2008 et l'arrêt du 1er juillet 2008 résulte de l'inconventionnalité de l'ordonnance en cause et non de son comportement d'employeur qui n'aurait pas respecté les textes applicables,- demande donc le rejet de la demande en requalification du contrat de travail et de la demande de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure,- subsidiairement, estime que l'indemnité pour irrégularité de procédure doit être symbolique,- affirme que la rupture du contrat de travail reposait sur une cause réelle et sérieuse, à savoir l'insuffisance de résultat du salarié, et entend voir rejetée la demande de dommages et intérêts pour rupture abusive,- subsidiairement, chiffre le préjudice subi par le salarié à la somme de 2. 162 € ;

Par conclusions reçues au greffe le 22 janvier 2009 maintenues et soutenues oralement à l'audience, l'A. G. S. et le Centre de Gestion et d'Etude de l'A. G. S. de CHALON SUR SAONE :- au principal, font valoir que la rupture du contrat de travail a obéi aux règles régissant le contrat nouvelle embauche et que l'employeur n'a commis aucune faute pour voir rejeter les demandes de dommages et intérêts,- au subsidiaire, objectent l'absence de préjudice et estiment excessives les demandes indemnitaires ;

MOTIFS DE LA DECISION

L'ordonnance no 2005-893 du 2 août 2005 qui a institué le contrat nouvelle embauche autorise, en son article 2, l'employeur à rompre le contrat par lettre recommandée sans que soit invoqué un motif et sans que soient recueillies préalablement les explications du salarié ; ces modalités de rupture du contrat de travail contreviennent aux prescriptions des articles 4 et 7 de la convention no 158 de l'Organisation Internationale du Travail qui subordonnent le licenciement à un motif valable lié à l'aptitude ou à la conduite du salarié ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise et qui exigent que, préalablement au licenciement, le salarié ait la possibilité de se défendre contre les allégations formulées par son employeur ; or, la convention no 158 de l'Organisation Internationale du Travail est d'application directe en droit interne et, revêtue d'une valeur supra législative, elle prévaut sur l'ordonnance du 2 août 2005 qui a valeur législative ;

Il s'ensuit que la rupture du contrat nouvelle embauche doit respecter les règles d'ordre public du code du travail régissant le contrat de travail à durée indéterminée ;
En l'espèce, la rupture du contrat n'a pas été précédée d'un entretien préalable et la lettre de rupture ne contient aucun motif, l'employeur s'étant limité à informer le salarié de la rupture ;
La rupture est donc intervenue en violation de l'article L. 1232-2 du code du travail qui exige que le licenciement soit prononcé après un entretien du salarié et de l'article L. 1232-6 du code du travail qui impose que la lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs ;
En conséquence, la rupture doit être qualifiée de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et irrégulier et le jugement entrepris doit être infirmé ;
Les textes d'ordre public réglementant la rupture du contrat de travail mettent en place une protection pour les salariés et n'ont pour vocation ni de sanctionner les employeurs ni d'engager leur responsabilité ; le fait justificatif est inopérant dans la mesure où il ne saurait avoir pour effet de priver le salarié de ses droits issus tant des dispositions légales internes d'ordre public et que des dispositions externes supra légales ;
En application de l'article L. 1235-5 du code du travail, Jean-Pierre X... a droit à une indemnité correspondant au préjudice subi pour licenciement sans cause et à une indemnité pour avoir été privé du droit à être entendu et assisté d'un conseiller ;
Jean-Pierre X... percevait une rémunération fixe de 1. 254, 31 € brut ; il avait également droit à une rémunération variable de 10 % du chiffre d'affaire qu'il réalisait ; il a touché au total sur la période travaillé de trois mois des commissions à hauteur de 1. 550, 25 € ; soit un montant mensuel de 516, 75 € ; la rémunération mensuelle brute se montait donc à 1. 771, 06 € ;
Jean-Pierre X... a retrouvé du travail le 8 janvier 2007 ; il est resté au chômage durant deux mois et demi au cours desquels il a perçu des allocations d'un montant total de 1. 427, 76 € ; la perte de gain s'est donc élevée à la somme de 3. 000 € ; au préjudice strictement matériel, s'ajoute le préjudice moral inhérent à tout licenciement sans cause ; dans ces conditions, les dommages et intérêts réparant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse doivent être fixés à la somme de 4. 000 € ;
L'irrégularité du licenciement consistant dans l'absence d'entretien préalable avec l'assistance d'un conseiller doit être réparée par la somme de 700 € ;
En conséquence, il doit être fixé à la liquidation judiciaire de la S. A. R. L. CARAÏBE les créances de Jean-Pierre X... à hauteur de 4. 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et à hauteur de 700 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier ;
L'A. G. S. et le Centre de Gestion et d'Etude de l'A. G. S. de CHALON SUR SAONE admettent devoir leur garantie dans les conditions et limites légales ;
Les dépens de première instance et d'appel doivent être mis au passif de la liquidation judiciaire de la S. A. R. L. CARAÏBE ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Juge applicable à la rupture du contrat nouvelle embauche les règles d'ordre public du code du travail régissant le contrat de travail à durée indéterminée,
Qualifie la rupture du contrat nouvelle embauche de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'irrégulière,
Fixe à la liquidation judiciaire de la S. A. R. L. CARAÏBE les créances de Jean-Pierre X... à hauteur de 4. 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et à hauteur de 700 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier,
Juge que l'A. G. S. et le Centre de Gestion et d'Etude de l'A. G. S. de CHALON SUR SAONE doivent garantir le paiement des sommes précitées dans les conditions et limites légales,
Met les dépens de première instance et d'appel au passif de la liquidation judiciaire de la S. A. R. L. CARAÏBE.

Le Greffier Le Président

Malika CHINOUNE Bruno LIOTARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Ct0535
Numéro d'arrêt : 08/01135
Date de la décision : 27/02/2009

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Formalités légales - Exclusion - Contrat nouvelles embauches - Convention internationale du travail n° 158 - Conformité - Défaut -

Les modalités de rupture du contrat nouvelles embauches, prévues à l'article 2 de l'ordonnance du 2 août 2005, contreviennent aux prescriptions des articles 4 et 7 de la Convention nº 158 de l'Organisation internationale du travail qui subordonnent le licenciement à un motif valable lié à l'aptitude ou à la conduite du salarié ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise et qui exigent que préalablement au licenciement le salarié ait la possibilité de se défendre contre les allégations de son employeur. Dès lors, cette convention étant d'application directe en droit interne et revêtue d'une valeur supra législative, elle prévaut sur l'ordonnance. Ainsi, la rupture d'un contrat nouvelles embauches doit respecter les règles d'ordre public du code du travail régissant le contrat de travail à durée indéterminée


Références :

article 2 de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 devenu l'article L. 1223-4 du code du travail

articles 4 et 7 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Saint-Etienne, 21 janvier 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2009-02-27;08.01135 ?
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